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Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

lundi 31 août 2020

Dans le sillage de Charlotte (30)

XXX – Manipulation
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
« Comment ça ? Et le lieutenant-colonel David Shevabeer, qui nous observe depuis le bâtiment d’en face et nous écoute avec un micro-canon ou grâce à votre portable, vous ignorez qu’il existe ?
Alors dites-moi comment moi je saurai qu’il nous épie ? »
Désarçonnée, la minette de quarante balais lance : « Je peux éteindre mon smartphone si vous le souhaitez ».
Pas la peine : le micro-canon a déjà pris le relai.
Il est fort, mon Paul !
Elle se recule et se ressaisit : « Désolée, franchement je ne vois pas de qui vous parlez, Cher Monsieur. Vous fabulez, ce n’est pas très sérieux finalement. »
« Comme vous voulez. J’emmène ma chère biographe dîner ce soir vers neuf heures dans un restaurant situé derrière l’hôtel qu’elle veut absolument me faire découvrir. Sur la Calle Manolo Millares, le El Nido. Le patron lui a tapé dans l’œil : il est français ! » plaisante-t-il.
 
Et il se lève, remet ses tongs et file dans sa chambre.
« Il est toujours comme ça, votre patron ? » m’interroge-t-elle en français.
« Je ne l’ai jamais vu se tromper… C’est comme ça : il faut s’y faire ! »
Mais peut-être ne parlait-elle pas de ça.
Nous nous toisons jusqu’à ce que je me décide à aller me baigner. L’eau est un peu fraîche et sent le chlore. Finalement, c’est plutôt agréable.
Quand je ressors, Rachel n’est plus là.
Je rejoins notre suite et Paul, en petite tenue, tapote tranquillement sur sa tablette depuis la terrasse.
« Alors ? », que je lui demande.
« Dimitri en dit qu’ils papotent avec Rachel et Jérusalem… On a un peu bousculé leurs premiers plans. Ça les a contrariés de se découvrir « à découvert ». Pour des espions professionnels, ça ne fait pas trop « la classe ». »
Oui, mais la suite ?
« Vous verrez bien : la situation tourne à notre avantage et eux vont se remettre sur pied, ne vous en faites pas. Nous, on va voir Pépé et on a un rendez-vous à assurer ce soir au restaurant. »
Il a l’air si sûr de lui…
 
« Pépé » nous attend sur le pas de la porte de son échoppe. Et il est content de me revoir.
Manifestement, il connaît également Paul.
« Pas avec vous, votre père ? » me fait-il après m’avoir tapée la bise.
Mon père ?
Ah oui, Gustave ! J’ai failli lui dire que cette fois-ci j’étais venu avec mon second père, comme d’autres ont un père marié à un deuxième père, mais il n’aurait pas compris mon humour.
« J’ai une surprise pour vous » dit-il en français.
Je me fais la remarque qu’on ne peut pas surprendre Paul, mais je la garde pour moi.
Il veut nous montrer son nouveau mannequin revêtu intégralement de sa « super-peau ».
Au toucher, c’est une réussite. À l’aveugle on ne fait pratiquement pas la différence, hors la température qui s’élève au fil des caresses qu’on lui administre, sinon l’absence caractéristique de duvet poilu. Mais comme la sensation est d’une douce finesse sous les doigts, nettement plus qu’au premier essai, c’est vraiment bluffant.
« Ça n’a pas été simple » commence-t-il. « D’abord la programmation de la machine qui m’a posé de nombreux problèmes, ensuite, aux premiers essais de l’imprimante les buses s’encrassaient. Alors j’ai réduit le collagène, rajouté un peu de latex et augmenté les proportions de silicone. Et voilà ! » fait-il assez fier de lui.
« Parfait, Pépé. Je suis très content et ne doutais pas que vous y arriveriez » lui répond Paul qui examine son prototype sous toutes les coutures.
Justement, pas une seule trace de « couture »… absolument aucune !
« C’était vraiment la bonne solution que cette imprimante 3D. Je vous dois combien ? »
« Ah, j’ai eu quelques problèmes et des frais inattendus… »
« Oui, je sais déjà… »
Ragaillardi, il annonce un million d’euro !
« J’ai dû prendre un brevet international. »
Paul lui sourit.
 
