La phase active
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction,
une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de
son auteur. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions,
des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et
autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
J’ai mal dormi durant la
nuit : le vent forcit, les arbres hurlent parfois sous les puissantes
rafales, la mer, côté mer, fait un vacarme bruyant et régulier de déferlantes
et le ciel est noir, parfois zébré d’éclairs.
J’ai horreur de la foudre.
Mais pour le moment, on n’entend pas le roulement du tonnerre ou alors largement atténué.
Je suis tout de même debout avant les aurores. Je me douche et descend prendre un petit-déjeuner léger.
Pour me rendre compte que tout est désert dans la résidence et qu’il fait tellement noir que j’ai cru que j’avais lu ma montre à l’envers : il est neuf heures et quart et non pas six heures comme je l’imaginais dans mon demi-éveil !
Je file alors à la « war-room ».
Ils sont tous là à scruter les dernières informations.
« Je vous résume
la situation, Alex. Les russes ont modifié l’orbite d’un de leur
satellite-espion cette nuit. On va en avoir deux sur le dos, dont un toutes les
45 minutes au-dessus de nos têtes durant les heures qui vont suivre.
C’est le commencement de
leurs manœuvres d’abordage. »
Sait-on quels sont leurs
objectifs ?
« D’après la NSA des américains qui aura intercepté quelques câbles, on suppose qu’ils vont aborder et tenter de récupérer notre sous-marin manu militari en débarquant des commandos par hélicoptère depuis le navire support qui sera à moins d’une demi-heure dans quelques temps. »
Mais on est sans défense depuis que les américains, les anglais et le français ont déguerpi !
Que va-t-on faire ?
« Vous ne connaissez pas notre Gustave national : il a plus d’un tour dans son sac. »
Et il compte faire quoi, pour repousser l’assaut ?
« Oh lui, il compte sur une couverture aérienne des amerloques et utiliser notre canonnière depuis le lagon, à l’abri de la grosse mer au large.
Mais il n’en aura pas
besoin ! »
Ah ?
« C’est une éventualité, effectivement » intervient l’intéressé. « La mer est tellement grosse au large, que je vois mal un appontage d’hélicoptère se faire sans risque d’accident.
S’ils ont décollé, ils
viendront faire escale au sol et en profiteront pour déposer leurs commandos.
Alors on les canonnera au 76 avec notre patrouilleur et le sous-marin.
Si non, ils attendront que la météo se calme, s’éloigneront et reviendront demain… »
« Ouais, sauf
qu’ils sont pressés de rejoindre le golfe d’Aden. Ils n’ont pas beaucoup de
marge de manœuvre » vient le contredire Paul.
Celui qui sait déjà tout…
« Résultat, ils vont se positionner pour pouvoir tirer à vue quelques obus sur le hangar qui abrite notre prise de guerre. Mais on l’a déjà discrètement déplacer en plongée périscopique jusqu’au milieu du lagon avec le « 002 » accroché à une longe.
Et là, nous prendrons
ensuite la mer pour venir à leur rencontre… »
Mais, mais… c’est
suicidaire !
« Je vous le rappelle, commandant de Bréveuil, nos 76 mm ne perceront même pas leur blindage de bordée.
Une torpille bien placée,
en revanche, je ne dis pas… »
C’est qu’il s’énerverait
presque, l’amiral retraité qui voulait, l’avant-veille, faire une
sortie !
« Sauf que je vous rappelle, nous n’avons pas de torpille armée d’explosif. »
Pas plus que le moindre missile antisurface ni même antiaérien.
Et les canons et mitrailleuses de nos embarcations seraient plutôt utiles pour accueillir et repousser un commando débarqué sur l’atoll.
C’est dire la panade dans laquelle nous sommes sans l’appui des anglo-américains.
« Ils seraient de toute façon inefficaces contre leur navire : ils ont à bord suffisamment de leurres et de défense anti-missile » rajoute Paul.
Donc on est vraiment désarmé ?
Et je reprends :
« Et notre sous-marin, il ne sert à rien ? »
Paul me répond : « Pas en la circonstance.
