Escale à Tianjin-airport
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction,
une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de
son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions,
des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et
autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
Le retour de l’équipe de
Gérald du Pyongyang avec les fameux fichiers de numérisation s’étant passé sans
encombre notoire, les types ravis d’avoir été accueillis comme des princes mais
frustrés de n’avoir pu visiter la ville et ses alentours pour des raisons de
sécurité, ils expliquent que l’apprentissage du maniement du scanner rotatif
leur aura donné du fil à retordre.
La poursuite du « contrat » passé au printemps peut donc entrer dans sa phase finale.
Dans un premier temps,
ils ont été promenés en berline allemande, un peu vieillottes, à travers
champs, pour déboucher dans une vaste demeure plantée en bord de mer et
entourée de soldat à l’allure patibulaire.
Les techniciens coréens avaient correctement déballé la machine et l’avait montée telle qu’elle pouvait fonctionner.
Mais il a fallu deux jours pour leur apprendre à faire des numérisations exploitables.
Pas très satisfaits au démarrage, ils ont ensuite fait plusieurs essais sur des volontaires, essentiellement des femmes.
Qui ont ensuite pris le relai avant que Gérald et ses deux compères ne repartent comme ils sont venus : avec moults détours pour rejoindre leur avion qui les a posés à Pékin.
Pas de difficulté : même les chinois les ont laissé passer sans fouille avec les « sauf-conduits » remis par les ambassades respectives, sans même les obliger à une quarantaine, leurs tests négatifs refaits directement sur place.
Et ils sont rentrés par le vol d’Air-France-KLM où ils ont dû rester à l’isolement en septaine à l’hôtel Hilton de CDG, celui qui donne sur le terminal 3 et les pistes Nord : un comble !
Quinze jours après, les
ordinateurs de l’usine ont reçu une série de fichiers utiles pour fabriquer des
cyborgs assez vraisemblables. Quelques-uns ressemblants au dictateur de Corée
du Nord, quelques autres à l’effigie de la visiteuse du printemps, sa sœur.
C’était les vacances et c’est Huyck qui aura mis ces fichiers en sécurité sur ses serveurs, puisque tout le monde avait déserté les locaux pour cause de vacances estivales bien méritées après un confinement harassant.
Et ils se sont mis, sur instruction de Paul à fabriquer trois cyborgs à l’image de « Princesse Yoyo » et deux à celle de son frère aîné.
La mise au point de la programmation des « automatismes comportementaux » aura duré un peu plus longtemps que prévu de prime abord, mais en septembre, « les colis » étaient prêts à être expédiés, emballés dans des caisses anonymes.
Et c’est Paul qui veut se charger de la livraison, avec un équipage de deux pilotes et d’une hôtesse de cabine, plus mon incontournable présence.
Pas de trace d’aucun espion durant tout notre voyage : il faut dire qu’à Aubenas, ils auraient vite été repérés, tellement tout le monde semble connaître tout le monde !
Le voyage est long entre
Aubenas et Tianjin. Si l’aéroport d’Aubenas est situé sur un plateau sur la
rive droite de l’Ardèche, à une poignée de kilomètres des usines de la MAPEA
situées rive gauche, ce qui surprend c’est qu’il est tout petit par rapport aux
standards auxquels je reste habituée.
Une seule piste orientée Nord-Sud, un tout petit tarmac qui accueille des avions de tourisme et l’hydravion de Paul normalement stationné en Normandie, plus un A 320 aux couleurs de la « Paradise airways » qui fait presque monstrueux à côté.
Les gars de l’usine ont monté un treuil dans la cale de l’avion pour hisser les caisses, une petite échelle et un tire-pal pour le déchargement.
On est au bout du monde à des heures de trains de « my sweet-home ».
Mais ce n’est rien par rapport aux deux jours d’avion qui m’attendent…
D’abord Chypre, puis l’Inde et enfin Tianjin : deux pistes une immense aérogare avec deux tentacules qui servent de satellite d’embarquement.