« Franchement, c’est une connerie. Il n’y a pas meilleur moyen de se faire piquer une invention que de la breveter. Le lendemain, tous les bureaux spécialisés en ont connaissance et les américains scannent les détails techniques pour pouvoir le réquisitionner pour raison de sécurité nationale à un moment ou à un autre !
Mais enfin, puisque c’est fait, je vous achète une licence exclusive. »
Exclusive ?
« Bé oui, qu’allez-vous faire de votre mélange ? On ne peut même pas le tatouer comme d’une peau véritable… votre cœur de métier.
D’ailleurs je double le prix payé si j’ai le détail des composés chimiques et surtout que vous faire un tour chez moi pour expliquer à mes ingénieurs comment vous préparez votre mixture.
Ça vous va ? »
« Pépé » n’aura jamais eu autant d’argent : il est bon pour prendre de façon sereine sa retraite anticipée !
Ses yeux et sa bouche s’ouvrent sur un gouffre immense… et des dents en or (qu’il a nombreuses) ou l’image de la montagne de billets de 5 que ça représente : comment pourrait-il refuser ?
Son fils pourra faire tourner la boutique en son absence et lui passer enfin du bon temps avec son épouse à profiter de leurs petits-enfants.
Affaire conclue : il tient absolument à nous recevoir à dîner pour fêter ça.
Une manie…
« Bé non, nous avons un rendez-vous important à assurer, figurez-vous ! Mais nous dînerons ensemble chez moi une fois que vous y viendrez avec vos machines et… les plans, les détails des formules chimiques et le tour-de-main. »
Et nous sortons après avoir signé les papiers et remis le chèque que Paul avait dans sa poche.
 
« On y va à pied… »
D’autant que je sais où c’est.
« Qu’est-ce qui va se passer ce soir avec votre Rachel ? »
Comment va-t-il la convaincre ? En lui sautant dessus ?
« Réfléchissez un peu Anaïs au lieu de dire des bêtises… Dans quel état d’esprit croyez-vous qu’elle soit ? »
Qu’est-ce que j’en sais, moi ? Je ne sais pas lire dans les pensées d’autrui !
« Ce n’est pas une question de télépathie, c’est une question de logique. »
Je patauge…
Est-ce qu’il peut être plus clair, pour une fois ?
« Simple. Miss Rachel n’est pas vraiment une espionne professionnelle. Elle a bien travaillé à travers son université pour Tsahal et a participé à mettre au point le « dôme d’acier ». Mais à la marge.
Son univers à elle, ce sont les mathématiques Booléennes.
De toute façon, elle est mariée avec un Ukrainien qui fait mercenaire pour le plus offrant.
Aux yeux du Mossad, elle reste donc « suspecte », pas fiable. Non pas pour redouter d’agir contre son pays, mais pour être considérée comme inapte à servir le Mossad. Elle nous a dit qu’elle pensait que son mari travaillait pour Tsahal… C’est vous dire son côté candide.
Et qu’est-ce que le Mossad ? »
Les services secrets d’Israël…
 
