La cérémonie d’ouverture (1/3)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci
n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », du
pur jus de neurone garanti 100 % bio, sortie tout droit de l’imaginaire de son
auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Pour résumé, c’est la première fois qu’une cérémonie d’ouverture des JO se
déroule en dehors d’un stade. Un spectacle de 3 h 45, 10.500 athlètes issus de
206 délégations, 94 bateaux qui défileront sur la Seine, une traversée de six
kilomètres du pont d’Austerlitz au pont d’Iéna (deux belles victoires
napoléoniennes qui auront marqué l’entrée dans le XIXème siècle),
plus de 300.000 spectateurs sur les bords du fleuve, 80 écrans géants, un
milliard de téléspectateurs, un budget de plus de 100 millions d’euros, rien
que pour cette soirée...
Des chiffres qui donnent le tournis.
Une cérémonie qui a lieu vendredi 26 juillet au soir, sous une pluie battante dans sa première partie, et qui a été conçue pour être un grand show inoubliable. Et il l’a été : une grande première dans l’histoire de l’olympisme !
L’idée de cette gigantesque parade sur les eaux a germé dans la tête de
Thierry Reboul, le directeur exécutif des cérémonies de Paris 2024. Il la
présente en 2019 à Tony Estanguet, le président du Cojop (Comité d’organisation
des Jeux olympiques et paralympiques), immédiatement emballé.
La maire de Paris et le président de la République sont également sous le charme.
Le projet est entériné en décembre 2021 par le Conseil d’administration du Cojop.
Sans un élément essentiel : son coût.
Comme on le racontera plus tard, seul Guy Drut, l’ancien champion olympique du 110 mètres haies, qui est le seul à s’y opposer justement à cause du manque d’informations sur la facture et la sécurité de l’événement.
À l’époque déjà, on peut pourtant s’imaginer que le budget nécessaire pour ce spectacle inoubliable sera élevé. Entre une cérémonie se déroulant dans l’enceinte d’un stade et une déambulation de six kilomètres sur les eaux, la différence de coût est forcément considérable. « Pour Paris 2024, c’est un dossier chaud : les cérémonies d’ouverture sont traditionnellement fastueuses, mais pour celle-ci les frais de sécurité viennent gonfler le coût », estime prudemment un économiste du sport.
Le coût de la cérémonie d’ouverture faisait d’ailleurs partie des éléments qui pourraient faire déraper le budget des JO. Dans son rapport de 2023, la Cour des comptes signale que « l’un des enjeux principaux de la maîtrise de la dépense réside dans les arbitrages à rendre sur le niveau de services ainsi que sur les manifestations associées aux Jeux, telles que les cérémonies d’ouverture et de clôture ou encore le relais de la Flamme ».
Si le Cojop a longtemps refusé de communiquer sur ce point-là, début
juillet fuite une note interne datant de février et détaillant la facture en
fonction de différents scénarios. Première hypothèse : la cérémonie se déroule
comme prévu sur la Seine.
La parade nautique devrait alors coûter entre 120 et 130 millions d’euros. Soit quatre fois plus que la cérémonie d’ouverture des JO de Londres en 2012, estimée à 34,5 millions d’euros.
Si l'événement devait finalement se tenir en format réduit au Trocadéro, en cas de crue ou de problème de sécurité par exemple (le fameux « plan B » plusieurs fois évoqué), la facture s’envolerait à plus de 255 millions d’euros, car il faudrait rembourser les spectateurs ayant acheté des places pour les quais bas, et indemniser les partenaires et sponsors.
Et encore cette facture ne comprend pas les salaires des fonctionnaires spécialement mobilisés pour l’occasion…
Selon une estimation faite par des spécialistes indépendants, la note globale devrait in fine s’établir entre 350 et 500 millions d’euros. De quoi rendre la cérémonie encore plus inoubliable.
Finalement on ne saura pas sur le moment et ça n’a aucune importance puisque la fête aura été particulièrement réussie à quelques avis de grincheux près…
Paris, le temps d’une soirée se sera transformée en espace dramatisé,
semblant concentrer l’énergie du monde, mélangent le pur et l’impur, le
terrestre et le cosmique. Paris rendait hommage à ses sportifs, à ses métiers
et à l’esprit français, mais d’abord au théâtre… Cela faisait très longtemps
que la France n’avait pas connu de grande fête civique, moment « poétique vécue
par les masses », pour reprendre l’expression d’un théoricien de l’art.
