XIII - Les Canaries (1)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Là, si tôt redevenue disponible, je délaisse un peu mes manuscrits et mes
interviews pour me renseigner.
Effectivement, les Canaries sont dans l’UE et l’espace Schengen puisque ce
sont des dépendances espagnoles situées au large du Maroc et du Sahara
occidental.
Ces îles font partie de la Macaronésie, un ensemble géographique
regroupant les territoires insulaires volcaniques des îles Canaries, de Madère,
des Açores et du Cap-Vert situés à l’ouest et proches des côtes
nord-africaines. Les îles espagnoles sont les plus peuplés.
L’archipel forme l’une des dix-sept communautés autonomes d’Espagne,
divisée en deux provinces, Las Palmas et Santa Cruz de Tenerife, et constitue une
région ultrapériphérique de l’Union européenne.
Jusqu’en 1927, Santa Cruz de Tenerife était la seule capitale de l’archipel
mais cette ville doit, à partir de cette année-là, partager cette fonction,
tous les quatre ans, avec la ville de Las Palmas de Gran Canaria.
C’est ce qu’en disent mes encyclopédies.
J’en apprendrai plus lors de notre vol vers Puerto del Rosario en
parcourant les guides que j’ai pu emporter.
Qui en disent un peu plus : les Îles Canaries tirent leur nom du
latin Canariae Insulae (« îles aux chiens »). Ce nom proviendrait des
grands chiens de garenne (canes) que les premiers explorateurs européens
découvrent sur l’île, à moins que ce ne soit à cause des phoques, également
désignés sous le nom de « chiens de mer ».
Dans certains de ses écrits, Pline l’Ancien décrivait déjà, tout à l’ouest
du monde, une île où vivraient des hommes-chiens. Les explorateurs, non pas
européens mais nord-africains envoyés par le roi berbère Juba II de Maurétanie,
en découvrant les chiens de garenne de l’île, ont ainsi pu croire qu’il s’agissait
de la même île, celle décrite aussi par Hérodote…
En pays berbère, la tradition orale désigne ces îles par le nom de
Tiknariyin. Pour les Berbères marocains de la ville d’Agadir, le nom de l’archipel
est Tiknariyin, aujourd’hui rapproché du nom de la Figue de Barbarie qui se dit
Taknarit en dialecte tachelhit de l’amazigh. Cette cactée originaire du Mexique
pousse en abondance dans les îles et sur la côte marocaine.
Pour être plus précis, l’île de Fuerteventura est éloignée de seulement 97
kilomètres du littoral de la région de Guelmim-Oued Noun, dans le sud du Maroc.
Une distance de 128 km seulement sépare l’île de Lanzarote du cap Juby, dans le
sud marocain, tandis qu’une autre de 960 kilomètres la sépare de la Pointe de
Sagres, au sud-ouest du Portugal.
L’archipel est composé de sept îles principales d’origine volcanique
réparties d’Est en Ouest : Lanzarote, au relief fortement marqué par un
volcanisme récent et encore actif ; Fuerteventura, assez plate, très aride et
la plus proche du continent. La Grande Canarie, avec son relief escarpé à l’intérieur
de l’île. Tenerife, la plus grande, la plus peuplée et la plus élevée avec le
volcan Teide, son point culminant de l’archipel et de l’Espagne.
La Gomera est une île aux vallées encaissées. La Palma, et son télescope William
Herschel est la plus humide et la plus boisée de l’archipel. Quant à El Hierro,
c’est l’île la plus occidentale qui marqua longtemps la limite de l’Ancien
Monde.
Autour de ses îles principales se répartissent aussi des îles secondaires
dont Alegranza, La Graciosa, Montaña Clara, Roque del Este et Roque del Oeste –
qui forment l’archipel de Chinijo situé non loin de Lanzarote –, Los Lobos
situé entre Lanzarote et Fuerteventura à proximité de cette dernière, ainsi que
plusieurs rochers et îlots, notamment sur les côtes du massif d’Anaga et face à
la ville de Garachico à Tenerife.
