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Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

samedi 31 août 2019

Chapitre XLII – En route pour Londres

Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
« Il va falloir vous soigner de votre paranoïa ! Et je sais que vous êtes un tchékiste, les premiers à être persuadés que le monde entier veut écraser votre pays, ses institutions et son peuple. »
Ce qui d’un point de vue russe n’est pas faux : les anglo-saxons sont en guerre souterraine ouverte avec ce qu’ils considèrent comme des « pays inamicaux », Russie, Chine, Corée-du-nord, Iran et encore Cuba. Le Président Trempe l’a affirmé : « Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ».
Et les troupes de l’Otan sont aux portes de Moscou, bloquant l’accès libre à la Mer Baltique au nord, à la Mer Noire au sud…
« Et c’est un « truc » génétique chez vous, depuis la révolution Bolchévique : vous en avez tous après l’Occident en général et l’Angleterre en particulier.
Vous ignorez combien ils en ont tous rien à foutre, seulement si on les laisse eux aussi vivre comme ils l’entendent. »
Paul de Bréveuil devrait toutefois reconnaître que ce n’est pas si simple avec l’actuel président des USA, avec les conflits régionaux au Moyen-Orient, avec les guerres commerciales ici et là, jusqu’en Chine, avec les problèmes de pétrole et de gaz…
 
« Certes, mais vous y prenez mal. Bien des guerres ne se justifient que par la lutte contre le terrorisme barbare et en particulier djihadiste. Vous avez eu l’Afghanistan, vous avez eu les Tchétchènes, vous savez donc quels sont vos objectifs et ils sont communs avec ceux des occidentaux, pas en opposition.
Mais vous ne pouvez pas vous empêcher de manipuler tout ce beau monde pour tirer la couverture à votre avantage, notamment en exportant des djihadistes dans le flot des réfugiés jetés hors de chez eux par les combats.
Dites à vos dirigeants de réfléchir : qui achète votre gaz ? Les Allemands et les Ukrainiens. Qu’est-ce que ça changera de les soumettre ? Ils achèteront toujours votre gaz jusqu’à épuisement.
Vous souhaitez casser l’UE avec le Brexit, mais ça sert à quoi ? L’UE n’en sera que plus forte et continentale, votre premier client, une large porte ouverte pour accueillir vos productions.
Vous cassez Hilary et vous récoltez un agité du bocal qui fout la pagaille jusqu’en Amérique du sud et sur tous les continents, alors que ça devrait être vos premiers fournisseurs de technologies pointues.
Même les Chinois les pillent sans vergogne et sans retour et vous en tirez quels bénéfices ?
Passons, je ne fais pas de politique, et l’essentiel n’est pas là : il est dans l’avenir de l’humanité et là, personne ne fait le poids quand vont débarquer les biotechnologies qui vont « augmenter » le genre humain.
Réveillez-vous ou vous en serez réduits à faire de la figuration jusqu’à devenir définitivement « inutiles » voire traités comme des « nuisibles ». »
Ce n’est pas à un simple capitaine qu’il faut dire ça…
 
« Certainement, mais c’est vous qui venez avec moi chez Lady Joan qui nous reçoit ce soir à Londres. Juste pour vous montrer que je ne bluffe pas.
Deuxième message, parce que celui-là ne passera pas immédiatement : c’est de vous donner une preuve tangible que je ne raconte pas que des bêtises.
En représailles de votre petite opération minable de manipulation me visant, deux officiers de haut-rang de vos services de renseignement décéderont prématurément.
On pourrait viser plus haut, mais je réserve ça pour un coup suivant. »
Qui sera ?
« Vous allez encore faire feu de tout bois et incendier, sous fausse bannière comme à votre habitude, la cathédrale Notre-Dame de Paris. Une belle opération qui ne laissera que des cendres et des pierres noircies, et sans être inquiétés en plus.
Sauf que les autorités, qui n’en diront rien et excluront pour leur public la notion d’attentat, ne seront pas dupes.
Et là, ça ne me concerne plus : à elles de décider de la suite que vous découvrirez tôt ou tard.
Je préfère être à ma place plutôt qu’à la vôtre : les services de mon pays ont fait beaucoup de progrès au contact des Seal et des SAS depuis l’affaire du Rainbow Warrior. Vous verrez et tout ça vous exclut forcément, pour le moment, de mes projets spatiaux. »
Des menaces ?
 
Le convoi a ralenti l’allure à l’approche de l’entrée du Tunnel sous la Manche.
« Non pas du tout : une simple réaction de bon sens. Et dans votre paranoïa sempiternelle, c’est un peu ce qui vous manque le plus…
Tenez, essayer de réfléchir à ce petit mystère : vous, vous personnellement, convoyez deux échantillons de Novichok jusqu’à Salisbury. Vous vous faites substituer pour la tâche suivante par les bœufs du GRU. Comment se fait-il qu’avec les doses remises, il n’y ait eu qu’un seul décès, et encore, trois mois plus tard et par accident, alors qu’il y avait de quoi tuer toute la ville, vaches, couvées et cochons dans le même lot ? »
Tout simplement qu’ils n’ont pas su l’utiliser.
« Non, franchement, vous croyez vraiment qu’un militaire ne sait pas se servir d’une arme, même aussi simple qu’un spray ? »
Et Paul en rit bruyamment, très content de sa saillie.
Alexis, elle, elle est complétement perdue et persiste à griffonner son cahier avec ardeur.
 
