XVII – Pablo Pandillo
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Nous prenons livraison de nos chambres, 5 d’affilée dans le même couloir
au même étage, vastes et lumineuses donnant chacune sur la vaste plage.
Il y a un balcon à chacune d’entre-elle : on se croirait presque dans
un palace de la Promenade des anglais !
En miniature.
Vaste lit, frigidaire, machine à café, théière, belle salle de bain,
literie impeccable, une chaise, un fauteuil, une télévision et, sur chaque
balcon, une table et deux chaises. Balcons agrémentés de jardinière où sont
plantés quoi ?
Bien évidemment des cactus sans épine !
Rapidement Noeline cogne à ma porte.
« Tu crois que notre patron va venir essayer nos lits ? »
Mais non, il vogue vers l’Écosse à bord de sa prise de guerre d’hier soir.
J’installe mon matériel de liaison quand Anaïs et Delphine cogne à leur
tour à mon huis.
« On va s’occuper de trouver une pharmacie ouverte : Gugusse
n’a pas l’air bien. »
Ok. Il a probablement un début d’insolation et à son âge avancé…
La sieste en plein soleil ne lui aura pas très bien réussi. Il faut dire
que le repas était copieux et délicieux : de la viande tendre (trois
viandes tranchées fines), sur une plancha qui chauffait même nos visages.
Et elles sortent.
En liaison avec Dimitri, Noeline le questionne sur la position du
« Boss ».
« Loin de chez vous, mes chéries ! Il navigue à bride abattue
vers le nord. La nuit en surface à plus de 20 nœuds, le jour au Schnorkel à 18
nœuds d’après mes calculs. La mer est bonne. »
C’est quoi un Schnorkel ?
« Un dispositif qui permet, en plongée périscopique, d’aspirer de
l’air frais pour le moteur diesel et de refouler les gaz d’échappement. »
Et pourquoi en plongée le jour ?
« Pour ne se faire repérer qu’au dernier moment. Quand il l’aura
décidé. »
Repéré par qui ?
« Les satellites-espions des gusses à qui il a piqué le
submersible ! »
Ah ?...
« Et aura-t-il assez d’essence à cette allure-là ? »
Je n’aurai ma réponse que le soir…
On lui donne des nouvelles de Gustave.
« Il faut qu’il fasse son rendez-vous ce soir, ensuite, vous le
convoyez jusqu’au ferry pour Fuerteventura, rendre la voiture et prendre son
avion. Après, vous avez quelques jours pour profiter des lieux. Vous ne rentrez
que la semaine prochaine. »
La boîte peut tourner sans elles, les « garçons » étant en
« croisière hauturière » ?
« Mais oui les chéries : vos équipes bossent sans vous. Je
m’en occupe ! »
Justement… pense tout haut Noeline.
« Des menaces autour de nous ? »
Aucune.
Ou plutôt « pas encore »…
« Ce soir vous dînez au port de pêche. « Pépé » est
installé juste à côté dans une rue voisine. »
Arrecife, c’est une série de plages au bord de laquelle nous logeons, de
la plage El Reducto et ses palmiers, le château San Gabriel qui défendait
l’accès au port de commerce, un port de pêche enfermé dans une anse elle-même
fermée au moindre voilier pour cause de pont routier trop bas, qui se vide et
se remplit au gré des marées (presqu’insensibles mais bien réelles), le port de
commerce, un vaste port de plaisance posés au Nord et encore des plages plus
loin, mais caillouteuses.
Autour de ce port pêche de barcasses qui reste un « lac
intérieur », des tas de restaurants.
Ce n’est certes pas aussi select que celui de l’hôtel, naturellement, mais
on y mange de la paëlla.
Or, si j’en suis un peu écœurée, les filles s’en lèchent déjà les babines
alors qu’elles avaient copieusement mangé de notre plat « aux trois
viandes à la plancha » à midi : des ventres !
Gustave, qui ne sent pas très bien, se contente d’une omelette au patate
typique des hispaniques, la Tortilla, et moi d’encornets frits avec
frites !
Tant qu’à faire, n’est-ce pas…
Le tout arrosé de vin blanc du pays, de bière et de sangria en apéritif.
Avant de passer à table, Gustave insiste pour que je l’accompagne alors
que les filles sont invitées à visiter l’église sans prétention, consacrée à
San Ginés et les vieux quartiers de la ville.
Nous, nous enfonçons en direction inverse dans des ruelles plus que douteuses,
mais l’amiral semble savoir où il va.