Figure de proue d’un nouveau théâtre à la fois artistique et populaire, Thomas Jolly a préparé une cérémonie d’ouverture tranchant avec les attentes de spectateurs habitués à voir, en des occasions similaires, défiler dans des stades aux mornes volumes, des marionnettes entourées de cortèges de figurants.
Elle tranche aussi avec la mémoire, encore en tête, du monumental défilé sur les Champs-Élysées conçu en 1989 par le graphiste Jean-Paul Goude, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française : un hymne jovial « aux tribus planétaires », dont la critique avait aussi relevé le caractère unidimensionnel et consensuel.
Très loin de l’univers pop et publicitaire de Goude, Thomas Jolly a
élaboré un spectacle condensant ses figures de style préférées : la réinvention
des classiques, un imaginaire gothique et romantique, l’attirance pour
l’Antiquité, une esthétique du tableau qui met en ébullition les émotions du
spectateur.
Toutes les marottes du metteur en scène convergent vers un style résolument antinaturaliste, célébrant tous les signes élémentaires du théâtre que sont le masque, le déguisement, le jeu.
Par ses choix de metteur en scène, Thomas Jolly a déjà démontré qu’il avait à cœur de représenter l’histoire au théâtre, mais en se plaçant très loin du « théâtre historique ».
Il se livre plus volontiers à un « théâtre de l’histoire » afin de l’opposer à un théâtre de reconstitution – qui, en la circonstance, était attendu par certains.
Jolly se situe du côté de ce théâtre « du passé ressuscité au profit du présent », de « l’histoire que nos pères ont faite, confrontée avec l’histoire que nous faisons », dont parle Victor Hugo dans la préface de Marie Tudor.
L’histoire de France n’a-t-elle pas, d’ailleurs, l’irrésolution pour
spécificité ?
La période de la Terreur, discutée et débattue depuis l’origine des faits révolutionnaires, est un motif historique et narratif qui, paradoxalement, unit dans la division qu’elle suscite : entre partisans de prendre 1789 comme un fait global, et partisans d’opérer une distinction ontologique entre la Convention et la Terreur.
En réactivant avec le tableau de la Conciergerie un débat pluriséculaire sur la Terreur, Jolly ne ferait ainsi que s’inscrire dans la continuité d’une disputatio bien française.
Il s’éloigne d’un théâtre mémoriel qui n’a pour effet que d’alimenter les clivages identitaires.
Il lui préfère manifestement un théâtre de l’« histoire-problème » activant la conscience historique et l’interprétation collective.
Toutefois, évitant le ton de la commémoration, Jolly mise sur la mimésis, autrement dit le dédoublement du réel qui s’affirme comme tel, pour offrir un moment semblant jaillir hors du temps.
On assiste alors à une réinvention de la fête civique, à une époque où cette dernière s’est vue réduite en miettes.
Le problème de la fête moderne, note un anthropologue du théâtre, « réside dans la différence qui existe entre un pays moderne, hautement diversifié et divisé en classes différentes et opposées, et le but de ces fêtes ».
Plus nous avons avancé dans le temps, plus l’esprit de la fête civique –
très fortement référencée, en France, à la Fête de la Fédération – s’est
morcelé et défait, cela bien avant l’ère postmoderne du fractionnement
identitaire. À son origine, la sectorisation croissante entraînée par le
pluralisme libéral, ainsi que la montée de l’idéologie marxiste qui condamne
fermement ces tentatives de réconciliation, jugées illusoires. Le gauchisme des
années 70 ira encore plus loin encore transformant l’ensemble de l’espace
symbolique (pratiques culturelles, langage, usages) en champ de bataille (les
fameuses « guerres culturelles »). Le marxisme qui imprègne les élites
culturelles et artistiques depuis les années 50 est donc difficilement
compatible avec l’esprit de la fête civique, suspecte de consolider l’idéologie
dominante, de dériver vers le chauvinisme et la fête bourgeoise. Que Barthes
dénonçait dans le sport-spectacle, Debord dans le spectacle télévisuel…
C’est là qu’il faut reconnaître à Jolly d’avoir su s’extraire du piège
tendu qu’était la célébration du « bourgeois conquérant » et de
l’autoglorification occidentale des expositions universelles et coloniales de
jadis. Hormis un peu de marketing inclusif et la référence à LVMH, la cérémonie
– tel son freerunner masqué – se faufile entre les chausse-trappes
grandes ouvertes de la consommation béate du miracle libéral. L’image du coffre
– dont Max Weber fit le symbole de l’accumulation honteuse du capitalisme
triomphant – est ainsi déjouée grâce à la séquence d’escamotage de l’or, or que
l’on retrouvera un peu plus loin pour habiller la chanteuse pop Aya Nakamura –
en qui l’on peut voir un autre symbole « marchand », certes, mais ici mise à
l’honneur en tant que représentante d’une vision réconciliée de la diversité,
dansant avec la Garde républicaine.
