XII – Explications anticipées
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
C’est un peu plus tard que j’ai une longue conversation avec « mon
sujet », Paul de Bréveuil, alias « Charlotte ».
« Soyons honnêtes, ce n’est pas simple. Mais comme il faut que vous
« rapportiez » dans mes biographies, je vais essayer d’être clair.
Et interrompez-moi à chaque fois que vous lâchez le fil,
Alexis. »
C’est à l’occasion d’une de ces visio-conférences dont j’ai fini par
prendre l’habitude depuis chez moi, qu’il me fait cet exposé (retraduit comme
je peux…).
« Premiers points, vous avez été à Londres voir Lady Joan qui me
faisait acheter les navires d’une compagnie de croisière en difficulté[1].
C’était avec le capitaine Igor, du FSB.
Je vous ai dit sur le retour que c’était un investissement
destiné à assurer la trésorerie future de mes activités et sur mes vieux jours.
Je vous ai ensuite emmené voir Lady Margareth au fin fond du
Minch. Elle est chargée de concevoir et de me fabriquer une armée de cyborgs
qui vont embarquer sur ces navires.
Je veux une compagnie à la pointe du progrès informatique et
cybernétique, son vrai fonds de commerce.
Avec un minimum de personnel humain à bord pour éviter les
difficultés coûteuses et autres inconvénients liés à l’espèce humaine, mais pour
des clients « humains » de préférence « plein aux as ».
Donc en créant une forte attractivité de luxure, de jeux, de
sexe débridé et de luxe à bord. Les futurs clients de nos cyborgs. »
Jusque-là, j’avais déjà compris…
« Elle est peut-être brillante en matière de robotique et de
mécanique, et elle avance vite, mais elle cusse[2] un
peu au plan de l’intelligence artificielle qui doit animer tout ça.
Or, j’ai lu quelle que part que je trouverai le talent qui
manque aux Canaries, exactement au sein de l’équipe qui gère le télescope William
Herschel. Une certaine Rachel Beer-Shev’a de
l’université de Tel-Aviv, que je suis allé voir cet été.
Ce qui tombe d’autant mieux qu’aux Canaries œuvre un dénommé
Pablo Pandillo, dit « Pépé », et sa famille, qui fabrique des fausses
peaux pour apprentis-tatoueurs à Lanzarote. La patrie de Manrique. Je suis
passé le voir lui aussi, tous les deux pour un premier contact.
« Pépé » pour qu’il me fabrique un mannequin prototype que vous irez
« tester » et… payer, Rachel pour lui proposer de rejoindre nos
équipes.
Car Lady Margareth n’a pas de solution sous la main. »
Des noms qui ne me disent rien : Pour moi, à ce moment-là, les
Canaries c’était encore et uniquement Tenerife.
Et encore… Je ne sais même pas où ça se situe par rapport à Madère !
« J’y suis donc aller la séduire pour qu’elle vienne nous
rejoindre… »
La « séduire » ? Et Florence alors ?
« Qu’allez-vous imaginer, Alexis ? J’entends « la
séduire » sur le plan professionnel !
Or, vous ne le savez peut-être pas, mais ladite université
est un vivier d’ingénieurs qui forme aussi les meilleurs agents du Mossad. Le
nid d’espions d’Israël…
C’est probablement un agent passif de la « grande
maison », mais plus intéressant, elle est mariée avec un juif-ukrainien
qui est lui-même une sorte de barbouze au service épisodique d’un groupe de
mercenaires qui œuvre probablement sous les ordres de Moscou.
Le groupe Mozart.
Et je retournerai la voir tantôt. »
Il en sait des choses…
« Les Américains ont plein de société de paramilitaires au
Moyen-Orient, dites de « sécurité » que nous, à côté avec notre CISA,
on reste des amateurs. Les Russes on les leurs, notamment le groupe Wagner qui bataille
au Donbass, en Libye et on le soupçonne d’être présent encore ailleurs,
probablement en Syrie et en Irak.
À leur tête, il y a un hiérarque milliardaire proche du
Kremlin.
Le groupe Mozart en est un des démembrements filialisés qui
s’occupe plutôt d’intendance et de trafics en tous genres, notamment d’armes et
de munitions pour les premiers.
Vous suivez ? »
Je note…
Mais quel lien avec Gustave et son détour au fort Brégançon ?
« On y vient.
Autre point Lady Margareth n’a pas les locaux qu’il lui faut
dans ses grottes, sous son Castel, pour développer en nombre suffisant, et
rapidement, mes cyborgs.
Elle peut les concevoir, faire quelques prototypes, mais pas
plusieurs milliers de machines.
Il faut qu’elle déménage avec ses plans et croquis dans les
locaux que je lui bâtis aux Chagos. »
Je sais déjà qu’elle n’est pas très chaude.
« Elle va l’être, parce que ses installations vont être « visitées »
par des « hostiles » repoussés par l’armée : une opération
montée sous faux-nez. Ce sera probablement le fait des Russes. Le même groupe
de paramilitaires Mozart ou Wagner. Ou encore un autre, je n’en sais rien
puisque vous n’en dites rien.
Un commando va tenter de débarquer et il sera repoussé gentiment
par les Special Air Service britanniques que je vais mettre au courant :
ils n’ont rien à ne me refuser depuis que je suis allé en Ukraine en récupérer
quelques-uns avec un Canadair à l’occasion des événements de la place Maïdan[3] et,
pour être pair d’Angleterre, le ministère sera très intéressé de découvrir ainsi
une opération « subversive » d’une « puissance étrangère »
qui aurait pu être « hostile » sur son territoire… en temps de paix.
Alors on l’évacue discrètement et sous la contrainte de la
situation juste avant.
Mais… »
Mais ?
« Mais pour ça, j’ai besoin d’un engin discret et confiné assez
volumineux pour embarquer ces archives et quelques appareils et machines qui
lui tiennent à cœur.
Et je vais la convoyer jusqu’aux Chagos en essayant de ne
pas me faire repérer par les satellites espions. Il va falloir prévoir près de 2
mois de mer, en surface la nuit, en plongée le jour. »
Un sous-marin alors ?
« Exactement. Mais vous le savez peut-être, je n’en ai pas et ça
ne s’achète pas sur étagère au premier chantier naval venu.
Et comme je veux rester « secret » sur ce coup-là,
je ne vois pas d’autres possibilités que d’en voler un ! »
Voler un sous-marin, qui plus est opérationnel, « mais quelle
idée ! » m’esclame-je, surprise.
« Et pourquoi ne vous en faites-vous pas prêter un par la
marine ? Gustave, avec toutes ses relations, doit pouvoir vous trouver
ça ! »
Probablement.
« Sauf qu’il faut alors accepter de révéler l’opération aux
autorités militaires, indiquer la destination finale et obtenir toute une série
d’autorisations, notamment celle de pénétrer subrepticement aux Chagos sous le
nez de la royale marine britannique et des navires de l’US Navy qui relâchent à
Diego Garcia.
Pas évident puisque n’importe qui me dirait que le problème
serait réglé avec un avion-cargo ravitaillé avec une seule escale technique !
Par ailleurs, ce sous-marin sera utile plus tard pour
repousser les « chalutiers-espions » que m’enverra les collègues du
contre-amiral Borozinov jusqu’aux Chagos. »
Là, je commence à être totalement perdue.
« Je vous interromps… comme vous me l’avez autorisé. »
Oui ?
« Borozinov, ou ses collègues, vont venir vous espionner aux
Chagos et vous les recevez à coup de torpilles, c’est ça ? Mais vous y
emmenez la Lady Margareth et son matériel, pour qu’elle monte son atelier de cyborgs
à embarquer sur votre flotte de croisière.
C’est ça aussi ?
Quel rapport avec le tatoueur et la miss Rachel Bière-rêva ?
Et les Canaries ? »
« D’abord je ne canarde personne : je repousse. Ensuite Rachel
Beer-Shev’a est actuellement aux Canaries. Elle est probablement en lien avec
le Mossad et de toute façon son mari est en lien avec le groupe Mozart ou du
moins le groupe Wagner, qui est lui en lien avec Moscou.
Or, le maître du Kremlin va avoir l’idée de mobiliser les
uns et les autres, après le rapport qu’a fait Borozinov de son contre-entretien
de Brégançon avec Gustave tel qu’il avait consigne de le lui suggérer, pour
aller me cueillir incognito à
Fuerteventura où est actuellement convoyé Eurydice (sa splendide goélette
dont il était prévu de la ramener des Antilles hollandaises jusqu’à Port
Hercules à Monaco).
Et devinez avec qui ils envisagent de se servir pour cette
opération ? »
Comment savoir ?
« Ils vont se servir d’un de leur sous-marin de récupération de la
dernière guerre, à peu près anonyme, en tout cas pas sorti des chantiers navals
de Russie, qui sert habituellement à des trafics d’armes quand ce n’est pas de
drogue. »
« Et c’est celui-là que vous allez voler ? »
Il est préférable que ce type de bâtiment ne serve pas aux trafics d’armes
obscures entre les USA et les djihadistes d’Afrique-noire.
Peut-être, mais…
« Comment comptez-vous vous emparer, que dis-je, pirater un
flibustier armé justement pour vous enlever, vous, si… j’ai bien compris ? »
« Oh, ça, c’est facile ! Avec le groupe HLM et quelques
jet-skis que j’ai à mon bord, on le prend d’assaut pendant que le commando est parti
m’extraire de mon hôtel à Puerto del Rosario où les attendront le groupe ADN et
la garde-civile locale mobilisée par Gustave. »
Ouh-lala, bien compliqué que tout ça et surtout très risqué !
Volez les voleurs, kidnapper le matériel de kidnappeurs, il y a plus
simple, non ?
Les questions se bousculent dans ma bouche.
« Vous vous laissez enlever ?
Les filles d’ADN vont enfin vous croiser ?
Gustave sera de la partie ?
Est-il au courant ?
Et puis comment prendre un sous-marin de guerre à l’assaut à
trois ? »
Non pas à trois, mais à quatre : « je ne serai plus là quand
Gustave et les ADN arriveront. C’est vous qui êtes chargée de les rejoindre le
soir de l’opération. Et Eurydice lèvera l’ancre après. Le groupe HLM, je l’emmène
avec moi à l’assaut du sous-marin sur les jets-skis ».
Ah ?
« J’en suis. Sur ce type bâtiment et dans cette configuration,
l’équipage est réduit : un officier de passerelle et son second, mais l’un
ou l’autre sera sur un des hors-bords de débarquement en vue de me kidnapper.
Un navigateur et son adjoint, un mécanicien et son adjoint,
un électricien et un cuistot, tous plus ou moins polyvalents.
Il n’y a pas d’équipage de combat à probablement parler à
bord. Par définition.
Celui-là, trois fois quatre hommes, sera à ce moment-là en
route pour la plage située à proximité de votre hôtel, le El Mirador au bord de
la Playa Blanca, où je me serai montré avec vous la veille avant l’arrivée de
Gustave et du groupe des filles.
D’ailleurs, elles vont être ravies de leur séjour dans une
résidence louée en ville.
Quant au sous-marin, c’est assez facile : il y a cinq
entrées. L’écoutille du kiosque et son échelle de coupée, les deux portes
étanches de côté, le panneau avant et celui à l’arrière.
Ils seront laissés ouverts pour laisser sortir les 12 cocoïs
qui vont débarquer à la faveur de la nuit et il n’est pas question de plonger,
même en urgence, dans une telle configuration notamment avec des hommes laissés
à terre ! »
Simple quoi…
« Bé oui, quelques grenades lacrymogènes, les gars vont vite
sortir de leur souricière alors que nous nous aurons des masques à gaz. On les
balance à la mer avec une bouée autour du cou, on remet les machines en marche
depuis le poste de commande du kiosque pour mettre de la distance et ventiler
un peu, et le tour est joué.
Le sous-marin sera à nous. »
Bé oui, simple, effectivement !
« Là, on fait cap sur l’Écosse, on ramène la Lady et ses planches
à dessin jusqu’aux Chagos et je serai sur place pour accueillir le Président
Makarond.
Vous et Gustave, vous arriverez avant lui à La Réunion et je
vous récupère pour l’escorter de La Réunion aux Chagos.. »
S’il le dit… c’est qu’il l’a déjà lu !
« Je ne comprends pas. Nous, on fait quoi après, je veux dire aux
Canaries ? »
Comme prévu.