« Bon réfléchissez un peu, je vous dirai quand nous nous séparerons… bons amis, j’espère, puisque vous serez confirmé comme mon officier traitant après votre court séjour chez les sujets de sa royale majesté… »
Comment sait-il ce que lui-même ignore ?
C’est vrai ça qu’il y avait de quoi tuer, sinon tout ce qui bougeait dans la ville, au moins un bon quartier.
Comment se faisait-il que ça n’avait pas été le cas ?
« Je sais parce que votre première démarche, l’initiateur de cette démarche, c’est la CISA et son logiciel « BBR » qui vous intrigue tant. »
C’est exact !
« J’en suis l’inventeur, l’initiateur, le co-concepteur et le premier financeur. Et c’est lui qui m’a rendu aussi riche que Crésus.
Mais au démarrage, il n’en était même pas question puisque le développement m’a coûté « chaud » sans espoir de se refaire.
On cherchait seulement à tracer et identifier des menaces autour de personnes cibles, nos clients, disons à 3 à 5 minutes autour d’eux.
Et puis on s’est rendu compte que ça pouvait servir à autre chose à l’époque des attentats parisiens… Encore une belle opération sous « fausse bannière », mais je ne sais pas si c’était initié par vous, par le Mossad, ou par d’autres encore : je ne sais pas à qui a profité ces crimes, sinon à préparer la future dictature qui menace mon pays et ses institutions.
Ce qui élargit la liste des commanditaires jusqu’à travers ses alliés traditionnels et les mondes souterrains des « Maîtres du monde ».
Mais tout le monde saura à un moment ou à un autre même si ça n’a finalement aucune importance… »
Question de temps.
 
« Et puis ce logiciel nous a permis de retracer dans les documents archivés vos propres trajets en Angleterre et même celui qui vous a fait venir dernièrement jusqu’à Paris depuis Munich. Une belle machine qui ne se fatigue jamais, mais qui demande quelques délais. »
Il aura fallu une journée et une nuit complète à Dimitri pour « tracer » le trajet du capitaine Igor jusqu’à la rue Saint-Placide.
« Et une fois « ciblé », vous pouvez faire l’objet d’une traque en continue et en direct. C’est comme ça qu’on a pu objectivement tracer Charlotte et Aurélie, sauf qu’il a fallu qu’on comprenne ce qu’elles foutaient dans votre « baignoire » installé au cœur de Paris en allant rechercher les plans de votre cathédrale.
Ceci dit, forcément, je savais puisque mon biographe « officieux » en fera une relation l’été prochain… »
Alexis et Igor sont totalement perdus…
« Eh oh, je ne vais pas non plus me répéter. Vous écoutez une fois, pas deux. Nous n’avons plus qu’une heure vingt devant nous avant d’arriver à Saint-Pancrace. »
L’Eurostar venait de s’engouffrer dans le tunnel sous la Manche.
 
« J’anticipe votre prochaine question, puisque vous ne la posez pas : non, le logiciel n’est pas disponible pour vos services. C’est désormais la propriété exclusive de la NSA des américains qui ont payé très cher pour ça ! »
Même pas une licence à espérer ?
« Vous demandez à votre pote le Président Trempe. Mais il va vous la refuser, votre « grand-ami ». En revanche, vous pourriez faire comme nous. »
C’est-à-dire ?
« En fabriquer un à l’identique ! Nous, on fait déjà tourner la version « 2.0 » en mode bêta. Les chinois expérimentent quelque chose d’encore plus vaste, de contrôle social des masses et vos glorieux militaires du GRU phagocytent vos meilleurs ingénieurs pour infiltrer les populations avec des trolls et influencer les échéances électorales : un peu débile de gâcher autant de talents pour si peu de chose. Vous le découvrirez avec le prochain scrutin européen. Car ils ne peuvent s’empêcher de troller ! »
Pour un résultat tellement insignifiant…
« Mais comme c’est votre grand manitou qui décide, c’est lui qui perd son temps et l’argent du contribuable russe, c’est lui qui paiera les dégâts à un moment ou à un autre. »
Les attaques informatiques et le « trolling », c’est effectivement de la compétence du GRU.
 
« Justement, votre rêve de Tchékiste de ficher tout le monde comme la Stasi en son temps en RDA, c’est nous qui l’avons réalisé malgré nous et en avance sur tout le monde.
Quand même con, non ? »
Igor est bien obligé d’imaginer le reconnaître, mais il ne va pas jusque-là : rien n’est encore prouvé ou démontré.
L’une des raisons originelles de sa mission, justement.
« Vous le voyiez, il n’y a pas qu’une seule raison pour remettre de l’ordre dans les têtes du GRU. Ils ont proposé cette stratégie de déstabilisation à votre Président, il a foncé tête baissée et pendant ce temps-là, vous n’avez pas les moyens de développer votre réseau de surveillance !
Dommage… »
Une raison de plus pour que les militaires russes ne soient toujours pas en odeur de sainteté au Kremlin : le pouvoir central s’est toujours méfié de l’armée…
 
Peut-être qu’ils peuvent rattraper leur retard… « Notamment si votre version 2.0 est développé en Russie… »
« Ne me faites pas insulte, s’il vous plait ! J’ai une chaîne de commandement à respecter. »
Quelle est-elle ?
« Officier de réserve, je n’obéis plus à personne. Ce qu’a pu oublier votre ingénieure Irina Dichinikov il y a encore peu. Toutefois, je reste mobilisable à tout moment par mon ministère qui reçoit en général ses ordres et instructions me concernant depuis Matignon, voire depuis l’Élysée et personne d’autre… »
« Et encore », précise Paul, « il faut me le demander gentiment et que ça ne perturbe pas trop mon emploi du temps du moment ni mon honneur de militaire au service de mon pays. »
Les deux « écoutants » de Paul apprennent comme ça que c’est sur demande du ministère de l’industrie britannique qu’il a réalisé une enquête « off » en compagnie de Lady Joan à la rencontre de laquelle ils cheminent sous le soleil de l’après-midi vers Londres.
« Tout le monde voulait savoir ce que faisait un vieux Lord, héros de la dernière guerre mondiale, dans les douves de son castel en Écosse. Il claquait un pognon monstrueux et cherchait le graal des machines surnuméraires… »
C’est quoi ça, questionne Alexis ?
 