Bien entendu, ces séquences recèlent leur propre ambivalence… En twittant
« et en même temps® » lors de la scène Nakamura/Garde républicaine,
Manuel Makarond faisait main basse sur la cérémonie populaire pour la
transformer en liturgie politique libérale : celle des oppositions qui se
résorbent dans le marché résomptif, celle du « there’s no alternative »
(devise thatchérienne dont le « et en même temps® » est la
traduction quasi-littérale…).
C’est en célébrant le théâtre, et le théâtre bien avant l’immobile roman
national, bien avant le pouvoir politique, et même avant la compétition
sportive, que Jolly sort indemne de ces sérieuses embûches semées par le genre
même de la cérémonie officielle. Celle-ci se transforme en un théâtre des
théâtres, où cohabitent la fête de la Fédération (avec, par exemple, la
célébration des métiers d’art), le théâtre forain et Grand-Guignol (la scène de
Marie-Antoinette), les processions, le carnaval, les cortèges civiques de la
fin du Moyen-Âge à la Renaissance, les tableaux vivants, la parade, la
cavalcade… sans oublier le théâtre technique dans lequel le spectacle de la
prouesse scientifique supplante parfois le plaisir procuré par l’histoire
jouée.
Ainsi, la scène tant commentée de l’effigie démultipliée de Marie-Antoinette tenant sa tête coupée, apparaissant dans les meurtrières de la Conciergerie – où elle fut emprisonnée jusqu’à sa condamnation à mort – sur fond de musique métal, se conclut par la projection d’un geyser de rubans rouges qui ensanglantent le tableau, une référence au théâtre après le rideau d’eau tricolore en incipit.
Jolly aura transporté ainsi l’esthétique sanguinolente du Grand-Guignol en plein air, loin des salons de ce théâtre de terreur conçu pour être générateur d’angoisse, à l’origine de l’esthétique gore.
Les organes coupés (têtes, mains, intestins…) y sont volontiers doués de vie, c’est même un lieu commun du genre… Dans « L’Horrible expérience », drame en deux actes d’André de Lorde et Alfred Binet qui met en scène un savant fou, un personnage explique qu’il vient d’assister au miracle de têtes coupées maintenues en vie pendant des heures…
En France, les querelles qui parsèment notre histoire collective divisent
mais aussi rassemblent : la représentation du sang a longtemps été un motif de
débats acérés. Le même public soucieux de bienséances s’est repu de «
guillotinades ».
Le très populaire Musée Madame Tussaud, à Londres, porte d’ailleurs le nom de la Française qui fit sa spécialité des moulages en cire de ces têtes tranchées.
En laissant planer l’ombre de la guillotine qui a toujours ravivé la peur des classes possédantes, Jolly se démarque aussi habilement d’un théâtre de cour – dans lequel aurait pu sombrer sa démonstration.
Et c’est enfin sous l’égide de Dionysos qu’est placée la cérémonie : dieu de la célébration du monde comme représentation démultipliée, mosaïque de phénomènes, incarnation du pouvoir qu’a l’art de se hisser au-dessus des horreurs du temps pour faire entendre une vibration vitale.
Le prologue aux trois enfants perdus dans les canaux souterrains puis sauvés des eaux par le passeur masqué, peut déjà évoquer Dionysos sauvant un enfant prisonnier d’une grotte.
