Bienvenue !

Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

dimanche 31 juillet 2022

La croisière d’Alexis (19)

Dix-neuvième chapitre
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Nous avons passé le cap Finistère dans la nuit et sommes devant la côte portugaise que l’on distingue à peine depuis le pont promenade.
Le fond de l’air est toujours frais et le ciel parfois nuageux.
Aujourd’hui, nous sommes dans l’attente d’un groupe musical suédois : musiciens, chanteurs, producteur, ingénieurs du son et quelques groupies du groupe…
Ne me demandez pas son nom, c’est imprononçable et je n’en avais jamais entendu parler auparavant…
Même la vedette, une sorte de grand escogriffe échevelé qui se prend probablement pour la copie conforme de Mick Jaeger, je ne connais pas.
Encore un « perché » qui se prend pour Dieu réincarné.
Pas plus que leur musique qui ressemble vaguement à du rap-électro.
Le rap en suédois, je ne savais pas que ça pouvait exister. Mais ils chantent aussi en anglais, pas folles les guêpes qui visent le marché mondial, et pas seulement dans leur langage autochtone-local.
Ils sont là pour préparer leur prochain album, et un clip, équipés de tout leur attirail pour pouvoir bosser dans l’amphithéâtre du bord, au calme jusqu’après le réveillon.
On verra comme ça passer plusieurs « équipes » : c’est le navire défouloir de tous les fantasmes de gens parfois totalement à l’Ouest, allumés-sévères…
Avant l’arrivée des allemands.
Ainsi tourne le monde.
 
Et je retourne à ma « luxueuse » routine, Aurélie étant toujours très occupée avec ces « cas-contacts » du moment…
On finit par ne se croiser que pour le petit-déjeuner qu’elle a tendance à prendre de plus en plus tard.
Ça tiendra plus du brunch au fil du temps, jusqu’au jour où elle se fera servir des cannellonis et moi du Fish & chips avec le café matinal et les brioches du bord…
Elle est aux anges : elle aura pu récupérer son second « soutif à fleur » sur la poubelle de la salle de bain, le dernier disparu et puis plus rien ne disparaîtra de sa garde-robe.
Quant à moi, j’ai toujours en fin de journée cette odeur de cigarillo qui vient polluer mes narines à peu près à la même heure.
Au moins jusqu’à Gibraltar.
Et l’ordinateur ne veut pas me dire d’où ça peut venir…
Tel qu’un soir je pars en patrouille, officiellement pour rechercher Minouche, dont je sais pourtant qu’elle vagabonde au « casino ».
Tous les ponts extérieurs sont déserts sur mon bord où personne ne fume.
Parfois, je change de bord et grimpe sur le pont de l’équipage vérifier que mon « petit-piège » pour contrôler la porte de la cabine de notre capitaine fonctionne bien : Mélanine passe et y repasse, semble-t-il.
La passerelle est désertée : personne à la barre. Ça fonctionne vraiment tout seul.
Vérification faite, notre capitaine est en soute des machines.
Elle doit être en train de régler une des « nombreuses anomalies » du moment…
 
Du coup, ce soir-là, je finis devant une table de poker animée par quelques numéros 18. Je suis la seule humaine et ils font semblant de me laisser gagner.
C’est fort drôle : je ne sais même pas jouer au poker. À la belotte, au rami, au domino, au six qui prend, je veux bien, mais alors le poker, ça ne m’a jamais inspiré.
Et pourtant ils me font gagner, puis à mon troisième verre de gin-fizz, en trois ou quatre coups, je me fais plumer.
J’abandonne le reste de mes gains sur la table, la tête un peu chancelante : de toute façon les jetons m’ont été offerts et ils n’ont aucune valeur ailleurs que sur la table de jeu.
C’est juste un jeu, une distraction pour faire oublier l’ennui du moment.
Derrière moi, la salle s’éteint, les robots s’immobilisent, il n’y a plus âme qui vive jusqu’au prochain passager pénétrant dans l’endroit.
Finalement, tout est factice : il n’y aucun effort à fournir que celui de survivre.
Et c’est une tâche grandement facilitée à ce bord.
 
Quelques jours plus tard, entre deux virées en mer qui reste plutôt fraîche, et au moment d’arriver en méditerranée, une bagarre éclate aux abords de la piscine extérieur.
Le chanteur vedette se fait bousculer, envoie un patate-molle au visage de son agresseur passablement éméché malgré l’heure matinale, qui riposte tel que l’un glisse et tombe à l’eau, dans la piscine.
Aussitôt des numéros 16 déboulent pour séparer les belligérants, alors que les groupies hurlent, et ramassent le type qui est tombé à l’eau. C’est qu’il saigne du cuir chevelu et que ça pollue l’eau de mer du bassin !
Il aura dû se cogner quelle que part.
Aussitôt emmené à l’infirmerie alors qu’il se débat et injurie son agresseur. Je suis là, estomaquée, mais les injures suédoises, je n’imprime pas…
Ça me laisse froide, pour tout dire.
Notre capitaine aura fait une apparition dans l’amphithéâtre qui sert de studio d’enregistrement et les aura sermonnés, toutes et tous.
Je n’y étais pas, mais dans les parties communes, les conversations sont enregistrées par l’IA.
Quand elles sont audibles.
Et là, surprise, mais énorme surprise : Mélanie s’exprime clairement en suédois !
Passe en anglais, passe en castillan comme je l’ai déjà vu faire, mais en suédois…
Et ils ont l’air de comprendre, lui donnent la répartie à laquelle elle répond.
Cette fille est multilingue et « fluently » en plus : ce n’est pas possible autrement !
C’est une perle rare qui mérite infiniment d’être notre commandant de bord.
 