« Une machine qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme, en violation des principes de la physique. »
« Ce n’est pas possible », interrompt Igor.
Naturellement !
« Il y a toujours une énergie primaire qui habilement exploitée parvient à dégager plus d’énergie mécanique qu’il n’en a fallu pour la démarrer. Le moteur de votre BM fonctionne de la sorte : il puise son énergie dans le carburant injecté dans ses cylindres ! »
Rien de miraculeux en juge Alexis.
« Sauf que, jeune-fille, Minato, un japonais fait tourner un rotor qui produit du courant rien qu’avec des aimant permanents.
D’accord, ça épuise les aimants qui sont la source d’énergie primaire. Plus exactement les différentiels d’énergie entre leur propre champ magnétique et celui de la Terre.
C’est pareil dans une centrale nucléaire où on exploite l’énergie de désintégration d’atomes instables à en être radioactifs.
Sauf que les chercheurs cherchent désormais à exploiter la force du vide à travers l’effet Casimir, sans même savoir qu’elle n’est jamais que de nature quantique et que le fameux Lord tentait de faire une machine exploitant la « micro-fusion » nucléaire contrôlée. »
Et ça marche ?
 
En théorie, bien sûr. « C’est même le projet Iter et de tous les tokamaks de la planète où il s’agit de confiner assez fort et assez chaud des plasmas pour reproduire l’effet d’une bombe H dans un réacteur. »
Pour l’heure, c’est le contrôle du plasma et de ses sursauts électromagnétiques qui posent problème…
En plus de l’usure des matériels soumis à des conditions, c’est le cas de le dire, infernales.
« Pour la machine de McShiant, sur le papier, il n’y a pas de problème : il compresse mécaniquement le plasma dans un cylindre rotatif. D’autant qu’en réalité il a repris vos travaux, en Russie, sur les éclateurs de Marx et l’usage qu’en font les Américains dans leur « Z-Machine » pour monter une sorte de gros moteur diesel qui est finalement bien trop complexe pour s’autoentretenir.
Donc, ça ne marche pas… »
 
Ce que ne dit pas Paul, c’est que dans la droite ligne de ces travaux, lui s’achemine vers une autre solution, celle des réacteurs au thorium et « aux sels-fondus » pour ses futures navettes. Une technologie déjà éprouvée par les chinois, à un stade expérimental en Inde, et créée pour le réacteur Superphénix qui a été sacrifié à l’autel de la doxa écologiste par une infirmière devenue ministre de l’environnement en France à l’occasion de la dernière cohabitation qu’aura connue le pays.
La verte campagne anglaise fait place à des lotissements et des zones commerciales et d’activité de plus en plus denses : leur convoi arrive bientôt à destination.

vendredi 30 août 2019

Chapitre XLI – Eurostar

Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Une enveloppe à l’entête de la CISA, un billet de train pour Londres et un petit-mot manuscrit rédigé en français.
« Paul de Bréveuil fera le voyage avec vous ».
Pour une surprise, ça, c’est vraiment une surprise…
Et ça rend caduque la décision qu’il vient de prendre : certes il n’a plus de « moyen de pression » sur le bonhomme, mais il est à Paris pour le rencontrer, alors adieu le voyage vers Bruxelles et le retour « à la maison » sur un échec.
Sa carrière pourrait rebondir, alors que dix minutes auparavant, il la pensait enterrée jusqu’à se retrouver à Vladivostok à surveiller les Américains, les Japonais et les Chinois du bout du monde pour le reste de sa vie…
 
Il en informe sa hiérarchie, via une adresse courrielle de l’ambassade. En rajoutant, « en attente d’instructions ».
Mais il n’en aura pas – après tout un officier à toute latitude pour prendre des initiatives – puisque c’est dans sa mission de devenir « l’agent-traitant » de l’agent « Charlotte », celui qui étonne d’admiration jusqu’au sommet du Kremlin.
Sauf que si son discours sur les intérêts russes convergents aux siens qu’il compte lui servir, au fond il ne saisit pas très bien – la Russie est un grand pays de la Liberté : Snowden et même Depardieu y ont trouvé refuge – était parfaitement rodé pour « être servi » à un moment donné à Paul de Bréveuil, et un train, quand ça roule, c’est une prison, sans échappatoire si ça tourne mal.
Heureusement que ça ne roule pas tout le temps : il faut bien qu’il s’arrête une fois arrivé.
Il y a tout lieu de penser, compte tenu du silence en retour – absence de veto de ses chefs et pas de précisions quant à une procédure nouvelle et particulière – qu’on l’attendra probablement à Londres pour lui offrir une couverture.
Ce n’était pas prévu à l’origine, mais le service sait improviser.
Il ne lui reste plus qu’à faire son bagage et rendre sa voiture à l’agence la plus proche.
 