Un vrai aéroport international avec sa zone de transit douanier.
Sauf que nous l’évitons.
On va directement sur
l’aire réservée à l’usine locale d’Airbus, située à l’Est de la piste 34 R,
tout au bout tel qu’il faut traverser tous les runways, un grand tour, et que
ça dure vingt bonnes minutes avant que les moteurs cessent de tourner !
Une usine en sous-activité qui réouvre à peine, suite au confinement de l’hiver dernier et surtout à la chute des commandes et les suspensions de livraison.
Un jet biréacteur, dont
l’immatriculation commence par « PIC », viendra se positionner entre
deux hangars à côté de notre appareil, une poignée de minutes plus tard.
Paul est à la radio et parle en anglais.
« Que personne ne sorte : nous sommes espionnés de loin en loin. »
Et c’est lui qui ouvre la porte de notre Airbus alors qu’il n’y a personne autour de nous : il faut dire qu’il fait nuit et que l’éclairage n’est vraiment pas « au top ».
« Restez à bord, Alexis. Je reviens. »
Et il descend par l’échelle de coupée intégrée au fuselage pour aller ouvrir une trappe du compartiment des bagages accompagné du copilote.
On les entend sortir les rails du treuil de débarquement des caisses installées depuis notre départ en soute.
Et le tire-pal manuel : on peut dire qu’il mouille la chemise, le boss !
Même s’il fait frais.
Le transbordement demande tout de même une bonne vingtaine de minutes entre les deux appareils : il faut ouvrir et déballer les caisses, en sortir les cyborgs et il monte à bord du jet coréen.
Pour en ressortir encore
20 minutes plus tard.
La coréenne était-elle à bord ?
« Vous êtes bien curieuse ! » me fait-il après être revenu, avoir rembarqué le tire-pal et fermé la porte de la soute.
Je n’en saurai pas plus avant longtemps…
Que franchement, je ne vois pas trop ce que je fais derrière mon hublot en repensant que la mère Rachel aurait très bien pu faire partie du voyage, si c’était de ne pas « affoler » la « princesse Yoyo » de sa présence !
« Ça s’est bien passé. Pas de problème.
Captain, on refait les
niveaux et on repart pour Chengdu. »
Et comment il va
expliquer qu’il a débarqué du matériel et n’a rien embarqué ?
« C’était des mannequins articulés. C’est comme ça que c’était marqué sur les documents des douanes dès le départ. »
Et ils n’ont pas vérifié, à la douane française ?
« Si ! Et ils ont pu constater que c’était bien des mannequins inanimés… »
Une fraude ?
« Même pas… »
Depuis quand la MAPEA fait de l’exportation de mannequin ?
« Un deal avec Bercy et l’appui diplomatique des chinois… Je ramène le « Nivelle 002 » en lieu sûr en échange. Ils n’allaient pas non plus s’y opposer ! »
Bon, admettons.
Mais pourquoi tous ces bobards avec le Mossad et ses agents, à Paris ?
« Vous nous voyez promener des espions qui n’ont rien à faire dans nos affaires ? Non mais !
Je leur raconte que ce
que je veux bien leur dire. À eux de faire leur boulot ! »
Ça, c’est vrai, avec les
agents « fouineurs », finalement Paul reste très protecteur de ses
secrets « nationaux ».
Loyal en disait le Chinois à Cabourg, mais envers sa patrie… et ses intérêts bien compris qui sont souvent les mêmes.
Notre Airbus redémarre
pour refaire les pleins à l’autre bout de l’aéroport et nous sommes
« clear » pour décoller dans la demi-heure qui suit : je n’aurai
rien vu de la Chine et de ses milles fantasmes asiatiques et au moins autant de
mystères exotiques à cette étape-là.
À Chengdu, c’est un peu différent : j’ai eu le droit de poser un pied à terre et je me suis même fait escorter par des officiers jusqu’à notre hôtel, au lever du jour, dans une ville tentaculaire et pleine de lumières.