Je rapporte la scène et le résultat de mes recherches sur les données de l’IA à Aurélie.
« Bé c’est un robot, cette gamine ! »
Effectivement, parler le français sans accent, l’anglais je ne sais pas avec quel accent, l’allemand rhénan ou berlinois, l’espagnol officiel, ok, ça peut se faire.
Mais s’exprimer en plus en suédois, ça ne peut être que le fait d’une IA.
« Ou alors elle est dotée d’un traducteur vocal. »
Ça n’existe pas me répond Aurélie.
« Mais si ça existe ! »
Je l’ai déjà vu fonctionner en Jordanie, à Petra, avec Paul faisant face à un moine croisé du onzième siècle qui venait de « libérer » Jérusalem …
Une histoire de fous que cet épisode-là !
Jean-de-Jérusalem, comment oublier cette péripétie de ma vie en compagnie de mon « boss », « pour témoigner » dans les volumes de sa biographie que je suis chargée d’écrire pour lui…
 
Le calme est revenu à bord, le blessé aura été soigné, le rap aura triomphé et moi, je me pose la question de savoir quel morceau de ladite biographie je suis censée écrire à l’occasion de cette croisière ?
Paul de Bréveuil, alias « Charlotte » est absent de mon horizon.
Je ne sais pas ce qu’il fait à ce moment-là. Probablement en Normandie avec sa famille et quelques amis à passer les fêtes entre confinement et couvre-feu.
Il ne répond même pas à mes courriels et textos : totalement absent !
Que dois-je témoigner de cette période de ma vie où je suis censée, et payée grassement, pour authentifier la sienne ?
Je ne le saurai que bien plus tard.
 
Autour de Gibraltar, qu’on ne distingue que vaguement dans la brume de décembre, les suédois sont débarqués et remplacés justement par des allemands venus en goguette se dévergonder pour la Saint-Sylvestre.
Les frontières sont fermées, mais ça se déplace tout de même et je ne sais pas comment.
J’assiste à leur débarquement en trois virées d’hélicoptère et c’est effectivement Mélanie qui les accueille avec un petit speech de bienvenue prononcé en allemand, toujours avec une sonate en fond musical.
Probablement la même que pour tous les autres groupes qui sont et vont passer : on embarque sur un navire expérimental où tout est conçu pour le bien-être et le confort de ses « invités » et qui est servi par une forte densité de robots de plusieurs types.
Je ne sais pas si elle rajoute qu’on peut même y trouver « des filles » accortes et accueillantes, qui sont d’ailleurs là, tout sourire et parlant elles aussi allemand pour accompagner leurs œillades.
Tu penses que les mâles de la cohorte ne sont pas venus là que pour la beauté des Baléares où ils iront débarquer, puisque moi-même je n’en verrai rien dans le ciel de janvier, mais bien parce qu’ils vont pouvoir baiser des « poupées » d’un nouveau genre autant qu’ils le peuvent : c’est presque mieux que les putes des quartiers chauds de leurs villes respectives !
Et seulement pour 300 euros la journée : un prix canon, même s’il n’est pas à la portée de toutes les bourses.
En plus, aucun risque de MST, pas comme à Hambourg, Munich ou Berlin.
Sauf qu’il y en aura un qui fera un collapsus ressemblant fort à un accident vasculaire cérébral que d’avoir trop abusé du matériel mis à sa disposition.
Il sera d’ailleurs évacué rapidement.
Que désormais, il y a non seulement quelques épouses, mais également une poignée de gamins qui accompagnent le groupe. Je n’imagine même pas comment tout cela va être géré sur la pincée de nuits qui vont suivre : peut-être feront-ils de l’échangisme, une fois les gamins couchés ?
 
Paul, un jour, il faudra qu’il me dise comment il gagne de l’argent avec un tel luxe déployé et des prestations « hors normes » pour si peu cher.
« La recette est pourtant simple », m’affirmera-t-il !
Oui, mais comment ?
En attendant, je confirme que Mélanie a au moins un avatar, une machine-sosie d’elle-même à bord. Son multilinguisme l’aura trahie : après le suédois, elle est aussi germanophone. Là, ça fait trop pour une seule et même personne.
Quand on embraquera des italiens aux abords de la Sicile, puis des slaves en mer Égée, des ukrainiens ou russes au large de Chypre et mieux encore des arabes en mer rouge, elle saura se faire comprendre avec la même aisance simple : elle ne peut pas avoir autant de jumelles que ça, tout de même…
Mais à ce moment-là, Aurélie et moi ne nous étonnerons-nous plus de rien quant aux qualités de notre commandante.
La seule fois où je l’ai entendue s’exprimer en anglais, le « vrai », hors au large des îles britanniques, c’est à Port-Saïd et ça n’a rien à voir.
Les pilotes, qui ne pilotent rien, montent à bord pour ramasser le droit de passage et ramener quelques cartouches de Marlboro embarquées à leur intention : ça facilite le « contact humain » et les procédures, tout en alimentant la contrebande locale de cigarettes…
Ceux-là baragouinent un anglais de cuisine que même moi je comprends parfaitement en faisant un léger effort pour faire abstraction de l’accent local.
Et ils auront fait la descente du Canal jusqu’à Suez sur la passerelle en compagnie de notre capitaine qui n’aura pas quitté son poste jusqu’à l’arrivée, le tout à la vitesse de 10 nœuds, le double de notre vitesse actuelle… en haute mer, alors même que le canal reste étroit.
Mais j’y reviendrai.
 
Le réveillon se déroule à proximité des Baléares que nous n’aborderons même pas. Le repas est servi au restaurant panoramique dans une ambiance alcoolisée : un vaste défouloir et les allemands ne sont pas les derniers à avoir le sens de la fête. Les tenues sont bigarrées, allant du smoking au « tee-shirt-sandales » en passant par des tenues tyroliennes.
Et quelques poupées avaient des robes de soirée alors que la plupart faisaient le service avec les numéros 16 et les tables à chenillette.
Le plus étonnant c’est que tout cela n’étonne même pas les gamins ! Pourtant ils se montrent facétieux avec les machines et presque désagréables avec les adultes : ça ne te donne pas envie d’en faire tellement ils sont mal-élevés, parfois insolents et toujours désobéissants. Un vrai concours de bêtises, jamais à court d’idées !
Je ne sais pas si nous étions pareils dans notre tendre enfance, mais si c’était le cas, on aura dû gâcher la bonne humeur de nos parents, il n’y a pas à tortiller…
À minuit, un feu d’artifice est tiré depuis la plateforme d’appontage des hélicoptères.
Il est magnifique, mieux à mes yeux que celui de Noël.
Et on termine avec les autres autour de la piscine pour un bain de minuit tout habillé…
Au large des Baléares, le navire se vide des allemands qui ont encore un peu la gueule de bois.
Ils sont remplacés par un groupe d’espagnols qui viennent écluser quelques litrons de vin rouge et se livrent à un concours de tapas dans la bonne humeur pendant trois jours et deux nuits, épuisés d’avoir abusé des « poupées » du bord.
 