Les Dionysies étaient hiérogamiques (elles représentaient les principes sexuels opposées ainsi que leur réunions), elles révéraient les principes de la terre et de l’eau (cf. image finale de la cavalière « labourant » le fleuve), le dieu apparaissait sur un char tiré par des satyres porteurs de libations – bref, tous les motifs qui se déploient dans cette séquence qui aura été si commentée autour du chanteur Philippe Katerine, nu, maquillé de bleu, grimé qui présente avec une obscénité décente ses rondeurs grassouillettes aux yeux de spectateurs surpris et de téléspectateurs censurés par leurs autorités dans bien des pays… woke ou anti-woke, on ne sait plus bien.
Pour mémoire (n’en
déplaise à « Poux-tine ») : « LE PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE
PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE »,
REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN AGENT « NON RUSSE » !
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
Parrainez Renommez la rue de l'ambassade de Russie à Paris en rue Alexeï Navalny (change.org)
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Des chiffres qui donnent le tournis.
Une cérémonie qui a lieu vendredi 26 juillet au soir, sous une pluie battante dans sa première partie, et qui a été conçue pour être un grand show inoubliable. Et il l’a été : une grande première dans l’histoire de l’olympisme !
La maire de Paris et le président de la République sont également sous le charme.
Le projet est entériné en décembre 2021 par le Conseil d’administration du Cojop.
Sans un élément essentiel : son coût.
Comme on le racontera plus tard, seul Guy Drut, l’ancien champion olympique du 110 mètres haies, qui est le seul à s’y opposer justement à cause du manque d’informations sur la facture et la sécurité de l’événement.
À l’époque déjà, on peut pourtant s’imaginer que le budget nécessaire pour ce spectacle inoubliable sera élevé. Entre une cérémonie se déroulant dans l’enceinte d’un stade et une déambulation de six kilomètres sur les eaux, la différence de coût est forcément considérable. « Pour Paris 2024, c’est un dossier chaud : les cérémonies d’ouverture sont traditionnellement fastueuses, mais pour celle-ci les frais de sécurité viennent gonfler le coût », estime prudemment un économiste du sport.
Le coût de la cérémonie d’ouverture faisait d’ailleurs partie des éléments qui pourraient faire déraper le budget des JO. Dans son rapport de 2023, la Cour des comptes signale que « l’un des enjeux principaux de la maîtrise de la dépense réside dans les arbitrages à rendre sur le niveau de services ainsi que sur les manifestations associées aux Jeux, telles que les cérémonies d’ouverture et de clôture ou encore le relais de la Flamme ».
La parade nautique devrait alors coûter entre 120 et 130 millions d’euros. Soit quatre fois plus que la cérémonie d’ouverture des JO de Londres en 2012, estimée à 34,5 millions d’euros.
Si l'événement devait finalement se tenir en format réduit au Trocadéro, en cas de crue ou de problème de sécurité par exemple (le fameux « plan B » plusieurs fois évoqué), la facture s’envolerait à plus de 255 millions d’euros, car il faudrait rembourser les spectateurs ayant acheté des places pour les quais bas, et indemniser les partenaires et sponsors.
Et encore cette facture ne comprend pas les salaires des fonctionnaires spécialement mobilisés pour l’occasion…
Selon une estimation faite par des spécialistes indépendants, la note globale devrait in fine s’établir entre 350 et 500 millions d’euros. De quoi rendre la cérémonie encore plus inoubliable.
Finalement on ne saura pas sur le moment et ça n’a aucune importance puisque la fête aura été particulièrement réussie à quelques avis de grincheux près…
Figure de proue d’un nouveau théâtre à la fois artistique et populaire, Thomas Jolly a préparé une cérémonie d’ouverture tranchant avec les attentes de spectateurs habitués à voir, en des occasions similaires, défiler dans des stades aux mornes volumes, des marionnettes entourées de cortèges de figurants.
Elle tranche aussi avec la mémoire, encore en tête, du monumental défilé sur les Champs-Élysées conçu en 1989 par le graphiste Jean-Paul Goude, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française : un hymne jovial « aux tribus planétaires », dont la critique avait aussi relevé le caractère unidimensionnel et consensuel.
Toutes les marottes du metteur en scène convergent vers un style résolument antinaturaliste, célébrant tous les signes élémentaires du théâtre que sont le masque, le déguisement, le jeu.