Et j’ai pu gouter des odeurs autres que celle du kérozène pour m’être promenée ensuite dans le quartier central.
C’est dépaysant, même si ce n’est jamais qu’une grande ville industrieuse.
Et puis je suis tellement épuisée en soirée que je prends une douche, après un dîner « à l’occidentale » mais équipé de baguette, et je vais me coucher en espérant que demain je pourrai m’offrir un tour « touristique » un peu plus consistant.
Avec Paul, j’aurai dû me douter qu’il n’en serait rien : le soleil n’est pas levé que déjà il tambourine à ma porte.
À peine le temps de m’habiller que déjà, sans prendre le temps d’un casse-croûte et une tasse de thé, nous sommes conduits presque manu militari en dehors de la ville, et à vive allure, toutes sirènes hurlantes, dans des Mercedes, pas vraiment du premier-âge.
Pour déboucher sur un vaste plan d’eau situé à une quarantaine de kilomètre, environ, au Sud de la ville !
Pas déçue, la fille…
Heureusement, ils avaient prévu un thermos de café !
On est déposé au bord
d’un môle où flotte une sorte de grand hydravion noir surmonté d’un gros
réacteur blanc de jet double-flux (me précisera-t-on) : le « Nivelle
002 ».
« Et ça vole ? » fis-je vraiment étonnée.
« On va voir ça », me répond Paul qui ne semble pas si sûr de lui.
L’engin ressemble à une grosse barcasse de plusieurs dizaines de mètres, avec un cockpit à l’avant et des rognons d’ailes triangulaires qui s’étalent jusqu’à l’arrière.
Des dérives en « V » inversé et évasé sont plantées à l’arrière, mais sans dépasser les larges dimensions de la queue.
En fait, les ailes sont repliées.
Paul m’explique que c’est le corps de l’engin qui s’évase vers l’arrière pour accueillir les moteurs-fusées d’origine, qu’on n’utilisera pas cette fois-ci, et les réacteurs primitifs dont les entrées d’air se situent au-dessus du corps de l’appareil.
Un oiseau curieux.
D’autant qu’il y a un mât qui supporte le gros réacteur « double-flux » qui aura été rajouté par les ingénieurs chinois de l’usine située à proximité de l’aéroport.
Ils sont d’ailleurs quelques-uns à fignoler les détails et l’approvisionnement des réservoirs qui enfoncent l’appareil dans l’eau au fur et à mesure de leur remplissage : ça sent le kérozène à plein nez !
Eux ont l’air satisfaits, surtout un, ravi qu’il est, de retrouver Paul.
« Vous pouvez venir avec moi jusqu’aux Chagos, ou reprendre l’Airbus qui y va également. Vous choisissez, Alexis ! »
C’est tentant mais je ne
suis pas très rassurée…
« Il est certifié, votre avion ? »
Il a déjà fait un tour de monde hors de l’atmosphère.
« Venez, je vous montre ! »
Et nous voilà escalant le dos de la structure noire. On entre dans l’appareil par une écoutille posée sur le dos de l’engin qui donne sur une échelle qui descend dans la cabine-poste de pilotage.
C’est assez étroit, mais finalement vaste pour deux personnes.
J’aperçois même une kitchenette sommairement équipée sur un bord, et en face une petite porte marquée « WC »…
« C’est une coque planante avec un décrochage au trois-quarts de la longueur pour éviter les effets de succion de l’eau quand elle se déplace à vive allure.
On m’a rassuré :
tout fonctionne comme au premier jour, mais j’admets que ça me fait un petit
pincement au cœur que de reprendre les commandes de cet engin.
Je ne sais pas si c’est le trac ou simplement une appréhension, parce que c’était un engin « sportif » dans le temps ! Là, ils me l’ont transformé en veau. »
Je veux bien le croire.
