XXI – Le Voyage présidentiel à Mayotte (2)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
L’organisation par la France d’un référendum sur la départementalisation
de Mayotte est donc contestée en 2008 par le président de l’Union des Comores,
mais à la suite de ce référendum du 29 mars 2009 sur la départementalisation 95
% des votants (soit 57 % des électeurs) confirment une nouvelle fois leur
volonté de rester français.
Depuis, le 31 mars 2011, le Département de Mayotte est devenu
officiellement le cent-unième département de France et son cinquième
département d’outre-mer.
À la suite de ce changement de statut, des négociations sont engagées avec
l’Union européenne pour que l’île entre dans le territoire de l’Union, en
remplaçant son statut de pays et territoires d’outre-mer (PTOM) contre celui de
région ultrapériphérique (RUP), comme les autres départements d’outre-mer de France.
Et Mayotte intègre l’Union en 2014 avec tous ses avantages.
Mais dès l’automne 2011, d’importants mouvements de contestation contre l’augmentation
du coût de la vie viennent troubler la vie sociale et économique du nouveau
département.
Pendant plusieurs semaines des manifestations se succèdent.
L’île est progressivement paralysée et les actes de violence se
multiplient.
Des magasins sont pillés, des barrages sont montés.
Les gendarmes mobiles chargent à plusieurs reprises. Un manifestant meurt
dans ces affrontements et un autre est grièvement blessé. Les médias de la
métropole observent un silence quasi-général sur les événements.
Le gouvernement nomme alors un médiateur afin de dénouer la crise.
Depuis, les grèves pour les revendications de différents droits sont
quasi-annuelles : beaucoup d’entreprises sont en situation de monopole, comme
Total, et l’île est très facile à bloquer entièrement même pour un groupe
réduit, n’étant pourvue que d’un seul port et d’une seule route principale et
circulaire.
De plus, Mayotte a été confrontée à une grave pénurie d’eau. La production
en eau potable dépend en effet largement des précipitations dans l’île, qui a
connu une situation de sécheresse critique due à une saison des pluies tardive
fin 2016, début 2017.
Les ressources proviennent à 80 % des eaux de surface des rivières et des
retenues collinaires, ce qui rend l’île particulièrement vulnérable aux aléas
climatiques.
Est aussi mise en cause la vétusté du réseau de distribution, l’augmentation
de la consommation (+ 20 % en quatre ans) et la déforestation massive.
Pour remédier à ces problèmes, outre la livraison d’eau par tanker, il est
prévu de nouveaux forages pour diversifier la ressource en eau, la construction
d’une deuxième usine de dessalement d’eau de mer et la construction de la
troisième retenue collinaire.
À la suite de plusieurs caillassages de bus scolaires par des bandes de
jeunes délinquants en janvier 2018 puis à un véritable assaut coordonné du
lycée de Kahani, plusieurs établissements scolaires font valoir leur droit de
retrait, et la société gérant le transport scolaire se déclare en grève illimitée.
Plusieurs manifestations contre la violence, l’insécurité et l’immigration
clandestine comorienne, qui est un vrai fléau et fait pousser des bidonvilles
sur le territoire français, ont lieu.
Le mouvement grossit à partir du 20 février pour déboucher sur une « grève
générale », avec blocages routiers et opérations « île morte », ainsi que des
manifestations de plusieurs milliers de personnes.
De nombreux élus se joignent aux manifestants pour réclamer l’aide du
gouvernement, et Laurent Wauquiez, président du parti Les Républicains, venu
soutenir son candidat à la législative partielle, profite de son séjour pour
critiquer le manque de réactivité du gouvernement.
Le 28 mars 2018, face au constat de l’enlisement du mouvement et aux
débordements de plus en plus préoccupants de certains groupes de manifestants,
Dominique Sorain, jusqu’alors directeur de cabinet de la ministre des outre-mer
Annick Girardin, est nommé préfet de Mayotte et « délégué du gouvernement », en
remplacement de Frédéric Veau, appelé à d’autres fonctions. La ministre annonce
un renforcement des services de l’État et des discussions avec l’intersyndicale.
Le nouveau préfet, accompagné d’une équipe interministérielle, arrive sur
l’île le 30 mars 2018. Malgré des réunions menées dès le week-end avec les
acteurs du conflit et l’appel de l’intersyndicale et du Collectif à la levée
des barrages routiers, de nombreux points de blocage subsistent les jours
suivants.
Le matin du 7 avril 2018, le préfet fait ouvrir par la gendarmerie le
barrage entravant l’accès au port de Longoni.
Les jours suivant, l’ensemble des barrages sont progressivement levés.
