XXV – Paul aux commandes
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
J’y étais, pour « témoigner », donc je peux dire et je dirais même
plus, le confirmer !
Nous sommes arrivés dans l’après-midi avec un équipage réduit et Paul aux
commandes. On a été un peu dérouté à notre arrivée pour éviter l’éruption du
volcan local alors en activité, mais ça s’est très bien passé, posé tout en
douceur.
Sur le tarmac, Paul a fait refaire les pleins : 23 tonnes de kérozène,
presque 30 mètres cubes, pour une capacité maximale des réservoirs situés dans
les ailes de 29,3 tommes.
Et de m’expliquer qu’ordinairement, on n’a pas besoin d’autant que ça.
« Il y a de quoi faire plus d’un aller et retour depuis les Chagos et
plus on en met, plus ça consomme pour grimper en altitude. Il s’agit surtout de
pouvoir revenir sans faire le plein aux Chagos, ce qui allège l’intendance au
sol. »
J’ai cru comprendre que les citernes du lagon ne sont pas si importantes
que ça et qu’il convient de faire venir le précieux liquide par bateau-citerne…
Globalement, on a mis plus de deux heures et demie. Il en faudra autant
pour revenir jusqu’à l’île Maurice.
Et puis nous sommes allés boire un drink à la cafétéria après que Paul
aille au centre de contrôle déposer et enregistrer pour diffusion son plan de
vol de retour auprès des contrôleurs.
Quand le petit convoi présidentiel est arrivé : trois voitures
escortées par deux véhicules de la gendarmerie et une paire de motards. Le
président, son attaché militaire et un garde-du-corps dans une des berlines,
deux fois trois « secrétaires » et militaires à la mine grave dans
les deux autres…
Parmi eux, le « petit-gars » déjà croisé à Cabourg en juin
dernier. C’est tout juste s’il ne me tape pas la bise. On n’est pourtant pas
copain, mais il est content de me revoir.
Quant à Makarond, je n’existerai pas, ce serait du pareil au même. Il
réserve sa poignée de main à de Bréveuil.
« J’ai apporté votre médaille d’officier de la légion d’honneur. »
« Il faudra que je vous rembourse… »
Ce n’est pas gratuit ces trucs-là…
« Montez et allez-vous installer à droite dans le cockpit. J’ai
oublié mon équipage en partant. Il va falloir que vous nous pilotiez ! »
Grand moment de solitude présidentielle : « Mais… mais, je ne
sais pas piloter ! »
« Une excellente occasion pour apprendre ! Vous verrez, c’est
très simple… »
On grimpe par la passerelle accueillis par le responsable de cabine et
chacun s’assied dans un fauteuil pour se faire servir des rafraîchissements.
Dire qu’ils sortent tous d’un pique-nique local…
« Alexis, dégottez-vous un tabouret et venez avec nous. On réserve
le strapontin au secrétaire de Monsieur le Président. Il a des ceintures de
sécurité… »
Et moi, je n’en ai pas ?
« Pas besoin pour ce vol… »
S’il le dit…
Ce que j’aurai du mal à trouver et puis c’est très inconfortable :
j’aurai été obligé de me lever plusieurs fois pour me dégourdir les fesses.
« Bel appareil. C’est quoi tous ces petits boutons ? »
questionne Makarond, une fois assis devant le large tableau de bord, ayant fait
avancer son siège avant de boucler sa ceinture de sécurité, quatre points,
comme Paul l’y invite.
Et Paul explique.
« Un avion, c’est très simple. Pensez à une poutre à laquelle on
accroche des ailes et une dérive. Là, on est au sol et notre centre de gravité
se situe entre le tripode représenté par le train d’atterrissage.
En vol, ce centre de de gravité est devant le centre de
sustentation que représentent les ailes dans un écoulement laminaire de l’air
autour de leurs profils. Pensez à un fil tendu depuis le ciel qui tient la
poutre en équilibre. Du coup, l’avion aurait tendance à plonger vers le sol.
Pour contrecarrer cette mauvaise habitude, on dispose en queue de l’appareil
d’ailerons qui se règlent de façon à lui faire lever le nez avec les filets
d’air qu’ils traversent. Comme des skis.
En principe, c’est le directeur de vol qui règle l’assiette
et la maintient en inclinaison selon ce que le pilote demande à l’ordinateur de
bord. »
Ce qui a provoqué les deux catastrophes du Boeing 737 Max ?