Souvenez-vous qu’il y a
trois submersibles en plongée dans les parages. On en a eu les traces jusqu’à
hier soir quand les hélicos pouvaient encore voler.
Si on sort le nôtre, soyez certaine qu’il offrira une cible facile pour le sous-marin russe qui doit vraisemblablement se positionner en ce moment à proximité de la passe de sortie.
Comme leur mission « bis » c’est de le détruire s’ils ne peuvent s’en emparer, pas la peine de leur offrir en pâture un équipage tout neuf ! »
Trois ?
« Oui. Au moins un russe, on a sa signature sonore. Probablement un américain qui n’a pas pu être identifié. Le troisième on ne sait pas. J’ai eu confirmation de l’amirauté qu’aucun de nos engins ne croise dans les parages, pas plus que ceux des britanniques.
Cette troisième trace
peut être soit un leurre, une sorte de drone sous-marin, soit une erreur de nos
détecteurs, parce qu’il se déplace sur des trajectoires aléatoires, semble-t-il » nous rapporte Gustave.
Paul me fait un clin
d’œil…
Quoi, lui réponds-je en silence avec les yeux et les lèvres ?
« On sort.
J’emmène Alexis sur la tour… ».
Enfin… il m’entraîne dehors. Sous la pluie et quelques grêlons qui me transpercent. Il fait nuit noire en plein jour tellement le ciel s’allume de toutes parts car là, on commence à voir le ciel être parcouru par des éclairs lointains de façon de plus en plus psychédélique, comme en boîte de nuit !
« Mais vous êtes fou ! Je vais attraper la crève par ce temps de chien… »
Je serai à l’abri dans quelques secondes…
Qu’il dit.
On finit par se réfugier dans la cahute qui sert à abriter les équipements électriques, sous « la tour ».
« Voilà, vous vous souvenez des Hytrutes ? »
Comment aurai-je pu oublier les explications ahurissantes de l’avant-veille ?
« Le troisième submersible, ce sont nos Hytrutes. Enfin leur machine.
Et c’est d’ailleurs elles
qui provoquent l’orage magnétique qui va passer au-dessus de nous.
Alors, partez dans votre chambre vous munir d’un ciré et d’un appareil photo avec zoom.
Et placez-vous à l’abri du vent, un peu en hauteur, au-dessus de votre chambre.
Parce que vous êtes-là pour un reportage sur la suite des événements et vous serez parmi les personnes qui verront passer la machine des Hytrutes. »
Mais je vais suivre
comment, le déroulé de la bataille ?
« Il n’aura pas
de bataille. Mais une opération de secours des russes. Et vous verrez ça parce
que je vous embarque sur le patrouilleur sitôt le gros de l’orage passé.
Ah, et pensez à éteindre
votre téléphone : rien d’électrique sous tension qui ne soit pas
protégé dans une cage Faraday ! »
Et mon appareil photo,
alors ?
« Vous l’éteignez entre deux prises et vous l’enveloppez avec soin avec du papier d’aluminium… Vous en trouverez à la cuisine. »
Voilà, c’était donc ça, les grillages moches qui recouvraient les bâtiments de nos installations ?
Juste des cages Faraday…
« Je vous laisse : il faut que je débranche les générateurs de courant électrique avant que ça ne chauffe trop ! Vous revenez nous rejoindre sur le port quand la lumière reviendra. »
Et le voilà déjà reparti vers la « war-room » alors que je me penche sur le côté en faisant attention de ne pas glisser pour faire contre-poids aux rafales de vent en direction d’une voiturette pour prendre la direction de l’hôtel : il fait vraiment nuit alors qu’il doit être aux alentours du midi local.
Mais on ne voit pas le soleil.
Ni le moindre chat : ils se sont tous mis à l’abri du déluge !
En revanche, on voit encore bien les feux de position du paquebot entre les ondées et à quelques dizaines de mètres au-dessus de lui, une sorte de lueur scintillante qui ne semble pas être gênée ni par le vent, ni par la pluie pour rester parfaitement immobile.