« Non pas seulement. C’est leur service d’espionnage, un des mieux organisé et des plus efficace du monde, c’est vrai. Leur métier, c’est de savoir avant tout le monde ce qui n’a pas à être su afin d’anticiper. Et puis de faire, à l’occasion, quelques « coups tordus », le tout pour assurer la sécurité du pays.
Or, quand je me suis présenté à l’observatoire William Herschel, ça s’est su. Et ils se sont mis à chapeauter.
Pour le Mossad, je suis un « super agent » des services français. Un allié, un peu douteux, mais moi je suis considéré comme un « intouchable » et un peu à la marge pour n’avoir aucun rôle officiel ou officieux, mais un membre de leur communauté du renseignement tout de même. Donc « intéressant ».
L’occasion en or se présente alors d’en savoir un peu plus sur mes activités et de comprendre pour quelles raisons les russes, et quelques autres, s’intéressent tant à moi, ce qu’ils savent probablement déjà depuis longtemps.
Ils demandent à Rachel d’accepter notre second rendez-vous de cet après-midi afin de me tirer les vers du nez et lui conseille d’accepter, au moins provisoirement, la mission que je veux lui proposer. Ils lui suggèrent de me suivre là où je l’emmènerai.
C’est pour ça qu’elle était là et prête à me séduire façon Mata Hari si l’occasion se présentait. »
Ah ? Elle n’avait pas à faire beaucoup d’efforts à faire pour en arriver là : « Je n’aurai pas été là, elle vous emmenait directement dans son lit, me semble-t-il… »
Je suis méchante, mais c’est comme ça que je l’ai ressenti au bord de la piscine.
 
« Oh, détrompez-vous. C’est vrai qu’elle serait dans mon lit, je n’irai pas passer la nuit dans la baignoire, mais j’ai fait des efforts pour lui donner le change et des signes… visibles de mon attirance physique pour elle. »
J’ai vu !
« Notez, ce n’était pas très difficile : il m’a suffi de penser à Florence ! »
Quel menteur !
« Ce n’est pas le plus important. Ce qui l’a été, c’était la révélation du rôle joué par son mari lors de notre premier passage à Fuerteventura.
Je vous l’ai dit, je l’en avais sciemment averti pour toutes les raisons que vous savez, le sous-marin, etc. »
Je m’en rappelle, effectivement : il me l’a déjà signalé et avait donné des explications un peu alambiquées il y a deux jours à Gustave et moi-même à l’occasion du passage du Président Makarond aux Chagos.
De quelle chose importante veut-il parler ?
 
« Eh bien, dans notre conversation de cet après-midi autour de la piscine de l’hôtel, où je savais qu’elle était espionnée, forcément puisque Dimitri avait repéré les traces laissées par l’équipe israélienne avec le logiciel BBR, il se sont rendus compte que Rachel avait bavé sur ma venue auprès de son mari, il y a plus de deux mois de ça ce qu’ils ignoraient probablement.
Or, d’une part, un agent ne parle jamais de ses missions en cours même à son mari ou ses intimes, et, d’autre part celui-ci, s’il a participé sous l’étendard de la CIA à des opérations en Irak et en Syrie, il est désormais classé comme un agent-double à la solde des forces russes, dans les mêmes pays et est versé entre-temps dans le Donbass et ses groupes de mercenaires paramilitaires.
Ce qui veut dire que Rachel ne sait pas tenir sa langue sur l’oreiller.
Et tout d’un coup le lieutenant-colonel a fait le rapprochement avec l’opération de kidnapping me visant, ce qui ne leur avait pas sauté aux yeux au premier abord alors que les services auraient dû faire le rapprochement dès l’arrestation de son mari sur la plage blanche d’il y a deux mois.
Ce qui mettait immédiatement en péril la mission première de Rachel, parce que mal préparée.
Et elle a passé le reste de l’après-midi à se faire remonter les bretelles au téléphone. »
Ok, c’est logique.
Mais alors, si sa mission est annulée, pourquoi viendrait-elle à ce rendez-vous nocturne ?
 