L’échoppe de « Pépé » ne paye pas de mine, mais en fait
s’enfonce assez profondément sur une cour couverte transformée en atelier et
débouchant sur une avenue plus large à l’arrière : une grosse camionnette
peut y manœuvrer aisément.
Pablo Pandillo nous attendait et nous accueille en anglais hésitant.
Je déballe mon matériel de liaison et j’obtiens assez facilement Nathalie
– qui aura pris le relai de Dimitri à cette heure tardive – qui salue son père
et nous mettra en duplex avec Paul sur son sous-marin, quelle que part au large
du Portugal.
« Pépé » est peut-être un expert en peau artificielle, mais les
miracles d’Internet et de la technologie chinoise, ça l’étonne fortement.
Il s’empresse d’exposer, pour nous, pendant que j’essayais d’avoir la
liaison, ses solutions habituelles : latex, préformé ou non, pré-coloré
dans la masse ou non et ses mélanges de collagènes de veau, également préformé
ou non et pré-coloré ou non, selon les demandes de ses clients.
Son savoir-faire réside d’après lui dans « la finition ».
Une fois « en ligne », Paul réexplique son problème et demande
si « sa » commande a pu être réalisée.
Il veut aussi s’assurer de la « tenue » aux contraintes
physiques : « Comme de la peau. Le latex est néanmoins plus
solide. »
Est-ce qu’on peut l’étaler et donner la forme que l’on veut autour du
mannequin qu’il a commandé pour le revêtir de la sorte de la tête aux pieds ?
« Bien sûr. Comme celui-là que vous m’avez demandé de faire ! »
s’esclame-t-il désignant une poupée de la taille d’une femme chauve et nue,
comme on en trouve dans les magasins de vêtement, sise dans sa vitrine.
Je me déplace avec ma webcam et ma machine pour que Paul voit ce qui ne
nous apparaissait pas comme un exploit.
« Ok. La lumière n’est pas bonne, mais au toucher, Alexis, c’est
comment ? »
Je touche, je caresse, je parcours du bout des doigts.
« Ce n’est pas chaud, mais c’est doux comme une peau de bébé. »
Enfin, je crois, parce que des bébés, je n’en ai pas vu beaucoup. Ni
encore moins touché. En revanche, des sexes dressés, quelques-uns tout de même.
« Ok. Des coutures apparentes ? »
C’est pépé qui les désigne : « Le long de la colonne
vertébrale… »
Dans le creux. Ça ne se voit pas trop, mais tout de même, au toucher, on
la sent.
« Est-ce qu’on peut faire ça avec une imprimante 3D ? »
« Pépé » n’a jamais essayé.
« Vous allez essayer. Pour un deuxième essai. Je vous en fais
livrer une et vous essayerez avec votre collagène. Je pense qu’il faudra y
rajouter quelques diluants à s’évaporer pour faciliter l’impression. »
Le gars, un peu rustaud sur les bords, au regard noir se met à sourire et
fait frotter son pouce sur son index devant la webcam (il a compris comment ça
fonctionne), comme pour désigner des billets de banque.
« Je vous l’offre ainsi que ce que vous avez fait pour moi.
L’amiral Morthe-de-l’Argentière va vous payer et vous verser un acompte en
liquide si vous acceptez le job. Il faut aussi qu’il ramasse votre identité
bancaire pour les virements futurs dès que vous nous aurez fait un devis ! »
Le sourire s’éteint, puis se rallume quand Gustave sort de son
attaché-case une enveloppe-Craft rebondie…
« Ok, ça c’est pour vos faux frais et un essai. Vous me prévenez
dès que vous serez content de votre chef-d’œuvre pour que je vérifie et signe
votre devis. Si ça marche, bien sûr. »
Ravi le « Pépé » à tel point qu’il veut nous inviter à dîner
chez lui !
« Euh… merci mais mon papa est malade, je rentre le coucher ! »
interviens-je.
Et Paul de conclure : « Merci Alexis ! Gustave,
essayez de vous soigner : on dirait que vous avez la rougeole. Ils ne vont
jamais vous laisser entrer dans l’avion du retour… » plaisante-t-il.
Et nous ramassons notre matériel pour aller retrouver les filles du groupe
ADN.