Un midi, après les rotations d’hélicoptère et sous le pâle soleil de janvier, un homme en veste légère et chaussures blanches, m’aborde le long de la piscine alors que je m’apprêtais à aller déjeuner en solitaire au self, une fois de plus.
« Bonjour mademoiselle. Seriez-vous Aurélie ? »
Ah non, pas de chance !
« Alexis. »
Il cherche la biographe de Paul.
« Je suis celle-là. Vous devez confondre les prénoms qu’on vous a donné. »
Il confondait, effectivement.
« Je me présente : Baron Jacques de Bréveuil, avocat au Conseil ! »

samedi 30 juillet 2022

La croisière d’Alexis (18)

Dix-huitième chapitre
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Naturellement, je n’en parle à personne sauf à Aurélie, le lendemain matin devant le petit-déjeuner matinal (avec des flageolets à la sauce tomate !) : de chez elle on aperçoit les reflets de la côte ibérique derrière la brume.
Elle est comme une puce qui aurait vu un chien pouilleux : on lui a volé un soutien-gorge, celui à fleur, justement, qui va avec sa culotte qui joue à cache-cache.
« Tu racontes des blagues ! »
Mais non. Pas du tout.
« Jules, le fantôme du bord, te le rapportera ! »
Non mais ne trouve-je pas bizarre ces disparitions de fringues qui reviennent après quelques jours d’absence ?
« Si, mais s’il n’y avait que ça, ça irait… »
Et je lui raconte ma découverte de la veille.
« Comment ça une anomalie ? » me questionne-t-elle.
Alors je lui montre mes sauvegardes.
« Ah oui… Il y a deux anomalies sur tes prises de vue. La première est bien sur la caméra embarquée, mais la seconde est sur celle de la caméra de surveillance… »
Quoi ?
Je n’avais rien remarqué…
« Si, regarde comment ton chat grimpe avec souplesse et sans à-coup l’escalier vers le pont de l’équipage. »
Oui, bon et alors ?
Minouche fait ça lentement, avec précaution, sans doute pour avoir peur de glisser ou de se prendre des embruns voire encore de marcher dans de l’eau résiduelle sur le pont ou les marches.
« D’accord, mais elle apparaît sous la caméra de surveillance du bord comme si elle avait bondi d’un coup. Or, ce n’est pas le cas : elle a manifestement pris son temps pour venir poser ses quatre pattes sur le pont de l’équipage. Une ou deux secondes, je dirai d’après ses images à elle. »
Ah oui, effectivement.
Ça ne colle pas.
 
« Je vais te dire Alex, notre fantôme, c’est un membre d’équipage qui s’est enfermé quand il l’a vu apparaître alors même que ta Minouche ne regardait pas encore dans la bonne direction.
Or, d’équipage, mis de côté tous les robots qui peuplent ce rafiot de luxe, je n’en connais qu’un membre : Mélanie ! »
Notre fantôme-Jules ?
« C’est peut-être elle qui est notre fétichiste… »
Tu parles : elle doit avoir sa propre garde-robe.
Ou alors elle est aussi lesbienne !
« Ah non, ça je l’aurai « senti ». Or, on ne sent pas grand-chose quand on la croise.
Hormis le premier jour. Pas homo ni bi, ce jour-là.
Depuis, on a un peu l’impression d’avoir à faire à une de ces machines qui pullulent sur ce rafiot.
Mais j’ai peut-être l’imagination qui galope.
Souviens-toi comment elle nous a aimablement accueillies avec cette pointe de contrariété à notre arrivée.
Depuis, elle est pète-sec et ne supporte plus nos remarques éventuelles. »
 
Oui, admettons, mais ça veut dire qu’elle est alors capable de manipuler l’IA pour pouvoir effacer les images intermédiaires entre ce que montre la caméra de Minouche et ce que l’IA veut bien nous dévoiler.
« Deux secondes, pas plus. Un bug. Ne t’emballe pas Alex ! »
Tout de même curieux que ce « bug » se produise justement à ce moment-là.
« Ça arrive : les mystères de l’informatique… »
Sauf que, sauf que, si quelqu’un est capable de « manipuler » l’IA du bord qui contrôle tout, ce n’est même plus la peine de chercher comment le soutien-gorge à fleur d’Aurélie aura disparu…
« Tu as raison Alex.
Moi, je serai toi, j’en avertirai Paul et notre capitaine. »
Non.
« Elle m’a déjà dans le pif. Ça ne va pas arranger les choses. »
Ça pourrait être cohérent, pourtant, la mettant ainsi sur ses gardes à ne plus faire l’andouille avec les sous-vêtements d’Aurélie.
« Sauf que justement si c’est elle notre « fantôme Jules », elle va se sentir piégée. Or, nous devons nous supporter encore quelques semaines.
Demande donc des instructions à Paul. »
Mon « Charlotte » ne répond pas à mes messages et aujourd’hui c’est Noël pour de bon : il a autre chose à faire, probablement.
 
C’est comme ça que je me précipite sur l’ordinateur pour détecter où notre capitaine de bord se trouve être.
Probablement « en apnée » sous la coque du navire, puisque l’IA ne répond pas à ma requête, alors que je peux géolocaliser n’importe lequel des croisiéristes du bord.
Tout de même curieux.
C’est la deuxième fois que ça arrive.
Et je décide de lui laisser un message sur l’intranet du bord.
Globalement je lui indique que le soutif d’Aurélie a disparu et que j’ai découvert une anomalie dans le fonctionnement de l’IA du bord.
À ma grande surprise, elle répond dans les deux minutes alors que je m’apprêtais à me doucher.
« Des anomalies, il y en a quantité et pas seulement une seule. Je passe une grande partie de mon temps à y remédier.
Pour le sous-vêtement de votre amie, je m’en occupe également : il doit être à la lingerie. »
Aurélie l’y aurait mis au linge sale sans s’en souvenir, nécessitant une intervention du service ?
Je ne peux pas lui poser la question : elle est déjà « en mains » pour le reste de la matinée.
Mais j’envoie un texto et un courriel à Paul pour lui signaler ces petits-détails-là !
Il répondra à ce denier quelques jours plus tard.
« Ne vous inquiétez pas, Alexis. Tout est sous contrôle à bord : j’ai une équipe complète qui veille sur vous 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. »
Quant au texto, je reçois une réponse automatique : « Indisponible pour l’instant de donner suite à votre message dont je vous remercie. Il sera traité dès que possible ! »
Malin le déni de réponse à mes inquiétudes du moment…
Mais il y en aura d’autres.
 