Le passage de la « frontière » à la gare du nord, double contrôle des douaniers français puis britanniques, double portique de détecteur de métal, se passe sans problème : ses vrais-faux papiers sont en règle avec tous les visas qu’il lui faut, sauf pour les USA et les pays du Moyen-Orient. Il n’avait aucune raison d’y aller en partant…
Et il a laissé son « artillerie » à Moscou.
Il faut redescendre au niveau des quais pour atteindre la rame, non sans avoir poireauté un long moment en salle d’attente où Igor guette son entourage.
Si « Charlotte » doit prendre le même train, il est peut-être déjà là.
Dimitri, lui, guette les mouvements du capitaine du FSB depuis ses consoles : c’est bien le même homme, la même barbe, le même IP en poche, Alexis qui est également sur place peut même le repérer sur ses indications envoyées par texto.
En fait Paul est déjà passé depuis une bonne heure – le privilège des officiers de réserve se signalant en tant que tel – et il a pu grimper dans la rame non sans avoir repéré au préalable les numéros de la banquette qui les accueillera.
 
C’est Igor qui s’assied en premier sur son confortable fauteuil dans le carré réservé à l’avance.
Alexis le rejoint avant le départ.
Et le train roule sans que « Charlotte » ne les rejoigne.
« Excusez-moi, jeune-homme. C’est bien le train pour Londres ? »
Quelle question !
Et il répond au second degré : « Je ne sais pas où on va. Je suis invité pour une surprise, mais j’ignore si je ne me suis pas trompé de rame… »
Ça aurait pu être vrai, à la limite.
Il n’a pas reconnu ce visage de rousse devant lui, même si sa tête lui dit quelque chose. De toute façon, il attend un homme, pas une femme, même avec des lunettes.
« Bé moi aussi. Je devais faire le voyage avec ma copine Charlotte… »
Igor tressaille : c’est bien le bon train qui prend de la vitesse pour sortir des faubourgs-Nord de Paris, direction la plaine de France.
« Mais peut-être va-t-elle nous rattraper en cours de route ! »
Un TGV ? À pied ou en hélicoptère ?
Pas bien sûr…
Il est forcément à bord.
 
Effectivement, le capitaine de frégate Paul de Bréveuil revêtu de son bel uniforme d’apparat, avec ses cinq barrettes or-&-argent aux épaulettes, se présente au niveau de Roissy-Charles-de-Gaulle avec un plateau, trois cafés, trois assiettes de charcuterie, trois pâtisseries et trois verres coiffant des quarts de bordeaux en bouteille.
« Bonjour ! Je ne sais pas si vous avez eu le temps de manger quelque chose. Alors je me suis permis de parer au plus pressé à la voiture-bar de la rame. Méfiez-vous, ce n’est pas forcément très bon, mais c’est juste pour ne pas avoir d’aigreur à l’estomac.
Capitaine Igor, je présume. Je vous présente Alexis Dubois, ma biographe. »
Dubois, Alexis, évidemment : la correspondante de l’ambassade qui l’a fait venir jusqu’à Paris à l’improviste !
« Alexis, je te présente le fameux capitaine Igor du FSB, en mission spéciale sur le territoire. Il est juste là pour me poser quelques questions en vue d’une prochaine mission qu’on va lui confier, celle de devenir mon « officier traitant » officiel. »
Et il s’assied en face d’Igor, à côté d’Alexis.
Le plan A est bien mal embarqué pour être d’emblée éventé…
 
« Enchanté » répond Igor avec un sourire crispé.
Pas vraiment enchanté, finalement : une première prise de contact doit en principe se faire sans témoin qui peuvent devenir gênant par la suite.
« Je vous impose sa présence, parce que je vais devoir vous raconter une histoire, la mienne, qui intéresse naturellement ma biographe : ça va me permettre de ne pas la lui répéter ultérieurement. Un gain de temps.
On commence par quoi, Capitaine ? »
Ces deux-là, ils ne sont pas faits pour s’entendre, en pense Alexis…
Et Igor attaque, à la fois son assiette de charcuterie et son approche.
« Chez moi, vous intriguez jusqu’au plus niveau, figurez-vous ! »
Ils sont bien les seuls : « Partout où j’ai mes entrées, je n’impressionne plus personne depuis fort longtemps. Juste devenu inclassable et qu’on utilise selon les urgences de chaque époque. »
Qu’il raconte…
« Notez Alexis ! »
Elle avait sorti son cahier d’écolier déjà maculé de miette de croissant, celui des interviews.
 
« Vous devez probablement savoir que j’ai commencé ma carrière comme pilote de chasse dans l’aéronavale de mon pays. Et comme vous le constatez, à la vue des peu d’épingles de mon plastron, je suis rapidement retourné à la vie civile après seulement deux campagnes d’active, une en Afghanistan et une autre à Mururoa.
Ceci dit, vous le savez également probablement, je ne suis pas resté inactif, pour avoir participé de très près à des opérations d’exfiltration en territoire hostile d’agents en perdition sur commande de mon ministère de rattachement et de Matignon. Mais je ne vous en parlerai pas, car elles sont couvertes par le secret-défense. »
Ce point-là était ignoré par le FSB.
 