« Ah bé ça, je pensais que vous connaissiez un peu mieux que ça le fonctionnement du cerveau d’une femme ! » s’exclame-t-il.
De quoi parle-t-il ?
« Mettez-vous à sa place. Elle a d’abord accepté de rendre service à son pays pour une mission qui sortait de sa sphère de compétence habituelle : me suivre avec un objectif improbable.
Elle se fait tancer pour rater la première marche, parce que c’est une espionne amateure.
Ce soir, elle est complètement perdue parce qu’elle se croit lâchée avant même d’avoir commencé suite à la séance de remontrances qu’elle aura subie et mal digérée.
Elle vient de perdre son mari, sa carrière au sein de son université est désormais fortement compromise et elle s’imagine même menacée de perdre son boulot au télescope canarien.
Elle n’a plus beaucoup de choix et c’est probablement ce que le pro du Mossad espère de mieux : soit elle se fait toute-petite et tente de trouver du boulot aux USA, ce dont elle présume à juste titre qu’elle aura beaucoup de mal pour être « grillée », soit elle accepte de venir avec nous.
Or, comme elle-même croit encore pouvoir me séduire avec ses moues à faire bander un moine, ce soir, elle tente cette chance là avant de reprendre le chemin du retour chez elle. »
Le croit-il vraiment ?
« Et vous, vous croyiez-vous être capable de me suivre quand je vous ai fait ma proposition de devenir ma biographe ?
Savez-vous ce qui vous a décidé à le faire ? »
Bien sûr : la promesse d’identifier mon père biologique, tiens donc !
« Eh bien voilà ! Et elle, c’est d’être « réhabilitée » ! »
Rhôôô, le vilain manipulateur de pauvres faibles femmes…
 
« A-t-on le choix, avec vous ? »
Oui, bien entendu.
« Mais là, on est dans du situationnisme-appliqué. Qui vous amène à faire des choses que vous n’auriez pas imaginé pouvoir faire dès lors que ça ne heurte pas trop vos convictions profondes.
Et encore…
Lisez donc « Au nom du père[1] » de mon biographe officieux. Ce n’est pas urgent, mais on y redécouvre que sous couvert de recherche scientifique ou sociologique, plus des deux-tiers de l’humanité peut se mettre à torturer, tuer, exécuter, assassiner autrui, absolument froidement et sans aucune raison, simplement sur « instruction » et même pas un ordre !
Ce sont les expériences de Milgram et notamment le « jeu de la mort » qui aura été diffusé sur une chaîne publique d’État dans les années 2000.
Très instructif sur notre capacité à nous soumettre à n’importe quelle « autorité », immédiatement et sans le moindre recul. »
 
Je saurai plus tard que « I comme Icare », un film d’Henri Verneuil, exclusivement tourné à Paris, avec Yves Montand dans le rôle principal du super-juge qui enquête sur l’assassinat d’un président d’une grande puissance, passe justement un bon tiers du script autour de la notion d’assassinat sur « simple demande », dès lors que le citoyen lambda se retrouve « mis en situation » de le faire alors qu’il est persuadé que la responsabilité de son geste est portée par l’autorité.
Exactement ce qu’a pu reproduire en studio le « jeu de la mort[2] » !
Terrifiant…



[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Au nom du père », aux éditions I3
[2] NdN : Absolument authentique ! Le Jeu de la mort est un documentaire écrit par Christophe Nick, réalisé par Thomas Bornot, Gilles Amado et Alain-Michel Blanc et coproduit par France Télévisions et la Radio Télévision Suisse en 2009. Diffusé pour la première fois en mars 2010. Il met en scène un faux jeu télévisé (La Zone Xtrême) durant lequel un candidat doit envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes à un autre candidat, jusqu’à des tensions pouvant entraîner la mort. La mise en scène reproduit l’expérience de Milgram réalisée initialement aux États-Unis dans les années 1960 pour étudier l’influence de l’autorité sur l'obéissance : les décharges électriques sont fictives, un acteur feignant de les subir, et l’objectif est de tester la capacité à désobéir du candidat qui inflige ce traitement et qui n’est pas au courant de l’expérience. La différence notable avec l'expérience originelle est que l'autorité scientifique est remplacée par une présentatrice de télévision, Tania Young.
Bien que les participants aient été informés qu’ils ne gagneraient aucune somme d’argent puisqu’ils étaient censés participer à une émission test, l’autorité du contexte télévisuel et de l’animatrice amène les participants à se soumettre. Selon les premières estimations, le taux d’obéissance est de 81 % ; le documentaire compare ce résultat aux 62,5 % obtenus lors de l’expérience originale, mais oublie de préciser que plusieurs reproductions de l’expérience, aux États-Unis ou en Europe, ont donné des taux supérieurs à 80 % !