Je file à la salle de gym perdre quelques calories emmagasinées durant mes agapes « réveillonnesques » et je déjeune au self, seule, la seconde fois.
Aurélie est encore avec son « cas-contact » du moment à soigner son spleen hardiment et avec constance.
Il y a du caviar et du foie-gras au buffet. Je vais être pompette pour avoir abuser de la vodka glacée et du champagne.
Drôle de jour de Noël dont j’aurai passé l’après-midi à pioncer sur le transat de mon « balcon-sur-mer » personnel, emmitouflée jusqu’au soir dans une couverture pour me protéger des morsures du vent.
Arrivée au soir, c’est Aurélie qui me sort de ma torpeur pour venir dîner au coucher du soleil sur ledit balcon.
« Je t’ai commandé du foie-gras et du caviar ! »
Encore !!!
Je fais finir étouffée par ces délicieux petits grains noirs !
Mais je ne lui dis pas que j’en avais déjà pris à midi…
Je reste seulement modérée sur la vodka et le champagne…
« Tu sais quoi ? »
Bé non, mais je sens que je vais savoir incessamment sous peu …
« Il paraît qu’il y a un cas de Covid à bord. Il a été évacué dans l’après-midi. »
Je n’ai rien entendu…
J’étais pourtant dehors.
« On débarque tout le monde aux aurores demain, sauf nous. »
Il va y avoir une « rotation » de passagers, c’était prévu.
« Ne me dis pas que notre capitaine aura été contaminée… »
Ça, elle ne sait pas.
« Je ne crois pas. Je l’ai croisée quand je suis allée sur le pont supérieur, celui de l’équipage pour vérifier l’emplacement des caméras de surveillance du bord.
Il n’y a personne là-haut mais elle sortait de sa passerelle de commandement sans son masque. »
Lui a-t-elle causé de son affaire de soutif disparu ?
« Non, il est revenu dans la nuit. Là où je ne le mettais pas d’ailleurs : une nouvelle fois dans le tiroir de ma table de nuit avec mon thermomètre…
Tout de même curieux les habitudes du fantôme-Jules ! »
Deux fois, ce n’est plus un hasard ou un oubli, effectivement.
 
Pour ma part, je m’interroge également sur le fait d’avoir pu embarquer une personne contaminée, alors que les tests PCR sont exigés à l’embarquement.
Aurélie et moi avons échappé au goupillon nasal, mais il semble que nous soyons les seules.
Paul m’expliquera bien plus tard, que les tests négatifs ne sont pas nécessairement « absolutoires » et fiables. On peut très bien être testé faussement négatif puis développer la maladie pour avoir été contaminé juste avant, dans la file d’attente pour faire le test, justement…
Et que le pseudo-cluster du bord aura été mis en quarantaine à son débarquement par les autorités castillanes.
Toutefois, la dame, parce qu’il s’agissait d’une dame, aura eu une fièvre carabinée dès le premier soir de son arrivée et sera restée alitée la journée suivante : des fêtes gâchées pour elle et son entourage.
Un « numéro 12 » lui aura prodigué les premiers soins, réalisé un nouveau test qui a pris l’hélicoptère pour être validé positif. Et ainsi provoquer le rapatriement de tout le groupe un peu en avance sur l’horaire de la croisière réservée à l’avance.
« Pas bien grave. Elle n’aura contaminé personne d’autre, mais il nous fallait un peu de temps pour décontaminer tout le navire et nos « poupées » avant l’arrivée du groupe suivant.
Ça s’est bien passé, même si c’est un Noël perturbé pour tous ceux-là… »
 
Effectivement, le lendemain, on a vu des « tables-de-nuit » à roulettes se promener un peu partout, y compris dans nos cabines à nettoyer de fond en comble les couloirs et cabines en dispersant en plus une espèce de gaz qui puait la javel-fleurie.
Pas très agréable.
Aurélie et moi avons passé la journée suivante ensemble. D’abord dans sa cabine, puis très vite en plein-air au solarium, près de la piscine à remous.
« Et si on faisait un peu de jet-ski ? » comme elle en avait fait la demande précédemment.
Demande si tôt émise, un numéro 16 nous conduit au niveau « technique » où se trouve le garage à jet et à hors-bord.
On s’équipe de combinaisons isothermiques et voilà mon Aurélie qui enfourche un jet, se retrouve à l’eau en le chevauchant, et met les gaz.
Personnellement, je n’ai jamais conduit un engin aussi puissant et très vite, je « tape » tel que j’ai failli décoller.
Une fois ça va, mais à la seconde fois, je rentre prudemment alors qu’Aurélie, les cheveux au vent, poursuit ses cabrioles autour du navire jusqu’à plus soif.
Un « numéro 18 », préposé aux manœuvres, me propose de piloter pour moi.
« Et si vous me proposiez un peu de ski-nautique ? »
Ça, je sais faire.
Tout est question d’équilibre entre la traction et la masse à répartir sur la longueur des skis.
Naturellement, nous sommes suivies dans nos évolutions par deux drones volants.
Le démarrage est toujours un peu hasardeux, mais une fois que la traction est régulière, cela devient un jeu d’enfant. On peut même accélérer en faisant des virages de plus en plus accentués soulevant des gerbes de flotte hautes comme une maison.
Saluant ainsi la ronde des hélicoptères et suivies par nos drones qui prennent de belles images et veille à notre sécurité.
Quand nous rentrons, passablement épuisées, c’est pour déjeuner.
 
