Ce 17 octobre 2018,
La Cour de cassation (je n’ai pas les références
habituelles) aura considéré que la cour d’appel de Montpellier avait privé sa
décision de base légale en ne recherchant pas si le fonctionnaire de police qui
avait consulté les fichiers des empreintes digitales (Faed) et des visas
(Visabio) avait été expressément habilité à cet effet.
Ah oui ? C’est obligatoire…
Dans cette affaire, un Tunisien en situation
irrégulière avait été placé en rétention administrative par arrêté du préfet.
L’homme en cause avait contesté l’habilitation des fonctionnaires ayant
consulté les fichiers biométriques en vue de procéder à son identification.
Effectivement, l’article L. 611-4 du code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose expressément la
consultation de ces fichiers par des agents habilités.
Le juge des libertés et de la détention avait rejeté
ce moyen de nullité.
Et l’ordonnance de la cour d’appel de Montpellier du
18 avril 2017 a confirmé la décision en présumant que cette condition avait été
respectée. Elle a même ajouté que la production de l’habilitation ne fait pas
partie des pièces devant être automatiquement produites à la procédure et ne
sont donc pas utiles.
« Leur absence
n’entraîne en conséquence aucune irrégularité de procédure », en avait
conclu la cour.
Naturellement, la Cour de cassation a invalidé ce
raisonnement et a considéré « qu’en se
déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il
résultait des actes de la procédure, notamment des mentions, faisant foi
jusqu’à preuve contraire, du procès-verbal contenant le résultat de la
consultation des fichiers, que le fonctionnaire de police les ayant consultés
était expressément habilité à cet effet, le premier président a privé sa
décision de base légale au regard des textes susvisés ».
Quand il s’agit d’appliquer la loi régulièrement votée,
il faut l’appliquer et pas seulement la présumer.
Cour de cassation, arrêt du 17 octobre 2018
M. X. / Préfet de l'Hérault
Statuant sur le pourvoi formé par M. X., domicilié
Centre de rétention administratif, (…), contre l’ordonnance rendue le 18 avril
2017 par le premier président de la cour d’appel de Montpellier, dans le litige
l’opposant :
1o/ au préfet de l’Hérault, domicilié à (…),
2o/ au procureur général près la cour d’appel de
Montpellier, domicilié en (…),
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le
moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
La Cour, composée conformément à l’article R. 431-5 du
code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 18 septembre 2018,
où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller
référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme
Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, M. Mornet,
conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers
référendaires, M. Sassoust, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre
;
Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller
référendaire, les observations de la SCP Bénabent, avocat de M. X., l’avis de
M. Sassoust, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 611-4 et R. 611-12 du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 8 du décret n°
87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales
géré par le ministère de l’intérieur ;
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le
premier président d’une cour d’appel, et les pièces de la procédure, que M. X.,
de nationalité tunisienne, en situation irrégulière en France, a été placé en
rétention administrative par arrêté du préfet du 12 avril 2017 ; que, le 14
avril, M. X. a présenté au juge des libertés et de la détention une requête en
contestation de la régularité de cet arrêté et le préfet une requête en
prolongation de la mesure ;
Attendu que, pour prolonger cette mesure, l’ordonnance
retient que la consultation des fichiers biométriques a nécessairement été
effectuée par des personnes habilitées, qui disposent d’un code qui leur est
propre ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il
le lui était demandé, s’il résultait des actes de la procédure, notamment des
mentions, faisant foi jusqu’à preuve contraire, du procès-verbal contenant le
résultat de la consultation des fichiers, que le fonctionnaire de police les
ayant consultés était expressément habilité à cet effet, le premier président a
privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation
judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
DÉCISION
et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre
branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’elle déclare l’appel
recevable, l’ordonnance rendue le 18 avril 2017, entre les parties, par le
premier président de la cour d’appel de Montpellier ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
dix-sept octobre deux mille dix-huit.
Ce qui ne vous
aura pas échappé, c’est ce que je vous en disais à propos de « l’affaire-Benne-Allah »
l’été dernier : Avant de vous casser la gueule à l’occasion d’une
manifestation autorisée, un flic devra être « habilité » à le faire !
Autrement dit,
avec ou sans uniforme, ne vous laissez pas faire tant qu’il ne vous aura pas
présenté son diplôme et copie de l’arrêté l’incorporant dans les « unités
des forces de l’ordre » (et sa carte de police).
Jusque-là, c’est
légitime pour être de la légitime-défense.
Au-delà, quand
il vous aura présenté « ses papiers » l’habilitant à vous bastonner,
y résister sera considéré comme une « rébellion à autorité constituée
»…
Un délit
grave, je ne te vous raconte même pas.
Vous
voilà prévenus.
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