IV - Le « D-Day » de Paul de Bréveuil (3)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
« Quand même dommage que ça ne puisse fonctionner ! »
s’étonne le Président.
« Les calculs ne sont pas bons. Il manque un facteur de 2 à 5 pour
que ça tourne vraiment. Je crois qu’au total, la bestiole a dû s’animer que
quelques minutes sur plusieurs mois d’essai… Et j’ai mis presque six mois pour
la remonter correctement, parce qu’elle a navigué depuis l’Écosse en pièces
détachées, en passant par ma cave parisienne. »
Évidemment…
« En fait, l’autre difficulté, c’est de pouvoir coordonner au
millième de seconde près tous les éléments. Et puis ça aurait tendance à
dégager beaucoup trop de rayons X… Je crois qu’il y a mieux à faire. »
Il n’empêche, ça vaudrait peut-être la peine de faire travailler une
équipe de quelques spécialistes sur le sujet.
« Mais je suis LE spécialiste de ce sujet. Et de quelques autres
aussi ! » intervient Paul, presque vexé, sur le ton de la
personne faussement courroucée...
« Cette machine finira dans un musée : il y a mieux à faire
vous dis-je. »
Et quoi donc ?
« Vous ne l’ignorez probablement pas, Monsieur le Président, mais
il y a une dizaine d’équipes de par le monde qui travaillent sur ces projets,
chacune avec des concepts différents. Je n’ai pas le temps de me mettre en
concurrence.
Je préfère m’investir sur les réacteurs au thorium :
c’est plus compact, c’est moins dangereux et les chinois, les américains et les
indiens ont déjà bien avancé sur ces sujets.
Nous, en France, en revanche, on ne sait que mobiliser nos
ingénieurs atomistes sur les grosses machines comme Flamanville. Ça au moins,
ça fait travailler tout le monde, les ferrailleurs comme les bétonneurs et tout
ce beau-monde peut s’en mettre plein les poches au passage ! »
Remarque désobligeante… à mon sens.
Mais ça a le mérite de faire sourire le président.
Paul fait redescendre la bâche : « Ce n’est pas vraiment ça
que je voulais vous montrer, mais le secret de ces lieux. Venez, on monte dans mon
bureau. »
Il nous guide de nouveau vers un escalier dérobé, ferme les lumières et la
porte blindée du hangar, et nous dirige vers une vaste pièce à l’étage où
clignotent des dizaines d’appareils et d’écrans.
Plus quelques autres qui couvrent tout un mur.
On dirait la salle de contrôle de Dimitri au Kremlin-Bicêtre.
« C’est ma fenêtre sur le monde. D’ici, je peux suivre à peu près
tout ce qui est « traçable » sur l’hémisphère nord de la planète.
Je vous présente « BBR 2.0 ». »
Là, c’est Gustave qui en laisse s’échapper un sifflement
d’étonnement : « Vous êtes quand même mieux installé que dans
locaux historiques… »
Il n’y a pas à dire !
« Les machines sont planquées sous la colline et nous servent de
sauvegarde. Il y en a une autre en Islande. Pour la sécurité.
Venez… »
Il nous fait signe de s’approcher d’une console.
« Notre ingénieur, Dimitri, assure avec Nathalie, la patronne du
site de Kremlin-Bicêtre en l’absence de l’amiral Morthe-de-l’Argentière, notre
protection depuis leurs locaux parisiens. »
Paul joue avec une souris (il y en a quatre sur la table de travail, chacune
légèrement différente les unes des autres) et il zoome sur une carte avec la
mollette de l’une d’elle.
Des points de différentes couleurs apparaissent de plus en plus
précisément.
« Là c’est notre environnement immédiat. On y distingue très bien
vos troupes d’escorte. Les points bleus. Il n’y a pas de menaces ou de suspects
« roses ». Les blancs sont également identifiés mais ils n’ont jamais
eu de trafic suspect. Et il n’y a pas de « Purple », les vraies
menaces avec les « orange » qui restent seulement des suspects parmi
les « roses ».
Il y a d’ailleurs 2 roses à Caen en ce moment et un à
Deauville, ceux qui utilisent des réseaux cryptés sans avoir été habilité. »
Il zoome encore : « Là, c’est nous. Et là c’est vous… Vous
êtes localisés. »
Ah oui ?
« Rien qu’avec nos téléphones ? Et si je ferme le mien ? »
Ce qu’il fait à l’invitation de Paul.
Sur l’écran, ce n’est plus un point, mais un triangle bleu.
« La machine vous a enregistré et localisé. Triangle, vous n’êtes
pas connecté mais vous restez un VIP « autorisé ». Un carré, vous
êtes lambda déjà identifié dans les mémoires. Vous pourriez disparaître,
puisque la machine retient vos dernières coordonnées et les réactualisera quand
vous passerez sous une caméra où que vous vous reconnecterez à un réseau. Ce
n’est plus alors du direct mais du suivi par intermittence.
Vous comprenez mieux qu’on aurait pu suivre votre agresseur du
mois de juillet 2017 assez facilement.
