XIX – L’odyssée du вовк два
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
On ne saura que plus tard, en septembre (avec des précisions apportées par
Paul en octobre), les détails de l’opération « Borozinov » en mer, au
large de Puerto de Rosario.
Le groupe HLM a dîné à bord d’Eurydice en compagnie de Florence et de
l’équipage avant d’enfiler leurs combinaisons de plongée et fait chacun son
paquetage dans des sacs étanches.
Paul est arrivé un peu plus tard, à la faveur de la nuit et s’est équipé
rapidement.
Et ils ont filé tous les quatre jusque devant mon hôtel, à à peu près 2 km
de là sur les jet-skis du bord.
Cheminant lentement vers la « Playa blanca ».
Et puis ils ont attendu, moteur au ralenti.
« Pas trop longtemps. Environ trois quarts d’heure après, alors
qu’on commençait à se geler, on a vu un signal lumineux lancé depuis la plage.
Ça nous a réveillé. Ça plus les appels de Gustave et de vous, les filles. »
Ce n’est qu’ensuite qu’ils auront repéré les sillages d’écume laissés par
les hors-bords venus du large.
« On n’a pas été long à repérer l’ombre du kiosque du sous-marin sur
l’horizon qui émergeait à moins d’un demi mille nautique de notre position et, à
petite allure, nous avons suivi Paul qui nous a fait manœuvrer pour arriver par
le large et l’arrière du submersible. »
L’équipage était concentré dans le kiosque jumelles sur le nez.
« Ils ne nous ont entendus à peine que quelques secondes avant
l’abordage. Il faut dire qu’Henry est arrivé un peu vite sur l’arrière du
submersible qu’il a percuté mais il a réussi à balancer deux grenades
lacrymogènes dans le panneau arrière resté ouvert avant de se retrouver à la
flotte.
Laurent a pu grimper à bord assez facilement par la porte
tribord et balancer ses grenades dans le poste de commandement pendant que Paul
en a fait autant dans le kiosque situé au-dessus et ensuite Marion dans le
panneau avant du submersible. »
« Ça toussait et crachait fort, ça on peut dire ! »
précisera Marion.
Probablement les explosions que nous avons vues et entendues depuis la
plage : c’était juste avant que les canots hors-bords n’abordent la plage.
Bien minuté, tout ça, finalement, même si c’est probablement un hasard…
bienvenu !
« Pas du tout ! » en dira Paul. « Grâce à
vous et le rapport que vous en avez fait, Alexis, j’ai pu reconstituer et
simuler le déroulé que j’avais à peu près encore en tête ! »
Oui, vraisemblablement : Paul et ses « prémonitions » qui
n’en sont pas…
« Ça dégueulait de partout dans la précipitation. Des panneaux,
les gars s’extrayaient et à chaque fois on les a balancés à la flotte. D’autres
ont filé à l’intérieur du submersible, et on leur a rendu la vie impossible en
balançant le reste de notre stock de grenades.
Ils ont fini à la baille, mais à l’intérieur, c’est resté
irrespirable sans masque pendant de longues heures ! »
Paul se fera plus précis.
« Vous notez. Ils étaient trois dans le kiosque, deux qui étaient
aux jumelles et un qui fumait.
Aux premières grenades de Marion, ils regardaient vers le
pont avant : j’ai pu grimper par l’échelle de coupée jusqu’à l’emplacement
de la batterie anti-aérienne depuis l’arrière et j’ai chopé un des gars par les
pieds qui est descendu sur le ventre jusque sur le pont. Ensuite, j’ai balancé
ma grenade et j’ai pu basculer l’un des deux par-dessus l’épaule pour le jeter
à la mer pendant que je maîtrisais d’un coup de pied le second, à ma gauche.
Il a suivi dans la seconde d’après alors que Marion s’était
retrouvé à l’eau et que Laurent faisait le ménage sur tribord.
Bref en moins de deux minutes, on était maître du pont.
