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Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

mercredi 31 août 2022

2022, l’année électorale de Charlotte (20)

19 – Mise en place du dispositif (2)
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
C’est alors qu’on rentre dans un scénario du futur immédiat qui me paraît si complexe qu’il faut que je m’y reprenne à plusieurs fois avant d’en tirer les lignes qui suivent.
Et encore, ça reste confus dans mon esprit.
« Et puis il y a d’autres enjeux. On va aller vers un conflit sous prétexte d’exercice de défense. L’armée ukrainienne, présentée comme acculée, aurait rassemblé des troupes et des blindés le long de la ligne de séparation dans le Donbass, tandis que l’armée russe aurait replié ses forces de son côté de la frontière avant d’y revenir.
Ça, c’est le plan prévu et ce qu’on va nous faire croire.
On vous dira que des tirs d’obus, des tirs de sniper et autres provocations du côté ukrainien s’intensifient, dans l’espoir de pousser les Russes à déplacer des forces sur le territoire ukrainien, ce qui permettrait au collectif occidental de crier « Haha ! Agression russe ! », c’est le scénario écrit à l’avance à vocation russophile.
D’autant que les autorités russes prétendront vouloir « dénazifier » le pays de leurs cousins ukrainiens, là où il y a eu quantité de mariages mixtes et de migrations entre les deux pays, avant de mettre en place un gouvernement qui leur sera favorable, alors qu’ils n’ont finalement besoin, mais c’est impérieux, que de remettre en eau le Canal de Crimée. »
Dénazifier ? « Mais ils sont vraiment stupides ! » m’écriai-je.
 
« Pas totalement : c’est leur « story » et ça correspond à leurs délires verbaux depuis un ou deux ans, où le Kremlin prépare les esprits, son opinion publique et les cadres de l’armée. Ça correspond à leur mythologie d’une armée rouge qui aurait vaincue à elle toute seule les nazis le 9 mai 1945. Ça cultive leur fibre patriotique qui pousse à consentir des efforts, comme la génération précédente sans se poser trop de question.
Loin d’être stupide, au contraire !
Tous se souviennent aussi de la première révolution de 1905 et l’affaire du Potemkine qui s’est déroulée à Odessa, en Ukraine.
Mais ça ne va pas se passer tout-à-fait comme il est prévu. »
Comment ça ?
 
« D’abord l’occident va prendre des mesures de rétorsions et devra même mettre un terme au gazoduc Nord Stream II, marquant ainsi une victoire géopolitique majeure dans la région pour Washington et enchaîner avec de nombreuses autres manœuvres de répressions économiques et monétaires qui vont terriblement nuire à la Russie sur le plan politique et économique, mais pas tout de suite.
Et puis surtout, le monde entier va découvrir les limites de la formidable armée russe, incapable de régler ses problèmes de logistique !
Une vraie déroute symbolique : ils ne savent même plus mener une « blitzkrieg » sur quelques dizaines de kilomètres, leur supériorité aérienne ne leur sert à rien face à la résistance ukrainienne au sol alimentée par du matériel qui va passer par la Pologne et la Roumanie et puis les occidentaux vont faire peser cette menace économique et monétaire qui finira par être fatale au président, telle que les russes seront traités comme des parias sur la scène internationale. »
Il faut dire aussi que celui-là est malade : « ce qui va le diminuer ».
 
« Mettez-vous tout de même à la place des russes qui, au début, se seront mis tout seuls dans cette situation : dans cette hypothèse de montée des pressions, ne pas répondre aux soi-disant provocations ukrainiennes et ne rien faire pendant que les forces ukrainiennes bombarderaient et envahiraient les villes de Donetsk et de Lougansk pour en reprendre le contrôle, tuant les civils russes qui y vivent, des crimes de guerre tout de même, ferait paraître la Russie comme faible, minerait la position du gouvernement russe sur le plan intérieur et lui coûterait beaucoup de capital géopolitique sur le plan international.
Répondre aux provocations ukrainiennes par une force militaire écrasante et écraser l’armée ukrainienne, comme cela a été fait en Géorgie en 2008, serait très populaire à l’intérieur du pays, mais pourrait conduire à une escalade majeure, voire à une guerre totale avec l’Otan, une menace agitée par tous les faux-culs, puisque Poutine et Lavrov font le pari d’une non-intervention des troupes occidentales par peur d’un conflit majeur tout en agitant leur propre bouton nucléaire et leur Novitchok quand ils seront acculés. L’armée russe aura donc un feu vert, pratiquement sans risque de déflagration générale, en pensent-ils.
Or, de toute façon, si sur le plan militaire, le conflit est contenu et que les forces de l’Otan resteront en retrait, comme elles l’ont fait en Géorgie, les conséquences politiques vont causer des dommages considérables à l’économie russe en raison du renforcement des sanctions et des perturbations du commerce international.
Mais Poutine s’en fout : ça ne gênera que les oligarques et il pense, à tort, qu’ils s’en remettront ! D’autant qu’ils leur doivent tout ou presque.
En revanche, les revers militaires, et ils seront nombreux, vont le dessouder tôt ou tard et il le sait bien. »
Je ne saisis pas très bien…
 
Derrière ces choix « tactiques » se dissimulent une nouvelle fois dans les discours de Poutine la démesure de sa maladie mentale. « Il a toujours prévenu qu’il n’avait pas besoin d’un territoire supplémentaire, ce qui est faux : mettre la main sur les complexes industriels de l’Est de l’Ukraine est une aubaine, tout autant que sur les terres céréalières du pays et de rouvrir le canal de Crimée.
Il a même déclaré que la Russie suivrait la voie de la libéralisation maximale en accordant la citoyenneté à ses compatriotes et que, par conséquent, la sauvegarde des citoyens russes était une priorité absolue.
Enfin il a déjà déclaré que la résolution du conflit dans l’Est de l’Ukraine par des moyens militaires était inacceptable et qu’il s’agissait de reprendre les accords de Minsk, qui prévoient un changement de constitution de l’Ukraine pour une large autonomie des oblasts séparatistes du Donbass, ce qui est resté lettre-morte du fait de Kiev, ce qui est vrai. 
Du coup, en prenant l’initiative d’un conflit ouvert, sa base patriotique serait dynamisée et les élections qui doivent avoir lieu en 2024 se transformeraient en un triomphe à l’échelle nationale pour plusieurs millions d’électeurs, croit-il ! »
Là, je vois : un coup double ou triple pour sa fin de règne…
 
