XVI – Lanzarote
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Le lendemain, on se retrouve à Corralejo au bout de la route, au nord
l’île.
C’est mignon, arboré, presque frais après la traversée de paysage désolé,
équipé d’un vaste complexe municipal ouvert autour d’une piscine, mais on ne
s’arrête pas : nous filons en convoi jusqu’au port, juste à l’heure pour
embarquer, sur un petit ferry assez incroyable, pour Lanzarote. Contrôle des
passeports, ils sont toujours à la recherche de migrants-illégaux !
Ce ferry est une sorte de gros yacht : un vaste garage, mais des bois
vernis partout sur les ponts supérieurs, juste au-dessus. Avec des salons en
enfilade et des promenoirs couverts sur les deux bords. C’est clair,
ensoleillé, c’est propre et pourtant c’est bondé.
Vers la poupe, les coursives débouchent sur un vaste solarium qui mène,
après quelques marches à monter vers la proue, sur un bar en plein air, puis
encore quelques marches autour du restaurant et plus loin, après encore
quelques marches, une étuve dans laquelle trône un jardin de… cactus !
Incroyable… des cactus de toutes les formes, pas très imposants, mais en
pleine mer !
Et puis encore quelques marches et on se retrouve sur le pont supérieur,
celui de la passerelle du commandant de bord et des canots de sauvetages,
encadré par les deux massifs de cheminées et une série d’escalier qui
redescendent vers les niveaux inférieurs jusqu’au solarium ouvrant sur la
poupe…
Vue de loin, dès qu’on dépasse l’île de Lobos où mouillent ou cabotine
plusieurs voiliers (un gros rocher avec une seule maison) Lanzarote c’est
d’abord les mêmes montagnes grises et volcaniques barrées des lotissements
blancs qui jonchent densément la côte jusqu’au phare de la pointe Pechiguera.
De l’autre côté du port aussi, mais c’est plus espacé : il y a une falaise
et des routes (des routes… des chemins) qui ne mènent nulle part.
On débarque au port de « Playa Blanca » (encore une mais moins
spectaculaire qu’à Fuerteventura) et on gare les voitures en ville à la
recherche d’un restaurant, « face à la mer ».
C’est histoire, pour Gustave de s’offrir une petite sieste-réparatrice au
soleil après le repas. Sauf qu’il n’a pas prévu de crème à bronzer et qu’il en
ressortira rouge comme un coquelicot !
Autrefois appelée en français Lancerotte, (et Titerogakat en guanche) l’île
fait, administrativement parlant, partie de la province de Las Palmas dans la
communauté autonome des îles Canaries.
Peuplée de 142.517 habitants au dernier pointage (j’ai lu ça dans l’avion),
elle est la troisième plus peuplée des îles Canaries après Tenerife et Grande
Canarie.
Couvrant une superficie de 845,94 km², elle est la quatrième plus grande
île de l’archipel et Arrecife est le siège du cabildo (le corps administratif
colonial chargé de diriger les municipalités à l’époque de l’Empire espagnol insulaire).
Depuis 1993, l’île est devenue une réserve de biosphère classée par l’Unesco.
Dans le centre-ouest de l’île se trouve le parc national de Timanfaya, un
désert volcanique, un chaos de blocs de lave enchevêtrés, mais l’une des
principales attractions de l’île.
On la fera après avoir ramené Gustave à son ferry.
Le nom de l’île viendrait du marin génois Lancelot Maloisel qui visita l’île
au XIVème siècle : elle est en effet qualifiée de Insula de
Lanzarotus Marocelus dans le portulan d’Angelino Dulcert (1339).
Selon le philologue Ignacio Reyes, le nom pourrait venir de l’appellation
en castillan ancien (et aussi en portugais) des tabaibas (Euphorbia balsamifera)
ou Dolatelac (nom amazigh de l’île d’après une bulle papale de l’année 1431).
Son nom d’origine est pourtant Titerogakat, nom d’étymologie berbère donné
par les Guanches, les premiers habitants des îles Canaries.
Lanzarote, si l’on excepte l’îlot inhabité de Roque del Este, est l’île la
plus orientale de l’archipel des îles Canaries située, au large des côtes
africaines : elle se trouve à 1.000 kilomètres de l’Espagne continentale dans
le Nord-Est et à 140 kilomètres des côtes marocaines au sud-est.
L’île culmine à 670 mètres d’altitude au Peñas del Chache. D’origine
volcanique, une grande partie des roches en surface sont récentes d’un point de
vue géologique en raison de la grande activité de ses volcans au début du XVIIIème
siècle. Le tunnel de l’Atlantide, que nous visiterons également dans son
parcours au-dessus du niveau de la mer, se trouve non loin des côtes de
Lanzarote et c’est un tunnel de lave sous-marin le plus long du monde.
L’île fait 60 km de long (axe Nord-Sud) pour 25 km de large (axe
Est-Ouest), les côtes sont pour la plupart rocheuses mais comptant 26 km de
plages de sable, et s’étirent sur 213 km au total.