On dirait un fanal…
De ces lueurs mystérieuses que j’ai pu voir précédemment[1]…
Paul m’avait prévenue.
J’en fais des photos… pour ma collection personnelle !
Il me racontera la suite
immédiate plus tard.
Il est effectivement allé déconnecter et mettre « en panne » les quelques générateurs de l’île et est revenu dans la « war-room » pendant que je m’emparais d’un rouleau de papier aluminium.
« Gustave était dans un état pas possible. Sans électricité, il était soudain devenu aveugle et sourd.
Eh bien, on continue en mode « dégradé », lui ai-je suggéré.
Ça ne l’a pas vraiment rendu de meilleure humeur. »
Pour ma part, j’ai
ensuite réussi à trouver une paire de jumelle et un abri un peu moins arrosé
que les terrasses devant nos chambres.
Mais ça secouait fermement. Il y avait même, par moment, des infra-sons qui faisaient vibrer mes organes !
Et puis un vacarme de hurlements du vent à ne pas mettre un canard dehors.
D’ailleurs, les oiseaux, même ceux habitués aux tempêtes en mer, s’étaient planqués.
Au fil des minutes le ciel s’illuminait d’éclairs. Il faisait presque nuit, sauf qu’on y voyait finalement comme en plein jour !
Les roulements du tonnerre faisaient un vacarme épouvantable pour arriver sans discontinuer : mes vieilles peurs de gamines refaisaient surface !
Il y avait de quoi. Je n’avais jamais vu un orage pareil, remplir tout le ciel de mille feux.
Il a fallu que je prenne
sur moi, que je me morde, pour ne pas aller me réfugier sous un lit !
Et puis, tout d’un coup, je perçois une explosion noyée dans le vacarme.
Un obus !
Il est tombé sur les quais…
Mais ça m’a permis de repérer l’origine du second tir qui s’est abîmé dans le lagon, à proximité du hangar de notre sous-marin, soulevant une colonne de flotte verticale qui a vite été dispersée par une tornade de vent…
Une petite silhouette grise dansait au milieu des vagues, à quelques kilomètres de là, frappée par la foudre à plusieurs reprises.
Et puis l’improbable !
Une immense silhouette
noire jaillit alors de l’eau à mi-chemin d’avec la côte, également frappée par
la foudre à plusieurs reprises.
Un truc qui paraît énorme, triangulaire, sans une lumière dans mes jumelles alors qu’il doit être gros comme un Boeing 747, mais sans les ailes, à moins que ce soit une aile volante, qui surgit dans une marée d’écume, soudainement, comme venu de nulle part ailleurs que du fond de l’océan et se déplace à vive allure vers le russe.
Sauf qu’à cet endroit-là, l’océan n’est pas si profond que ça.
Ça se dirige vers le navire russe, ça accélère vivement comme d’une fusée, mais sans panache de fumée ni de flamme de moteurs, pas même la lueur d’un réacteur.
Je vois distinctement une sorte de missile décoller dudit bâtiment dans sa direction.
Puis une explosion à bord du navire russe.
L’engin aliène pique alors un virage serré, presque instantané, quasiment à 90° vers l’Ouest, et disparait en moins d’une paire de seconde, laissant le missile qui le suivait se perdre en mer en plus qu’un début d’incendie commence à ravager le navire russe dans son sillage.
Impressionnant.
Évidemment, j’ai à peine pu prendre quelques mauvais clichés.
Je me focalise sur
l’incendie au large, plus facile à repérer à travers les ondées.
Le bâtiment semble immobile, mais je me rends compte qu’il s’éloigne lentement en roulant bord sur bord.
Les lumières reviennent sur notre atoll.
Je décide donc, comme demandé, de revenir vers la « war-room », sous la pluie et en courant, ma voiturette refusant de démarrer, pour constater que Gustave est furieux : il n’a pas eu sa bataille navale et Paul est déjà parti vers le port. Alors que je suis invitée à le rejoindre immédiatement.
« Mais pourquoi ? »
Il va prendre la mer. « Et profitez-en pour prendre des clichés des dégâts de l’obus, sur les quais.