« C’est marqué quoi, dans ma biographie, je veux dire la vôtre ? »
Que je monte !
« Si je me souviens bien… »
Bon alors…
Je prends sur moi.
Et le voilà qui part refermer le panneau de l’écoutille…
« Vous m’emmenez
dans les étoiles ? »
On pourrait.
« Mais on ne pourrait pas revenir sans être transformé en poussière et lumière… »
Rassurant…
« Je vous explique : cet engin devait servir à tester nos céramiques grandeur nature et à haute vitesse sur une longue durée d’une rentrée dans l’atmosphère.
Alors il en sort et peut
même y retourner sans flamber.
Et puis c’est là où j’ai mis au point le « Gel-Birgit[1] ». Le premier problème, c’est que s’il a assez de puissance pour se mettre en orbite, il n’a pas assez de réserve de carburant pour se désorbiter.
Donc on monte et on y reste y mourir d’asphyxie.
Le second, c’est que s’il peut redescendre, le « Gel Birgit » est efficace pour protéger la coque sur laquelle nous flottons, mais qu’il faut le refaire après chaque vol.
Un simple coup de pinceau avec un peu de colle pour les éléments électromagnétiques.
Et là, depuis mon départ, les chinois ne l’ont pas refait. Alors, je ne suis pas bien sûr que les céramiques pourraient tenir assez longtemps sans trop se dégrader si l’on va trop vite.
Donc nous n’irons pas dans les étoiles cette fois-ci : désolé de vous décevoir, Alexis. »
Rassurant…
[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Mains Invisibles – tome II », aux éditions I3
La poursuite du « contrat » passé au printemps peut donc entrer dans sa phase finale.
Les techniciens coréens avaient correctement déballé la machine et l’avait montée telle qu’elle pouvait fonctionner.
Mais il a fallu deux jours pour leur apprendre à faire des numérisations exploitables.
Pas très satisfaits au démarrage, ils ont ensuite fait plusieurs essais sur des volontaires, essentiellement des femmes.
Qui ont ensuite pris le relai avant que Gérald et ses deux compères ne repartent comme ils sont venus : avec moults détours pour rejoindre leur avion qui les a posés à Pékin.
Pas de difficulté : même les chinois les ont laissé passer sans fouille avec les « sauf-conduits » remis par les ambassades respectives, sans même les obliger à une quarantaine, leurs tests négatifs refaits directement sur place.
Et ils sont rentrés par le vol d’Air-France-KLM où ils ont dû rester à l’isolement en septaine à l’hôtel Hilton de CDG, celui qui donne sur le terminal 3 et les pistes Nord : un comble !
C’était les vacances et c’est Huyck qui aura mis ces fichiers en sécurité sur ses serveurs, puisque tout le monde avait déserté les locaux pour cause de vacances estivales bien méritées après un confinement harassant.
Et ils se sont mis, sur instruction de Paul à fabriquer trois cyborgs à l’image de « Princesse Yoyo » et deux à celle de son frère aîné.
La mise au point de la programmation des « automatismes comportementaux » aura duré un peu plus longtemps que prévu de prime abord, mais en septembre, « les colis » étaient prêts à être expédiés, emballés dans des caisses anonymes.
Et c’est Paul qui veut se charger de la livraison, avec un équipage de deux pilotes et d’une hôtesse de cabine, plus mon incontournable présence.
Pas de trace d’aucun espion durant tout notre voyage : il faut dire qu’à Aubenas, ils auraient vite été repérés, tellement tout le monde semble connaître tout le monde !
Une seule piste orientée Nord-Sud, un tout petit tarmac qui accueille des avions de tourisme et l’hydravion de Paul normalement stationné en Normandie, plus un A 320 aux couleurs de la « Paradise airways » qui fait presque monstrueux à côté.
Les gars de l’usine ont monté un treuil dans la cale de l’avion pour hisser les caisses, une petite échelle et un tire-pal pour le déchargement.