Mais ce n’est pas ça que je voulais vous montrer. »
Paul change l’image sur le cran écran devant lui, tapote rapidement sur un
des trois claviers posés devant lui et apparaît en quelques secondes une vidéo
où on reconnait les tours et la flèche de Notre-Dame de Paris par une
après-midi ensoleillée (d’avril).
Il zoome une fois de plus avec la molette d’une des souris et pointe sur
le haut de l’échafaudage, là où émerge le reste de la flèche encore à l’air
libre.
Une silhouette humaine émerge au sommet dudit échafaudage.
Elle s’engouffre prudemment dans la flèche quelques instants avant d’en
ressortir précipitamment et commence à redescendre vivement dans l’échafaudage pour
disparaître.
Puis, une demie-minute plus tard, elle revient pour de nouveau
s’engouffrer dans la flèche et en ressortir tout aussi rapidement.
Mais là, un éclair illumine l’intérieur de la flèche et l’homme aura
disparu.
« Ah ça ! Il faut que vous donniez ça à nos enquêteurs ! »
« Mais ils l’ont déjà. Comment croyiez-vous que l’on se soit
procuré cette vidéo ? Je vous épargne la suite, parce que ça prend un bon
moment avant de voir apparaître les premières fumées. »
« Qui est-ce ? »
« On n’en sait rien », répond Gustave.
« Quand on repasse les archives du moment pour tracer les
présences et déplacements des personnes qui tournent autour de la cathédrale,
ce gars-là n’est pas « matché ». Pas connu dans nos bases de
données ! Inconnu des registres de l’état-civil… »
« C’est ce qu’on appelle un « zombie » dans notre jargon »,
précise Gustave.
« Ça alors ! » s’étonne le Président.
Le « scribe » ne dit rien, mais sa bouche est restée
entre-ouverte…
« Je dois vous dire qu’il y en a plusieurs par jour comme ça.
Disons plusieurs dizaines pas semaine sur tout le territoire. Sauf qu’on finit
toujours par « cadrer » nos « zombies », les identifier
sous 24 ou 48 heures.
Pas celui-là même après plusieurs mois de travail sur
son cas !
Il est unique pour une unique apparition et pas n’importe
laquelle… »
« Conclusion ? » demande enfin le
« scribe » qui s’est ressaisi.
Gustave prend la parole et se fait docte : « Soit ce gars-là
savait nos capacités d’identification. Mais à part vous, désormais, et nous
seulement jusqu’à aujourd’hui, on ne voit pas comment. À moins de disposer
d’informations ou de technologies que nous ne connaissons pas encore. Ce qui
veut dire que ce n’est pas un amateur qui passe par-là par hasard, mais bien un
attentat fort bien préparé et probablement mandaté par une puissance dissimulée
qui poursuit un objectif inamical. Soit… »
Soit quoi ?
« Ce que veut vous dire l’amiral, c’est qu’une
« autorité » quelconque est capable de vous envoyer un « signal
fort ». Et c’est probablement lié, au moins dans son esprit, à l’affaire
Skripal dont je vous ai parlé à table tout-à-l’heure.
Soit, vous posez vos stylos et vos enregistreurs et on parle
alors d’un aliène, d’un « exogène » qui passe par-là sur la flèche du
temps. »
La quoi ?
Et quel serait son objectif ?
« C’est parce que c’est marqué comme ça dans ses livres
d’Histoire. Il s’y conforme. »
Les yeux des deux comiques qui logent habituellement à l’Élysée… Rigolo
comme tout à observer !
« Naturellement, je ne vous ai rien dit, vous avez déjà oublié et
vous ne rapporterez cela jamais, ni à personne : ça reste entre nous, on
vous prendrait pour un dingue bon à enfermer et à lier à Sainte-Anne. »
Ils encaissent.
« Et votre hypothèse est fondée sur quoi, Capitaine ? »
« Sur cet « incident » ? Sur le fait que le
logiciel soit incapable de « tracer » ce gusse. C’est le premier. Et
il n’y en a pas eu d’autres depuis.
Mais je vais vous dire, il manque quelques éléments qui ne
me permettent pas de trancher. »
Comme quoi ?
« Un déplacement sur la flèche du temps nécessite la présence,
visible et traçable celle-là, d’une technologie qui nous dépasse. Or, même les
machines qui sont planquées ici ne la détectent pas.
Alors, par précaution, vous pouvez rouvrir vos enregistreurs
et reprendre votre carnet de note, il vaut mieux s’en tenir à la version que
vous portera l’amiral dans les prochains jours sur l’implication d’une
« puissance hostile », de celle qui trolle les élections des pays
tiers en ingérences totalement illégitimes et que vous allez recevoir cet été
dans votre résidence d’été présidentielle. »
Ça lui fera un peu d’ombre et il devrait se précipiter pour se dédouaner…
Ce n’est pas encore arrêté.
« Ça va l’être. Le président russe a besoin de compter sur vous.
Et quand ce sera arrêté, j’aimerai bien que mon second, l’amiral ici présent,
soit accrédité en qualité de conseiller pour être mes yeux et mes oreilles… si
ça ne vous ennuie pas, évidemment ! »
Gustave… le second de Paul : on croit rêver, mais c’est une réalité
« vraie » finalement.