Moi, je reste pour guider
notre patrouilleur. »
Il va où, le
patrouilleur ?
« Il va sur place pour porter assistance aux Ruscofs ! »
Un comble, celle-là : ils nous tirent dessus, et c’est nous qui allons les secourir ?
J’ai à peine pris pied
sur le pont arrière que l’engin largue sa dernière amarre et file à toute
allure vers la passe.
Deux marins m’enfilent un ciré et un harnais de sécurité autour du cou et je suis emmenée de force sur la passerelle où Paul dirige la manœuvre, un timonier à la barre et aux manettes poussées « au tableau ».
Ça navigue sans difficulté dans le lagon, mais dès la passe dépassée, on sent que la mer se creuse et qu’il faut lever le pied en ralentissant tellement « ça tape » dans une mer « en désordre ».
De plus, pour éviter une éventuelle torpille tirée par le sous-marin des russes censé nous attendre à la sortie de la passe, Paul fait faire des changements de cap inopiné à notre rafiot.
Ce qui rajoute au désordre de mon estomac…
Il nous faut bien une
demi-heure de rodéo dans les vagues pour arriver à proximité, enfin, façon de
parler, du navire russe qui me paraît immense.
L’incendie n’est pas encore maîtrisé et ils ont mis à l’eau un canot pneumatique semi-rigide qui sautent dans les vagues que soulèvent le vent et l’orage : on est pourtant sous le vent de l’atoll, mais les creux sont impressionnants.
Je note la position bizarre du canon de 76 : il est tourné vers la passerelle et vise le ciel !
Si c’est comme ça que Paul ou Gustave pense pouvoir envoyer les russes par le fond, ou je n’y connais rien…
[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Alex cherche Charlotte… », aux éditions I3
J’ai horreur de la foudre.
Mais pour le moment, on n’entend pas le roulement du tonnerre ou alors largement atténué.
Je suis tout de même debout avant les aurores. Je me douche et descend prendre un petit-déjeuner léger.
Pour me rendre compte que tout est désert dans la résidence et qu’il fait tellement noir que j’ai cru que j’avais lu ma montre à l’envers : il est neuf heures et quart et non pas six heures comme je l’imaginais dans mon demi-éveil !
Je file alors à la « war-room ».
Ils sont tous là à scruter les dernières informations.
« D’après la NSA des américains qui aura intercepté quelques câbles, on suppose qu’ils vont aborder et tenter de récupérer notre sous-marin manu militari en débarquant des commandos par hélicoptère depuis le navire support qui sera à moins d’une demi-heure dans quelques temps. »
Mais on est sans défense depuis que les américains, les anglais et le français ont déguerpi !
Que va-t-on faire ?
« Vous ne connaissez pas notre Gustave national : il a plus d’un tour dans son sac. »
Et il compte faire quoi, pour repousser l’assaut ?
« Oh lui, il compte sur une couverture aérienne des amerloques et utiliser notre canonnière depuis le lagon, à l’abri de la grosse mer au large.
« C’est une éventualité, effectivement » intervient l’intéressé. « La mer est tellement grosse au large, que je vois mal un appontage d’hélicoptère se faire sans risque d’accident.
Si non, ils attendront que la météo se calme, s’éloigneront et reviendront demain… »
Celui qui sait déjà tout…
« Résultat, ils vont se positionner pour pouvoir tirer à vue quelques obus sur le hangar qui abrite notre prise de guerre. Mais on l’a déjà discrètement déplacer en plongée périscopique jusqu’au milieu du lagon avec le « 002 » accroché à une longe.
« Je vous le rappelle, commandant de Bréveuil, nos 76 mm ne perceront même pas leur blindage de bordée.
« Sauf que je vous rappelle, nous n’avons pas de torpille armée d’explosif. »
Pas plus que le moindre missile antisurface ni même antiaérien.
Et les canons et mitrailleuses de nos embarcations seraient plutôt utiles pour accueillir et repousser un commando débarqué sur l’atoll.
C’est dire la panade dans laquelle nous sommes sans l’appui des anglo-américains.
