II - Le « D-Day » de Paul de Bréveuil (1)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions,
des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et
autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
Le 5 juin, le Président Makarond est en déplacement sur les côtes anglaises pour commémorer le départ des troupes anglosaxonnes de l’opération « Overlord » du lendemain en 1944.
Il franchira le Channel dans l’après-midi pour inaugurer un monument
mémoriel devant la prison de Caen en hommage aux résistants de la région, ceux exécutés
par l’occupant.
Et il passera « discrètement » la nuit dans l’hôtel de Paul
« Les collines de Cabourg » pour poursuivre son tour
« mémoriel » le lendemain matin.
Je suis arrivée sur place pour le déjeuner : il y avait bien une ou
deux compagnies de CRS qui cernaient déjà un large périmètre autour de la
propriété et contrôlaient tous ceux qui passaient par l’une des deux voies
d’accès !
Papiers, laisser-passer, attestation d’assurance, permis de conduire,
carte grise et même vérification des feux de positionnement et clignotants.
J’ai seulement échappé au contrôle d’usure des pneus.
De toute façon, c’était une voiture de location d’une agence Deauvillaise…
Une Zoé, qui fait même du bruit pour se signaler sur la route alors
qu’elle n’a que des moteurs électriques.
Sommaire, mais suffisante pour ce que j’avais à en faire.
Je suis accueillie par Gustave déjà sur place depuis deux jours dans des
locaux en effervescence : même Mylène avait laissé tomber ses fourneaux de
« Chateau-sur-Cher » pour venir aider et encadrer l’équipe sur place.
Elle en profitera pour « aménager » la carte proposée par le
restaurant « Chez les filles ».
Un enfer, paraît-il : il y a des flics partout qui vérifient le
moindre recoin de la propriété, des caves au grenier, les chambres, les
cuisines et les jardins !
Et une batterie de missiles anti-aériens Crotale plantée sur le sommet de
la colline, qui aura labouré la pelouse finement « peignée et
tondue », pour se positionner…
Ils craignent quoi au juste ?
Si ça se trouve, il y en a également une dans les jardins de
l’Élysée !
Des tentes sont érigées sur la pelouse d’accès pour abriter les CRS durant
la nuit et entre les « relèves », et surtout leur
« roulotte » dans des conditions « luxueuses » pour eux qui
sont habitués à camper n’importe où.
Paul émergera sur le tard, à pied depuis le sous-bois situé en haut de la
colline, probablement venu de son « Bunker », vérifier que tout est
prêt pour recevoir le Président pour la nuit.
Et celui-ci se pointe en début de soirée entouré de son escorte de G-men
et de motards.
Gustave a revêtu son uniforme d’apparat alors que Paul reste en baskets,
jean et polo.
Moi, j’aurai mis un chemisier à peu-près potable et repassé, au moins !
Les présentations sont vite faites : il n’est accompagné que de son
aide de camp en costume-cravate et de sa petite troupe qui investit à son tour
leurs chambres.
Ces deux-là sont nettement plus petits que moi qui fait déjà
« minuscule » quand je suis encadrée par Paul, une armoire à glace
normande, carrure de rugbyman ou de catcheur et Gustave, un grand échalas d’un
presque double-mètre, qui flotte un peu dans son uniforme : un effet
visuel qui touche au comique.
Le Président logera dans la grande chambre située au premier étage avec
ses gardes du corps plantés dans les couloirs et les autres dans les ailes du
bâtiment et autour de la piscine impeccablement nettoyée pour l’occasion.
Et très vite, nous sommes cinq à nous retrouver autour d’une table pour
dîner.
Lui et son secrétaire, Gustave, Paul et moi.
L’auguste invité remercie Paul de son détour et le félicite d’avoir une si
belle propriété.
« C’était à mon grand-père. Ma femme l’aura seulement réaménagée. »
« Ravi de vous revoir, en tout cas, Capitaine » fait-il à
l’adresse de Paul qui se tient en face de lui. « Je n’ai pas eu
l’occasion de vous remercier depuis notre première rencontre… »
Le seul qui se demande de quoi il s’agit, c’est le secrétaire particulier,
qui prend juste quelques notes sur un cahier d’écolier.