Et puis ça n’a plus d’importance : « C’est du passé ! »
« Ceci dit, si je ne porte que le ruban de la légion d’honneur sur mon uniforme, parce qu’on est en France, je pourrai porter bien d’autres signes honorifiques qui n’ont pas cours légal en ce pays. Je cite dans le désordre, la médaille du Congrès US, celle de la Liberté décernée par le Président du même pays, mais à Londres, je pourrai porter la rare GCVO, décerné par la Reine pour services rendus à l’occasion des JO de 2012, et l’ordre suprême de Notre Seigneur Jésus Christ décerné par le Vatican, exactement pour la même raison.
Ça vous va ?
Je n’en ai pas encore reçu de votre pays… désolé ! »
Alexis en reste le stylo « en l’air », la bouche bée.
Mais c’est elle qui réagit la première, alors que Igor reste impassible : « Quoi les jeux olympiques ? Ceux de Londres ? »
Bé oui, ceux de Paris n’ont pas encore eu lieu.
 
« J’ai réussi à déjouer un attentat à la munition nucléaire le soir de la cérémonie d’ouverture ! C’était presque par hasard[1] »
Mais il n’y a aucun attentat !
« Justement ! Dites donc, jeune padawan, vous n’avez pas encore lu mon biographe officieux, vous… »
Comme si elle avait eu le temps.
« J’ai commandé son livre… »
Elle ne sera pas près de l’avoir : c’est « bloqué » par l’éditeur, comme il le lui avait expliqué à Port-Louis, sur l’île Maurice. Et le texte a disparu sur son blog.
Le capitaine Igor découvre : il y a donc déjà un biographe officieux ?
Est-ce que c’est complet ?
 
« Oui capitaine ! Ça va vous facilitez les choses pour compléter mon dossier : des information « ouvertes », même si elles restent heureusement discrètes. Et c’est à peu près correct. Bon il romance pas mal, il fait de moi un trousseur de jupon patenté, alors que je vis « rangé » des voitures, mais l’essentiel y est ! »
Et alors… « Raconte-t-il ce que vous avez fait lors de votre disparition au-dessus de l’atlantique… qu’on vous a retrouvé plusieurs mois plus tard à San Diego ? Une mission « top-secret » également ? »
Pas du tout[2] !
 
« C’est compliqué à expliquer. Comment vous dire… Lui et moi, nous ne nous connaissons pas, mais je parviens à lui faire écrire à peu près ce que je veux, au moins dans les grandes lignes. C’est une technique un peu… « exotique » d’autosuggestion qui se traduit par l’envoi anonyme de quelques informations, et qu’il retraduit un an plus tard dans ses opus d’estives.
L’intérêt du procédé, c’est qu’après coup, dans très longtemps, je peux prendre connaissance de tout ce qui fait ma vie à notre époque. Je dis bien de « tout ». Donc même les éléments qui ne se sont pas encore passés. Donc « par anticipation ». Vous saisissez l’intérêt du procédé, j’espère. »
Comment ça ?
« C’est un jeu un peu vicieux. Je lui suggère, il écrit, je lis, plus tard, dans le futur, je reviens à l’époque présente et je sais ce qui va se passer au moment où ça se passe… »
Mais ce n’est pas possible !
« Effectivement, pas dans l’état actuel de nos connaissances. Lisez donc ses ouvrages ou son blog, en général les mois d’août, en commençant par « Mains invisibles[3] » et vous comprendrez mieux. Le cœur, ça reste « Ultime Récit » et sa suite[4].
Je crois que ce gars-là restera à jamais un incompris et c’est tant mieux.
De toute façon, il va mourir et il faut que je le remplace, d’où votre présence, chère Alexis » fait Paul en se tournant vers elle avec un large sourire lumineux à la faire fondre.
Igor se demande encore si c’est du lard ou du cochon, comme on dit au-delà de l’Oural.
Avoir en face de soi un officier supérieur de l’aéronaval en grand uniforme de marin qui vous raconte un roman à dormir debout avec un « ticket de logement » en main, il y a de quoi être étonné.
Un gros mythomane ?
 
C’est la phase où plus personne ne comprend rien à rien aux dires de Paul de Bréveuil.
Quoique Alexis avait déjà entendu ce discours aberrant, il y a seulement quelques jours.
« Tout ça pour vous dire, Capitaine, que je sais depuis le début ce que vous magouilliez depuis plusieurs mois dans vos services pour que je devienne un de vos agents de renseignements.
C’était donc facile pour ma petite équipe de retrouver et extraire Charlotte et Aurélie de votre « baignoire » ! Pas eu besoin d’aller la chercher très loin… »
Igor se sent tout d’un coup très mal à l’aise…
« Et alors, qu’est-ce qui va se passer, là, dans l’immédiat, puisque le futur vous aura informé de la suite… »
Rien.
« Vous allez arriver à Londres, vos gusses vous y attendent. Vous repartirez à Moscou sans difficulté et vous ferez votre rapport. Mais avant, je vous emmène tous les deux chez ma gestionnaire de fortune, juste pour que vous fassiez une idée de mes moyens et à quoi je les emploie.
Et puis j’ai plusieurs messages à vous faire passer. »
Ah, nous y voilà, tout de même !
 
« Le premier, c’est que vous aimeriez bien savoir ce que je glande aux Chagos. C’est trop tôt pour que je vous le dise. À vous et à tous les autres, américains, anglais, français, européens, coréens, chinois, australiens et japonais.
Globalement, je prépare un lanceur spatial qui dépasse tout ce que d’autres peuvent anticiper.
Et le pire, c’est que vous viendrez à y participer, tôt ou tard, dans le cadre d’une organisation internationale, comme tout le monde, tellement c’est pratique et peu onéreux.
On ouvre l’ère, enfin la première marche, d’une démocratisation de l’accès à l’espace pour toute l’humanité.
D’accord, ça va prendre un peu de temps. Donc vous n’en saurez pas plus pour le moment. »
Une information-clé, enfin, celle qui justifie de tout le reste, obtenue sans aucune difficulté : il est mûr pour « collaborer »… d’après les livres d’instruction du Service.
Mais des informations à vérifier tout de même au préalable…
 
Le train vire plein Ouest, les ombres basculent dans le carré.
« Il y a toutefois une condition ».
Laquelle ?