Je suis redescendu, aidé de Laurent à l’arrière, on a
récupéré Marion et on a mis en marche depuis le kiosque. »
En fait, il n’y avait déjà plus qu’eux à bord et c’est Henry qui aura été
chargé de balancer des gilets de sauvetage aux « naufragés » qui
gueulaient des ordres ou des insultes, on ne saura jamais…
« Il y avait deux bouées capelées dans le kiosque… Le temps de les
débreller, je les leur ai balancées au jugé » me précisera Paul.
« Le plus dur, c’était finalement de récupérer les jet-skis qu’on
a tant bien que mal pu installer dans les coffres de matériels immergeables, et
on en a perdu un. Puis nous avons filé au large pendant que la plage s’éteignait
au loin. »
Une nuit sans souci de navigation : il fallait absolument ventiler
l’intérieur avant de plonger au lever du soleil. Et encore, ça piquait les
yeux…
Ils auront fait tourner la ventilation à fond et fait l’inventaire le jour
suivant.
« Conforme à ce que j’attendais, c’est-à-dire plusieurs mois de
vivre, mais un peu court en fuel. Comme prévu, l’escale irlandaise était
indispensable avant d’aborder le castel des McShiant.
Heureusement, grâce à vous, c’était prévu : j’avais
affrété un petit pétrolier qui nous attendait à quai avec son chargement à
Londonderry. »
Ils sont montés en quatre jours jusque-là pour refaire les niveaux…
« À petite allure… Sans forcer. »
Tu parles ! 20 nœuds avait calculé Dimitri le premier jour…
« De toute façon, il fallait laisser le temps à nos
« hostiles » pour réagir. »
Comment ça ?
« Il y a tout un réseau, plusieurs réseaux, d’hydrophones qui
barrent l’atlantique-nord. Toutes les hélices émettent un bruit qui identifie
le navire qui les fait tourner. Et puis nous avons navigué à douze nœuds sur la
fin du parcours et en surface pour laisser le temps aux satellites-espions
l’occasion de faire un visuel.
Et j’imagine qu’une antiquité, même désarmée de ses canons
qui débarque au fin fond de l’Ulster, ça aura dû mobiliser quelques hordes d’honorables
correspondants… »
Ensuite, après avoir fait un avitaillement des plus corrects, avoir
débarqué le groupe des garçons HLM et embarqué les marins venus des Chagos (et d’ailleurs
me semble-t-il, je ne sais pas ce détail), ils ont repris la mer en direction du
Minch.
« On était sur place dès début dans la première semaine de
septembre. Miss Margareth n’avait pas fait ses bagages, alors on y a suppléé
malgré ses récriminations et sa grande colère.
Notez qu’elle est tombée de haut quand elle a vu débarquer
deux hélicoptères de la Navy bourrés de commandos des SAS avertis par Gustave
pour le timing (ce qu’il m’aura confirmé
par la suite pour obéir aux instructions de Paul qui aura passé un message à
ses correspondants du SIS) qui ont pris position autour de ses logements.
Tout juste à temps pour voir passer un sous-marin russe
« en vadrouille » et également repéré et poursuivi par les systèmes
d’écoute et des bâtiments de la Home Fleet, qui s’apprêtait à débarquer.
Remarquez, ça les aura dissuadés d’intervenir, mais ça aura au
moins convaincu Lady Margareth d’embarquer. »
Comme prévu ?
« Oui… Sauf qu’elle a été tellement infernale que j’ai été obligé
de la shooter aux somnifères durant une grande partie de notre croisière… »
J’imagine.
Ceci dit, l’appareillage avec un navire « hostile » aux fesses,
ça aura dû être compliqué, non ?
« Un peu. On les a emmenés vers le nord. Ils ont été rejoints par
une frégate qui elle-même était suivie par un aviso anti-sous-marin de la
Royal-Navy.
On a joué ou chat et à la souris trois/quatre jours en
direction de l’Islande. Puis on s’est laissé en suspension entre deux eaux,
totalement silencieux pendant presque quarante-huit heures à dormir.
Ils cerclaient de plus en plus large pour nous repérer au sonar.