« Mais je compte me rattraper dans les prochaines semaines. »
Il évoque alors son intention d’élever Paul au rang d’officier de la
Légion d’honneur sur les quotas présidentiels lors de la promotion du 14 juillet
prochain.
« Je n’ai fait que ce qu’il y avait à faire au moment où ça devait
être fait… »
Il n’empêche : « Je vous dois une sacrée fière chandelle… Y en
aura-t-il d’autres, par hasard ? Parce que reste un mystère à
éclaircir : comment saviez-vous ce qui allait se passer ? Quelle
source vous aura informé dans le détail, Capitaine ? »
Je sens que Gustave va s’énerver : Paul est Capitaine, mais de
frégate. Soit l’équivalent d’un lieutenant-colonel dans l’armée de terre (et
l’aviation).
Et on s’adresse à ceux-là par le terme de « Commandant », ou
« Mon commandant » si on est un subalterne moins gradé…
« À plusieurs questions, plusieurs réponses, Monsieur le
Président…
Pour la première, vous verrez bien. Je ne peux pas vous en
dire plus.
Pour la seconde question, et pour vous être honnête, j’ai
deux réponses possibles : la première reste notre logiciel BBR, celui qu’a
vendu dans mon dos l’amiral ici présent sur votre invitation… pressante ! »
Raclements de gorge de Gustave et du Président…
Le second se souvient très bien du contrat « Pamentir » pour
lequel il avait signé une autorisation en qualité de ministre sis à Bercy. En
fait une dérogation exceptionnelle au régime propre aux entreprises « d’intérêts
stratégiques » qui interdit leur cession à des étrangers, tout en
contournant également la loi « Florange ».
Tout le monde était pressé ce jour-là et le futur président avait un besoin
urgent de financer sa campagne présidentielle…
De toute façon, il ne pouvait rien refuser aux américains, ni ou groupe
Bilderberg qui avait suggéré l’opération au profit du NSA[1].
« Ça vous a rendu immensément riche, si je ne m’abuse… »
« Juste pluri-millionnaire, parce que j’avais des minoritaires à
désintéresser. »
Et le paiement des impôts dus par l’acquéreur, ça aide, non ?
« Vous savez comme moi qu’ils ont été arrêtés par vous-même à un
montant symbolique. Ce n’est pas ce qui m’a rendu « immensément
riche », mais ce que j’en ai fait ensuite. Il faut d’ailleurs que vous
organisiez une tournée dans nos territoires ultra-marins de
l’océan-Indien : je vous montrerai discrètement dans quoi j’investis pour
l’avenir de notre espèce… »
L’océan-Indien ?
« Si ça vous intéresse, naturellement… »
Le Président fait signe à son « scribe » de noter pour lui cette
invitation.
« Un détail que je ne saisis pas très bien : si ce logiciel
« prédictif » a été cédé aux américains avant mon élection, comment
a-t-il pu fonctionner après celle-ci ? »
« L’amiral Morthe-de-l’Argentière a vendu, sous la pression, ce
qu’il avait en magasin. La version 1.0 et la base de données qui allait avec,
moyennant quoi on gardait une licence pour nos usages personnels.
Depuis on développe une autre version, totalement différente
de la précédente. »
Ah ?
« Comprenez, Monsieur le Président, au démarrage il était juste
question de « tracer » les comportements suspects détectables. Et de
« cartographier » toutes les menaces possibles en temps réel autour
d’un périmètre donné.
Dans la version 2.0, on fait l’inverse : on recense
tout ce qui laisse une trace et même ce qui n’en laisse pas avec l’aide d’une
IA qui étend son réseau sur tout l’hémisphère nord du globe.
Certes, on a encore quelques difficultés avec l’Asie, mais
la Chine et le Japon sont « craquables » à souhait et bien fournis en
données.
La Corée aussi, sauf celle du Nord pour le moment assez
imperméable parce que mal équipée.