L’activité volcanique est toujours d’actualité aux Canaries : l’île El
Hierro a été marquée d’octobre 2011 à mars 2012 par une éruption sous-marine.
Cette dernière a été précédée d’une activité sismique dont la magnitude s’est
élevée à 4,38 sur l’échelle de Richter. Auparavant, en octobre 1971, s’était
produite l’éruption du volcan Teneguia, dans le sud de l’île de La Palma.
Dans un passé un peu plus lointain, Lazarote aura été ravagée par son
principal volcan, encore « chaud » même s’il n’est plus très actif.
En raison de sa situation géographique, l’archipel des Canaries constitue
la région la plus méridionale de l’Espagne voire les points extrêmes de l’Espagne.
Avant l’arrivée des aborigènes, les Îles Canaries étaient habitées par des
animaux endémiques, disparus depuis, tels que les lézards géants (Gallotia
goliath), les rats géants (Canariomys bravoi et Canariomys tamarani) et les
tortues géantes (Geochelone burchardi et Geochelone vulcanica), tout rien que
des « géants »…
Des sources gréco-romaines y situent les limites du monde connu (l’«
Écoumène »). L’imagination des classiques y place les Champs Élysées, le jardin
des Hespérides et l’Atlantide de Platon !
En fait, les îles Canaries sont connues depuis l’Antiquité sous le nom d’«
îles Fortunées » ou « îles des Bienheureux ».
Elles étaient également connues des Phéniciens et des Carthaginois.
Selon plusieurs études génétiques menées dans les années 2000 sur des
restes de momies guanches, cette population préhispanique était en réalité d’origine
berbère.
Un marin génois, Lancelot Maloisel (Lancelotto Malocello) découvre en
1312, les îles Canaries et il donne son nom à l’île de Lanzarote.
Les deux îles les plus occidentales apparaissent sur le Planisphère de
Dulcert en 1339.
En 1335 débarquèrent à Lisbonne deux bateaux contenant quatre prisonniers
guanches. Ces bateaux étaient affrétés par le roi du Portugal avec un équipage
florentin, génois et espagnol.
Ils auraient atteint les îles en juillet de l’année 1341 sous le commandement
du Florentin Angiolino del Teggihia de Corbizzi, avec comme pilote le Génois
Niccoloso da Recco et ils y restèrent cinq mois.
À leur retour à Lisbonne, ils apportèrent tant de choses intéressantes que
Boccace en personne prit sa plume pour écrire un portrait des Guanches en se
fondant sur les données rapportées par Recco.
Selon Boccace, les îles Canaries « sont des terres rocailleuses sans
aucun type de cultures agricoles, mais riches en chèvres et autres animaux et
remplies d’hommes et de femmes dénudés s’apparentant à des sauvages. Certains
de ces hommes semblent avoir du pouvoir sur les autres et s’habillent de peaux
de chèvres teintes à l’aide de safran et de colorants rouges. Ces peaux ont l’air
fines et sont cousues avec soin grâce à des fils faits en tripes d’animaux (…).
Leur langage est très doux, et leur façon de parler très
vive et rapide rappelle l’italien ».
Boccace posa le problème qui intrigue toujours ceux qui étudient les
Guanches : comment est-il possible que dans les îles Canaries coexistent
aux côtés de troglodytes, des gens civilisés qui ont des maisons avec potagers
remplis de légumes ?
Ces Guanches plus civilisés des îles orientales vivaient aussi presque
dénudés.
En revanche, ils cultivaient le blé et vivaient dans des villes.
Ils avaient des rois, des prêtres et une noblesse, ils adoraient une
divinité féminine et embaumaient leurs morts…
J’apprends ainsi que dans les années qui suivirent, les îles furent le
lieu de prédilection pour les chasseurs d’esclaves de tous les horizons qui les
capturaient afin de les revendre aux seigneurs d’Afrique du Nord. Et ceci jusqu’en
1402 et l’arrivée du navigateur dieppois Jean de Béthencourt, accompagné d’émigrants
français.