Le restaurant et le self étant encore en train d’être traités aux antiviraux et produits d’encaustique qui sentent bon la cire d’abeille, nous déjeunons chez Aurélie.
« J’ai vu qu’ils ont des planches à voile et des kit-surfs à bord. Ça te dirait, puisque la mer est belle et le vent pas trop fort ? »
Ça ne lui dit rien : elle préfère essayer « Éva ». Ce qu’elle fera jusqu’au lendemain matin, heure du petit-déjeuner.
Alors je passe l’après-midi devant un beau film et à éplucher l’activité du bord à travers les capteurs de l’IA.
Mélanie dit qu’elle passe son temps à en corriger les « anomalies », mais en fait elle ne fait rien depuis sa passerelle où elle censée se trouver.

vendredi 29 juillet 2022

La croisière d’Alexis (17)

Dix-septième chapitre
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Minouche aura passé sa nuit à se blottir dans mes pieds.
Je suis sur le mauvais bord : si je peux voir le soleil se coucher sur l’horizon en ce moment, je ne le vois pas se lever, pas plus que je ne peux distinguer la côte.
On ne doit pas être loin de l’Espagne et de Borgo, ou encore plus loin.
La rotation des passagers « VRP-brasseur » ne vas pas tarder.
Et ce sera la danse des « chenillettes » pour faire le ménage, la lingerie, la literie et la salle de bain des chambres libérées avant l’arrivée du nouveau groupe.
Des hispanophobes : j’aurai un peu plus de chances de comprendre ce qu’ils se disent qu’avec les anglais du premier tour.
Cette fois-ci, ce sont des couples qui débarquent. Des « vieux » encore un peu plus vieux que les mêmes anglais du premier tour.
Et ils sont accueillis par les « poupées » sagement habillées de leur tenue de service, mais toujours aussi souriantes et accueillantes à en être presque aguicheuses : il fallait voir les regards que lançaient les « épouses » venues aussi pour s’encanailler la veille de Noël au grand-large.
L’ambiance ainsi que les menus auront changé et Aurélie aussi : si les espagnols restent assez joyeux dans l’ensemble, la musique du bord les aidant probablement, Aurélie est de nouveau dans une phase aphasique.
Et moi, je reprends mon quotidien habituel, presqu’une routine.
 
Je comprends pourquoi les « tours » ne durent que trois jours et deux nuits : on n’a pas le temps de s’ennuyer et on en garde un souvenir probablement ébloui.
En revanche, je commence à connaître par cœur les routines quotidiennes : lever, toilette, petit maquillage, choix de vêtements pour la journée, petit-déjeuner dans la cabine d’Aurélie ou la mienne.
Voire, plus exceptionnellement, au snack et son buffet libre-choix ou au restaurant.
Le ciel est tout de même voilé sur son bord et l’air reste frais, même si c’est nettement moins qu’en Écosse.
Le menu est alternativement fait de viennoiseries-café-jus de fruits pressés ou d’un breakfast britannique, avec saucisses, tranches de bacon, thé, porridge, cake, œuf sous l’une de ses nombreuses formes.
Petits tours de jogging d’une heure environ… je parviens bien à faire une quinzaine de tours sans forcer.
Re-douche et remaquillage léger, je retire mon vêtement de sport et je finis la matinée à flâner sur le pont « loisir », ses restaurants, sa boutique pour finalement attendre l’heure du déjeuner avec Aurélie au solarium quand le temps le permet ou dans une de nos deux cabines.
Aujourd’hui, il y a de la paëlla qu’on prend avec les « invités » dans le restaurant panoramique arrière, servie par les « poupées-soubrettes ».
Je ne suis pas une spécialiste, mais je la trouve excellente et les passagers également semble-t-il.
 
Aurélie retourne dans sa cabine pour une sieste coquine avec une « Gaïa » alors que j’épluche mes courriels, teste de nouveau le logiciel de l’IA du bord et sa data, et je télécharge la presse francophone.
Qui n’est pas fameuse : on confine, mais pas en Allemagne. Les belges sont plus radicaux et les anglais se vaccinent à tour de bras.
Le Président américain fait de la résistance dénonçant des élections truquées : une affaire qui finira par l’envahissement du Capitole par ses partisans. Drôle d’image d’une démocratie élective moderne qui veut donner des leçons au monde entier et imposer « son modèle » tout autour de la planète.
Et le Brexit devrait finir par un accord sur la pêche et la frontière irlandaise qui a du mal à éclore.
Les hommes sont-ils cinglés à ce point pour se détester ainsi mutuellement ?
 
Et puis dans l’après-midi, je retourne sur les ponts extérieurs dès qu’il fait un peu plus chaud, à me demander où est passée Minouche et ce que je fais sur ce rafiot si luxueux…
Si l’envie m’en prend, je vais choisir un livre à la bibliothèque pendant que les hispaniques se font des jeux collectifs d’adulte, une sorte de petit-marathon ponctué de quizz divers.
Pendant ce temps-là, les hélicoptères continuent d’acheminer les décorations pour Noël que des « numéros 16 » et des « chenillettes » installent un peu partout dans les cabines et les couloirs.
Quand je rentre au soir, j’ai droit à des guirlandes, un petit sapin en plastique tout décoré, qui font un peu kitsch dans le décor raffiné de « mes quartiers ».
Je dîne avec Aurélie dans sa cabine, des pastillas aux soupions.
Elle me raconte sa journée de luxure avec « Gaïa ». Franchement, ça n’a aucun intérêt, voire c’est complètement indécent comme ces types qui s’envoyaient en l’air encore avant-hier dans les couloirs, presqu’écœurant, mais elle y met un tel enthousiasme que ça en devient un conte de fée…
Quels leurres, mais quels leurres !
 
Au soir, je descends au « casino », bien qu’il y ait une séance de cinéma, en espagnol non sous-titré, qui aura fait un tabac en fin d’après-midi, il y a tout de même du monde qui traine en attendant le réveillon.
Ça danse déjà dans la salle de concert qui est magnifiquement décorée et la sono cogne des tubes des années 80/90…
Ça a l’air de plaire.
Moi, Noël, ça me rend nostalgique. Je me repasse ceux vécus avec ma grand-mère.
Et que je ne revivrai jamais plus…
Quand je rentre c’est pour être assaillie par cette odeur de cigarillo…
C’est quand même pénible, non pas que je reste incommodée par l’odeur, mais que je ne parvienne pas à savoir d’où ça vient, même avec l’aide de l’IA sur laquelle je me jette : il n’y a qu’une seule personne dans sa cabine, hors Aurélie et moi, sur le bord opposé !
Et elle sort, puisque c’est une femme, après s’être apprêtée pour la soirée de réveillon : je la vois aller jusqu’à l’ascenseur en tenue de soirée…
Ce n’est pas ça.
 
