Un
esclavage moderne !
Vous croyiez qu’elles avaient disparu avec les Privilèges ? Voire
avec l’abolition du « Code noir » de mars 1685, abrogé par la loi du
4 février 1794, remis en vigueur par le « cousin » Napoléon le 20 mai
1802 et appliqué jusqu’au 27 avril 1848 où, sous l’impulsion de Victor
Schœlcher, il a définitivement été supprimé par simple décret.
Eh bien détrompez-vous : Non seulement ça existe encore sous d’autres
tropiques mais il en reste dans notre code civil !
Mais si : Il s’agit des servitudes entre fonds !
Tout un cours de droit d’un trimestre complet sur le sujet à démêler le
fond dominant du fond dominé, de celui qui est enclavé ou non, avec ou sans
accès à la voie publique…
Pour ce dernier aspect, on appelle ça « une servitude de
passage ». Globalement, vous tu ne peux pas empêcher ton voisin d’accéder
à sa propriété si le chemin qui y mène passe sur ta propriété.
Ou alors tu lui files les clés du portail.
Bon, je sais, en « Corsica-Bella-Tchi-Tchi », les ânes et les
mouflons se passent de clefs et ils passent quand même, quitte à détruire ta
clôture : Il faut s’y faire.
Oui, mais quid de la portée du principe ?
Cour de cassation, troisième chambre civile
Audience publique du jeudi 14 juin 2018
N° de pourvoi: 17-20280
M. Chauvin (président), président
Me Carbonnier, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l'arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 mars 2017),
que les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements sont
propriétaires, à Saint-Denis, de parcelles sur lesquelles elles ont créé un
lotissement traversé par la rue des Marquis ; que la société Colline des
Camélias est propriétaire des parcelles voisines issues de la division du même
ensemble foncier, sur lesquelles elle a entrepris l’aménagement d’une ZAC
portant sur quatre cent cinquante logements ; que la société Colline des
Camélias a assigné les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements
en reconnaissance d’une servitude de passage conventionnelle et autorisation
d’effectuer en sous-sol des travaux d’installation de tous réseaux et conduits
nécessaires à la desserte de la ZAC ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Fascom international et Ah Sing
investissements font grief à l’arrêt d'accueillir la demande en reconnaissance
d’une servitude de passage, alors, selon le moyen :
1°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Fascom
international et Ah Sing investissements contestaient expressément l’emplacement
d’une servitude de passage sur la rue des Marquis pour la desserte du
lotissement de la société Colline des Camélias ; qu’elles soutenaient, en
effet, que, contrairement à la mention figurant dans l’acte de vente du 30 juin
2005 au profit de cette société et à ce que les premiers juges avaient retenu,
il résultait à la fois de cet acte mais aussi de l’acte d'apport des consorts
Z… A… du 1er février 1962 et de l’acte de vente du 20 mars 1980 au
profit de la société Maison Ah Sing, que cette servitude correspondait en
réalité non à la rue des Marquis mais à la rue des Capucines située à l’Ouest
du lotissement Les Rosiers et que le projet initial de voie de desserte de la
Zac se situait d’ailleurs exactement dans le prolongement de cette allée avec
création d’une voie afin de franchir le rempart existant ; qu’en se contentant
de retenir, pour dire que la Sarl Colline des Camélias bénéficie d’une
servitude de passage qui s’exerce notamment sur la rue des Marquis pour accéder
au boulevard de la Providence à Saint-Denis, que le droit de passage prévu dans
le titre de la société Colline des Camélias est conforté par l’acte de
propriété de la société Maison Ah Sing et que ces deux titres faisaient
expressément référence à l’acte du 1er février 1962 incluant l’existence
de voies réservées à un lotissement ou à des zones particulières du vaste
terrain ayant appartenu aux consorts A… sans répondre aux conclusions des
exposantes contestant la mention de l’acte d'acquisition de la Sarl Colline des
Camélias du 30 juin 2005 et l’analyse du tribunal sur l’emplacement même de
cette servitude de passage sur la rue des Marquis, la cour d’appel a violé l’article
455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’au surplus l’acte d’acquisition de la Sarl Colline
des Camélias en date du 30 juin 2005 se bornait à mentionner en page 8, de
façon laconique, « le droit de passer sur la rue de la Colline, la rue des
Longozes et la rue des Marquis […] en conformité avec la réserve faite sous l’article
20 de l’acte reçu […] le 19 novembre 1965 » ; que, dans leurs conclusions d’appel,
les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements soutenaient que le
renvoi, dans cet acte, à l’article 20 du cahier des charges du 19 novembre 1965
ne rappelait que la servitude de passage établie en faveur de M. Clovis B… mais
ne permettait d’établir ni l’existence, ni l’étendue ni les modalités d’exercice
d’une servitude de passage sur la rue des Marquis au profit du fonds acquis par
la Sarl Colline des Camélias ; qu’en ne s’expliquant pas sur cette mention de l’acte
d’acquisition de la société Colline des Camélias du 30 juin 2005 renvoyant à l’article
20 du cahier des charges du 19 novembre 1965 et, en particulier, sur sa portée
au regard de l’existence d’une prétendue servitude de passage sur la rue des
Marquis en faveur de cette société, la cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à
l’ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu’en tout état de cause, dans leurs conclusions d’appel,
les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements avaient fait
valoir que, contrairement à ce qu’avait retenu le tribunal ayant confondu la
rue de la Colline avec la rue de la Glacière, la Zac de la Colline des Camélias
dispose d’un accès direct à la voie publique, ce qui empêchait de lui
reconnaître la qualité de fonds enclavé, dès lors qu’il résulte des documents
issus du service de la Documentation nationale du cadastre et de Google Maps
que la rue des Longozes, incluse dans parcelle […] appartenant à la Sarl
Colline des Camélias débouche directement au Sud sur la rue de la Glacière ; qu’en