On est au bout du monde à des heures de trains de « my sweet-home ».
Mais ce n’est rien par rapport aux deux jours d’avion qui m’attendent…
D’abord Chypre, puis l’Inde et enfin Tianjin : deux pistes une immense aérogare avec deux tentacules qui servent de satellite d’embarquement.
Un vrai aéroport international avec sa zone de transit douanier.
Sauf que nous l’évitons.
Une usine en sous-activité qui réouvre à peine, suite au confinement de l’hiver dernier et surtout à la chute des commandes et les suspensions de livraison.
Paul est à la radio et parle en anglais.
« Que personne ne sorte : nous sommes espionnés de loin en loin. »
Et c’est lui qui ouvre la porte de notre Airbus alors qu’il n’y a personne autour de nous : il faut dire qu’il fait nuit et que l’éclairage n’est vraiment pas « au top ».
« Restez à bord, Alexis. Je reviens. »
Et il descend par l’échelle de coupée intégrée au fuselage pour aller ouvrir une trappe du compartiment des bagages accompagné du copilote.
On les entend sortir les rails du treuil de débarquement des caisses installées depuis notre départ en soute.
Et le tire-pal manuel : on peut dire qu’il mouille la chemise, le boss !
Même s’il fait frais.
Le transbordement demande tout de même une bonne vingtaine de minutes entre les deux appareils : il faut ouvrir et déballer les caisses, en sortir les cyborgs et il monte à bord du jet coréen.
La coréenne était-elle à bord ?
« Vous êtes bien curieuse ! » me fait-il après être revenu, avoir rembarqué le tire-pal et fermé la porte de la soute.
Je n’en saurai pas plus avant longtemps…
Que franchement, je ne vois pas trop ce que je fais derrière mon hublot en repensant que la mère Rachel aurait très bien pu faire partie du voyage, si c’était de ne pas « affoler » la « princesse Yoyo » de sa présence !
« Ça s’est bien passé. Pas de problème.
« C’était des mannequins articulés. C’est comme ça que c’était marqué sur les documents des douanes dès le départ. »
Et ils n’ont pas vérifié, à la douane française ?
« Si ! Et ils ont pu constater que c’était bien des mannequins inanimés… »
Une fraude ?
« Même pas… »
Depuis quand la MAPEA fait de l’exportation de mannequin ?
« Un deal avec Bercy et l’appui diplomatique des chinois… Je ramène le « Nivelle 002 » en lieu sûr en échange. Ils n’allaient pas non plus s’y opposer ! »
Bon, admettons.
Mais pourquoi tous ces bobards avec le Mossad et ses agents, à Paris ?
« Vous nous voyez promener des espions qui n’ont rien à faire dans nos affaires ? Non mais !
Loyal en disait le Chinois à Cabourg, mais envers sa patrie… et ses intérêts bien compris qui sont souvent les mêmes.
À Chengdu, c’est un peu différent : j’ai eu le droit de poser un pied à terre et je me suis même fait escorter par des officiers jusqu’à notre hôtel, au lever du jour, dans une ville tentaculaire et pleine de lumières.
Et j’ai pu gouter des odeurs autres que celle du kérozène pour m’être promenée ensuite dans le quartier central.
C’est dépaysant, même si ce n’est jamais qu’une grande ville industrieuse.
Et puis je suis tellement épuisée en soirée que je prends une douche, après un dîner « à l’occidentale » mais équipé de baguette, et je vais me coucher en espérant que demain je pourrai m’offrir un tour « touristique » un peu plus consistant.
Avec Paul, j’aurai dû me douter qu’il n’en serait rien : le soleil n’est pas levé que déjà il tambourine à ma porte.
À peine le temps de m’habiller que déjà, sans prendre le temps d’un casse-croûte et une tasse de thé, nous sommes conduits presque manu militari en dehors de la ville, et à vive allure, toutes sirènes hurlantes, dans des Mercedes, pas vraiment du premier-âge.