270 pages – 12,30 €

 

dimanche 30 août 2020

Dans le sillage de Charlotte (29)

XXIX – Rachel Beer-Shev’a
 
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
 
« Simple. La miss Rachel ne sera pas très longue à comprendre que les histoires de cyborgs, c’est passionnant, mais c’est un faux-nez. Et comme elle est mandatée par ses officiers traitants du Mossad pour venir nous espionner, elle en dira assez pour que ceux-là s’interrogent et avertissent leurs collègues de la CIA, d’où les patrouilleurs de la Vème flotte et de la Home-Fleet qui ne logent pas très loin d’ici, à Diego Garcia. Aussi les survols de leurs drones et avions de reconnaissance, des satellites, finalement nous protègent et éloignent les Russes au moins un temps.
Un des objectifs recherchés.
Car des Russes viendront s’y frotter et seront gentiment repoussés, aiguisant ainsi leur appétit pour en savoir plus.
Ce qui m’intéresse, c’est ensuite d’aller relancer mes futurs bailleurs de fonds américains de la côte Ouest pour que leur administration instaure une zone interdite autour de notre atoll.
Ce sera après le premier coup de semonce contre les russes avec le sous-marin.
Le second sera organisé avec les ricains, nos drones et les aéroglisseurs que je vais acheter.
Une vraie petite flotte de guerre amiral, ça devrait vous faire frémir de plaisir, non ? »
 
Il saliverait s’il ne se faisait pas si tard…
Pour la peine, il se commande un second Pino-colada. Et moi un autre verre de Spritz.
Paul se fait remettre un autre double-whisky qu’il avale cul-sec ! Même que les glaçons n’ont pas pu rafraîchir la liqueur ambrée.
J’espère qu’il ne compte pas piloter demain…
« Comment vous voyez les choses ? » questionne Gustave.
« Eh bien cher ami, dans un premier temps la CISA va nous aider à pister le trafic aérien et naval suspect autour des Chagos.
On fera le ménage tout seul le jour où Bill Gates sera en déplacement jusqu’ici. »
Ah ça, je veux voir ça !
« Vous, Alexis, vous serez-là. Gustave aura eu un empêchement.
L’objectif est d’impressionner le milliardaire et ses potes pour accélérer la livraison de mes petits réacteurs au thorium et que ses invités fassent pression sur les autorités américaines et britanniques pour créer cette zone d’exclusion selon les formes internationalement reconnues. »
 
Et à l’occasion qu’on lui cède les aéroglisseurs d’autodéfense ?
« Oh, ceux-là, ce sont les israéliens qui vont nous les livrer ! Mais ils ne savent pas encore. »
Oui mais l’objectif final, redemande Gustave ?
« Si je comprends bien, vous montez ici un spatioport. Et parallèlement, vous vous bâtissez une armée de cyborgs. »
C’est ça.
« Et sous le nez et avec la complicité d’une espionne israélienne… Je ne vois pas la logique. C’est même presque tragique : de la haute trahison ! »
Paul, la bouche probablement pâteuse ou la gorge déjà sèche, se commande un Perrier rondelle : il devient « sérieux » question dose d’alcool ingérée.
« Le spatioport n’est en fait, dans un premier temps, qu’une aire de lancement de véhicules-cargos, vers une future méga-station orbitale.
Celle-là aura deux activités : le tourisme spatial et la recherche scientifique dont les transits vers les planètes proches et la Lune où mes successeurs installeront d’ailleurs des lieux d’accueil pour les mêmes activités. »
Et la colonisation de Mars, questionne-je ?
 