À mon tour je me flanque d’une tenue à peu près potable pour participer à la soirée dansante.
Il y en a plusieurs, en réalité. Au « dancing », naturellement, quel que peu envahi, une autre dans l’amphithéâtre, de la musique autour de la piscine et les deniers couples sirotent un digestif encore attablés au restaurant panoramique…
Le relevé des activités des « poupées » sera en berne le lendemain. À part quelques-unes qui se feront tringler dans les parties communes par les plus avinés, elles font le service avec les numéros 16 alors que les « chenillettes » font déjà le ménage et les rangements.
Les robots-cambuse préparent dès maintenant le petit-déjeuner suivant et finissent de laver la porcelaine fine et les verres en cristal.
 
C’est qu’il y a feu d’artifice sur le pont bâbord. Et le meilleur endroit pour le voir reste le pont d’appontage. En tout cas c’est ce qui est indiqué sur le tableau, en espagnol, qui normalement affiche le menu du restaurant panoramique et celui d’information à l’entrée du snack qui sera resté fermé ce soir-là.
Un spectacle pyrotechnique un peu maigrichon à mon goût, sauf sur la fin, qui aura duré tout de même une bonne vingtaine de minutes.
Le temps de se geler les miches qu’on est content de rentrer se mettre au chaud.
J’en prend même une douche très chaude alors que Minouche est repartie en vadrouille.
Le lendemain, jour de Noël, elle sera rentrée sans que je ne m’en aperçoive.
Je m’inquiète pour Aurélie qui a du mal à émerger, comme beaucoup à bord, à qui je souhaite un joyeux Noël et lui remets un carré de soie Hermès aux couleurs chaudes, prévu pour elle de longue date.
Elle adore mais ça n’a pas l’air de l’emballer.
En maugréant, elle retourne dans sa cabine sans avoir touché à son breakfast, revient avec un paquet qui contient un livre de gravure de grands-voiliers à mon attention et repart se coucher…
J’ai à peine le temps de la remercier.
Joyeux Noël ?
Pas bien sûr.
 
D’ailleurs elle me fait faux bond à midi où je vais manger un bout de dinde aux marrons qui apparaît appétissant au libre-service. Je suis seule à déjeuner pour la première fois à bord.
Les autres passagers ont probablement la gueule de bois et le navire navigue sous la lumière de décembre à son allure pépère jusqu’au bout du continent.
Ne sachant que faire, je retourne dans ma cabine et repasse les événements de la nuit avec l’aide de l’IA.
Il y a eu de la débauche alcoolique.
Quelques « poupées » maltraitées dans les parties communes, et peut-être même quelques algarades avec une poignée de couples, mais comme on ne peut pas suivre ce qui se dit et fait dans les cabines, on n’en sait rien : je constate seulement la nervosité lue sur les visages ou quelques déplacements précipités dans les coursives.
Paul de Bréveuil, alias « Charlotte », mon patron, celui qui m’emmène dans cette galère, me souhaite un joyeux Noël par courriel.
Mais il n’aura pas répondu à mon message précédent.
Il dit qu’il est en Normandie avec Florence, son épouse, et leurs deux gamins.
Et ironiquement, je suppose, il me demande si je m’amuse bien…
Je m’enquiquine, oui…
Le luxe, c’est pas mal en soi et on s’y habitue vite, mais c’est finalement lassant.
De voir des machines avec des formes de machines, d’autres à forme quasi-humaine et encore d’autres déguisées en « pute de classe », qui font tout le turbin, jusqu’à faire les lits et le ménage sans la moindre intervention humaine, c’est intéressant au début. On se demande combien il a fallu d’heures de programmation pour que tout cela fonctionne sans même échanger le moindre mot.
Mais à la longue, c’est vraiment lassant : on n’y fait même plus attention, comme si c’était naturel.
 
J’ai alors la bonne idée de télécharger par Bluetooth les images collectées par la caméra de Minouche.
Elle dort la plupart du temps, elle boit et mange de temps en temps. Elle fait ses griffes sur l’arbre à chat épisodiquement, et le reste du temps elle miaule brièvement pour ouvrir les portes qui l’empêchent de se dégourdir les patoches.
Donc elle se promène, parfois pique un galop sans raison, ou alors pour une raison qui reste inconnue.
Ce qui m’inquiète quand même, c’est qu’elle saute aussi sur les rambardes disposées le long des bords extérieurs du navire, sur les ponts accessibles. Un jour, elle va tomber à l’eau !
Même si elle reste agile et finalement prudente.
Et une fois « son tour » terminé, comme moi je fais le mien à mâtine et au soir, elle rentre pioncer sur ma couette.
Ce qui reste intéressant, c’est qu’à un moment, une ombre disparaît sur le pont des cabines de l’équipage.
C’est tellement furtif que ça a failli m’échapper.
J’y suis revenu à plusieurs reprises. Une ombre ou un reflet ?
Ou une illusion d’optique ?
Il faut dire que c’est flou et que ça ne dure qu’une fraction de seconde.
Normalement, avec ma vue basse, je n’aurai jamais dû voir ça.
En fait, je ne l’ai pas vu une première fois. Mais mon instinct de journaliste me disait qu’il y avait une anomalie pas banale, quelle que part.
J’ai donc repassé plusieurs fois la séquence du « pont de l’équipage ».
Et il y a bien « une ombre » iconoclaste.
 
Naturellement, je reprends la même séquence au même endroit, sur le pont tribord de l’équipage, à la même heure sur les caméras de surveillance de l’IA et il n’y a rien.
On voit juste Minouche qui émerge par sauts successifs de l’échelle de coupée extérieure et avance tranquillement vers ladite caméra de surveillance.
Puis s’assoir devant une porte et miauler en espérant qu’elle s’ouvre.
Mais comme là, il s’agit de porte « mécanique à l’ancienne », avec poignée, la magie informatique n’opère pas.
Elle patiente, recommence et repatiente encore avant de décider de vider les lieux.
Nonchalamment, elle rebrousse chemin sous l’œil de la caméra de surveillance conformément aux images prises par sa propre caméra dissimulée et arrimée dans son collier.
Et je vois sa queue dressée en point d’interrogation fluctuant disparaître quand elle redescend par l’escalier de coupée.
Mon cerveau est en ébullition.
Je me repasse l’anomalie première, celle de « l’ombre » filmée par Minouche et ensuite le film de la caméra de surveillance de son arrivée jusqu’à son départ.
Il y a une seconde anomalie, je le sens, mais je ne vois pas laquelle.
Je sauvegarde le tout en espérant y voir plus clair en soirée : je vais être en retard pour mon parcours de footing : je veux être revenue dans ma cabine pour faire des photos du coucher du soleil !

jeudi 28 juillet 2022

La croisière d’Alexis (16)

Seizième chapitre
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Cette histoire d’odeur de cigarillo m’interpelle. Sauf si Mélanie fume en cachette ou que Paul aura inventé un « numéro 16 » fumeur rien que pour me dérouter, il n’y a pas d’explication logique quant à son origine.
Ça et l’odeur des frites de l’autre jour.
Ce soir, j’avais commandé une portion de frites, eh bien si elles étaient excellentes, elles ne dégageaient pas une odeur aussi puissante que l’autre jour.
J’en ai fait la remarque à Aurélie. Elle m’a répondu que c’était « dans ma tête ».
Peut-être, peut-être seulement.
 