Béthencourt, qui avait pour but la christianisation des îles, parvint à s’établir
à Lanzarote, puis à Fuerteventura et à El Hierro.
Jean de Béthencourt est né en 1362 en pays de Caux, à
Grainville-la-Teinturière, il convient d’en dire que les tisserands de
Grainville-la-Teinturière tenaient leur fortune d’un colorant issu d’un lichen
(l’orseille Roccella tinctoria) : cette « conquête » n’est pas
que le fruit du hasard.
Car, ce lichen est très présent sur les îles Canaries où il est utilisé
depuis les temps les plus reculés pour teindre la laine d’une couleur pourpre. De
là à considérer qu’il est donc fort probable que Jean de Béthencourt avait
également des visées lucratives familiales lors de la conquête des îles
Canaries, il n’y a pas loin…
Béthencourt, un nom qui se sera bâti une fortune considérable avec des
onguents au pays des paysans tanneurs, toute une histoire…
Il fut reconnu « roi des Canaries » par Henri III de Castille, mais ne mit
jamais pied sur les autres îles, beaucoup plus peuplées et dont les habitants
étaient de farouches guerriers.
Il installa sa « capitale » à Fuerteventura, dans une vallée
encaissée qu’il baptisa naturellement et très modestement Betancuria…
Pendant des dizaines d’années, Portugais et Espagnols se disputèrent ensuite
la possession de ces terres. L’archipel est une étape importante sur les routes
maritimes conduisant vers l’Afrique australe, l’Asie et l’Amérique et fut
finalement attribué à l’Espagne en 1479 par le traité d’Alcáçovas – alors que
les Portugais bénéficiaient de l’île de Madère, située non loin au nord des
Canaries.
Tenerife fut la dernière des îles conquises par les Espagnols du fait de
la résistance acharnée dont ses habitants ont fait preuve.
En effet, le premier débarquement a été réalisé par les rois catholiques
en 1464 à l’endroit où se situe Santa Cruz de Tenerife. Les envahisseurs n’ont
pas rencontré de résistance à cette occasion.
Mais quand ils essayèrent d’avancer vers le nord de l’île, sous le
commandement de Fernández de Lugo qui avait déjà participé à la conquête des
autres îles, ils se heurtèrent aux guerriers guanches du Mencey (le chef ou le roi
d’une circonscription territoriale appelée « menceyato ») Bencomo qui
massacrèrent la majorité des envahisseurs.
Le lieu où se produisit la bataille est connu sous le nom de La Matanza de
Acentejo (Le massacre de Acentejo).
Peu après, Lugo revint prendre sa revanche, accompagné d’un nouveau
contingent militaire et ils tuèrent Bencomo sur la côte de San Roque, dans le
nord de l’île.
Quelques mois plus tard, les Espagnols lancèrent une troisième offensive
qui se solda par leur victoire définitive, le 25 décembre 1495, dans un endroit
situé à environ 6 km du lieu de leur défaite passée, qui s’appelle depuis La
Victoria de Acentejo (La victoire de Acentejo).
Ayant perdu tout espoir, Bentor, fils et successeur de Bencomo, se jeta
dans le vide, du haut du précipice de Tigaiga.
Cette pratique des Guanches de se jeter dans le vide quand tout espoir est
perdu s’appelle encore le « despeñamiento ».
Même si les conquistadors s’étaient déjà emparés de presque tout le territoire
de Tenerife, il restait encore quelques noyaux de résistance dans les
montagnes, ce qui entraîna deux ans de lutte supplémentaires jusqu’à ce que,
finalement après la reddition des derniers Menceyes, Lugo soit nommé gouverneur
de Tenerife et de La Palma le 5 novembre 1496.
Massacrés, emmenés en esclavage ou assimilés par les colons, les
différents peuples Guanches disparurent en tant que tels, et adoptèrent la
langue et la culture espagnole.
Cependant, de très nombreux toponymes et oronymes, des mots du langage
courant, et même de coutumes et de sports (la lutte guanche, par exemple),
proviennent directement de la langue ou de la culture guanche.