« Sur cet appareil-là, ils ont repris l’architecture générale du
737, mais en lui rajoutant des moteurs plus gros, plus lourds. Résultat, dans
certaines phases de vols, notamment en montée et prise de cap, l’avion avait
tendance à partir en looping, le nez pointé vers les étoiles. Pour pallier le
problème, ils ont installé un automate qui le faisait piquer en jouant sur les
ailerons-arrières, sans même avoir pensé que le bidule pouvait ne pas revenir à
sa position initiale, ni même à se débrancher simplement.
Les pilotes se sont viandés alors qu’en désarmant ce contrôle-là
d’assiette, ils auraient pu sauver leur machine et leurs passagers en jouant à
la main sur le trim.
Cette roulette-là, à côté des manettes de gaz. »
Sur les Airbus, on fait confiance au directeur de vol et c’est suffisant.
Et le manche ?
(Une simple manette de jeu vidéo…, à gauche pour Paul, à droite pour
Makarond)
« En vérité, on n’en a pas besoin. Tout est commandé
électriquement et en réalité, c’est l’ordinateur qui gère. Je vous ai dit que
c’était archi-facile Monsieur le Président.
Au-dessus de votre tête, la radio, les commandes de la
ventilation et des ressources connexes. Devant vous, les écrans et là, juste
au-dessus sur le tableau de bord, les commandes de navigation. »
Mais tout est noir…
« Oui. On appuie sur ce bouton-là et tous les appareils reçoivent
leur dose de courant pour se mettre en fonction. »
Ce que fait Paul, joignant le geste à la parole.
Et tout s’anime. Les deux fois deux écrans s’éclairent et l’horizon
artificiel reprend une allure normale, le côté marron vers le bas, le bleu du
ciel vers le haut.
« Vous avez le même tableau que moi, des fois que je sois
défaillant. On fait défiler les écrans successifs avec la petite détente sur
votre joystick, comme ça. »
On voit ainsi successivement sur l’un des deux écrans les principales
commandes, des boussoles, des flèches, des chiffres, des jauges et je ne sais
quoi encore.
« Il y a le EFIS (Electronic flight Instrument System) qui
regroupe les informations de pilotage, de guidage et de navigation PFD (Primary
Flight display) : c’est la visualisation des paramètres de vol, altitude,
vitesse, assiette, cap, etc.
Le ND (Navigation Display) : c’est la visualisation des paramètres
de route, plan de vol, points de cheminement, balises radio (VOR), etc.
Là le DMAP (Digital MAP) : c’est notre système de
cartographie.
Les EICAS (Electronic Indicating and Crew Alerting System)
ou ECAM (Electronic Centralized Aircraft Monitoring) qui affichent les
paramètres systèmes EWD (Engine and Warning Display) à savoir la visualisation
des paramètres moteur indispensables, des messages d’alarme et des listes de
vérification à suivre.
Le SD (System Display). C’est le système de visualisation
sous forme synoptique des principaux systèmes de l’avion, carburant,
hydraulique, électricité, pressurisation, conditionnement d’air, etc. »
C’est complexe…
« L’écran central que nous partageons correspond aux données des
moteurs. Parce que pour faire écouler un fluide autour de nos ailes, il faut
acquérir assez de vitesse et pour ça faire tourner nos turbines.
Ah ! Sur l’écran de l’horizon artificiel sont reportés
en chiffre, l’assiette, le cap, la vitesse en nœud par rapport à l’air qui nous
entoure, l’altitude en pied et le nombre de mach. On ne dépasse pas 0,9 Mach et
en fait on va voler à mach 0,88. Ce qui fait environ quelques 360 nœuds aux
altitudes où nous allons voler ou un peu plus de 800 kilomètres/heure par
rapport on sol.
De toute façon, ne vous affolez pas, il y a des alarmes qui
se déclenchent partout si on va trop vite ou pas assez vite. Pour tomber, il faut
vraiment le faire exprès. »
Ah ?
« Simple vous ai-je dit, Monsieur le Président !
En cas de panne des ordinateurs, il y en a trois qui se
relayent et se contrôlent mutuellement, on a aussi les mêmes instruments en
électromécanique classique, plus une boussole et une horloge « numérique ».