« Bé ça s’est bien passé, finalement… Je n’étais pas très rassurée
en entrant… »
Pas plus en sortant d’ailleurs : la ruelle est sombre et on a beau
savoir que la délinquance est quasiment absente dans « la capitale »,
l’éclairage public n’étant pas au mieux de sa forme, on s’attend à tout, d’autant
que les bâtiments ne sont pas non plus de la meilleure fraîcheur.
« Vous aurez remarqué que les rues sont propres : on ne
risque pas de trébucher sur des détritus ! » me fait remarquer
Gustave.
Et on retrouve nos comparses déjà attablées chacune devant une sangria
noyée dans les glaçons.
L’eau n’est peut-être pas très bonne au goût pour mal se conserver, mais
les glaçons, tant qu’ils ne fondent pas trop, ils ne gâchent pas non plus les
saveurs des boissons.
Dans ce pays-là, comme dans quelques autres, il vaut mieux éviter l’eau du
robinet et savoir se contenter de bière, soda ou vin !
Ou d’eau minérale en bouteille.
« On ne m’a pas répondu, tout-à-l’heure. Paul aura-t-il assez
d’essence pour arriver jusqu’en Écosse sans refaire les pleins ? »
C’est Gustave qui se fait docte.
« Le sous-marin que pilote Paul pouvait rester deux mois en mer au
départ d’Honolulu à patrouiller dans les zones de combat japonaises et revenir.
Les réservoirs sont dimensionnés pour ça, comme la cambuse.
Mais effectivement, avec des vitesses de l’ordre de seulement
5 nœuds en patrouille, 10 en navigation hauturière. Pas à 20 nœuds comme
actuellement, bien naturellement. »
Anaïs questionne : « Il va donc lui falloir s’arrêter quelle
que part pour poursuivre. Au risque de se faire repérer. »
C’est prévu : « En Irlande du Nord. »
« Oui, mais pour les Chagos en deux mois, il refait forcément les
pleins dans l’atlantique-sud… » intervins-je.
« Or, si j’ai bien compris, il ne veut pas se faire repérer sur
cette partie-là de sa croisière. »
« Affirmatif, jeune fille ! »
Le langage des militaires…
Il avale le reste de sa tortillas et nous explique.
« Ce sont les Allemands qui ont inventé le système. Les
Américains, dans le pacifique, prépositionnaient des petits caboteurs bourrés
de fioul qu’ils planquaient dans des zones proches des zones de patrouille.
Deux trois jours de mer à faible allure, dans des anses improbables.
Quitte à les perdre, ça dépannait tout de même.
Les Allemands ont été plus malins : ils immergeaient
des réservoirs lestés au large de leurs zones de patrouille, parfois assez loin
de leurs ports d’attache.
Les russes eux utilisent des
« chalutiers-ravitailleurs » qui suivent leurs sous-marins.
Lors de la seconde guerre mondiale, les croiseurs allemands ont
écumé l’Atlantique sud et escortaient leurs navires en charge de ces tâches de
ravitaillement ou seulement de refaire les pleins.
Avec deux tuyaux attachés à des coffres en surface, le fioul
flottant sur l’eau de mer à l’intérieur de la citerne, il est assez facile d’en
remettre ou d’en extraire en veillant à ce que la citerne ne remonte pas en
surface.
Les russes, je viens de vous le dire, utilisent leurs
« chalutiers » qui servent de navires-espions et de
« nounou » pour leurs sous-marins au long cours.
Nous, on utilise les deux systèmes : un pétrolier
ravitailleur pour nos escadres, notamment pour nos avions embarqués qui brûlent
du kérozène, eux-mêmes escortés jusqu’à nos bases ultra-marines et les lieux de
rendez-vous en pleine mer et, en plus, le système des réservoirs immergés pour nos
sous-marins.
Mais nous, nous les immergeons dans les fosses océaniques ou
même en méditerranée et ailleurs en Europe.
Le seul risque c’est qu’ils soient repérés par un
patrouilleur ennemi et soient rendus inutilisables ou qu’ils provoquent une
collision nocturne avec un pêcheur, parce qu’ils ne sont pas repérables,
dépourvus qu’ils sont de fanal.
D’ailleurs, nos « coffres » sont souvent entre
deux eaux et en général les citernes sont posées pas très loin d’une bouée
météorologique, nettement moins discrète.
Je pense que Paul va en utiliser sur son parcours. Il
connait le système et il est bien capable de savoir où ces citernes sont
immergées ! »
Là, je comprends mieux. Je pourrai même dormir moins bête cette nuit.
270 pages – 12,30 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire