III - Le « D-Day » de Paul de Bréveuil (2)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
« En revanche, vous avez toujours accès à ses travaux d’historiens
du futur et vous vous conformez à ce qui est écrit pour que ça puisse figurer
dans le document qui vous aura été remis plus tôt, qu’est-ce qui se passe ? »
Il ne sait pas… Les choses arrivent les unes après les autres.
Les bonnes et les moins bonnes.
« C’est la bonne réponse, bien obligé puisque sans ça, ça ne sera jamais
rapporté dans ledit document que vous auriez consulté avant votre prise de
pouvoir qui devient nul et non-avenu. D’aucune utilité… »
Oui, probablement…
« C’est donc ça ! » s’exclame Gustave.
« Oui mon cher ! C’est donc ça. »
« Ah bé voilà, je comprends tout d’un coup beaucoup mieux plein de
choses ! »
« Je vous avais dit que je vous expliquerai un jour. Ravi d’avoir pu
tenir cette promesse-là à votre égard, Amiral… »
« Oui, mais moi, je ne comprends pas » la ramène le
Président…
Le « scribe » opine de la tête comme pour approuver le propos de
son patron.
Mylène fait débarrasser et servir ses escalopes normandes déglacées au
cidre et accompagnées au choix d’une variété de petits légumes cuits à la
vapeur ainsi que des bouteilles de val de Loire de la même étiquette, blanc et
rouge au choix également, plus des bolées de cidre de pays pour faire
« local »…
« Désolé Paul, les vins normands n’existent pas encore… »
« Il faudra attendre quelques années, et des vignes sont déjà
plantées sur les falaises dieppoises, sais-tu. Mais ce n’est pas terrible… »
Et nous retournons à nos assiettes et conversation.
« C’est tant mieux que vous ne compreniez pas, Monsieur le
Président : ça vous évitera de passer pour un hurluberlu aux yeux du monde
entier et des dirigeants de la planète.
Vous comprenez mieux pourquoi je vous ai dit que c’est du
« off-ultra-high-security ». »
Alors, Makarond se tourne vers Gustave posé à sa droite.
« Et vous, amiral, vous avez compris quoi ? »
« Ouh là… Je découvre seulement ! Mais si c’est vrai, c’est
hallucinant, dois-je vous avouer Monsieur le Président ! »
Et comment cela ?
« Mon officier a… comment dire… parfois et à plusieurs reprises
des « intuitions » déroutantes. Or, si elles lui viennent de son
futur, tout s’explique !
Paul, ça vous est venu quand, cette histoire-là ? »
« À l’occasion de ma « disparition » à bord de l’avion
qui me promenait au-dessus de l’Atlantique[1].
Vous souvenez-vous ? »
Et pas qu’un peu : tout le monde était sans dessus-dessous et ça
correspond à l’époque où on lui avait fait une pression monumentale pour qu’il
cède le logiciel BBR.
« C’est quoi cette histoire-là ? » demande le
Président.
« Oh, de l’histoire ancienne. Vos services vous expliqueront… »
Oui, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?
« Pour savoir, vous lirez mon biographe « officieux »
avant qu’Alexis ne reprenne ce texte. »
Je n’y étais pas encore : j’avais juste « survolé » le blog
de I-Cube.
« Vous voulez m’expliquer que vous avez eu accès à votre
biographie complète ? »
« C’est un peu ça, Monsieur le Président. Sauf le dernier volume,
celui qui n’existe nulle part pour relater ma disparition… »
Mais c’est de la science-fiction !
« Je vous avais prévenu il n’y a même pas dix minutes. Maintenant
que c’est acquis, on peut poursuivre et reprendre des notes et enregistrer. »
Tout le monde se regarde autour de la table, très indécis.
« Délicieuse cette escalope ! »
Et on parle de quoi maintenant ?
« Vous allez recevoir le Président russe. Celui-là prépare sa propre
succession. Il se veut président à vie et va faire modifier la constitution de
son pays laissant une marge de manœuvre à ses premiers ministres successifs sous
le contrôle de la Douma.
Et en fait, il veut devenir le président à vie et au moins
jusqu’en 2036.
En revanche, je ne suis pas certain que ce soit vous qui
allez le lui suggérer, mais le régime voudrait devenir plus
« parlementaire » que « présidentiel » alors qu’il va
devenir une sorte de « super-président » et finalement dévier vers un
présidentialisme aigu comme aux USA. Pire même !
Lui, il a besoin de vous avec les nombreuses casseroles qui
lui trainent aux fesses sur le plan international : le Donbass, la Crimée,
ses trolls, la Syrie, ses projets de gazoduc, demain la Libye, l’Otan qu’il
souhaite voir se désunir alors qu’elle aura tendance à s’étendre, les adhésions
en suspens à l’UE, etc.