« Or, comme il dit l’inverse de ce qu’il fait, il va décider de faire évacuer le Donbass, pour avoir enfin un gouvernement « ami » à Kiev, transformer la mer d’Azov en une mer intérieure exclusivement russe, et l’écho, d’après lui, en serait même encore plutôt favorable au niveau international, puisque ce serait « légitime » de sa part.
C’est un coup de judo typique que Poutine va tenter, qui déséquilibrerait l’Otan et le département d’État américain. Comme il s’agirait d’une vaste mission humanitaire, il serait ridicule de tenter de la dépeindre comme une « agression russe ».
Logique…
Et l’Occident se retrouverait avec un Donbass vide de ses habitants, comme Moscou devant les troupes napoléoniennes, mais interdit d’accès pour eux ou pour les Ukrainiens. Une évacuation ne changerait en rien le statut ou la position de négociation des personnes évacuées et de leurs représentants vis-à-vis des accords de Minsk, bloquant cette situation en place jusqu’à ce que Kiev entreprenne une réforme constitutionnelle, devienne une fédération et accorde une autonomie complète au Donbass jusqu’à l’annexion recherchée.
Et l’Ukraine ne pourrait plus jamais rejoindre l’Otan, car cela violerait sa charte étant donné qu’elle ne contrôlerait pas son propre territoire. »
Malin !
 
« En plus, de nouvelles sanctions contre la Russie deviendraient encore plus difficiles à justifier, pense-t-il, car, dans cette hypothèse, il serait intenable de l’accuser d’agression pour avoir entrepris une mission humanitaire visant à protéger ses propres citoyens ou pour avoir assumé ses responsabilités en tant que garant des accords de Minsk.
Tout un discours alimenté par sa propre propagande. »
Affligeant !
« Non astucieux. Sauf que ça ne va pas se passer comme prévu par « le plan » préparé depuis au moins mars de cette année, avec une accélération depuis le départ des américains d’Afghanistan. »
Comment ne pas savoir anticiper tout ça ?
« La naïveté des occidentaux, dont je parlais juste avant… »
Il avale une gorgée de son verre. Du coup, je m’en sers un fond de verre tellement tout cela est « poignant ».
Hélas, ça m’embrouille un peu plus l’esprit…
 
« C’est le génie tactique de Poutine !
Parce que s’il envahit directement et malgré tout l’Ukraine, et il va le faire au moins provisoirement, on change de dimension : il devient l’agresseur, refait le coup d’un printemps de Prague puis aura l’ambition de vassaliser le pays avec en vue de retirer ensuite ses troupes pour laisser la place à des milices et ses mercenaires. Mais les sanctions internationales seront terribles. Ce que ses oligarques veulent éviter. Alors il leur donnera le change jusqu’au bout. »
Et c’est le peuple russe qui en supportera les conséquences…
« Oh, tant qu’il contrôle ses opposants, il ne prend pas de grands risques politiques. L’autocrate biélorusse y est bien parvenu, jusqu’à détourner un avion civil étranger qui croisait dans son espace aérien ! »
Machiavélique : « C’est comme ça que ça va vraiment se dérouler ? » interroge-je.
Toujours la même réponse, mais avec un haussement d’épaules moqueur : « Pas vraiment, mais vous verrez bien. »
 
J’en reviens donc à la suite immédiate, si je veux en savoir plus. Comment Paul va organiser son « Balbuzard-team ».
« En fait, très simplement. Il va y avoir deux Canadair, des bombardiers d’eau qui vont venir du Canada et vont être équipés de matériel de contre-mesure pour passer inaperçus. »
C’est quoi ?
« Des équipements électroniques de détection et de brouillage de radar. Des émetteurs qui renvoient un signal erroné aux radars de veille et de tir d’avions circulant à proximité ou des stations au sol. »
Et ça fonctionne ?
« Plutôt bien, mais c’est cher et il faut un opérateur à bord pour contrôler tout ça. Comme il y a plus de 6 mètres cubes de libre si on retire les citernes d’eau, il y aura encore de la place pour embarquer du kérozène supplémentaire et des sièges pour nos passagers clandestins.
Ces avions vont être « transformés » à Évreux, être pris en main par des équipages à Marignane et seront stationnés ici sous un hangar nouveau pour leur entretien.
Mes équipages iront s’entrainer au large… »
Et puis il change de sujet, me semble-t-il.
 
« Vous qui étiez ici cet été, est-ce que vous avez vu passer des « Tigre », des avions militaires US déclassés de la guerre de Corée ? »
Oui, trois avions tout noirs, sans immatriculation, qui faisaient des figures de voltige, pas ici à Calvi, mais à Ajaccio.
« C’était quoi ? »
Des leurres…
« Des pilotes de l’armée qui s’amusaient avec mes petites économies à se faire plaisir. En fait, leur mission était de se montrer et de faire du bruit. Ils auront fait le tour de la Corse, avant de rentrer à Beauvais, histoire de tester les circuits de renseignement capables d’être mis en œuvre dans l’île. »
Et ?
« Eh bien, le plus étonnant, rien, sauf des correspondants de Sputnik et de Russia Today-France qui sont venus faire quelques clichés sous couvert de séjour touristique. On les a suivis avec le logiciel BBR et ils ne sont pas venus jusqu’ici en Balagne.
Ce qui me fait confirmer que c’est le bon endroit assez discret pour les parquer »
Des espions ?
« Oui, bien sûr. Mais comme au moment important ils seront retournés en Russie, carte de presse confisquée, interdits d’émettre et de circuler en France, ce n’est pas très important. »
Parce qu’on va en arriver là ?
« Oh là, si vous saviez… Et puis il y avait un agent consulaire US. Comme ça il sait que nous nous préparons… Et rien d’autre alors qu’il y avait du touriste, cet été. Principalement d’Europe, mais de toute l’Europe ! Même des suédois… »
Du monde, oui. Des suédois, je ne sais pas.
 
« On va donc faire venir jusqu’ici, car c’est une « zone blanche » confirmée, les Canadairs à l’abri des regards de curieux et il y aura un Beriev 200. C’est un gros hydravion. Russe qui plus est. Un biréacteur qui reste assez bruyant au décollage et en vol.
Celui-là servira en Ukraine, après avoir servi d’abord au Kazakhstan, mais depuis la Chine occidentale, quand il s’agira de sortir des agents alliés du merdier qu’ils auront créé à Almaty, un peu par hasard.
Un vol qui partira de Xian de Huocheng, remontra la rivière Lli et passera au Kirghizistan à travers les vallées sur le retour pour rejoindre Islamabad, au Pakistan, avec ses passagers.
Son immatriculation russe, fausse naturellement, les laissera tous comme deux ronds de flan !
Et puis tout le monde sera positionné ensuite en Roumanie et en Grèce pour opérer en Mer Noire dès que ce sera « navigable », c’est-à-dire quand les radars seront « nettoyés », rendus inopérants, avant de revenir jusqu’ici s’y garer. »
Si tout est prévu…
« Et vous ? »
« Moi, je supervise l’entrainement et la mise en place. Avant que Gustave ne reprenne le relai. Il va adorer la baraque. Ça va le changer du Gers où il pleut souvent et de ses embouteillages parisiens qui le rendent nerveux. »
Peut-être qu’il lui faudra aussi une voiture… puissante, ici aussi.
« Oh ici, faire de la vitesse, c’est uniquement sur la route de Lumio, parce que ça tourne quand même beaucoup. Mais on peut se faire plaisir si on aime les routes de montagne ! »
 
Et alors, à quoi vont servir ces hydravions en Mer Noire, si j’ai bien compris ?
« Très simple. Comme le conflit de haute intensité en Ukraine, avec invasion, bombardements et tout le toutim autour de « bavures », avec son lot de désinformations, de manipulations de fakes-news, va durer plus que prévu, l’Otan va être empêché d’intervenir directement sur place de peur de déclencher une troisième guerre mondiale dont elle va être menacée. »
Ah oui, tout de même, à ce point-là ?
« Oui, mais ne vous inquiétez pas : tout le monde sait qu’en cas de conflit nucléaire, il n’y aura que des perdants. Il s’agit juste de faire peur pour « sidérer » l’adversaire, le tétaniser.
Néanmoins, l’Otan, va faire parvenir des armes et des munitions par la Pologne et la Roumanie, vous ai-je déjà dit. Des réfugiés vont se précipiter vers ces pays et nous, nous devrons nous faufiler à travers les mailles des filets russes en Mer Noire, sous prétexte de missions humanitaires pour apporter des médicaments et exfiltrer quelques personnalités « obscures » et nombres de malades et blessés vers la Pologne et la Roumanie.
Voilà pourquoi les équipages seront positionnés en Roumanie, durant cette période.
C’est plus facile, même si c’est un peu plus long, mais ça contourne le blocus en Mer Noire autour d’Odessa. »

mardi 30 août 2022

2022, l’année électorale de Charlotte (19)

18 – Mise en place du dispositif (1)
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Paul me fait un signe de la main l’air de dire qu’il m’expliquera et qu’il faut que je laisse tomber sur le moment…
Florence se reprend : « En attendant, ça a quand même beaucoup changé en 15 ans. Je n’imaginais pas qu’on puisse construire autant alors qu’on est en zone de montagne et contraint par la loi littoral. Enfin, ce n’est pas tout-à-fait ce que je voulais dire, mais regarde jusqu’où ça va depuis la Citadelle ! »
Qu’on voit parfaitement de là où nous sommes assis.
« Et encore, tu n’as rien vu derrière, du côté de la Revallata ! »
« Ne me dis pas qu’ils ont couvert le littoral de constructions ? Calvi est un site classé au patrimoine mondial… »
« Si tu crois que ça les gêne. Regarde derrière nous : même l’huissier local s’est fait construire une tour de trois étages, plus haut derrière…
Dire que c’est par là que le feu avait déboulé[1] »
Voilà que je commence à comprendre pourquoi cette éruption de villas qui parsèment, comme autant de poubelles visibles, tout le maquis alentour, parce que l’explication est simple : « Très simple à comprendre. Le feu a ravagé tout le coin, sauf les vignes, jusqu’à descendre au bord de la nationale et de la pinède, tout en bas, le long de la plage ».
Je connais : j’y ai fait quelques balades à l’occasion de mon premier passage.
« J’y avais mon atelier », précise Florence.
« Depuis, chacun est obligé de démaquiser sous peine d’amende. Résultat, ils vendent les uns derrière les autres parce que personne n’en a les moyens.
D’où l’arrivée de Guido, qui va résorber ses dettes de cette façon-là, parce que c’est un boulot pénible que les locaux rechignent à faire et de cette façon-là, et en plus il va entretenir ton domaine, ma Chérie ! »
Avec quels moyens ? Les ânes et les moutons ne peuvent pas faire le boulot ?
« Plus personne n’élève des chèvres et des brebis dans le coin : trop de contraintes réglementaires. »
La fondation y pourvoira… « Mais tu le laisseras vendre les citrons et les quelques moutons qu’il va acheter… pour compléter ses fins de mois.
En revanche, si tu peux, tu lui feras ramasser les oranges amères : elles font une excellente marmelade ! »
Rassurée ou non, elle quitte la table de granit épais avec un large sourire, contente de se trouver sur les lieux de ses anciens « exploits ».
C’est l’occasion pour moi de revenir sur l’épisode précédent.
 
« Pour tout vous dire, patron, j’ai quand même été surprise, et Gustave aussi, quand vous avez traité les gars du secrétariat du premier ministre de « naïfs ». Vous vous souvenez ? C’était osé, non ? »
Il finit son verre de vin local.
« Vous trouvez ? »
Oui, je confirme d’un signe de tête.
« Nos « décideurs » sont des types très intelligents, d’une façon générale, infusés, biberonnés, éduqués et formés à l’intérêt général du pays, pas de doute. Mais leur problème, c’est qu’ils n’ont pas le temps de creuser eux-mêmes les dossiers des dessous de la situation internationale et de leurs enjeux. Ce n’est pas leur rôle : ils ont des conseillers pour ça.
Il n’empêche, depuis l’été et le départ précipité des occidentaux d’Afghanistan, les choses ont profondément changé, notamment pour les russes et même pour Pékin. Ces deux-là ont compris que l’Occident n’est plus disposé à payer le prix du sang pour des clopinettes.
Or, Poutine est un brillant tacticien, un grand névrosé peut-être également, et il a imaginé que se présentait une opportunité unique. »
Laquelle ?
 
« C’est un homme vieillissant dont la santé est vacillante ai-je déjà dit. On le voit bien sur les photos d’actualité. Un coup il a le visage enflé, un coup il est tout pâle, un coup il est tout rose et frais. »
Ce qui veut dire ?
« Qu’il est sous traitement de corticoïdes. Et quand c’est mal dosé, ça se voit.
Il doit probablement prendre aussi des trucs pour lui redonner du tonus, qui doivent détraquer d’une façon ou d’une autre le bon fonctionnement de ses organes vieillissants. C’est qu’il n’a plus 20 ans, mais bientôt 70. »
Une rumeur affreuse en dit qu’il prend des bains de sang de rennes, pour se revitaliser…
« De plus, il est entouré d’oligarques tous plus ambitieux les uns que les autres qui n’en ont jamais assez, d’officiers dont il n’est pas certain de leur loyauté à tel point qu’il engage quantité de mercenaires pour faire le sale boulot afin d’éviter toute rébellion dans les rangs.
Et de politicards qu’il tient dans sa pogne tellement ils sont tous plus ou moins corrompus et ont peur de ses réactions brutales et sans appel. D’autant qu’il a étouffé toute opposition : il n’y a pas de relève prête pour le remplacer. Et ils se méfient tous de lui, voire redoutent vraiment ses sautes d’humeur et son usage immodéré des drogues chimiques : Nalvany, Skripal, etc.
Bref, c’est un dirigeant esseulé, mal entouré, déconnecté qui a fait le vide autour de lui.
Or, il a aussi une ambition qui l’occupe depuis un quart de siècle : redonner à son pays sa grandeur passée de seconde puissance mondiale, là où la Chine est en passe de le dépasser.
Et de là est née une haine, une rancœur impitoyable contre l’Occident qu’il envie secrètement.
Lavrov, son stratège et ministre des affaires étrangères, a deux ans de plus que lui et œuvre dans l’ombre vers le même but. À eux deux, ils ont compris que l’Occident est infiniment plus puissant sur le plan économique ― le PIB de la Russie c’est 1.483 milliards de dollars pour 144,1 millions d’habitant, alors que l’Italie c’est déjà 1.886, l’Allemagne 3.800 et la France 2.600.
Quant à la Chine c’est 14.820 milliards et les USA 20.940… »
Impressionnant décalage, effectivement.
« Une puissance régionale qui n’est plus mondiale et encore moins « globale », à qui il reste le bouton nucléaire et une armée que tout le monde considère comme redoutable, parce que rééquipée depuis peu par du matériel moderne.
Surtout l’aviation et un peu moins la marine. »
 
« À leurs yeux, l’Occident a des faiblesses, ce qui est vrai : sa démocratie qui émiette l’opinion publique, ses divisions stratégiques qui poursuivent des intérêts divergents qui ont du mal à converger, alors que l’armée russe, c’est un seul pays appuyé par plus de trois millions d’appelés mobilisables et un budget de 62 milliards de dollars.
En fait Poutine investit dans ses armes qui servent à menacer ses voisins et dans l’or qu’il entasse pour les jours d’après le déluge : de la rente pétrolière et gazière qui devrait aller dans l’économie comme le font les Norvégiens et les pétromonarchies, et qui reste inutilisée, hors l’armée.
Un gros effort, consenti au détriment de ses classes moyennes et laborieuses, qu’il va vouloir rentabiliser en renforçant son cercle sécuritaire de pays soumis à ses frontières qui tous veulent rejoindre l’Otan des occidentaux, l’ennemi désigné, la démocratie honnie qui en devient la proie facile de la démagogie, d’autant qu’il la manœuvre facilement en sous-main !
Les pays baltes, les pays de l’ancien pacte de Varsovie, la Géorgie, l’Arménie et demain l’Ukraine : la Russie n’a plus de glacis pour se défendre d’une agression quelconque. En bon psychopathe, il la considère comme assiégée. »
Ça peut se comprendre, non, surtout quand on regarde une carte où manque des ouvertures sur la mer !…
 
« Alors, depuis l’annexion de la Crimée et la guerre civile soutenue dans le Donbass, il avance dissimulé. Sa doctrine, la « maskirovka », il la pousse à son maximum de cynisme : surtout ne jamais admettre ses véritables intentions, et avoir recours à tous les moyens politiques et militaires possibles pour tromper l’ennemi et garder l’initiative.
Il ment en permanence, fait l’inverse de ce qu’il prétend et s’en tire par des pirouettes en bon ex-officier du KGB.
Les instructeurs russes insistent d’ailleurs beaucoup sur cet outil, sur l’importance de la dissimulation et de la surprise dans la guerre.
La « maskirovka » est d’autant plus systématique que les autorités russes ― et soviétiques avant elles ― n’ont pas à rendre de compte au public. Une différence de taille avec les démocraties et les États-Unis en tête, qui avaient tout de même prétexté la présence d’armes de destruction massive pour envahir l’Irak en 2003 ― un mensonge, bien évidemment.
D’ailleurs, l’annexion de la Crimée par le Kremlin, en 2014, est considérée comme un cas d’école de la « maskirovka ».
Ce territoire ukrainien, où se situe l’une des plus grandes bases de la marine russe, Sébastopol, a été assailli, le 28 février 2014, par des militaires cagoulés sans insignes, surgis de nulle part ― les fameux « petits hommes verts ». »
Je me souviens très bien…
 