Par ses choix de metteur en scène, Thomas Jolly a déjà démontré qu’il avait à cœur de représenter l’histoire au théâtre, mais en se plaçant très loin du « théâtre historique ».
Il se livre plus volontiers à un « théâtre de l’histoire » afin de l’opposer à un théâtre de reconstitution – qui, en la circonstance, était attendu par certains.
Jolly se situe du côté de ce théâtre « du passé ressuscité au profit du présent », de « l’histoire que nos pères ont faite, confrontée avec l’histoire que nous faisons », dont parle Victor Hugo dans la préface de Marie Tudor.
La période de la Terreur, discutée et débattue depuis l’origine des faits révolutionnaires, est un motif historique et narratif qui, paradoxalement, unit dans la division qu’elle suscite : entre partisans de prendre 1789 comme un fait global, et partisans d’opérer une distinction ontologique entre la Convention et la Terreur.
En réactivant avec le tableau de la Conciergerie un débat pluriséculaire sur la Terreur, Jolly ne ferait ainsi que s’inscrire dans la continuité d’une disputatio bien française.
Il s’éloigne d’un théâtre mémoriel qui n’a pour effet que d’alimenter les clivages identitaires.
Il lui préfère manifestement un théâtre de l’« histoire-problème » activant la conscience historique et l’interprétation collective.
Toutefois, évitant le ton de la commémoration, Jolly mise sur la mimésis, autrement dit le dédoublement du réel qui s’affirme comme tel, pour offrir un moment semblant jaillir hors du temps.
On assiste alors à une réinvention de la fête civique, à une époque où cette dernière s’est vue réduite en miettes.
Le problème de la fête moderne, note un anthropologue du théâtre, « réside dans la différence qui existe entre un pays moderne, hautement diversifié et divisé en classes différentes et opposées, et le but de ces fêtes ».
Ainsi, la scène tant commentée de l’effigie démultipliée de Marie-Antoinette tenant sa tête coupée, apparaissant dans les meurtrières de la Conciergerie – où elle fut emprisonnée jusqu’à sa condamnation à mort – sur fond de musique métal, se conclut par la projection d’un geyser de rubans rouges qui ensanglantent le tableau, une référence au théâtre après le rideau d’eau tricolore en incipit.
Jolly aura transporté ainsi l’esthétique sanguinolente du Grand-Guignol en plein air, loin des salons de ce théâtre de terreur conçu pour être générateur d’angoisse, à l’origine de l’esthétique gore.
Les organes coupés (têtes, mains, intestins…) y sont volontiers doués de vie, c’est même un lieu commun du genre… Dans « L’Horrible expérience », drame en deux actes d’André de Lorde et Alfred Binet qui met en scène un savant fou, un personnage explique qu’il vient d’assister au miracle de têtes coupées maintenues en vie pendant des heures…
Le très populaire Musée Madame Tussaud, à Londres, porte d’ailleurs le nom de la Française qui fit sa spécialité des moulages en cire de ces têtes tranchées.
En laissant planer l’ombre de la guillotine qui a toujours ravivé la peur des classes possédantes, Jolly se démarque aussi habilement d’un théâtre de cour – dans lequel aurait pu sombrer sa démonstration.
Et c’est enfin sous l’égide de Dionysos qu’est placée la cérémonie : dieu de la célébration du monde comme représentation démultipliée, mosaïque de phénomènes, incarnation du pouvoir qu’a l’art de se hisser au-dessus des horreurs du temps pour faire entendre une vibration vitale.
Le prologue aux trois enfants perdus dans les canaux souterrains puis sauvés des eaux par le passeur masqué, peut déjà évoquer Dionysos sauvant un enfant prisonnier d’une grotte.
Les Dionysies étaient hiérogamiques (elles représentaient les principes sexuels opposées ainsi que leur réunions), elles révéraient les principes de la terre et de l’eau (cf. image finale de la cavalière « labourant » le fleuve), le dieu apparaissait sur un char tiré par des satyres porteurs de libations – bref, tous les motifs qui se déploient dans cette séquence qui aura été si commentée autour du chanteur Philippe Katerine, nu, maquillé de bleu, grimé qui présente avec une obscénité décente ses rondeurs grassouillettes aux yeux de spectateurs surpris et de téléspectateurs censurés par leurs autorités dans bien des pays… woke ou anti-woke, on ne sait plus bien.
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
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