Je dors assez mal, j’ai rêvé de ma grand-mère. Elle faisait une croisière, probablement dans un train qui roulait sur l’eau en suivant le cours d’un fleuve et je la cherchais dans tout ce train pensant qu’elle était tombée par-dessus bord.
En fait, elle me suivait pensant me faire une grosse blague et je l’ai aperçue absolument hilare quand elle a compris qu’elle m’avait bien piégée.
On a de ces rêves… toujours bizarres.
Ce jour-là, la température s’est réchauffée, le vent a molli et la mer est restée calme.
C’est curieux la météo : l’année dernière, les concurrents du Vendée-Globe avaient essuyé un fort coup de vent dans la même portion de l’Atlantique à peu près à la même époque, à quelques jours près.
Je décide de faire mon jogging matinal sur les ponts extérieurs.
10 tours, ça doit faire à peu près un kilomètre.
Et puis ça laisse le temps aux « chenillettes » de faire le ménage de ma chambre et de préparer le brunch d’Aurélie, le temps qu’elle se remette sur pied.
 
Sauf qu’à un moment, je prends du retard : l’un des gars fumeurs d’hier soir est à la balustrade du pont de la piscine, abrité du vent.
Il m’aperçoit, me fait signe, je descends le rejoindre et le salue.
« Alors, votre « poupée » ? »
Absolument extraordinaire…
« C’est incroyable ce qu’on peut faire de nos jours ! J’ai passé une soirée fantastique avec deux de ces « poupées », comme vous dites. Eh bien à quelques détails minuscules d’anatomiques près, on se fait totalement bluffer.
Et puis elles font des « trucs » si merveilleusement bien, qu’on s’y croirait ! »
Quels détails ? Quels trucs ?
« Les détails ? La pilosité n’est pas assez soyeuse, surtout sur les bras. Mais le toucher est excellent : on dirait vraiment de la vraie peau.
C’est fait comment ? Avec quoi ? »
Je le sais, avec de la soie pour les poils et du collagène pour la peau, mais je ne lui dirai pas…
Et pour les « trucs » ?
« Ooooh ! C’est assez génial : ces machines connaissent tout le répertoire du Kâmasûtra, ce n’est pas possible autrement.
Et puis elles sont douces et toujours souriantes.
Peut-être pas trop expressives dans les « phases ultimes », en tout cas pas assez à mon goût. »
Pourtant, Aurélie m’avait assurée, je ne sais plus quand, que « ses poupées » avaient de la conversation et savaient parfaitement mimer l’essentiel des émotions « adéquates » aux moments « adéquats ».
Comme quoi… j’ai bien fait de me renseigner.
 
Je le laisse terminer sa cigarette l’air songeur, alors que je continuais de sautiller sur place pour ne pas me refroidir trop vite, et je reprends ma course avec un « à ce soir » auquel il répond « bonne journée »…
Aurélie m’aura commandé des œufs brouillés. Elle pète la forme, bien plus reposée que la veille et moi je pue la transpiration.
« Je crois que c’est l’occasion d’aller faire un tour au hammam du bord. »
« Très bonne idée : je t’accompagne ! »
Oui mais alors pas dans la même cabine…
« Tu es très chouette comme nana, Alexis, mais ne t’inquiète pas : tu n’es pas à mon goût… Et puis avec ce dont on dispose à bord… »
Encore une vacherie ?
 
À la sortie de la séance, nous croisons plusieurs personnes en grande discussion avec notre commandante de bord.
Impossible de savoir de quoi ils discutaient, toutefois, ils avaient l’air un peu mécontent.
Elle met fin à leur discussion en nous apercevant et, droite comme un « i » dans sa tenue impeccable, comme si elle avait avalé un manche à balai, elle s’avance souplement vers nous qui arrivions à sa rencontre.
« Mesdames, je voulais vous informer que nous avons un peu forcit l’allure pour prendre nos distances avec une dépression Atlantique-Nord et nous serons au large de Borgo un peu en avance sur notre planning. »
Bien. Est-ce que ça nous concerne ?
« Par ailleurs, votre chatte aura fait son office dans la salle des machines. L’équipage a retrouvé le cadavre des deux rats.
Du coup, je condamne l’accès pour avoir fait répandre de la mort-aux-rats et différents pièges à souris, si par hasard ces deux-là ont eu le temps de se reproduire, et je suis certaine que ça peut devenir dangereux pour votre chatte. »
Certes et je l’en remercie.
Cependant, je reste un peu suspicieuse : normalement, Minouche me rapporte ses prises.
Que c’est parfois assez dégueulasse.
Et pas là…
« Peut-être qu’elle ne le fait pas tout le temps et que vous n’en savez habituellement rien.
Peut-être qu’en la circonstance elle n’aura pas pu pour une raison restée inconnue de nous ! »
Peut-être en effet.
 