« Poutine a dans un premier temps nié qu’il s’agissait de Russes avant de leur remettre des médailles quelques semaines plus tard et d’admettre qu’il s’agissait bien de troupes russes, en l’occurrence des forces spéciales, déployées en Crimée juste après leur participation à la protection des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.
La création d’incidents servant de prétexte à une intervention militaire fait également partie de la panoplie de la « maskirovka » russe.
On aura beau dénoncer des scénarios de provocations dans le Donbass, ils serviront tôt ou tard d’excuse et de prétexte à une intervention militaire de Moscou.
Des territoires sécessionnistes, où les passeports russes ont été distribués gratuitement ces dernières années et où on annoncera même l’évacuation des civils vers la Russie voisine, en prévision d’une prétendue invasion « néo-nazie » ukrainienne. »
Néo-nazie, l’Ukraine ? Rien que ça !
« Pourtant, Kiev va répéter qu’elle n’avait jamais eu l’intention de mener une quelconque offensive et elle n’en a d’ailleurs pas vraiment les moyens, sans ça, ce serait déjà fait depuis longtemps.
D’autant que c’est important dans le cadre d’une adhésion à l’Otan. L’impétrant doit avoir la maîtrise totale de son territoire et ne pas être en guerre pour voir sa candidature prospérer. C’est dans ses statuts ».
Je ne savais pas ce détail…
 
Il continue : « Cette trame rappelle le précédent de la Géorgie, en 2008. Après des jours d’échanges de tirs entre les forces locales et celles de la région séparatiste d’Ossétie du Sud, Moscou avait pris prétexte d’agressions contre les Casques bleus russes et les résidents Sud-ossètes de nationalité russe pour lancer une offensive aussi rapide que dévastatrice.
Tbilissi, qui réclamait à l’époque de pouvoir adhérer à l’Otan, comme aujourd’hui l’Ukraine, avait dû accepter un cessez-le-feu honteux. Et de renoncer, de facto, à reprendre le contrôle des républiques autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, où le Kremlin a depuis implanté des bases militaires permanentes. »
Il se reverse un peu de vin rosé après m’en avoir proposé.
 
« Ils sont comme ça. Ne pas le voir ni le comprendre, c’est fondamentalement être naïf.
Rien que l’époque soviétique n’était pas en reste lorsqu’il s’agissait de recourir à la « maskirovka ». Vous n’étiez pas née, mais faites un effort et souvenez-vous tout de même, parce que c’est dans les livres d’Histoire, que contre l’armée nazie, durant la Seconde Guerre mondiale, les généraux de Staline ont tout autant eu recours à la ruse qu’à l'effet de nombre.
Toutes les opérations intégraient une part de tromperie. Cela a été le cas lors de l’opération Bagration, à l’été 1944 qui a libéré la Biélorussie, lorsque l’armée russe a dérouté les Allemands et éparpillé leurs forces à coups d’attaques momentanées.
Même du temps de Napoléon, celui-ci s’attendait à batailler contre l’armée du Tsar et ses avant-postes étaient régulièrement accrochés sur la route de Moscou, mais le gros des troupes avait évacué la ville et ils y avaient mis le feu !
Et la désinformation ne concerne pas seulement les mouvements de troupes. En 2014, pour masquer son intervention clandestine dans le Donbass, la Russie n’a pas hésité à mettre en place un convoi humanitaire de plus de 250 camions repeints à la hâte en blanc, partis de Moscou le 12 août. Pendant plusieurs jours, les médias se sont focalisés sur cet événement, relaté à la télévision, pendant que des soldats russes « en vacances » et de l’armement, parfois sophistiqué, traversaient autre part la frontière.
Moins d’un mois plus tôt, le 17 juillet, le vol MH17 de la Malaysia Airlines, reliant Amsterdam à Kuala Lumpur, avait été abattu par un missile sol-air, faisant 298 morts. Le prétexte fabuleux, même si c’est aussi une tout autre histoire[2].
Là encore, en excellent tacticien, le chef du Kremlin aura su en prendre prétexte et tirer la couverture à lui sans même être inquiété.
Pourtant une équipe internationale d’enquêteurs a conclu que le missile tueur n’avait pu être fourni que par l’armée russe, sur ordre de Poutine lui-même.
Mais Moscou a toujours nié son implication. Comme le régime a toujours refusé de reconnaître son soutien militaire aux séparatistes prorusses, fidèle aux préceptes de sa « maskirovka ». »
Ça, je m’en souviens parfaitement : là, j’étais déjà née !
 