Mais on va voler en automatique avec un guidage GPS, tout
droit vers notre destination. Au pire, si le GPS tombe en panne ou est
désactivé par le Pentagone, il nous reste la radionavigation qui se sert des
balises radios-phares. Cet écran-là. (Apparaît une rose des vents avec deux aiguilles, l’une pivotant depuis le
haut, l’autre depuis la droite).
Les commandes radios sont au-dessus de nos têtes. On va
croiser les balises de La Réunion, on capte celle de Maurice et sur la fin du
parcours, on se calera sur les longueurs d’onde de celles de notre destination. »
Et si elles aussi tombent en panne ?
« C’est que la troisième guerre mondiale est déclenchée !
Mais on ne peut pas se perdre : on est suivi en permanence par les radars
des contrôles aériens et on peut demander un azimut, une altitude et un cap à
suivre à la boussole à n’importe quel moment. Et si ces radars au sol sont en
panne, j’ai un sextant et des éphémérides aéronautiques rangés quelle que part. »
Et les collisions ?
« Les centres de contrôle aérien sont là pour les éviter et,
normalement on n’a pas besoin de radar sur les avions civils, sauf le météorologique
pour contourner les orages. Mais comme je savais que vous me poseriez la
question, j’en ai fait installer un pour vous rassurer. En principe, il détecte
même les missiles.
Et puis tous les avions sont équipés pour communiquer entre
eux et détecter les trajectoires de collision. On sera alerté. »
Inquiet le Président…
« Avez-vous au moins une autorisation pour piloter… en bonne et
due forme, capitaine ? »
Même la licence d’instructeur et celle de pilote d’essai…
« J’ai toutes les qualifications qu’il faut pour vous emmener là
où je vous ai invité, toutefois ce n’est pas moi qui vous ramènerai à Maurice,
mais l’équipage titulaire. »
Ah ? parce qu’il n’est pas à bord, à son poste de travail ?
« Parce que nous avons à parler. J’ai des
« petits-secrets » à vous confier, mais différents de ceux de la
dernière fois.
On y va ? »
Paul déclenche les démarreurs des deux réacteurs (les cadrans s’animent à
tour de rôle), l’un après l’autre, et il appelle la tour de contrôle pour
demander l’autorisation de rouler, selon le plan de vol déposé préalablement.
Il allume les feux de position et les phares de l’appareil.
« Président, on va demander à l’ordinateur de rouler à 10 nœuds
que je règle là avec la molette (fait-il en manipulant un élément du
tableau de bord, juste sous le parebrise) et vous allez le piloter avec le
palonnier, à vos pieds, pour un premier roulage.
Attention, ça commande la roulette avant et la gouverne de
dérive, celle qui sert à faire déraper l’arrière de l’avion et ça se pilote
comme un volant de voiture : à droite, droite, à gauche, gauche, mais si
vous enfoncez la pointe des pieds vers l’avant, ça serre les freins des roues.
Inutile de vous dire que le pilote automatique ira à
augmenter la poussée des réacteurs pour garder la vitesse commandée.
Ce que vous avez juste à faire, c’est de rouler sur les
lignes jaunes…
Vous verrez, ce n’est pas si facile que ça ne paraît, parce
qu’on trimbale tout de même 60 tonnes de ferraille et d’essence pour une
envergure de 34 mètres et 37 de longueur.
C’est plus gros qu’un autocar…
Moi, je gère la vitesse, ok ? »
Pourquoi pas !
La tour donne son feu vert, nous donne un code de transpondeur et nous
indique le cheminement à suivre. Paul le répète pour indiquer qu’il a bien
compris. De toute façon, il y a un agent de piste qui nous indique de dégager
par la droite, ce que Paul fait tout doucement avant de positionner l’appareil en
plein milieu de la bretelle d’accès et laisse le Président corriger la
trajectoire, alors qu’il enclenche le pilote automatique (un bouton marqué AP)
qui augmente la poussée des réacteurs.
C’est vrai que ça ne semble pas facile, puisqu’on zigzague assez
fréquemment.
Mais Makarond y arrive tout de même.
Avant de parvenir au dernier virage, Paul déploie les « flaps »
en expliquant : « Ça augmente un peu la trainée, mais d’une part
ça augmente un peu la surface des ailes et surtout ça plaque mieux les filets
d’air le long de l’extrados de l’aile, notamment aux incidences qu’on va devoir
prendre pour décoller. Ne vous en faites pas, on va arrondir à environ 8° et si
on dépasse les 15°, une alarme se déclenche parce que l’écoulement deviendra turbulent
et on perdrait la portance. Donc pas de risque, on fait ça en douceur. »
Et il contacte la tour pour demander l’autorisation de décoller, même pas
arrivé au seuil de la piste.
Autorisation accordée, le ciel est vide.
« Je débranche le pilote automatique : on fait ça à la main
et au pied. On va s’aligner sur l’axe de la piste et on va bloquer les freins.
Je règle sur 340 nœuds, une montée sur 1.200 pieds minutes pépère et une
altitude de 2.400 pieds comme vient de nous le demander la tour et on y va. Je
fais pour vous, parce que la difficulté principale est de rester sur l’axe de
la piste. »
Et Paul s’exécute.
Moteurs à fond, l’appareil vibre et ça fait du bruit jusque dans le
cockpit.
Il lâche les freins quand les aiguilles de la console des moteurs
atteignent la zone rouge.
« On ne peut pas rester trop longtemps au-delà de huit cents
degrés dans la turbine. Les moteurs ont besoin d’air pour refroidir. »
Et l’avion s’élance quand il lâche les freins. Accélération. Ça dure
environ une demi-minute à avaler la piste roulant de droite et de gauche, vite
corrigé par Paul.
« En altitude, on n’a pas ce problème-là. Il fait moins 54°
centigrade, mais l’air est nettement moins dense. On va revenir à environ 90 %
de la poussée nécessaire en consommant trois fois rien. Là, normalement, on
roule 30 secondes et on lève le nez avec les ailerons-arrières dès qu’on
atteint la vitesse de 220 nœuds. À 230, l’avion va se soulever tout seul. »
Et c’est ce qui se passe.
La tour demande à ce qu’on passe sur la fréquence de Pierrefonds-approche,
ce que Paul fait après avoir accusé réception et il se signale.
« Il s’agit de la même tour de contrôleurs, mais on libère la
fréquence. La tour contrôle l’environnement immédiat des pistes et les couloirs
d’atterrissage. Le centre « approch » contrôle la sphère tout autour
et le centre régional La Réunion contrôle le ciel au-delà. Ce sont des sphères
géographiques avec des altitudes réglementées. »
« Pierrefonds-approch » nous prend en charge, nous donne un cap
et une autorisation de montée en altitude.
Paul met en marche le directeur de vol (un bouton marqué FP) et l’avion
accélère, vire sur la gauche et grimpe en montée régulière. Il aura rentré le
train et les « flaps » dès après le décollage. Pas une seule
secousse, juste le son de moteurs électriques qui serrent leur prise.
« Voilà, ça marche tout seul, Monsieur le président.
« Fantastique ! » s’exclame le Président.
« Approch » demande à ce qu’on passe sur le centre de contrôle
régional. Paul accuse réception et manipule la molette de la radio pour se
signaler.
Le centre accuse réception à son tour. Puis donne un cap et l’autorisation
de grimper jusqu’à 5.000 pieds. Ce dont Paul accuse réception en répétant les
instructions.
Le pilote automatique avait déjà anticipé : il cherche son cap final.
Mais il faut jouer sur la molette pour accélérer le virage.
« Ça, c’est le directeur de vol, FP. L’objectif en manuel c’est de
placer le curseur au milieu du croisillon. Mais on va voler en AP, le pilote
automatique jusqu’à aligner les droites sur cet écran là… »
Puis on reçoit une nouvelle instruction et l’autorisation de grimper à
10.000 pieds. Niveau 100. Et on vole tout droit vers notre destination.
On bascule ensuite sur le centre transocéanique qui accuse réception et
nous autorise un niveau 200, avant de basculer sur le centre de Diego Garcia à
mi-parcours.
L’avion vole toujours en montée jusqu’à ce qu’on ait reçu l’autorisation
du niveau 350 où il reprend une assiette de 3° par rapport à l’horizontale
: on vole vers la nuit et au loin on peut déjà voir les
étoiles se lever sur l’horizon. Bientôt il fera nuit noire.
« Mais on ne voit rien. »
Parce qu’il n’y a rien à voir que les nuées au-dessus de la mer. Mais même
sans rien à voir, le spectacle des étoiles qui s’allument devant nous au fil du
temps reste hypnotique : Fabuleux.
270 pages – 12,30 €
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