La bestiole butine toute seule toute la journée et sans
répit, une vraie petite merveille…
Et puis on repère des « concordances » et des
« anomalies » qui donnent l’alerte. »
Et ça fonctionne ?
« On en est aux balbutiements, mais ça a fonctionné en ce qui vous
concerne. Après, je n’ai eu plus qu’à intervenir sur le lieu et à l’heure où
nous nous sommes croisés une première fois… »
Raclements de gorge de Gustave : il n’a aucun souvenir de cette
« manipulation » là…
« Mais je ne suis pas certain de pouvoir le refaire : depuis vous
avez mis en place un tel système de protection autour de votre personne et de
votre Palais que je présume qu’il devient impossible d’y pénétrer
subrepticement.
Tant pis ou tant mieux pour vous, mais ne comptez plus trop sur
moi pour venir faire le ménage dans vos écuries… »
Elles ont été nettoyées de fond en comble, lesdites écuries.
« Partiellement seulement. Il reste de grosses lacunes, notamment
dans le personnel politique et technocratique qui vous entoure. Vous ne le
savez pas, mais l’une de vos faiblesses, c’est que vous restez vraiment très,
très mal entouré, même sur la plan politique ! »
Oui : la plupart reste des amateurs. Ils se forment « « sur
le tas ».
Paul fait-il une allusion à quoi en particulier ? « Benhallal » par
exemple ?
En réponse, il reste volontairement évasif, et dit, avec un grand
sourire : « Vous verrez bien, Monsieur le Président… »
N’y avait-il pas plus simple et juste faire état d’une alerte
préventive ?
« Probablement. Mais je n’avais pas le choix compte tenus des délais.
C’est ce qui m’a décidé à intervenir directement, ne serait-ce que pour
vérifier que le logiciel fonctionnait correctement. Il ne se serait rien passé,
vous ne m’auriez même pas vu ! »
Et alors… la seconde réponse ?
Mylène, toute émue, fait servir les entrées, des homards décortiqués
coupés en rondelles accompagné d’un vin sec et parfumé d’entre-deux-mer, non
sans avoir débarrassé les coupes de champagne Dom Pérignon millésimé
« vintage 2004 », livré la semaine dernière seulement et ses
coupelles d’amuse-gueules qui allaient avec…
« On entre dans de la science-fiction, figurez-vous, Monsieur le
Président. Et je vous prierai de demander à votre secrétaire de poser son stylo
et d’arrêter l’enregistrement sur son phone. C’est du
« off ultra-higt-security » ! »
Les deux hommes se regardent et le secrétaire s’exécute.
« Je vous ai présenté Alexis comme ma biographe « officielle ».
Elle est là pour témoigner pour le futur. Pas n’importe lequel, mais le mien,
exclusivement. »
Comment ça ?
« J’ai déjà un biographe, mais officieux et qui a l’inconvénient
de ne pas être assez précis sur ce que j’ai à faire. Parce que dans mon futur,
j’accède ainsi à ce que j’aurai fait et qui me reste encore à entreprendre… »
Là, ils ne comprennent pas très bien autour de la table…
Sauf moi, pour une fois !
« Imaginez, Monsieur le Président que vous ayez accès depuis votre
arrivée à l’Élysée à toutes les mesures que vous allez devoir prendre durant
votre quinquennat, toutes les trahisons dont vous serez victime, tous les
coups-fourrés de vos adversaires et leurs effets dans le temps.
Imaginez que vous sachiez avant même que cela n’arrive les
difficultés que vous auront procuré Benhallal, les « Gilets-jaunes »
et les suivants à venir. Que faites-vous ? »
Il contournera ces difficultés.
« Voire, au mieux, je les éviterai en prenant la précaution que ça
n’arrive pas si les effets sont vraiment néfastes pour le pays… »
« Et qui vous les rapportera, à votre arrivée au pouvoir, pour que
vous les évitiez ? »
…
« Personne, puisque si vous les évitez, elles n’existeront dès
lors même pas ! Pas votre biographe ni encore moins un quelconque
historien… »
Il ne comprend pas.
Et là, je dois dire qu’il n’est pas le seul.
270 pages – 12,30 €
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