Et hop, une corvée de plus qui n’est pas pour ma pomme…
Décidément, Paul « mon sujet », a de la suite dans les
idées : et pour une fois qu’il ne me met pas en première ligne, je ne vais
pas me plaindre !
D’un autre côté, quelques jours sur la côte, c’aurait été bien dans mes petits
projets d’estives, mais une fois de plus, je dois me contenter d’être seulement
contrariée et me contenter de jouer les seconds rôles, puisque je ne serai pas
loin de Gustave à ce moment-là.
Nous sommes rentrés, pratiquement sans un mot, toujours sous l’escorte des
quatre motards, et la nuit s’est bien passée.
J’ai seulement vu la lumière de la chambre du Président s’éteindre assez
tard.
Et quand je m’endormais, j’ai repensé à quelques détails qui me font dire
que Paul ne porte pas forcément ce Président-là particulièrement dans son
cœur : j’aurai l’occasion d’y revenir…
Paul en aura profité pour filer à l’anglaise et le Président aura poursuivi
son périple mémoriel.
Ce n’est que le lendemain qu’il ira accueillir son homologue américain à
Omaha-Beach, alors que les cérémonies officielles, présidées par le Premier
ministre se déroulent à Courseulles-sur-Mer.
Un absent notable : justement le Président russe…
Une invitation avait pourtant été lancée à l’ambassadeur pour ce 75ème
anniversaire du débarquement.
Mais Vladimir Poutine, comme De Gaulle, a toujours considéré qu’il
s’agissait de la commémoration d’une opération militaire uniquement
anglo-saxonne, majeure et probablement décisive, certes, mais pas plus que les
combats qui font rage sur le front Est et en Italie à la même époque historique.
Et comme il tente lui aussi de réécrire l’Histoire…
De toute façon, l’Élysée avait précédemment expliqué
que le Président russe n’avait finalement pas été convié cette année en
Normandie parce que les célébrations internationales à Juno Beach seraient
présidées par le Premier ministre.
Refaire le « format Normandie » de 2014,
ne paraît pas non plus opportun compte tenu de l’enlisement, depuis si
longtemps, des solutions de paix pour l’Ukraine : il y a cinq ans, en
2014, le dirigeant russe avait été invité et avait assisté aux célébrations
organisées à l’occasion du 70ème anniversaire du Débarquement.
Dans le cadre de ces événements, il s’était
entretenu à deux reprises avec le Président américain de l’époque, Barack
Obama.
Ce 6 juin-là, Makarond enchaînera des rendez-vous dans le département : la
commémoration franco-britannique à Ver-sur-Mer, en présence de Theresa May, et
la cérémonie franco-américaine au cimetière américain de Colleville-sur-Mer où
il sera au côté de Donald Trump.
Ils déjeuneront ensuite en tête-à-tête à la préfecture de Caen.
Officiellement, l’agenda prévu est le suivant :
09 h 45 : cérémonie officielle avec la pose de la première pierre du
mémorial britannique avec Madame Theresa May, Première ministre du Royaume-Uni,
à Ver-sur-Mer.
10 h 30 : rencontre avec deux vétérans français, Messieurs Léon Gautier
et Jacques Lewis, en la sous-préfecture de Bayeux.
11 h 00 : cérémonie franco-américaine au cimetière américain à Colleville-sur-Mer.
13 h 15 : entretien suivi d’un déjeuner avec le Président des États-Unis
d’Amérique, à la préfecture de Caen.
16 h 30 : cérémonie de tradition de l’école des fusiliers marins et
d’hommage aux 177 commandos Kieffer qui ont débarqué le 6 juin 1944, à Colleville-Montgomery.
Pendant ce temps-là le premier ministre accueille de son côté et à
Courseulles-sur-Mer les invités du pays, après un déjeuner et avant une visite
par une délégation de 150 parlementaires US du Mémorial pour la Paix à Caen,
bâti sur le plateau qui surplombe l’ancien QG des troupes d’occupation
allemande de la région en 1944.
À 9 h 15 à Sainte-Marie-du-Mont : cérémonie danoise en présence d’un
ministre français ;
À 10 h 00 à Bayeux : cérémonie britannique en la cathédrale en présence
d’un ministre français ;
À 10 h 30 à Arromanches : cérémonie néerlandaise en présence d’un ministre
français ;
À 11 h 00 à Osmanville : cérémonie norvégienne en présence d’un ministre
français ;
À 12 h 00 à Courseulles-sur-Mer (Juno Beach) : cérémonie canadienne en
présence du Premier ministre ;
À 12 h 15 à Bayeux : cérémonie britannique au cimetière militaire
britannique de Bayeux en présence d’un ministre français ;
À 18 h 30 à Courseulles-sur-Mer (Juno Beach) : cérémonie internationale,
présidée par le Premier ministre.
Et tout s’est passé à peu-près comme prévu : chacun aura pu rentrer
chez lui dans la soirée.
270 pages – 12,30 €
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