« Ils seraient de toute façon inefficaces contre leur navire : ils ont à bord suffisamment de leurres et de défense anti-missile » rajoute Paul.
Donc on est vraiment désarmé ?
Paul me répond : « Pas en la circonstance.
Si on sort le nôtre, soyez certaine qu’il offrira une cible facile pour le sous-marin russe qui doit vraisemblablement se positionner en ce moment à proximité de la passe de sortie.
Comme leur mission « bis » c’est de le détruire s’ils ne peuvent s’en emparer, pas la peine de leur offrir en pâture un équipage tout neuf ! »
« Oui. Au moins un russe, on a sa signature sonore. Probablement un américain qui n’a pas pu être identifié. Le troisième on ne sait pas. J’ai eu confirmation de l’amirauté qu’aucun de nos engins ne croise dans les parages, pas plus que ceux des britanniques.
Quoi, lui réponds-je en silence avec les yeux et les lèvres ?
Enfin… il m’entraîne dehors. Sous la pluie et quelques grêlons qui me transpercent. Il fait nuit noire en plein jour tellement le ciel s’allume de toutes parts car là, on commence à voir le ciel être parcouru par des éclairs lointains de façon de plus en plus psychédélique, comme en boîte de nuit !
« Mais vous êtes fou ! Je vais attraper la crève par ce temps de chien… »
Je serai à l’abri dans quelques secondes…
Qu’il dit.
On finit par se réfugier dans la cahute qui sert à abriter les équipements électriques, sous « la tour ».
« Voilà, vous vous souvenez des Hytrutes ? »
Comment aurai-je pu oublier les explications ahurissantes de l’avant-veille ?
« Le troisième submersible, ce sont nos Hytrutes. Enfin leur machine.
Alors, partez dans votre chambre vous munir d’un ciré et d’un appareil photo avec zoom.
Et placez-vous à l’abri du vent, un peu en hauteur, au-dessus de votre chambre.
Parce que vous êtes-là pour un reportage sur la suite des événements et vous serez parmi les personnes qui verront passer la machine des Hytrutes. »
« Vous l’éteignez entre deux prises et vous l’enveloppez avec soin avec du papier d’aluminium… Vous en trouverez à la cuisine. »
Voilà, c’était donc ça, les grillages moches qui recouvraient les bâtiments de nos installations ?
Juste des cages Faraday…
« Je vous laisse : il faut que je débranche les générateurs de courant électrique avant que ça ne chauffe trop ! Vous revenez nous rejoindre sur le port quand la lumière reviendra. »
Et le voilà déjà reparti vers la « war-room » alors que je me penche sur le côté en faisant attention de ne pas glisser pour faire contre-poids aux rafales de vent en direction d’une voiturette pour prendre la direction de l’hôtel : il fait vraiment nuit alors qu’il doit être aux alentours du midi local.
Mais on ne voit pas le soleil.
Ni le moindre chat : ils se sont tous mis à l’abri du déluge !
En revanche, on voit encore bien les feux de position du paquebot entre les ondées et à quelques dizaines de mètres au-dessus de lui, une sorte de lueur scintillante qui ne semble pas être gênée ni par le vent, ni par la pluie pour rester parfaitement immobile.
On dirait un fanal…
De ces lueurs mystérieuses que j’ai pu voir précédemment[1]…
Paul m’avait prévenue.
J’en fais des photos… pour ma collection personnelle !
Il est effectivement allé déconnecter et mettre « en panne » les quelques générateurs de l’île et est revenu dans la « war-room » pendant que je m’emparais d’un rouleau de papier aluminium.
« Gustave était dans un état pas possible. Sans électricité, il était soudain devenu aveugle et sourd.
Eh bien, on continue en mode « dégradé », lui ai-je suggéré.
Ça ne l’a pas vraiment rendu de meilleure humeur. »
Mais ça secouait fermement. Il y avait même, par moment, des infra-sons qui faisaient vibrer mes organes !
Et puis un vacarme de hurlements du vent à ne pas mettre un canard dehors.
D’ailleurs, les oiseaux, même ceux habitués aux tempêtes en mer, s’étaient planqués.