[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Parcours olympique » aux éditions I3
[2] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ultime récit » aux éditions I3
[3] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Mains invisibles » (tome I & II) aux éditions I3
[4] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ultime récit »  et « Ultime récit – suite… » aux éditions I3

jeudi 29 août 2019

Chapitre XL – Phase II

Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Dans quoi elle s’est embarquée, finalement ?
Agent de liaison après avoir aidé à s’évader deux prisonnières d’un soi-disant sous-marin nucléaire tapis au fond de l’océan, en plein… milieu de Paris, tout en forçant la propriété d’autrui qui est aussi un lieu de culte, elle en est devenue complice d’une profanation.
D’un autre côté, devenue libératrice de celle qui connaît son père, elle n’a même plus besoin d’envisager un « papier » sur sa boutique minable pour avoir la pièce du puzzle de sa vie qui lui manque : elle est à sa pogne !
Mais de là à jouer les entremetteuses avec de dangereux criminels qui viennent de Sibérie tels des Tartares déjantés, il y a une marge tout de même…
Non mais !
 
Plus de huit heures de route pour plus de huit cents kilomètres : la voiture a beau être confortable, une BMW série 3 et en avoir dans le moteur, c’est quand même fatigant.
Heureusement qu’on peut se faire plaisir sur les autoroutes allemandes, sauf que d’aller trop vite, on passe son temps le pied sur le frein à l’approche de plus lents qui se doublent.
Direction Dachau, Lindau sur l‘A99 puis l’A8.
Le chemin passe à proximité d’Augsbourg, d’Ulm, de Göppingen, d’Esslingen am Neckar, et de Stuttgart. Déjà 200 bornes et quantité de radars croisés.
Passage à proximité de Pforzheim, puis l’A5/E35/E52, Baden-Baden et enfin Iffezheim. Pour finir sur la B500, passer la frontière sans le moindre contrôle juste après la centrale électrique « au fil de l’eau » posée sur le Rhin et on entre en France à petite allure, dépassés les 320 km !
Le jour où les chars russes devront aller jusqu’à Brest libérer le pays, ça sera forcément plus lent, mais probablement tout autant facile.
 
Là, il s’agit de rattraper l’A35 vers Haguenau puis rejoindre l’A4/E25 en direction de Paris où il faut prendre un ticket-péage à Schwindratzheim : le premier après 4 heures de route.
Igor en profite pour s’acheter un sandwich et un café, refaire un plein et se soulager la vessie un peu plus loin.
Passage à proximité de Sarrebruck : 9 euros laissés au péage de Loupershouse.
De nouveau, 4,60 € à celui de Saint-Avold.
Contournement de Metz, prise de ticket à Beaumont pour un péage de 23,70 € à Montreuil !
Les français ne pensent vraiment qu’à ça : faire payer le quidam qui passe !
Et puis encore plus loin, à Coutevroult : 2,30 €…
Pour finalement se retrouver ralenti par les encombrements à l’approche de la Marne, traversée une dernière fois et continuer vers le Quai de Bercy, puis le Quai de la Rapée.
Il se guide au GPS avec sa plaque allemande : bien qu’hésitant on ne le klaxonne finalement pas trop.
Les parisiens sont pourtant des enragés quand ils circulent à la queue-leu-leu, mais pas plus qu’à Moscou.
Igor remonte successivement les boulevards de l’hôpital, Saint-Marcel, Port-Royal, Montparnasse, puis à droite le boulevard Raspail jusqu’à l’hôtel Lutétia, la rue de Sèvres et enfin à gauche la rue Saint-Placide.
 
Il laisse sa voiture devant le parc de vélib’ désert qui s’étale sur plusieurs dizaines de mètres, à charge pour le voiturier de l’hôtel d’aller la garer un peu plus loin dans le parking réservé à l’avance avec un code.
Et il grimpe dans sa chambre, sans prétention, pour brancher son ordinateur et se signaler sur le site crypté du service.
« RAS. Fatigué. »
Il n’a qu’une envie, c’est de se doucher, de se changer et d’aller prendre un verre au piano-bar Joséphine du Lutétia qui vient à peine de rouvrir. La brasserie ne l’est toujours pas…
Il ira manger dans un restaurant voisin, le Rousseau, patronyme du précédant exploitant, le Daroze étant fermé, à proximité de son hôtel dont la rue débouche sur le célèbre « Bon Marché ». Qui ne l’est pas du tout…
Qui doit bien avoir également une table à offrir.
Ce sont les bons côtés des missions à l’étranger : on se dépayse facilement !
Et il rentre dormir de tout son saoul…
 