se contentant de relever, par motif éventuellement adopté, pour considérer
qu’il n’existerait pas d’autres dessertes de la Zac de la Colline des Camélias,
qu’il ressortait du rapport d’expertise judiciaire que l’extrémité Sud de la
rue de la Colline se termine en impasse de sorte qu’un raccordement avec les
terrains de la Zac situés au-dessus est difficilement envisageable compte tenu
du rempart existant sans répondre à ce moyen des exposantes, le fait que le
fonds de la Sarl Colline des Camélias ne soit pas désenclavé au Nord par un
raccordement à la rue de la Glacière n’excluant nullement qu’il le soit au Sud
par un accès direct rue de la Glacière, la cour d’appel a violé l’article 455
du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le droit de passage prévu
dans l’acte de propriété de la société Colline des Camélias était conforté par
l’acte de propriété des sociétés Fascom international et Ah Sing
investissements et que ces deux titres faisaient expressément référence à un
acte du 1er février 1962 qui excluait l’existence de voies réservées
à un lotissement ou à des zones particulières du vaste terrain ayant appartenu à
leur auteur commun, la cour d’appel, qui a interprété souverainement les titres
de propriété des parties et qui a répondu aux conclusions prétendument
délaissées, a pu retenir que la servitude dont bénéficie la société Colline des
Camélias s’exercera sur la nouvelle assiette du chemin créé par la société Ah
Sing et constitué par la rue des Marquis et une partie de la rue de la Colline
;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction
antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour accueillir la demande en autorisation d’installation
des réseaux en sous-sol, l’arrêt retient que, l’acte du 1er février
1962 assignant aux terrains concernés une vocation à recevoir des constructions
destinées au logement, leur desserte dépasse le seul passage et s’étend aux
besoins inhérents à toute construction, que, l’acte instituant une unité de
circulation sur l’ensemble des lotissements à créer, celle-ci vaut pour le
passage des canalisations et réseaux inhérents à l’équipement des logements et
que, l’acte établissant la réciprocité des servitudes, le terrain grevé bénéficie
de la même servitude lorsqu’elle s’exerce sur les terrains voisins ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’une servitude de passage ne
confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette
de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit et que l’acte
constitutif du 1er février 1962 ne conférait pas le droit de faire
passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette de la servitude, la
cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 702 du code civil ;
Attendu que l’arrêt rejette la demande de dommages-intérêts
formée par les sociétés Fascom international et Ah Sing investissements et
destinée à réparer l’aggravation de la servitude de passage en raison de la
desserte de la ZAC ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était
demandé, si la création, sur le fonds dominant, d’une ZAC conduisant à la
desserte de plusieurs centaines de logements n’entraînait pas une aggravation
de la servitude conventionnelle, la cour d’appel n'a pas donné de base légale à
sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le
troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives au
bénéfice pour la société Colline des Camélias d’une servitude de passage qui s’exerce
sur la rue des Marquis pour accéder au boulevard de la Providence à
Saint-Denis, l’arrêt rendu le 3 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel
de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties
dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit,
les renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne la société Colline des Camélias aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la
demande de la société Colline des Camélias et la condamne à payer aux sociétés
Fascom international et Ah Sing investissement la somme globale de 3.500 euros…
Autrement dit, une servitude de passage ne permet de faire passer des
canalisations dans le sous-sol du terrain concerné que si le titre instituant
celle-ci le prévoit !
Dans le cas contraire, tu vous contournes le problème (comme les mouflons
et ânes Corsi).
Note que tu peux aussi envisager de de faire un pont-aérien comme à Berlin
du temps de la partition de la ville…
Je résume : À la suite de la division d’un terrain, une société de
construction, qui bénéficiait d’une servitude conventionnelle de passage,
revendiquait le droit d’y faire passer les réseaux (divers et variés :
VRD) destinés à desservir les constructions à venir.
Or, les propriétaires du terrain s’y opposaient craignant
l’aggravation de leur environnement, peut-on supposer, les fameux « troubles
de voisinage ».
Mais le juge du fond, à savoir la Cour d’appel locale, avait reconnu au
bénéfice de cette société une servitude de passage avec le droit d’y faire
passer des réseaux en sous-sol (et de défoncer le chemin). Elle avait considéré
que les terrains concernés devant recevoir des constructions destinées au
logement, leur desserte s’étendait aux besoins inhérents à toute construction.
Arrêt cassé !
Pour la Cour de cassation en effet, une servitude de passage ne donne le
droit de faire passer des canalisations dans le sous-sol de son assiette que si
le titre instituant cette servitude le prévoit…
Or l’acte créant la servitude ne le prévoyait pas !
La solution idoine qui s’impose désormais aux meks qui passent en vélo rue
des Marquis depuis le boulevard de la Providence pour rentrer chez eux restera
peut-être de se promener avec des sceaux d’eau en allant et de récupérer leurs « eaux-usées »
dans des bassines-de-chiotte sous le nez des « préinstallés » au retour, je ne
sais pas…
À moins de laisser croupir ces dernières à tous vents rue des
Marquis !
Ou alors, ils passent « par ailleurs » avec éventuellement
pompes de relevage.
Bref, de l’intérêt de bien rédiger les actes dès l’origine, SVP, faute d’en
rester esclave à vie.
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