La mer est omniprésente dans l’histoire de l’archipel. Christophe Colomb a
vécu et fait escale aux Canaries pendant son voyage de découverte de l’Amérique
et l’on montre, à Las Palmas, la Casa de Colón où il aurait logé en 1492.
Porte d’entrée de l’Union européenne, les îles Canaries ont reçu depuis le
début de 2007 plus de 4.700 clandestins venus par la mer. En 2006, le nombre d’arrivées
avait atteint 31.200 personnes débarquées illégalement. Environ 300 personnes
auraient péri en mer en 2006 pendant la traversée en Cayuco, le bateau
traditionnel des pêcheurs du Sénégal, sur les 800 km qui séparent les côtes de
la Mauritanie à l’île de Tenerife.
Cette nouvelle route maritime de l’immigration illégale s’est développée
depuis le renforcement des contrôles dans le détroit de Gibraltar.
À Dakar, les bateaux de pêche déchargent du poisson le jour et embarquent
la nuit des candidats au départ vers les îles Canaries, en attendant l’Europe.
Bien que l’Espagne et le Sénégal aient renforcés les patrouilles aériennes et
maritimes, l’exode se poursuit encore aujourd’hui.
Pour lutter contre cette migration illégale, l’Union européenne a apporté
son soutien financier et matériel à l’Espagne et au royaume du Maroc. Des
missions de police de l’agence Frontex sont régulièrement organisées, ainsi que
dans les enclaves africaines espagnoles de Ceuta et Melilla.
En 2006, la grande majorité des immigrés subsahariens qui parvenaient aux
îles Canaries étaient transportés vers des centres d’hébergement de la
péninsule Ibérique, faute d’accord de rapatriement avec leurs pays d’origine.
Après deux mois passés dans un centre d’hébergement et munis d’une carte d’expulsion
inapplicable, ils étaient relâchés en Espagne. La plupart prenaient ensuite la
route vers le nord de l’Europe.
En 2007, l’Espagne a expulsé 500 immigrés subsahariens. Et elle a légalisé
environ 500.000 clandestins ces dernières années, encore assez loin de
l’accueil d’un million de migrants en Allemagne…
Il faut dire aussi qu’entre 400 et 500 enfants sont détenus dans des
centres d’accueil surpeuplés, dans des conditions d’hygiènes déplorables.
Malgré une attraction touristique très forte, les travailleurs des îles
Canaries sont les moins bien payés d’Espagne avec des salaires moyens
inférieurs à 1.325 € net mensuels. Le chômage atteint en outre des proportions
très importantes, touchant 28,5 % de la population active en 2014.
L’industrie est surtout développée dans les activités portuaires et le
raffinage de pétrole (la Refinería de Petróleo à Santa Cruz de Tenerife est la
plus grande raffinerie d’Espagne) et l’agroalimentaire.
L’agriculture y est pourtant très peu développée, mais il existe une race
bovine endémique, la Palmera.
Seuls 10 % de la surface des îles est cultivée en céréales, vignes, tabac,
bananes, tomates et fruits tropicaux, principalement avocats, mangues et
ananas. Ces produits sont exportés essentiellement vers l’Espagne et le reste vers
l’Union européenne.
Par leur climat tropical et ensoleillé, et du fait de leurs paysages volcaniques,
les îles Canaries sont une destination touristique de premier plan
(principalement Tenerife) visitée par treize millions de touristes par an.
Dès lors, le secteur tertiaire représente 80 % de l’économie des îles
Canaries.
Du fait des alizés et du relief, certaines îles, dont celle de Tenerife,
ont un climat très humide du côté des alizés, mais aride de l’autre côté. Cette
situation entraine une disparité hydrologique entre les deux côtés de l’île, ce
qui a conduit les habitants du côté aride à créer des captages en creusant des
tunnels dans la montagne et en installant des canalisations de ces captages
jusqu’aux lieux d’utilisation.
À part faire du tourisme, je me demande bien comment ça va se dérouler
dans ces îles du bout du monde…
C’est peut-être l’objet de notre détour programmé de quelques jours.
270 pages – 12,30 €
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