« Vous, vous faites un peu de tourisme jusqu’à Lanzarote : il
faut que Gustave rencontre « Pépé » pour lui faire le premier
versement en cash que je lui ai promis.
Vous verrez, je vous aurai réservé des chambres au Lancelot
à Arrecife, face à la plage, un quatre étoiles. Et les garçons restent avec moi
jusqu’en Écosse pendant que mes matelots ramènent Florence et les gamins en
méditerranée pour y finir l’été.
La belle vie quoi !
Pendant que moi je ferai des clairs de lune aux forceps. »
Et Gustave et le groupe des filles ?
« Ils feront un peu de tourisme jusqu’à Lanzarote viens-je de vous
dire. Une île où il faut visiter la route des volcans, la maison de Manrique,
le Picasso local, et quelques autres spécialités également locales comme le
jardin de cactus. Vous aurez une voiture et on peut passer d’une île à l’autre
assez facilement en ferry.
Mais bon, c’est un peu limité tout de même.
Notez que vous pourriez aussi faire un tour sur la première
île, sur le retour, parce que vous volez depuis Fuerteventura à l’aller comme
au retour.
Le retour, toutes les quatre dans le même avion jusqu’à
Roissy, Gustave rentrera plus tôt. »
Tout un programme… S’il sait tout ça, c’est forcément qu’il l’a lu quelle
que part.
Mais franchement, voler un sous-marin au nez et à la barbe de vrais barbouzes-pirates,
ça reste insensé.
Et j’y reviens.
« Vous ne pensez pas à une réaction brutale des russes et de leurs
mercenaires sur ce coup-là ? Ça peut avoir des retombées redoutables. »
Oui bien sûr.
« Et ça va en avoir plusieurs. D’abord, les mecs vont devoir
admettre qu’ils ont perdu un sous-marin arraché aux ferrailleurs, réparé,
ravaudé et entretenu tant bien que mal depuis la dernière guerre mondiale, et
ça ne va pas passer.
Ça plus un équipage et un commando qui va se retrouver
devant les tribunaux espagnols pour immigration illégale, sans papier et armés,
c’est le cafouillage diplomatique de l’ombre assuré : ils en ont pour
plusieurs années à moisir en centrale pénitentiaire avant de sortir.
Ça va leur mettre du plomb dans la cervelle.
Et un frein à leurs convoyages d’armes et de drogue, le
nouveau commerce triangulaire. »
Qui consiste, me précisera-t-il plus tard, à importer de la drogue aux USA
depuis la Colombie, y embarquer des armes qui seront débarquées en Afrique avant
de revenir en Amérique du sud avec de la main-d’œuvre clandestine qui ira cultiver
les champs de pavot…
« Les garde-côtes américains arraisonnent plusieurs dizaines de
ces submersibles entre la Colombie et leurs côtes, atlantiques et pacifiques tous
les ans.
Et Poutine va encore se faire du mouron à son propos et au
mien : il avait été prévenu par Borozinov et se croit toujours le plus
fort aux échecs.
Une belle claque pour son moral !
Naturellement, les uns et les autres vont tenter de me
retrouver et de retrouver leur bâtiment « égaré », car pour lui, une
partie d’échecs n’est jamais terminée.
Je peux vous dire qu’ils vont y parvenir, mais dans
plusieurs mois et on saura les recevoir ! »
Et Paul se met à rire grassement…
« En attendant, j’aurai un peu la paix et on va pouvoir développer
le projet Chagos en toute tranquillité entre-temps.
Et puis il y aura de nouveau des purges au sein de la marine
russe : tant qu’ils se foutent sur la gueule entre eux, on n’a pas trop de
souci à se faire ailleurs.
De toute façon, le tsar aura eu d’autres soucis avec son
futur référendum constitutionnel contrarié et la crise sanitaire qui va
l’accompagner. »
Je ne fais pas le lien avec la crise mondiale
suivante, mais par la suite je saisirai que le propos de mon
« Charlotte » ne recouvre pas qu’une crise politique ou sanitaire,
comme je l’ai d’abord reçue.
[1] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Alex cherche
Charlotte », aux éditions I3
[2] Une
expression du « Mayennais » qui signifie « pigner »,
geindre, râler…
[3] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Mains
invisibles », aux éditions I3
270 pages – 12,30 €
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