« À propos, hier soir j’ai de nouveau senti cette odeur de cigarillo. »
À quelle heure ?
Je la lui précise.
« Ce qui me semble normal de vous indiquer, c’est qu’à ce moment-là j’ai usé de l’ordinateur du bord pour « loger » tous les personnels à bord.
Or, à part Aurélie et moi qui étions dans nos cabines, tous les membres du groupe embarqué actuellement étaient dans la salle du restaurant panoramique.
Je dis bien tous : j’ai pu les compter ! »
Ah… « Curieux… Vous aurez pu vous tromper. Je vais vérifier ce détail. »
« Dois-je vous préciser que vous n’étiez pas à bord à ce moment-là ? »
Elle a eu un moment d’hésitation, les yeux vides me scrutant profondément, sans expression.
« Vous avez découvert que je quitte le bord en douce de temps en temps pour faire une séance d’apnée sous la coque du navire ! »
J’en reste interloquée…
C’est une blague ou un faux-fuyant ?
Et Aurélie rebondit : « À propos de baignade, j’ai vu que vous disposez de jet-ski. Est-il possible d’en faire demain ? »
Oui, mais seulement si la mer est calme : « Comprenez, pour des raisons de sécurité, il faut que vous soyez toujours en visuel avec notre vigie pour pouvoir vous porter assistance en cas de besoin. Et on vous perd de vue dès que la mer est un peu formée.
Avez-vous votre permis bateau ? »
Euh… Il y a déjà bien longtemps : « Mais je ne l’ai pas sur moi ! »
« Très bien : nous vérifierons ce détail d’ici demain… »
« Euh… vous n’avez pas de drone à bord pour surveiller nos évolutions en jet-ski ? »
Si, bien sûr ! « Mais deux précautions valent mieux qu’une seule… surtout en mer ! »
 
« Elle se fout de notre gueule » fais-je en aparté dès que Mélanie s’est éloignée !
Comment ça ?
« Faire une séance d’apnée sous le navire… Elle nage drôlement vite pour assumer 5 nœuds d’avancement ! »
Mais non c’était une boutade, bien naturellement.
« Tu auras dû te tromper dans tes manipulations hier soir, c’est tout. Ce n’est pas si compliqué à comprendre, finalement… »
Elle commence à me taper sur les nerfs, la Aurélie, là !
« Oui, c’est cela : je suis une cruche, j’ai des visions olfactives et toi tu perds tes culottes au fond de ton tiroir ! »
Mouchée.
Elle en reste interloquée.
Et puis avec une mauvaise foi épouvantable elle me répond : « Oui mais moi ce n’est pas pareil. Je te dis que ce bateau est hanté par un esprit malin et fétichiste ! »
Il lui aura rendu sa culotte à fleur, oui ou non depuis la dernière fois ?
Oui.
« Bé je te dis pareil, alors pourquoi tu me disputes ? »
Ah !
On ne sait pas, ni l’une ni l’autre, s’il vaut mieux en rire ou s’en effrayer…
Je lui fais une grimace, elle me répond par une autre et nous croisons un « numéro 16 » qui ne doit pas comprendre ce que nous faisons. Son air impassible derrière son masque figé nous fait finalement éclater de rire.
Il s’écarte, nous laisse passer et nous galopons vers nos cabines, comme des gamines !
 
Tout de même, Minouche qui n’a plus le droit d’aller où elle veut, cette histoire aberrante de rat, cette affaire d’odeurs incongrues, la disparition de notre capitaine et celle de la culotte d’Aurélie, il faut en convenir, le fonctionnement du bord est tout-à-fait particulier.
Et ce n’est pas que la présence permanente de tous ces robots qui m’impressionne.
J’en fais un long courriel à Paul de Bréveuil auquel il ne répondra que bien plus tard : il doit être en train de préparer son Noël, mais je ne sais pas où…
J’imagine d’ailleurs la bousculade au pays, avec cette histoire de couvre-feu généralisé.
En province, ça ne gêne pas trop : il n’y a jamais personne dans les petites villes après 19 heures. Ils sont tous à préparer la soupe.
Mais dans les grandes villes, forcément ça modifie complètement l’emploi du temps des citadins, obligés de mordre sur leur temps de travail et de trajet pour aller faire des courses avant la fermeture des magasins.
Et la veille de Noël, les « courses », ça reste un incontournable.
Paul, mon boss, avait raison : il va falloir apprendre à vivre durablement avec ce virus particulièrement étrange.
Non seulement il tue, pas beaucoup mais bien plus qu’une simple « grippette », et en plus il mute.
Tu mets au point un vaccin, ce n’est déjà plus le même qui infecte les britanniques, par exemple, mais un « variant ». Et tout le monde croise les doigts en espérant que le vaccin sera efficace…
Puis probablement, « ainsi de suite » pour un bout de temps.
 
Je décide d’aller à mon rendez-vous « galant » avec mes deux fumeurs : il est l’heure.
Mais je me fais poser un lapin.
Pas bien grave, j’ai une longue habitude de ce rituel-là.
Alors je flâne sur les différents ponts, intérieurs et extérieurs.
Il fait frais dehors et je descends au bout de l’escalier pour finalement débarquer au « casino ».
Mon second « fumeur » est attablé avec trois de ses camarades de labeur qui tapent le carton avec de vrais billets de banque.
Sans ça, à part des numéros 15 ou 16, ils se ressemblent pour avoir le même aspect, et quelques chenillettes, il n’y a personne.
Alors, un gin-fizz en main, je m’attaque à un bandit-manchot.
Même pas le temps de finir mon verre que je n’ai déjà plus de jetons : c’est plus rapide de se faire plumer que de jouer à la boule !
Finalement, vue l’heure, je rentre par l’escalier…
 
Arrivée au niveau inférieur du pont où se situe ma cabine, je remarque le « petit-gros » qui tente d’engrosser une « poupée » allongé dans le couloir, sans aucune gêne ni la moindre pudeur !
Les mecs se comportent parfois comme des porcs : les #meetoo ne sont décidément pas de trop sur ma planète.
En arrivant dans ma cabine, Minouche m’accueille gentiment et je ne peux pas faire autrement que d’allumer mon ordinateur qui, par hasard je suppose, tombe sur la scène que je venais de croiser dans la « vraie vie ».
Le « petit-gros » aura été rejoint par deux « grands-maigres » et ils sont entourés de quatre « poupées »…
Mon idée était de vérifier où se situait notre capitaine.
Elle est sur la passerelle du navire.
Alors pourquoi je ne l’ai pas repérée la veille au soir ?
Je me repasse les images d’archives : elles sont comme j’avais pu les voir précédemment.
Et notre Mélanie était introuvable dans la machine…
J’explore, j’épie.
Elle apparaît bien dans la salle des machines au milieu de la nuit : peut-être qu’il y a une trappe avec un sas qui lui permet de faire une sortie sous la double-coque, pour faire ses séances d’apnée, finalement ?