Lanzarote se situe dans la zone climatique chaude et sèche qui correspond
à sa latitude, incluse dans la ceinture de hautes pressions subtropicales. Son
climat est subdésertique et se caractérise par un régime pluviométrique faible
inférieur à 200 millimètres annuels, dû au fait que l’altitude globalement
faible (sauf dans les zones de Los Ajaches et de los Riscos de Famara) ne
permet pas la rétention de l’humidité contenue dans les alizés via le phénomène
des pluies orographiques, contrairement aux îles plus occidentales de l’archipel.
Ce qui pose de façon encore plus ardue le problème de l’eau potable qu’à
Fuerteventura, avec les mêmes solutions de dénasalisation d’eau de mer
utilisant des éoliennes.
Et des cultures très particulières : des cactus (dont on tire une
crème hydratante qui arrive jusqu’en gondole de mon pharmacien), mais aussi de
la confiture et quelques alcools doux… au cactus !
Et les mois d’été, le Sirocco (aussi appelé « Calima » aux îles
Canaries) souffle parfois violemment, provoquant des tempêtes chargées de sable
du désert qui réduisent fortement la visibilité et fait monter les températures
jusqu’à plus de quarante degrés Celsius (46 °C en 2004)…
On échappera au phénomène.
En 1312, le navigateur génois Lancelot Maloisel redécouvrit l’île de
Lanzarote pour l’Europe et lui donna son nom actuel. Pendant les cinquante
années qui suivirent, plusieurs expéditions, ou plutôt des razzias, furent
organisées à la recherche d’esclaves, de peaux et de teintures. Commence alors
le déclin de la population aborigène. En 1377, Ruiz de Avendaño, commandant
corsaire de la flotte castillane, fait naufrage après une tempête sur l’île de
Lanzarote, où il est reçu par le roi Zonzamas qui lui offre l’hospitalité du
lit de la reine Fayna. De cette relation naîtra la princesse Ico, blanche et
blonde, mère du dernier roi de Lanzarote, Guardafia.
En 1393, le noble castillan Almonáster arrive à Lanzarote. Lorsqu’il
retourne dans la péninsule Ibérique, il ramène avec lui des autochtones et
certains produits agricoles.
Si les premières expéditions européennes qui vinrent à la recherche d’esclaves
faisaient tout d’abord escale à Lanzarote et à La Graciosa, les îles les plus
proches de la péninsule ibérique, il s’ensuivit un déclin démographique pendant
le XIVème siècle, si bien que lors des premières expéditions de
conquête, la population était en net recul.
La conquête définitive de l’île se produit avec l’expédition des
mercenaires et des aventuriers normands Jean de Béthencourt et Gadifer de La
Salle, au service d’Henri III de Castille, comme j’ai pu le lire précédemment.
À leur arrivée sur l’île en 1402, il ne reste que trois cents autochtones
et les expéditionnaires s’établissent sur la côte du Rubicon, dans le sud de l’île.
À la suite de l’essai infructueux de conquête de Fuerteventura, Béthencourt
retourne en Castille et il se voit offrir la seigneurie de Lanzarote.
À son retour, la résistance des autochtones aura été réprimée à feu et à
sang par Gadifer de la Salle. Après les échecs successifs de conquête des
autres îles et étant donné le peu d’intérêt commercial que recélait alors
Lanzarote, Jean de Béthencourt cède la seigneurie de l’île à son parent Maciot
de Béthencourt.
J’ai ainsi appris que la première colonie européenne dans les îles
Canaries en 1402 s’établit à l’extrémité sud de la municipalité de Yaiza, dans
la zone connue sous le nom El Rubicón, là où la conquête de l’archipel a
commencé. Dans cet endroit se trouvait la cathédrale de Saint Martial de
Limoges. Cette cathédrale a été détruite par les pirates anglais au XVIème
siècle et on trouve toujours à Femés, l’ermitage de Saint Martial de Limoges
dédié à ce saint.
Ce diocèse a été transféré en 1483 à Las Palmas de Gran Canaria (Diocèse
des Canaries).
Lanzarote devient une seigneurie féodale qui passe des mains des descendants
de Jean de Béthencourt à des nobles andalous comme le comte Niebla, Hernán de
Peraza et Pedro Barba.
En ces premières années, un important contingent d’origine berbère est
amené sur l’île afin de la repeupler. Ce nouvel apport se mêlera à la population
aborigène et aux colons européens.
Pendant les siècles suivants, l’île maintiendra une structure de pouvoir
féodal jusqu’à l’abolition de la seigneurie par les cours de Cadix en 1812.
Du fait de sa proximité des côtes africaines, Lanzarote sera l’objet d’attaques
de pirates berbères et européens. En 1586, le corsaire berbère Amurat prend l’île
avec cinq cents hommes et capture la famille du seigneur. En 1618, Soliman
envahit et rase l’île.