Le lendemain, ça se bouscule. À peine le croissant avalé, il ouvre son portable. Il y a un message de la nuit : « Contacter Nataliya. Urgent. »
Nataliya est en fait, le lieutenant Zinovyi Prokhorovich, attaché « culturel » de l’ambassade et du bureau local du FSB, l’adjoint du chef de centre. Qui lui répond par sms en russe, pour retarder l’éventuelle traduction, prélude à une filature : « Square Boucicaut. 60 u ». Une heure, en somme.
C’est à proximité. Il a le temps de flâner un peu et de repérer les lieux : quatre entrées-sorties, plus deux accès au parking souterrain situé en dessous, en revanche des caméras partout au carrefour de Sèvres-Babylone. Il aurait dû se méfier hier soir.
Il le fera les prochaines fois.
Un moustachu baraqué arrive à l’heure, un journal plié sous le bras.
Il salue de la tête et s’assied sur le banc où a pris place Igor, comme s’ils ne se connaissaient pas.
Et ouvre son journal.
« Qu’est-ce qui se passe ? »
La cible B s’est évadée.
Comment ça ?
« Ce n’est pas possible ! »
Si ! « Hier matin, pendant que vous étiez sur la route. »
Toute seule ?
« Probablement pas : ils sont passés par les égouts pour découvrir « la baignoire » et son mécanisme. »
Mais comment ont-ils pu faire pour la localiser ?
« Mystère. Une enquête est en cours et on nous envoie du lourd depuis Moscou pour prendre des mesures. »
Des ordres nouveaux ?
« Pas encore. Restez à l’écoute mon capitaine, je vous tiens au courant. »
Igor indique qu’il va sur place pour se rendre compte.
« Très bien. » Et il referme son journal, regarde sa montre et se lève de son banc sans même saluer son supérieur, comme s’ils ne se connaissaient toujours pas, son journal replié sous le bras.
Charlotte évadée, son plan B à l’eau, son plan A est vraiment mal en point !
Incroyable.
Comment ont-elles fait ?
Il faudrait qu’il rentre à Moscou pour s’occuper de ça. Mais justement, puisqu’il est sur place, ce n’est pas le moment de filer, quitte à se dévoiler.
Il hèle un taxi qui passe : de toute façon, il y a une tête de station de l’autre côté du « Bon Marché ».
 
Pendant ce temps-là, Dimitri exulte. La veille, le logiciel a sonné l’alerte sur plusieurs « Z » en circulation, comme à son habitude.
Nathalie avait commencé à les tracer un à un, qui se sont ensuite révélés être des « roses », des « fichés » usant de cryptage ou ayant fréquenté des sites islamiques.
Mais au soir, quand elle est rentrée chez elle, il lui en restait trois non-identifiés. Et Dimitri, qui ne compte pas ses heures supplémentaires, reprend les dossiers laissés en jachère.
Et l’un d’eux a basculé « rose » en début de soirée en émettant depuis un IP inconnu et le wifi d’un hôtel au cœur de Paris, FAI parfaitement identifié, lui.
Un petit visionnage des caméras du quartier alentour et environ une heure trente plus tard, la machine « match » toute seule un profil.
Un profil inattendu : probablement celui qui est passé sous les portiques de péage de l’autoroute A4 dans l’après-midi avec une voiture immatriculée en Allemagne.
Ce qui fait deux « Z » identifiés d’un seul coup, puisque c’est le même, un type caucasien portant une petite moustache dont il imprime un portrait qu’il digitalise ensuite pour torturer le logiciel pendant la nuit.
« Tiens, tiens… Voilà un client bizarre… »
Aux premières heures de la journée suivante, le logiciel l’aura identifié comme étant un officier du FSB, le même qui traine sur un des fichiers autour de la cathédrale de Salisbury, il y a quelques mois de ça, mais « maquillé » d’un collier de barbe noire.
Ce qui permet, en fouillant les archives des aéroports de Londres, d’avoir des images plus nettes et d’identifier le bonhomme comme étant le capitaine Igor du FSB, imberbe dans les fichiers !
 
« Bonne pioche ! Igor est sur Paris et crèche rue Saint-Placide. »
Parfait lui répond-elle. « Je prends les billets en espérant que Paul sera là à temps ! »
Il est arrivé dans la nuit chez lui, quai Montebello.
« Je l’appelle alors ! »
Ce qu’elle fait depuis son bureau.
« Parfait patron. On y va ! » fait-elle en sortant de sa pièce son portatif encore collé à l’oreille.
« Je fais la réservation pour l’Eurostar de 13 heures. Le rapide qui arrive à quatorze heures trente sur place heure locale. Je l’imprime et j’envoie un coursier à l’adresse de son hôtel… Toi, Dimitri, tu appelles ADN et Alexis. Qu’elles soient sur le pont. »
Aussi vite dit, aussi vite fait.
« Il vient de se mettre en « on ». Je peux le suivre en direct. Je ne le lâche plus, celui-là ! »
 