Ça, c’est le joujou des américains dont Elon Musk : il y croit fermement pour sauver l’espèce humaine et l’humanité par la même occasion.
« Rigolo tout de même quand il va s’apercevoir que quelques-uns de ses brevets vont servir à notre catapulte. Non seulement il exigera alors d’avoir un poste d’administrateur de la fondation à venir, mais il se servira de mes installations pour son propre programme.
Sans se rendre compte non plus qu’en exilant l’humanité vers Mars, elle emportera avec elle ses problèmes sans vraiment trouver de solution.
Enfin, c’est son pognon, il en fait ce qu’il veut. »
Du moment qu’on laisse Paul disposer de sa récente et immense fortune comme lui l’entend…
« Mon objectif reste d’offrir à nos futurs clients une ouverture significativement abordable d’un point de vue financier pour les faire rêver et encourager les gouvernements de la planète à nous soutenir.
À plus long terme, il est indispensable que l’espèce humaine se dote des outils pour s’échapper de l’attraction solaire et participer un peu plus aux affaires du cosmos. Là, il en va réellement de sa survie. »
Gustave avale le fond de son verre en deux gorgées…
« Encore vos histoires de « petits-talents » ? »
 
« Exactement ! Il faut bien commencer par quelle que chose. Alors je m’en occupe de façon à me conformer à ce qui est « déjà écrit ». »
Je pense être moins obtuse que l’officier général qui métabolise ses Pino-colada passablement avachi dans son fauteuil et repense à ce projet fou d’ascenseur-spatial, dont il était question dans le cockpit de l’A320 qui nous aura amené jusqu’ici avec le Président.
« C’est quoi cet avenir de l’espèce humaine ? »
Mais enfin ! « Vous le savez bien Alexis : vous en avez fait l’expérience à Pétra[1] ! »
C’est vrai, je m’en souviens : la rencontre avec le moine soldat Jean de Jérusalem en 1099, à l’occasion de la première croisade (d’un autre millénaire) !
« Rien qu’un roman » en dira l’auteur originel du personnage, I-Cube…
Gustave se réveille : « Vous étiez donc à Pétra ? Depuis Amman ? »
Moi, j’ai besoin de quelques explications, tout de même…
« Vous les aurez quand vous en serez à reprendre « Ultime récit » et le suivant. Moi, je vais me coucher et vous, vous préparez votre paquetage. Notre avion décolle à midi.
Bonne nuit à tous. »
Et il se lève derechef.
Il faut vite que je termine les séries de reprises pour le compte de Flibustier20260, dit « le Gardien », et finir de tout comprendre enfin : je n’avais fait que survoler, jusque-là…
 
Le voyage a été un peu long et une fois de plus, les équipages sont passés saluer leur « Charlotte » de légende sur le vol de l’Île Maurice à Paris, puis de Paris à Madrid et enfin de Madrid à Arrecife : une dernière escale plus courte, voire même « précipitée » pour cause de retard.
Alors que la longue escale à Roissy-CDG reste ennuyeuse : le terminal n’est pas vraiment sympa, une fois qu’on a passé les contrôles, c’est quasiment minable quand on compare à l’île Maurice ou même à Fuerteventura.
Paul a dû prendre un abonnement au Lancelot – avec ses balcons – car nous y descendons tous les deux.
Mais cette fois-ci, le patron a réservé l’une des deux suites offertes par l’hôtel, situées au dernier étage : deux grandes chambres, deux portes d’entrée, un vaste salon au milieu et sa double porte sur le couloir, donnant sur une non moins vaste terrasse qui plonge sur la plage, une kitchenette bien équipée, deux salles de bains : le luxe, je l’ai déjà dit, on s’y habitue très vite !
D’autant que c’est joliment décoré et parsemé de bacs à… cactus sans épine…
 
« Je vous laisse vous poser et vous mettre en relation avec le siège pour checker les « menaces », mais je vous retrouve dans vingt minutes à côté au bord de la piscine : normalement Rachel s’y trouve déjà. »
Une piscine javélisée en bord de mer… la plage, c’est forcément plus agréable de marcher pied-nu sur du sable fin, non ?
Mais peut-être qu’à cette époque de l’année, l’eau de l’une est plus chaude que celle de l’autre.
Je sais déjà qu’il s’agit en réalité d’une réserve d’eau pour le système anti-incendie du bâtiment, sur les toits et en plein-air, à côté de la salle de gym fort bien équipée.
Paul farfouille dans sa petite valise dans la pièce d’à côté et je le vois sortir en maillot de bain, type boxer qui met en valeur sa taille dessinée en léger V, sa carrure, son corps de catcheur musclé et les traces de ses cicatrices, une serviette sur l’épaule et une paire de tongs aux pieds, pendant que je finis de me connecter.
Dimitri me confirme que trois « bleus », probablement venus du Moyen-Orient, dont l’un est déjà passé en Europe de l’ouest, et notamment par Paris, sont présents dans le grand-hôtel qui se situe en face de nos chambres et qui nous surplombe de plusieurs étages.
« Celui que j’ai pu identifier pour être passé à Paris, c’est un officier du Mossad. »
Vu : on entre dans le vif du sujet !
 