Lors de sa dernière expédition à la recherche de l’Eldorado, Sir Walter
Raleigh attaque Arrecife en 1617 et rase la ville. La population se réfugie
pendant les attaques dans la cueva de los Verdes, la « grotte des verts » que
nous visiterons : il s’agit d’un orifice qui débouche en sous-sol sur une
coulée de lave (froide). Plusieurs kilomètres et un dénivelé de 18 étages
d’après mon podomètre, qui débouche en son endroit le plus reculé, sur une
étonnante salle de concert troglodyte.
Et puis le drame de l’île : « Le 1er septembre 1730,
entre les neuf heures et les dix heures du soir, la terre s’ouvrit à Timanfaya,
à deux ligues de Yaiza… et une énorme montagne s’éleva du sein de la terre
», selon le témoignage du curé Lorenzo Curbelo. L’île se transforma
entièrement.
Dix villages furent enterrés (Tingafa, Montaña Blanca, Maretas, Santa
Catalina, Jaretas, San Juan, Peña de Palmas, Testeina et Rodeos) et pendant six
ans la lave s’étendit au sud, couvrant un quart de l’île et recouvrant les
plaines alentour de cendres volcaniques.
En 1824, les éruptions reprirent à Timanfaya. S’ensuivirent de terribles
famines, et une bonne partie de la population se vit obligée d’émigrer.
Depuis, le paysage s’est transformé grâce aux techniques agricoles de
culture sur lapillis volcaniques que les conejeros (des murs montés en
demi-cercle sur 50 à 60 cm de hauteur et de 3 mètres de diamètre à l’intérieur
desquels sont plantés des ceps de vigne) utilisent pour la retenir, l’humidité
des alizés.
Et il y en a à perte de vue…
Pendant la seconde moitié du XVIIIème siècle, on introduit la
culture de la soude, plante rampante riche en alcalis qui s’utilisait dans la
fabrication du savon.
D’Amérique vint à Lanzarote la culture de la cochenille sur figuiers de
barbarie, de la pomme de terre et de la tomate. La cochenille fut durant un
temps une des industries les plus importantes de l’île : réduit en poudre,
on en fait un colorant rouge-pourpre très apprécié des tisserands.
On peut encore en voir les plantations dans les villages de Guatiza et
Mala.
C’est d’Europe qu’arrivèrent les ceps de vigne avec lesquels se fera le
vin de Malvasía (vin de Malvoisie), vin préféré du personnage de William
Shakespeare, Falstaff.
Cette viticulture a laissé son empreinte dans le paysage : les ceps sont
protégés du vent desséchant par plantation dans des creux et derrière des
murets semi-circulaires en empilement de pierres crues, comme autant d’écailles,
piquées chacune d’une tache verte, recouvrant le sol volcanique sombre. Les
plants de vigne, nichés dans des cratères faits de poudre de lave, sont
enfoncés à une profondeur suffisante pour que les racines atteignent le sol
arable. La rosée nocturne restitue l’humidité aux ceps.
Il existe aussi, plantées de façon éparse, quelques cabanes de vigne du
nom de taro, construites en blocs irréguliers de pierre volcanique.
Pendant le XXème siècle, l’économie de l’île passe d’une
dépendance de l’agriculture et de la salaison du poisson à une dépendance
quasi-exclusive du tourisme.
Le personnage de César Manrique joue alors un rôle-clé dans le
développement touristique de l’île. Non seulement il défend le paysage originel
de Lanzarote, mais de plus il est à l’origine des aménagements touristiques
mettant en valeur les richesses naturelles de l’île. Les jameos del Agua, le
Mirador del Río, le Jardin de Cactus et el Taro de Tahiche créés par Manrique
sont des lieux incontournables pour les touristes. Mais malgré ces belles
réalisations et la reconnaissance de l’île comme réserve de biosphère en 1993
par l’Unesco, lui craint que l’environnement ait à souffrir d’un tourisme de plus
en plus envahissant.
En 1995, se tient la Conférence mondiale sur le tourisme durable,
réunissant l’OMT, l’Unesco, le PNUE et la Commission européenne, durant
laquelle la « Charte du tourisme durable » a été rédigée.
Il faut visiter le jardin de cactus, une immense arène où sont plantés des
milliers de cactus aux formes et dimensions les plus étonnantes avec des
spécimens qui vous toisent de plusieurs mètres de haut.
Idem la maison du « maître » où il avait son atelier, et surtout
son ancienne habitation gérée par la fondation Manrique, construite sur des
« bulles » de gaz enchâssées dans la lave figée, alors qu’elle était
encore chaude.
En fin de journée nous arrivons à notre hôtel après avoir garé nos
voitures dans le parking du grand-hôtel. Ce n’est pas notre hôtel (il est situé
de l’autre côté du rond-point d’accès), mais les rues sont tellement étroites
que, même si les automobiles ne s’accumulent pas en embouteillage, on sent vite
que les emplacements disponibles se font rares.
Ça change de Fuerteventura où les terrains non-construits servent de
parkings, mais là, il y a des feux rouges en grand nombre autour des axes
principaux de la ville et même des lignes de bus !
270 pages – 12,30 €
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