Avenue Rapp, Igor entre tranquillement, se signe et file d’un pas nonchalant vers le bâtiment de gauche, là où se trouve « le bocal ».
Le planton le laisse pénétrer le bâtiment sans qu’il n’ait rien eu d’autre à faire que de dire son mot de passe. Un sésame.
Et il se présente au responsable qui l’emmène vers les sous-sols à travers un dédale d’escaliers dérobés.
« La baignoire » est plantée au milieu d’un hall sous-terrain pas très impressionnant par ses dimensions. C’est en fait une piscine de quatre mètres de profondeur dans laquelle se tient un étrange cylindre tronqué, monté sur une série de vérins.
On accède à l’intérieur par un des deux bouts aux entrées articulées depuis la salle des transmissions qui reste flanquée d’une armurerie et d’un petit stand de tir qui part en direction de la Seine, et par une série de bureaux et de salles de réunion et par l’arrivée des fluides de service qui sert d’issue de secours de l’autre côté.
C’est un vieux concept « amélioré » pour mettre en condition un suspect qui va être interrogé.
À l’origine, les cachots souterrains de la place Loubianka faisaient à peine 2 mètres de diagonale, plongés dans l’obscurité totale et on ne pouvait pas s’y tenir debout.
Par la suite, le procédé de désorientation a été poussé plus avant en faisant croire au prisonnier qu’il avait été « mis au secret » dans un endroit inconnu du commun des mortels lui laissant l’impression qu’il ne serait jamais libéré. Au moins le temps nécessaire pour une introspection intensive sur lui-même et ce qu’il avait à se reprocher.
Puis, il est apparu indispensable de disposer de « bocal » hermétique en territoire étranger, coupé du reste du monde. Le FSB s’est alors inspiré des « caissons » inventés pour les spationautes pour juger de leur aptitude à la promiscuité et un responsable a dû trouver astucieux d’imaginer le même dispositif simulant un sous-marin, avec quelques « gadgets » en plus pour faire plus vrai. L’objectif visé était de laisser supposer au prisonnier qu’il ne pouvait pas s’évader sous l’océan et que personne ne viendrait le chercher en grande profondeur : il était ainsi « totalement soumis » à ses geôliers.
 
La conversation roule en russe.
« Ils sont passés de l’autre côté »…
L’accès d’intendance, alors que lui rentre par l’accès principal qui s’ouvre sur une salle de commandement d’un sous-marin. Tout y est factice, mais assez étroit et encombré pour donner l’illusion que le pylône du massif des périscopes n’est pas un leurre.
Et les « cellules » se situent plus loin, vers le fond.
Effectivement, les deux cellules sont vides, les serrures ayant été forcées au chalumeau, la porte du fond également et le mur d’accès aux égouts parisiens partiellement démonté.
Comment peut-on repérer cette « baignoire » enterrée sous le niveau de la Seine, sous un bâtiment protégé et surveillé 24 heures sur 24 pour y trouver ce qu’on cherche ?
Parce que les filles de la cible B n’ont pas pu sortir toutes seules, sans outil ni chalumeau, c’est une évidence quand on est sur place.
Comment sans que les détecteurs sismiques n’aient pas vu les travaux préparatoires ?
L’enquête qui va suivre le dira peut-être.
Décidément une bien mauvaise planque : à peine utilisée, elle est déjà éventée !
On aurait dû enfermer la « cible B » au fin fond de la Sibérie…
 
Puisqu’il n’y a rien à tirer de cette inspection sommaire, Igor revient à l’air libre, estomaqué.
Comment ont-ils fait ?
Le qui, il n’a déjà aucun doute, sauf énorme surprise, puisque ça ne peut pas être ni des agents complices et traites du service – ils sont assez peu nombreux à connaître cet endroit « dont on ne s’évade pas » – puisque même les agents de l’ambassade ignorent son existence, ni même un service concurrent comme le GRU.
Quant aux services de renseignement et les flics de ce pays, ça reste de grands naïfs indigents du neurone…
Quant au pourquoi, c’est plus compliqué semble-t-il : comme il l’avait lui-même suggéré à Charlotte par téléphone quand elle était « sous l’eau », le GRU aurait immédiatement réagi et aurait décidé de contrarier les plans du service en s’emparant des prisonnières ?
C’est dans leurs cordes.
Il faut les guetter à leur domicile et bureaux…
Et pour détenir les prisonnières où au juste ?
Ils ne sont en principe pas équipés en France…
Pour en faire quoi ?
Il faudrait qu’il rentre à Moscou pour lancer ses limiers sur cette idée à creuser.
 
Soit il s’agit d’une contre-attaque de « Charlotte », la cible « A »…
Dans quel but ?
Comment aurait-il pu savoir tout du plan élaboré ?
Le connaît-il seulement, voire même imagine-t-il qu’il puisse exister ?
Ce n’est pas possible : cette opération de manipulation est bien trop compliquée, trop complexe pour qu’on puisse aligner tous ses éléments dans un même scénario logique !
C’est justement la spécialité de son service et on avait examiné sous toutes les coutures l’ensemble de l’opération dans ses moindres détails qui ont été validés par l’état-major.
Les filles retenues ont bien mordu à l’idée qu’elles étaient retenues prisonnières par l’armée, la marine, piégées au fond de l’océan dans un sous-marin…
Elles ne pouvaient pas communiquer et encore moins savoir où elles étaient en réalité.
 
Il se décide à rentrer à pied en traversant le quartier du Gros-caillou, à la fois pour profiter de l’air de la fin de matinée et son temps clément, mais surtout pour réfléchir sans être dérangé.
Après avoir repris son chemin depuis l’École militaire située au fond du Champ-de-Mars, il suffit de prendre la rue de Babylone, à contresens de la circulation automobile, pour revenir dans son quartier et il fait une halte dans un petit estaminet en face de la caserne de gendarmerie.
Ce n’est pas mauvais, mais c’est bruyant. Et puis, il y a plein de caméras de surveillance et des flics en faction devant le secrétariat de l’Hôtel Matignon : pas très sain pour lui.
Au dessert, c’est décidé, sauf contre-ordre de sa hiérarchie, il rentre, en voiture jusqu’à Bruxelles et après il improvisera : il n’a plus aucun moyen de contraindre « Charlotte » et si celui-ci veut le rencontrer, il n’aura qu’à venir à Moscou lui-même !
 
C’est bien décidé à décamper, alors même que son téléphone reste muet, qu’une surprise l’attend à la réception de son hôtel.
Et quelle surprise !