Pour déboucher sur un vaste plan d’eau situé à une quarantaine de kilomètre, environ, au Sud de la ville !
Pas déçue, la fille…
Heureusement, ils avaient prévu un thermos de café !
« Et ça vole ? » fis-je vraiment étonnée.
« On va voir ça », me répond Paul qui ne semble pas si sûr de lui.
L’engin ressemble à une grosse barcasse de plusieurs dizaines de mètres, avec un cockpit à l’avant et des rognons d’ailes triangulaires qui s’étalent jusqu’à l’arrière.
Des dérives en « V » inversé et évasé sont plantées à l’arrière, mais sans dépasser les larges dimensions de la queue.
En fait, les ailes sont repliées.
Paul m’explique que c’est le corps de l’engin qui s’évase vers l’arrière pour accueillir les moteurs-fusées d’origine, qu’on n’utilisera pas cette fois-ci, et les réacteurs primitifs dont les entrées d’air se situent au-dessus du corps de l’appareil.
Un oiseau curieux.
D’autant qu’il y a un mât qui supporte le gros réacteur « double-flux » qui aura été rajouté par les ingénieurs chinois de l’usine située à proximité de l’aéroport.
Ils sont d’ailleurs quelques-uns à fignoler les détails et l’approvisionnement des réservoirs qui enfoncent l’appareil dans l’eau au fur et à mesure de leur remplissage : ça sent le kérozène à plein nez !
Eux ont l’air satisfaits, surtout un, ravi qu’il est, de retrouver Paul.
« Vous pouvez venir avec moi jusqu’aux Chagos, ou reprendre l’Airbus qui y va également. Vous choisissez, Alexis ! »
« Il est certifié, votre avion ? »
Il a déjà fait un tour de monde hors de l’atmosphère.
« Venez, je vous montre ! »
Et nous voilà escalant le dos de la structure noire. On entre dans l’appareil par une écoutille posée sur le dos de l’engin qui donne sur une échelle qui descend dans la cabine-poste de pilotage.
C’est assez étroit, mais finalement vaste pour deux personnes.
J’aperçois même une kitchenette sommairement équipée sur un bord, et en face une petite porte marquée « WC »…
« C’est une coque planante avec un décrochage au trois-quarts de la longueur pour éviter les effets de succion de l’eau quand elle se déplace à vive allure.
Je ne sais pas si c’est le trac ou simplement une appréhension, parce que c’était un engin « sportif » dans le temps ! Là, ils me l’ont transformé en veau. »
« C’est marqué quoi, dans ma biographie, je veux dire la vôtre ? »
Que je monte !
« Si je me souviens bien… »
Bon alors…
Je prends sur moi.
Et le voilà qui part refermer le panneau de l’écoutille…
On pourrait.
« Mais on ne pourrait pas revenir sans être transformé en poussière et lumière… »
Rassurant…
« Je vous explique : cet engin devait servir à tester nos céramiques grandeur nature et à haute vitesse sur une longue durée d’une rentrée dans l’atmosphère.
Et puis c’est là où j’ai mis au point le « Gel-Birgit[1] ». Le premier problème, c’est que s’il a assez de puissance pour se mettre en orbite, il n’a pas assez de réserve de carburant pour se désorbiter.
Donc on monte et on y reste y mourir d’asphyxie.
Le second, c’est que s’il peut redescendre, le « Gel Birgit » est efficace pour protéger la coque sur laquelle nous flottons, mais qu’il faut le refaire après chaque vol.
Un simple coup de pinceau avec un peu de colle pour les éléments électromagnétiques.
Et là, depuis mon départ, les chinois ne l’ont pas refait. Alors, je ne suis pas bien sûr que les céramiques pourraient tenir assez longtemps sans trop se dégrader si l’on va trop vite.
Donc nous n’irons pas dans les étoiles cette fois-ci : désolé de vous décevoir, Alexis. »
[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Mains Invisibles – tome II », aux éditions I3
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