Le deuxième jour, on ne les entendait plus, alors on a filé vers le sud à un
nœud, puis vers l’Ouest parce que les courants nous ramenaient en Mer du Nord. Et
nous avons profité d’une bulle d’eau chaude pour filer en immersion
périscopique vers le sud. »
C’est quoi une « bulle d’eau chaude » ?
« Ma chère, l’océan est traversé par des courants d’eau qui ont
parfois des températures différentes. Il y a le Gulf-Stream, qui ramène de
l’eau chaude des tropiques jusqu’en Norvège, mais il y a des courants polaires
qui promènent, sous les eaux chaudes, des eaux froides de l’arctique jusque
sous les tropiques. Et le brassage, avec des densités et des taux de salinité
différents, n’est pas toujours homogène.
Les différences températures se traduisent par des différences
de salinité et les différences de salinité forment des « bulles » où
les sons ne se propagent pas en lignes droites par effet de réfraction.
Résultat, l’écholocalisation par sonar, passif ou actif, est
perturbée et hasardeuse.
Un son peut se perdre sans retour, créant un « faux-blanc ».
Bref, l’occasion de disparaître. »
Pourtant les hydrophones restent en place…
« Oui. Mais nous étions assez loin de nos « chasseurs ».
Et puis en navigation périscopique au Schnorkel toute la journée, ils ont fini
par nous perdre.
On a bien croisé quelques « hostiles » au niveau
des tropiques équipés d’hélicoptères capables de faire des
« sondages immergeant » un peu au hasard, ce qui nous a ralenti
quelques jours, mais nous avons pu rejoindre l’équateur en moins de quinze
jours, ce qui a permis à Margareth de respirer un peu d’air frais à nocturne.
Elle avait les nerfs en pelote !
Dans l’Atlantique-sud on a pu reprendre un rythme de
navigation régulier qui nous a amené au large de cap Bonne-Espérance
tranquillement où nous avons été dérangés par plusieurs troupeaux de baleines,
ou de cachalots – ce que c’est bruyant ces animaux : de vraies
pipelettes ! – pour remonter vers l’équateur sans surprise jusqu’au Chagos
où on a pu débarquer tout le monde sans encombre et dans les temps. »
Avait-il eu à faire usage des « dépôts sous-marin » de fioul
dont nous avait parlé Gustave ?
« Ah la vieille canaille ! Il vous aura révélé un de nos
secrets de polichinelle de marin !
Bé non justement ! Pas eu besoin. Même si ça a été un
peu juste sur la fin du parcours.
Le bâtiment que nous avons récupéré est capable de faire un
demi-tour de la planète s’il navigue « peinard ».
C’est un engin qui a fait la guerre du pacifique ! »
J’apprends comme ça qu’il s’agit d’un sous-marin initialement américain issu
des chantiers de Mare Island Naval Shipyard en Californie, Vallejo plus
exactement, des années 1943 de la classe « Salmon ». Ils en sortaient
à la chaîne à l’époque.
Un sous-marin d’attaque conventionnel de type diesel-électrique et diesel-hydraulique
qui aura fait plusieurs patrouilles avant d’être réformé.
Il a été vendu à un ferrailleur qui l’aura convoyé jusqu’en Inde pour le
démanteler après l’avoir désarmé. Mais au lieu de ça, il a été revendu à un
consortium panaméen qui l’aura recédé à un chantier de Leningrad qui l’aura
modernisé pour ensuite être revendu à une société maltaise qui l’aura loué à
une autre ukrainienne basée à Chypre.
Enfin, « c’est ce qui ressort du journal de bord », m’en
dit Paul sans que j’aie pu le vérifier de visu.
Peu importe « Le loup II » faisait jusqu’alors partie d’une
flottille « opaque » qui l’armait pour diverses
« croisières » entre la Colombie, les côtes américaines et celle
d’Afrique occidentale.
Le fameux « commerce triangulaire » post-moderne du groupe
« Mozart ».
« Mais comment se fait-il ? Pas eu besoin de ravitaillement
en carburant en cours de route ? »
Et j’y reviens en lui racontant les détails que nous avait confié Gustave
sur les « cuves immergées » qui parsèment les océans.
« Je sais que ça existe, puisqu’il y en a une dans la fosse de
Nonza, en Corse[1].
Mais je ne connais pas l’emplacement des autres. Et je ne sais même pas si le
réseau est encore entretenu !
Non le « Loup II » permet une croisière sans
escale. »
C’est un engin qui a habituellement besoin, au format « combat »
de 5 officiers et 54 marins, pour 308 pieds (93,9 m) de long, 26 pieds
(7,9 m) de maître-bau et un tirant d’eau de 15 pieds (4,6 m).
Il déplace 1.458 tonnes de ferraille (en surface) pour 2.233 tonnes en
plongée, ce qui fait 775 tonnes d’eau dans les ballasts…
Propulsé par 4 moteurs diesel General Motors Model 16-248 de 16-cylindres
(deux moteurs hydrauliques, deux générateurs électriques), plus 2 batteries à
120 cellules électrochimiques chacune et 4 moteurs électriques Elliott Company
haute vitesse avec mécanismes de réduction en plongée qui font tourner 2
propulseurs à hélices.
Globalement, ça fait 5.500 CV, en surface et seulement 2.660 CV, en plongée,
pour le propulser à 21 nœuds (38,9 km/h) en surface et 9 nœuds (16,7 km/h) en
plongée profonde.
D’ailleurs, il est conçu pour plonger jusqu’à 85 mètres de profondeur.
« Il faudrait que je remplace les batteries, dont certaines sont
érodées par d’autres de nouvelle génération au lithium. Il plongera plus loin.
Et que je le réarme : j’aurai besoin d’un canon… »
Ceci dit, si le « Loup II » a toujours 4 tubes lance-torpilles
de 21 pouces (533 mm) en avant et 4 tubes lance-torpilles à l’arrière, pendant
guerre, il emportait 24 torpilles !
Désormais le magasin sert de soute à marchandise ou de dortoir !
Le canon d’origine, sur le pont avant, sera remplacé par une pièce de 3
pouces/50 calibres (76 mm), de même que seront réinstallées une mitrailleuse AA
de 12,7 mm sur le pont arrière au pied du kiosque et une de 7,62 mm installée
sur son emplacement originel derrière le massif des périscopes.
Le navire peut en réalité parcourir 11.000 milles marins, soit environ un
demi-tour de planète ou 20.400 km à 10 nœuds (19 km/h) en surface, pour une
croisière pépère de 45 jours sans s’arrêter. En revanche, en plongée, les
batteries actuelles ne tiennent que 48 heures pour une vitesse de 2 nœuds (3,7
km/h).
Les suivantes, installées aux Chagos, pourront tenir 72 heures à 4 nœuds
(7,4 km/h)
D’où l’avantage du « respirateur » (Schnorkel) qui permet de
naviguer « comme à l’air libre » tout en restant en plongée
périscopique pour éviter d’être repéré par les radars et les vigies en
surface !
Ceci dit, ils ont « tourné » le Cap Bonne-Espérance assez au
large pour éviter le trafic maritime mais ont croisé plusieurs fois les routes
maritimes avant d’atteindre les Chagos. Il faut dire que justement, ces îles sont
un peu à l’Est des routes qui partent (ou vont) vers l’Indonésie.
Tous contents de pouvoir retrouver la lumière du soleil.
Il paraît que l’anglaise aura « brûlé » dès la première
demi-heure et qu’elle a été ravie de retrouver un coin à l’ombre, sous un des
rares palmiers du pays importés par Paul : à mon humble avis, il vaut
mieux s’abriter sous les auvents dont dispose la grande-maison de réception ou
de la climatisation des hangars, ou encore dans cabines du paquebot qui sert au
logement des ingénieurs et techniciens qui œuvrent sur les chantiers de
Paul !
[1] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Opération
Juliette-Siéra », aux éditions book-envol.
270 pages – 12,30 €
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