Normalement, vous botterez en touche quand il abordera
l’incendie de Notre-Dame de Paris, car il va probablement aborder ce point-là
au moment de vos apartés digestives. »
Et pourquoi aborderait-il ce sujet ?
« Gustave vous fera une note sur l’affaire Skripal et le rôle que
j’y ai joué malgré moi. Ça vous éclairera.
Vous lui donnerez des « gages ». Dans les mois qui
viennent, vous allez donner des signes d’ouverture vers l’Est parce qu’il en a
besoin pour mener sa lutte contre Daech, de plus en plus mal perçue en Russie.
Ça coûte cher et le peuple a faim. »
Et comment ça ?
« Oh assez simplement… À Biarritz, lors du G7, il sera question
d’envisager de réintégrer la Russie dans le G8, même si ce n’est pas vrai immédiatement.
Car ce n’est pas une urgence. Vous préférez balancer un écran de fumée sur les
incendies de l’Amazonie et recevoir un diplomate iranien pour tenter de
débloquer la situation. »
« Tiens ! Une bonne idée. Il faut noter cela. »
Et le « scribe » note.
Quant aux incendies, ils ne sont pas pour l’heure si dramatiques que ça…
« Votre urgence sera de préparer le sommet suivant prévu en juin
2020 à Miami. D’autant qu’il va se passer plein de choses imprévues
entre-temps.
Car entre les incendies de la forêt amazonienne, ceux
d’Australie durant l’hiver prochain et la pandémie de grippe chinoise, les
problèmes à régler deviennent de plus en plus « globaux », transfrontaliers,
multilatéraux.
Et ceux-là ne dépendent même pas des relations amicales ou
non des grands pays, ni même de leurs relations commerciales.
Vous ferez plancher vos conseillers sur ces sujets jusqu’à
vous rendre en Italie en pleine crise sanitaire… »
Quels incendies en Australie demande Gustave ?
Quelle pandémie de grippe chinois demande le « scribe » ?
Quelle crise sanitaire, rajoute-t-il ?
« Ah oui, j’anticipe, j’anticipe. Mais c’est sciemment amiral.
Juste une petite preuve supplémentaire comme l’histoire de la grippe chinoise –
qui n’est autre qu’un loupé de guerre biologique qui aura des conséquences
mondiales considérables – à l’adresse de notre Président pour qu’il tienne
compte de notre « aparté en off » de tout-à-l’heure, qui, je vous le
rappelle n’existe même pas.
Mes « petits talents ».
D’ailleurs j’ai déjà oublié… De quoi parlions-nous ? »
Là, c’est moi qui pouffe de rire !
Parce que bien obligée, il faut que je me souvienne pour retranscrire…
Et c’est tellement communicatif, que tout le monde participe à mon
fou-rire…
« Mais dites-donc mon cher Paul, je peux vous appeler par votre
prénom, capitaine, c’est vous dont j’ai besoin dans mon équipe de
conseillers ! » fait Makarond entre deux quintes de rire…
« Il n’en est pas question : je ne fais pas de politique et
ce n’est pas marqué comme ça !
Et puis, de vous à moi, vous avez assez de pisse-merdes de
l’ombre et de fêlés autour de vous pour que je sois sûr de ne pas les supporter
plus de cinq minutes.
En revanche, je vous invite chez moi dans l’océan-Indien
vous montrer ce que je fais de l’argent que vous m’avez fait gagner en vendant
« mon » logiciel dans mon dos. »
Et pourquoi irait-il dans l’océan-Indien ?
« Bé… il faut se montrer. Il faut justifier de notre présence et
souveraineté aux îles Éparses. Et comme je suis posé à deux heures d’avion de La
Réunion, vous viendrez y faire discrètement un tour puisque je vous invite,
pardi !
En plus je fais construire une piste décente rien que pour
vous.
Et puis ça vous donnera une idée des défis à relever et des
assistances dont je pourrais avoir besoin… plus tard.
Mais je vous expliquerai ça sur place… »
Après la tarte normande flambée au calvados et les « pousse-cafés »
Paul propose une petite promenade digestive dans le parc.
Pas très chaud, le Président, malgré la température atmosphérique.
« Si, si. J’ai un secret particulier à vous dévoiler. »
Un homme de pouvoir, ça aime bien les secrets…
Nous voilà donc tous les cinq partis dans le mini-bus de l’hôtel, Paul au
volant dévalant la pente par le chemin qui sillonne autour de l’esplanade gazonneuse,
prenant au dépourvu l’escorte de motards qui démarre pourtant au quart de tour
et nous rattrape devant la grille où les biffins-CRS se mettent se mettent au
garde-à-vous.