On va vers la guerre, alors ? Sous quel prétexte va-t-elle être déclenchée ?
« Poutine va exiger de l’Otan qu’elle se retire des anciens pays du Pacte de Varsovie et l’engagement écrit que l’Ukraine n’y adhérera jamais. »
Comment sait-il ça ?
Et puis ce n’est pas possible !!!
« Effectivement, ce n’est pas possible, ni pour l’une ni pour l’autre de ses exigences. Donc il va faire pression en faisant faire des exercices aux frontières Ukrainiennes depuis son territoire et celui de la Biélorussie vassalisée tout en assurant jusqu’au bout que ce ne sont que des exercices et que ses troupes rentreront dans leur caserne après avoir labouré le terrain.
Ça, plus des navires qui formeront un blocus en Mer Noire sous prétexte de s’exercer à défendre Sébastopol, des tirs d’armes à portée stratégique, dites « invincibles » et quelques « incidents de frontières », ce sera suffisant pour faire monter la tension chez tous les diplomates de la planète qui ne comprendront pas encore.
Et à un moment, quand les JO de Pékin seront clos, il sera alors facile de tenter de « vassaliser » l’Ukraine à son tour, désertée par tous les occidentaux. »
C’est comme ça que ça va se passer ?
« Vous verrez bien. Parce que d’une part, ce sera plus compliqué que ça et qu’ensuite, ça sera au tour de Pékin d’en faire autant autour des îles côtières qui dépendent encore de Taïwan… »
[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Le feu », à paraître aux éditions I3
[2] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Mains invisibles », aux éditions I3

lundi 29 août 2022

2022, l’année électorale de Charlotte (18)

17 - Détour en Corse
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existantes par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
Le surlendemain, c’est Gustave qui me convoque : il se sera fait tirer les oreilles par le ministère. Le document, en provenance de Matignon qui leur aura été remis est arrivé tout noir !
Évidemment, Gustave n’est pas encore au courant de tous les tenants et aboutissants de notre petit détour rue de Babylone : il était coincé dans les embouteillages aux portes parisiennes alors que j’avais pris la précaution de prendre une chambre en ville à proximité du siège du Kremlin-Bicêtre.
Coups de téléphone précipités à la suite de cette engueulade.
Paul lui confirme depuis la Normandie, j’imagine, puisque je l’ai ramené jusqu’au Bourget, à la fois le contenu de l’entretien dont je venais de retracer les grandes lignes la veille, et le procédé particulier de contre-espionnage relatif au document remis.
Un « bleu de méthylène » que ça s’appelle dans leur jargon particulier[1].
« Oh mais c’est grave ça ! Très grave ! »
J’imagine que Paul lui aura dit de faire tourner le logiciel BBR.
« Les bleus ? Entendu ! »
Et je l’entends dire ensuite : « Quel numéro IP, la nanopuce ? » Je le vois noter précipitamment un numéro de plusieurs chiffres ponctués de points.
Le document était donc piégé en conclus-je…
Bien joué : il va y en avoir au moins un dont la carrière va être bloquée. J’ai appris par la suite qu’il ne sera même pas arrêté, les pontes de DGSI préférant se servir dudit individu comme d’un agent de désinformation malgré lui.
Encore une combine de services totalement paranoïaques !
L’entretien se poursuit un long moment. Et sans le haut-parleur, je n’ai que la moitié de la conversation, encore que, Gustave ne parle pas beaucoup mais prend des notes.
 
Quand il raccroche, c’est pour appeler son correspondant au ministère et lui expliquer le détail du piégeage du document et comment ils vont pouvoir exploiter la situation par la suite.
Naturellement, l’honorable correspondant en veut un second exemplaire.
« Il n’y a pas de minute ni de grosse. Un seul original : tu connais comme moi les règles de sécurité. Tu laisses les services de ton premier ministre s’expliquer avec ça et prendre leurs responsabilités… » s’exclame-t-il. « Moi-même, je ne sais pas ce qu’il y avait dedans, mais si tu m’offres à déjeuner, je pourrai t’expliquer de quoi il retourne. »
Une façon habile comme une autre de déjeuner, dans quelques jours, aux frais de la princesse…
Et puis, il se retourne vers moi.
« Bon, Alexis, le patron m’a donné des instructions en ce qui vous concerne. »
Je le savais…
« Voilà la situation : le Team des Balbuzards va être créé et devenir opérationnel sous peu. « L’actionnaire » voudrait que vous l’accompagniez dans l’étape suivante. Moi, je suis chargé de monter une « sphère de sécurité » autour de ses gamins et je vais mobiliser le groupe HLM pour ça.
On va également mobiliser le groupe ADN pour assurer une veille en Normandie et vous partez en Corse pour suivre la mise en place d’une troisième « sphère » sur place. »
En Corse ? Mais qu’est-ce qu’il va y faire, le patron ?
Et puis je lui rappelle que je suis chargée de suivre les débats politiques autour de la campagne électorale qui va démarrer incessamment sous peu : il y a une primaire prévue chez les socialistes le 14 octobre, brillamment remportée par la maire de Paris avec 70 % des voix dès le premier tour faute de candidat assez affûté en face d’elle, elle qui a toujours affirmé que sa seule ambition c’était la capitale… une autre primaire chez les écologistes à la fin du mois de septembre, qui a failli envoyer une ayatollah « verte » au casse-pipe, et une troisième les 1er et 4 décembre chez les Républicains qui fera un lit douillet parsemé d’épines de ronces à la seule femme du quintette de postulants…
« Eh bien vous suivrez ça sur place… en télétravail ! »
S’il y a la télé, la presse et internet, pourquoi pas, mais j’ai le souvenir de mes vacances de l’année dernière où, même avec une clé 4G, avoir du réseau ce n’était pas toujours très aisé. Quant à la presse, c’est plutôt « régime sec » hors la presse locale.
Enfin, pourquoi pas, c’est vraiment une très belle région.
« Je vais où ? »
Il ne sait pas…
 