Je ne suis donc pas longue à rejoindre Paul, en maillot de bain et peignoir.
Il y a plusieurs personnes qui suent sur des vélos immobiles ou des tapis de course à pied dans la salle de gym et d’autres qui prennent le soleil couchant autour de la piscine.
Mon Paul patauge sur un bord du petit-bassin avec une femme dont je ne vois que le bonnet de bain émerger.
« On sort » semble-t-il vouloir dire en anglais en me voyant arriver.
Et il sort à la force des bras et sans élan alors que madame Beer-Shev’a nage vers la petite échelle… Il n’y en a que deux seulement, posées en diagonale et pas de plongeoir.
Puis il prolonge en français, tout en se séchant avec sa serviette, pour que je puisse suivre ce qui va se dire. Ça n’a pas l’air de gêner son interlocutrice qui le parle « fluently » avec une sorte d’accent bizarre, un peu nasillard, comme « venu d’ailleurs ».
« Rachel, je vous présente ma fidèle biographe, Alexis Dubois. Alexis, je vous présente Rachel Beer-Shev’a, chercheuse à la faculté de Tel-Aviv détachée auprès des équipes du télescope William-Herschel du groupe Isaac Newton, ici aux Canaries. »
La fille me tend une main, molle, en me toisant de la tête aux pieds : d’emblée, je n’aime pas cette fille-là avec cette façon indécente de me jauger et ce doit être réciproque…
« Ravie ! »
« Enchantée ! »
 
Il faut dire qu’on remarque tout de suite « une belle plante » charismatique : les traits fins, un grand et large front pour une mâchoire effilée qui lui donne un visage un peu triangulaire, une grande bouche aux lèvres charnues, des cheveux longs qui se mettent tout seul en cascade soigneusement en désordre avec des mèches rebelles qui reviennent vers les yeux, la silhouette gracile, la taille mince qui met en relief son bassin hanchu posé sur de longues jambes galbées et effilées, comme d’une amphore antique, la voix douce et une poitrine en pomme, ni trop imposante ni pas assez, correctement proportionnée, qu’elle frictionne avec grâce et vigueur avec sa serviette de bain.
À côté, pas de doute, je fais tas, même si elle a la fesse molle !
Mais je tire sur le roux-auburn alors qu’elle tire sur les « magie-mèches » blondes et brunes.
 
En fait, ce que je n’aime pas, c’est surtout sa façon de regarder Paul comme un sucre d’orge, une confiserie, une gourmandise à croquer.
Croquer, pas vraiment, plutôt à lécher ou à sucer pour être plus précise.
Car notre bonhomme bande comme un taureau dans son maillot de bain moulant, que s’en est vraiment très indécent !
Et on est obligé, l’une et l’autre, de nous regarder dans les yeux, feignant d’ignorer l’érection de mon boss : pénible…
Il ne peut donc pas se contrôler ?
Car c’est elle qui lui fait cet effet : moi, vexée, je n’ai jamais fait un truc pareil à un mec. Toujours eu besoin de les « motiver » au poignet, ou à autre chose, avant un usage idoine !
Désopilant les effets du charme naturel de certaines femmes !
Même celles qui n’ont rien d’un sex-symbol, ce qui me semble être le cas de cette Rachel[2].
« Paul, je dois vous dire une chose : j’ai eu Dimitri. »
Et avant que je ne puisse poursuivre, il m’interrompt et me fait taire : « Je sais, vous me confirmerez après. »
Étonnant…
 