On chemine environ 10 minutes autour de la colline en suivant la
départementale dont le revêtement n’aura pas été refait jusque-là à l’occasion
de la visite présidentielle, pour déboucher sur un carrefour et une autre route
qui part d’un côté vers la côte et de l’autre vers l’arrière-pays.
Paul tourne à droite, vers l’intérieur des terres, tout en commentant déjà
la visite.
« Dans mon entourage, on appelle ça « le Bunker ». Et c’est
vrai que c’est un endroit hypersécurisé qui doit pouvoir résister à une charge
thermonucléaire. »
Il y a tant à craindre dans cette partie-là de la Normandie ?
« Pas plus qu’ailleurs, mais j’ai voulu le rendre impénétrable
parce que je veux vous montrer ce à quoi je ne peux pas m’occuper depuis que
vous m’avez rendu archimillionnaire avec la vente du logiciel BBR. »
Et pourquoi donc Paul ne peut pas s’en occuper lui-même ?
« Tout simplement parce que je fais autre chose, que vous viendrez
voir dans l’océan Indien et que je ne peux pas être partout à la fois. »
Il suffit de savoir déléguer…
« C’est plus compliqué que ça. Il s’agit de l’héritage d’un Lord
écossais, Sir McShiant, que j’ai récupéré alors qu’il cherchait à mettre au
point une machine surnuméraire. »
C’est moi, depuis la banquette arrière, coincée entre Gustave et le
« scribe », qui pose la question de savoir ce que c’était une
« machine-surnuméraire »…
« Un engin qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. Or, la
physique est implacable et ses lois nous enseignent dès le collège que ça n’est
pas possible » me répond Paul.
Ah ?
« Alors notre Lord s’est mis en tête de développer un réacteur à
fusion nucléaire dans sa cave… »
Et Paul aurait ça dans son jardin sans la moindre autorisation, questionne
immédiatement le « scribe » qui garde ses réflexes de
haut-fonctionnaire ?
« Si ça fonctionnait, j’en demanderai l’autorisation, figurez-vous !
McShiant espérait qu’avec quelques éclateurs de Marx il
arriverait à confiner un plasma de deutérium-tritium assez brutalement pour
déclencher une micro-fusion, un peu comme ce qui est tenté dans le projet Iter,
mais en faisant l’économie d’un Tokamak, ou alors réduit à sa plus simple
expression. »
Mais ça ne fonctionne pas, questionne Gustave ?
« Non amiral. La machine se présente comme un gros moteur diesel
avec plein de pistons et un gros vilebrequin, mais on n’atteint les taux de
compression et de température nécessaire à déclencher une fusion qu’en des
temps trop courts.
Vous voyez, Monsieur le Président, la solution est
probablement de rajouter aux éclateurs de Marx une sorte d’impulsion laser
assez puissante en un temps très bref, pour y parvenir.
Or, avec votre projet Mégajoule, les spécialistes ne sont
pas disponibles. Ça et Iter, le Président Rackchi aura pompé tous les talents
dont j’aurai eu besoin pour « déléguer », comme vous le dites. »
Nous arrivons sur place, toujours escortés de nos motards qui auront reçu
du renfort entre-temps.
Le coin d’un cube de béton sort de la pente de la colline et nous accédons
à son pied par une vaste rampe qui permet à des semi-remorques de débarquer des
marchandises dans le hangar qui s’ouvre à flanc de relief.
« Et vous prétendez que ça peut résister à une charge
nucléaire ? » questionne Makarond.
Même Gustave, qui vient ici pour la première fois se montre dubitatif.
« Oh, ce n’est que la partie visible. Le reste est sous la
colline ! Je ne vous montre pas tout, parce que c’est assez vaste :
on pourrait s’y perdre.
Venez, on entre. »
Un code sur un clavier, un clin d’œil devant une caméra d’examen de la
pupille, la lourde porte blindée s’ouvre. Paul fait jouer un interrupteur mural
et nous guide dans le couloir qui mène à l’arrière-hangar protégé par une large
porte en acier riveté qui coulisse et d’où émerge une forte clarté :
« la machine » trône au centre sur la dalle de béton.
Elle-même repose sous une bâche poussiéreuse. Ça sent la poussière et
l’huile minérale froide.
Paul fait soulever la bâche par un jeu de câbles et s’offre alors à notre
vue une sorte de gros moteur de plusieurs mètres de haut et d’une bonne quinzaine
de long pour à peine 4 ou 5 mètres de large, tout biscornu avec des tuyaux et
des câbles qui sortent de partout à la fois.
Ça pourrait être un moteur de paquebot…
270 pages – 12,30 €
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