Ce sera la Balagne, par un vol régulier direct sans escale ni à Nice ni à Marseille. Presque incognito pour une fois. Je me fais expliquer durant le vol, qui dure une heure et demi, avec un détour par le poste de pilotage, pour signature d’autographes : incognito, tu parles ! Paul est trop connu dans le milieu aéronautique pour passer inaperçu très longtemps. Même pas une heure !
Nous sommes accompagnés de Florence, la mère des enfants de Paul, qui aura laissé leurs gamins aux bons soins de ses propres parents qui logent quai de Montebello, chez Paul, pour quelques jours.
Toujours aussi sympathique, Florence. Que vient-elle faire avec nous dans les combines de Paul ?
« Oh, c’est très simple, enfin, ce n’est pas ce que voulais dire : Paul m’a, en quelle que sorte, fait racheter la maison des Veyle, sur les hauteurs de la commune. Je n’y suis pas retournée depuis des années, 2004 ou 2005. C’est moi qui étais chargée des travaux de transformation du lieu pour recevoir l’exposition de la Guilde des Joailliers[2]. Il paraît que le coin a bien changé en 15 ans.
Je n’y avais jamais remis les pieds : une grande redécouverte en somme ! »
C’est ce qu’elle voulait dire…
Paul m’en dira plus sur place. « La Corse, c’est une île avec assez peu de ports et encore moins d’aéroports. Tout peut y être contrôlé en claquant dans les doigts, déjà par la Police de l’Air et des Frontières, par les douanes, par la gendarmerie en plus du logiciel BBR : c’est presque un paradis sécuritaire qui ne dit pas son nom. »
Une prison à ciel ouvert en quelle que sorte…
« Oui. Ouverte mais qui peut devenir une nasse dont il est quasiment impossible de sortir sans laisser de trace.
Et pourquoi spécialement la Balagne ? C’est une île dans l’île : Pas plus de trois routes, facilement blocables. Pourquoi Calvi ? Deux carrefours routiers seulement. Celui de l’aéroport et celui à cent mètres du pied de la citadelle. Un jour, les taxis calvais ont bloqué la ville avec cinq voitures : même les pompiers ne pouvaient plus passer !
Un endroit parfait pour vivre en paix…
En plus, ce n’est pas loin de la plage, deux supermarchés, et un aéroport à proximité. Non seulement c’est idéal pour les vacances de nos gosses, ils grandissent et les baignades dans la Manche, ça va un temps, mais en plus on va pouvoir y faire venir les avions du « Balbuzard-team » et les planquer sous un hangar en bord de piste, à l’abri des satellites espions. Reste plus qu’à accueillir les pilotes et les mécanos. Or, comme c’est une ville balnéaire, il y a de la place dans les hôtels de la commune, hors saison.
Vous allez voir, Alexis : il y a deux villes. Celle que vous avez vue en saison, avec du monde partout, des boutiques sur deux boulevards, le Wilson et l’axe Joffre/Clémenceau, et des cafés-restaurants sur le port.
Et puis la ville hors saison que vous allez découvrir, où il n’y a plus personne, la plupart des boutiques fermées, l’activité sur le port réduite au strict minimum, mais une école, un collège et un hôpital qui fonctionnent grâce à la légion étrangère stationnée en permanence un peu plus loin. Plus sa zone d’activité qui offre du boulot aux locaux. Bref, ça vit, mais au ralenti, et ça prépare uniquement la saison touristique suivante. »
Charmant, comme bled.   
 
« Comme dans toutes les villes balnéaires, figurez-vous. Ce n’est pas mieux sur la côte Normande, sauf du côté de Deauville-Trouville qui s’anime les week-ends dès qu’il fait beau. Même Cabourg est désert en hiver. Pareil sur la côte basque ou à Quiberon… »
Il y a pourtant des grandes villes à proximité.
« Mais les villes de province, à 19 heures c’est désert hors un ou deux axes dédiés à la restauration. Il n’y a rien à faire le soir dans le pays, hors l’axe PLM. Et encore, à Lyon, c’est seulement autour du quartier Bellecour. C’est comme à Lille autour de la Place du Général De Gaulle ou Marseille et sa cannebière : rien ailleurs. »
C’est partout pareil, en somme…
Encore pire à Calvi : c’est un peu le trou du cul du bout du monde !
« D’autant mieux que si à Nice, Bastia ou Ajaccio, ils ont des théâtres, à Calvi, il n’y a rien. En plus ces cons de Corses, ils ont accès à des billets d’avion à bas prix payés par leurs impôts locaux de la communauté territoriale et les aides de l’État au nom de la « continuité territoriale » avec la possibilité de réserver deux, trois, quatre passages sans frais supplémentaire pour un seul passage sur le continent. »
Et alors ?
« Et alors, ils réservent parfois des avions entiers qui finissent par décoller quasiment vides… »
Quelle idée !
« Résultat, les pinzuti qui veulent s’y déplacer, ils n’ont pas la possibilité de réserver de siège et restent chez eux ou vont ailleurs. »
Quel intérêt ?
« Aucun. Mais il vaut mieux pour Florence et les enfants avoir le statut d’îlien : ils pourront venir plus facilement durant les vacances scolaires. C’est le but, parce que c’est dépaysant à souhait, dès qu’il fait meilleur qu’en Normandie, et que dans les années à venir ils vont grandir ! »
Je vois.
« Mon » Paul pense à sa sécurité, mais aussi à ses gamins…
 
« En ce qui me concerne, j’ai également des amis sûrs sur place. Et en cas de problème, je peux toujours me retirer chez Jean Vecchia à Saint-Florent et/ou le sémaphore d’entrée qu’il entretient patiemment : je l’ai déjà fait.
Ou à Girolata, en Corse du Sud. Là, c’est encore mieux : on ne peut y accéder que par la mer. Ou à dos d’âne. Et seuls les ânes locaux connaissent le chemin. Inutile de vous dire qu’on voit arriver les menaces de très loin, avec ou sans le logiciel BBR. Au moins trois heures à l’avance. »
Va-t-il installer un serveur de sauvegarde du logiciel à cet endroit ?
« Non, on en a déjà trois, c’est suffisant. Mais avec une liaison satellitaire, doublée d’une liaison par fibre, j’aurai un terminal de gestion dès l’été prochain. »
Je me disais aussi…
 