Au fil des minutes le ciel s’illuminait d’éclairs. Il faisait presque nuit, sauf qu’on y voyait finalement comme en plein jour !
Les roulements du tonnerre faisaient un vacarme épouvantable pour arriver sans discontinuer : mes vieilles peurs de gamines refaisaient surface !
Il y avait de quoi. Je n’avais jamais vu un orage pareil, remplir tout le ciel de mille feux.
Et puis, tout d’un coup, je perçois une explosion noyée dans le vacarme.
Un obus !
Il est tombé sur les quais…
Mais ça m’a permis de repérer l’origine du second tir qui s’est abîmé dans le lagon, à proximité du hangar de notre sous-marin, soulevant une colonne de flotte verticale qui a vite été dispersée par une tornade de vent…
Une petite silhouette grise dansait au milieu des vagues, à quelques kilomètres de là, frappée par la foudre à plusieurs reprises.
Et puis l’improbable !
Un truc qui paraît énorme, triangulaire, sans une lumière dans mes jumelles alors qu’il doit être gros comme un Boeing 747, mais sans les ailes, à moins que ce soit une aile volante, qui surgit dans une marée d’écume, soudainement, comme venu de nulle part ailleurs que du fond de l’océan et se déplace à vive allure vers le russe.
Sauf qu’à cet endroit-là, l’océan n’est pas si profond que ça.
Ça se dirige vers le navire russe, ça accélère vivement comme d’une fusée, mais sans panache de fumée ni de flamme de moteurs, pas même la lueur d’un réacteur.
Je vois distinctement une sorte de missile décoller dudit bâtiment dans sa direction.
Puis une explosion à bord du navire russe.
L’engin aliène pique alors un virage serré, presque instantané, quasiment à 90° vers l’Ouest, et disparait en moins d’une paire de seconde, laissant le missile qui le suivait se perdre en mer en plus qu’un début d’incendie commence à ravager le navire russe dans son sillage.
Impressionnant.
Évidemment, j’ai à peine pu prendre quelques mauvais clichés.
Le bâtiment semble immobile, mais je me rends compte qu’il s’éloigne lentement en roulant bord sur bord.
Les lumières reviennent sur notre atoll.
Je décide donc, comme demandé, de revenir vers la « war-room », sous la pluie et en courant, ma voiturette refusant de démarrer, pour constater que Gustave est furieux : il n’a pas eu sa bataille navale et Paul est déjà parti vers le port. Alors que je suis invitée à le rejoindre immédiatement.
« Mais pourquoi ? »
Il va prendre la mer. « Et profitez-en pour prendre des clichés des dégâts de l’obus, sur les quais.
« Il va sur place pour porter assistance aux Ruscofs ! »
Un comble, celle-là : ils nous tirent dessus, et c’est nous qui allons les secourir ?
Deux marins m’enfilent un ciré et un harnais de sécurité autour du cou et je suis emmenée de force sur la passerelle où Paul dirige la manœuvre, un timonier à la barre et aux manettes poussées « au tableau ».
Ça navigue sans difficulté dans le lagon, mais dès la passe dépassée, on sent que la mer se creuse et qu’il faut lever le pied en ralentissant tellement « ça tape » dans une mer « en désordre ».
De plus, pour éviter une éventuelle torpille tirée par le sous-marin des russes censé nous attendre à la sortie de la passe, Paul fait faire des changements de cap inopiné à notre rafiot.
Ce qui rajoute au désordre de mon estomac…
L’incendie n’est pas encore maîtrisé et ils ont mis à l’eau un canot pneumatique semi-rigide qui sautent dans les vagues que soulèvent le vent et l’orage : on est pourtant sous le vent de l’atoll, mais les creux sont impressionnants.
Je note la position bizarre du canon de 76 : il est tourné vers la passerelle et vise le ciel !
Si c’est comme ça que Paul ou Gustave pense pouvoir envoyer les russes par le fond, ou je n’y connais rien…
[1] Cf. « Les enquêtes de Charlotte », épisode « Alex cherche Charlotte… », aux éditions I3
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