Et nous nous allongeons dans des chaises-longues libres, baignées du soleil déclinant sur l’horizon, à l’abri de l’alizé : je n’ai même pas eu le temps de faire trempette…
« Rachel, avez-vous réfléchi à ma proposition ? »
Je suis sa réaction et note que son regard passe un court instant sur le maillot de bain de Paul, que je suis obligée d’en faire autant : il s’est un peu « calmé », me semble-t-il.
« Bien sûr. Mais… il se trouve que j’ai un boulot passionnant en ce moment. On est en train de tester mon programme de recherche de planètes gravitant autour des étoiles qui nous entourent en faisant travailler une machine sur les archives de l’observatoire. »
C’est de l’IA (intelligence artificielle) appliquée. Sa spécialité.
« J’imagine » lui répond Paul.
« Et puis j’ai un bon salaire et ma famille se trouve être en Israël. Mon mari m’y attend. Il est officier dans un groupe spécial intégré au sein de Tsahal. »
Paul l’interrompt : « J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer… »
Laquelle ?
« Votre officier traitant ne vous a pas encore dit que votre mari avait été arrêté il y a un peu plus de deux mois ici même par les autorités canariennes pour trafic d’armes, immigration illégale et rébellion contre les forces de l’ordre ? Je m’étonne…
Il est actuellement incarcéré à Madrid. »
Surprise feinte ou non, elle en reste bouche bée.
En tout cas, si elle feint, elle fait ça très bien : on s’y tromperait et on continuerait à lui donner le bon dieu sans confession que j’en suis sidérée.
« Quel officier traitant ? »
Elle aurait pu s’inquiéter pour son mari, demander des détails, pourquoi il était aux Canaries sans l’avoir croisée, ou comment Paul savait ces détails.
Mais non, elle s’attache à son « officier traitant » !
Révélateur…
 
« Écoutez c’est assez simple à comprendre même pour moi. »
Et quoi donc ?
Elle fait une moue et s’arme d’un « regard mouillant » des plus crédibles… Magnifique, vraiment !
Comme une petite-fille prise la main dans le pot de confiture et qui ne veut pas se faire gronder…
« Ne jouons pas aux naïfs ni l’un ni l’autre. Je vous ai vue il y quelques mois pour vous proposer de venir travailler dans mes équipes.
À l’époque, ça ne vous tentait pas trop…
Et je vous ai donné rendez-vous aujourd’hui ici-même pour me faire savoir votre réponse.
Si vous deviez refuser, vous ne seriez pas là… »
Et alors, semble demander ses yeux avec lesquels elle joue beaucoup et avec talent.
« Alors, ça veut dire qu’en quelques semaines, il s’est passé quelque chose d’impératif qui vous aura portée jusqu’ici pour honorer ce rendez-vous.
C’est donc que votre réponse est positive, je m’en réjouis et vous en félicite !
Vous avez fait le bon choix, même s’il vous a été, sinon imposé, au moins fortement suggéré par votre officier traitant… »
 
« Mais de qui parlez-vous ? Je suis rattachée à l’université de Tel-Aviv et mon supérieur n’est pas officier, mais président de la faculté. C’est mon mari qui est officier de l’armée ! »



[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Alex cherche Charlotte », aux éditions I3
[2] NdN : À la relecture pour validation de ce volume, Paul aura biffé une partie de ces paragraphes-là. Je les ai remis par la suite, il les aura retirés à nouveau. Il a fallu que je bataille pendant des semaines pour que « le Gardien » les garde finalement : « C’est très drôle, finalement. I-Cube aime bien votre jalousie. Et de toute façon, Rachel et Paul ont une relation ambiguë, faite de charmes et d’adversités réciproques, l’une pour lui tirer les vers du nez, l’autre pour devoir s’en méfier au-delà de quelques « border-lines » qu’il s’est fixé pour avoir ce qu’il veut du Mossad. »
C’est vrai que ce sera passionnant à la longue, ce petit jeu du chat et de la souris, où on ne sait plus très bien qui manipule qui…
 
 
 
270 pages – 12,30 €