La maison, c’est une vieille bâtisse entourée de gigantesques eucalyptus. Elle est posée au pied d’un énorme rocher qui domine la baie, à peu près à mi-hauteur de la colline qui la surplombe et va jusqu’à la croix des autrichiens posée à son sommet. C’est aussi une croix dite de Saint-Jean.
Aucun charme en soi, sauf la vue à couper le souffle qui porte loin.
Même les bruits de la ville en contrebas y viennent mourir, mais très étouffés par le bruissement des feuilles d’arbre dans le vent.
Une sorte de parallélépipède sur deux niveaux, au toit à faible pente aux tuiles rouges et rondes à laquelle on accède au bout d’une route qui se tortille entre des maisons nettement plus luxueuses, entourées de jardins plantés de cyprès et de pins.
Il faut poursuivre après le portail d’entrée sur un chemin de terre à peine carrossable, mal entretenu qui longe un champ de citronniers et d’amandiers plus que centenaire, tout tordus, et contourne le gros rocher qui donne son nom à tout le lotissement et au domaine. Il en passe près une fontaine et son bassin de rétention et les derniers mètres sont en pente sévère après un virage en épingle à cheveu peu commode et raviné parce que mal entretenu.
Florence est ravie…
C’est Guido qui nous pilote dans un pick-up de fortune Toyota.
Guido, c’est le métayer colombien ou péruvien embauché avec son épouse, péruvienne ou colombienne qui vivent là avec leurs deux enfants et ont investi la maison attenante, d’un seul niveau, elle. L’ancienne réserve du matériel agricole réaménagée à leur profit…
Florence me guide.
« Nous avions fait une grande salle de réception au rez-de-chaussée là où il y avait les commodités, une grande salle à manger et deux chambres. Au premier étage, on avait également une grande salle à manger que j’ai transformé en une série de six chambres avec un couloir transversal et deux salles de bains.
Ça correspond aux fenêtres.
Et s’il n’y avait qu’un seul escalier, qui plus est en extérieur et non couvert, j’en ai aménagé un autre à l’intérieur. Nous avions déplacé les cuisines dans la grange tout en aménageant deux appartements. Il y avait un tracteur d’avant-guerre, probablement la première, quand je suis arrivée la première fois et deux vieilles voitures d’un autre siècle : une Aronde et une Peugeot 201 ! »
Ah oui, elles devaient dater.
« Tous les toits ont dû être repris. Enfin, tous, ce n’est pas ce que je voulais dire. »
 
Paul poursuit. « On a en effet une source et une maison de berger plus haut qui alimente un réservoir équipé d’une pompe pour donner un peu de pression aux douches et radiateurs. Mais le plus important n’est pas là ! »
Et ils m’emmènent tous les deux sous l’escalier extérieur situé entre les deux bâtiments qui se prolonge en sous-sol. Car il y a un sous-sol : « C’est l’accès aux grottes qui ont tant plu aux Veyle et dans lesquelles Florence a réussi à aménager les salles d’exposition de la biennale des Joailliers. C’était très réussi. »
On passe à côté d’une petite porte blindée ouverte et battante et on descend encore dans la pénombre pour déboucher sur deux vastes salles en sous-sol qui sont encombrées de poussière et de quelques cailloux tombés sur le sol bétonné depuis les parois des rochers qui forment « la caverne ».
J’ai du mal à en voir le fond, parce que ça se prolonge sur le côté après un décroché qu’il faut contourner et que l’éclairage aurait besoin d’être ravaudé.
« Nos visiteurs arrivaient de l’autre côté, par les ascenseurs accolés au rocher. Un gros boulot de terrassement que de faire passer les deux cabines le long du granit, ainsi que les gaines d’aération. »
« Et il ne dit rien des réseaux et des écoulements d’eau ! Enfin, ce n’est pas ce que je voulais dire. Il y avait aussi les câbles électriques et surtout le réseau de sécurité… » rajoute Florence dans mon dos.
 
« Finalement, c’est assez bien conservé, ça a bien vieilli », ajoute-t-elle. « Pas trop d’humidité, le cuvelage a bien tenu et le drainage également. C’est qu’il y a de la flotte partout, ici. La nappe phréatique déborde à chaque coin de ruissellement. Ou presque. » Ce n’est pas tout-à-fait ce qu’elle voulait dire, une fois de plus
Ça ne se voit pas et on n’a aucune odeur de moisi…
« Sauf que Guido m’a dit que s’il a trafiqué un peu le chauffage dans l’annexe, ici, l’hiver c’est inhabitable. Il va falloir que tu voies ça, ma chérie ! »
Dans un mois, il fait venir ses hydravions et les équipages pour leurs prises en main.
« Si tôt ? »
« Mais tu connais les entreprises locales : il ne faut pas tarder à commencer à les contacter… »
Tout un poème, paraît-il, les fameuses « entreprises locales ».
 
Nous remontons pour déjeuner : Ida aura préparé un gratin de légumes et des desserts, ravie d’avoir du monde à sa table pour accompagner ses enfants et son mari qui s’occupe d’un barbecue posé au pied du rocher, pas très loin des ascenseurs, à proximité d’un figuier, derrière un caroubier.
Et nous déjeunons sur une des deux tables en granit posées devant la maison, les voitures étant parquées derrière sur une étendue couverte de feuilles d’eucalyptus sèches. Dans le temps, ces lourdes tables fixées au sol servaient à concasser les amendes du domaine.
Et la conversation s’engage rapidement, les deux gamins, un peu intimidés et devant retourner en classe assez rapidement, s’éclipsent dès qu’ils peuvent le faire.
Nous nous retrouvons seuls à trois pour finir notre repas commencé à sept.
Paul m’indique que le couple est là depuis l’été dernier, embauché par Jean Vecchia quand sa fondation luxembourgeoise a racheté le domaine.
« Que sont devenus les Veyle ? » demande Florence.
« Tu sais bien que le père est mort assassiné ici. La mère est également décédée, d’une tumeur au sein pas soignée assez rapidement. Quant à la fille, elle est sortie de prison et vit en Grande-Bretagne. C’est ma correspondante londonienne, Lady Joan, qui a mis la main dessus quand elle a appris que le domaine était en vente. »
La salope de Caroline…
Ça tombe comme d’un couperet de la bouche de Florence… et c’est bien ce qu’elle en pense.
[1] Le bleu de méthylène est par exemple utilisé pour suivre l’écoulement d’une fuite dans les parties cachées d’un bâtiment.
[2] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Le feu », à paraître aux éditions I3