Le 19 avril 2018, une délégation d’élus mahorais est reçue par le Premier
Ministre et la ministre des outre-mer à Matignon. Édouard Philippe fait une
déclaration au cours de laquelle il rappelle d’abord les mesures d’urgence
prises par le gouvernement, en particulier pour la sécurisation des transports
scolaires. Il annonce les grandes orientations d’un plan de rattrapage pour
Mayotte, sur les thèmes de la sécurité, de la santé ou encore des
infrastructures. Il aborde également la question des relations avec l’Union des
Comores, ainsi que des projets visant à la déconcentration des décisions,
notamment par la création d’une Agence Régionale de Santé pour Mayotte et la
création d’un rectorat de plein exercice.
Rappelons qu’en 2018, la Cour des Comptes épingle tout de même et encore
le département de Mayotte, en particulier pour sa gestion des ressources
humaines jugée désastreuse, et héritière de décennies de recrutement de
complaisance ayant abouti à la titularisation de responsables sans
qualification ni efficacité, mais au coût salarial et fonctionnel (logements et
voitures de fonction, frais de mission) exorbitant.
Ainsi, en 2017, la seule charge salariale représentait plus d’un tiers du
budget total du département, alors que l’inoccupation, l’absentéisme et les
nombreuses défaillances rendent en même temps ce conseil départemental extrêmement
dysfonctionnel et inefficace dans ses missions majeures.
Des irrégularités proches de l’infraction ont également été notées : des
agents ont continué à être rémunérés par le département plusieurs années après
l’avoir quitté, plusieurs directeurs ont été nommés alors qu’ils n’avaient ni
le grade ni le niveau d’étude correspondant à leur fonction, et des élus
dépensent plus du double de leur budget en frais de mission, etc…
Plus généralement, la Cour relève des « voyages et mission bidon,
copinage pour les embauches, sureffectifs, primes illégales, désorganisation,
petits et grands arrangements avec la réglementation, directeurs sans
compétences, services fantôme, emplois fictifs, titularisation à gogo » !
À la suite de la départementalisation, Mayotte reste soumise à un régime
juridique dérogatoire dans plusieurs domaines mais évolue progressivement vers
le droit commun républicain : encore une particularité.
Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi abrogé au profit du code
du travail de droit commun dont la partie législative devient applicable à
partir du 1er janvier 2018.
Mayotte compte depuis 1977 dix-sept communes. À chaque commune correspond
un canton excepté pour Mamoudzou qui en regroupe trois, ce qui fait dix-neuf
cantons. Chacune des dix-sept communes regroupe le plus souvent plusieurs
villages. Contrairement aux autres départements qui comportent plusieurs
arrondissements ou un seul (pour Paris et le Territoire de Belfort), Mayotte ne
comporte officiellement aucun arrondissement…
Son territoire peut toutefois être assimilé à un arrondissement unique
avec une préfecture siégeant à Dzaoudzi, qui est le chef-lieu administratif,
bien que Mamoudzou accueille le siège du conseil départemental et l’essentiel
des services de la Préfecture.
Entre 2014 et 2015, une communauté d’agglomération et quatre communautés
de communes ont été créées.
Les habitants de Mayotte sont représentés à l’Assemblée Nationale depuis
juin 2017 par deux députés, Ramlati Ali (SE) et Mansour Kamardine (Les Républicains)
ainsi qu’au Sénat par deux sénateurs : Thani Mohamed Soilihi (DVG) et Abdallah
Hassani (DVG).
Ce qui est beaucoup pour si peu de monde.
Mais ça reste également le cas en Corse… tout de même plus peuplée.
Le statut de DOM est peut-être incompatible avec le maintien du « statut
personnel ». La question n’est d’ailleurs pas claire dès lors que par
exemple des Guyanais, Wallisiens ou Néocalédoniens disposent déjà d’un tel
statut, et que la Constitution « protège » aussi le « statut personnel »
partout sur le territoire de la République.
La départementalisation suppose en effet des évolutions notables, dont
certaines sont mises en œuvre depuis 2003 sous l’impulsion du député Mansour
Kamardine : l’âge légal minimum des femmes pour se marier est relevé de 15 à 18
ans, les mariages polygames sont interdits, même si les situations acquises ne
sont pas remises en cause, la justice cadiale – rendue par des juges musulmans
– cède la place à une justice civile.
Les minimaux sociaux sont aussi progressivement augmentés, en commençant
par les deux seuls en vigueur, ceux pour les adultes handicapés et les
personnes âgées.
De même, la transformation de Mayotte en DOM doit permettre l’attribution
du revenu de solidarité active (RSA), ce qui explique le lobbying d’une grande
partie de la classe politique en ce sens.
Le RSA sera versé à partir de 2012, à environ le quart de ce qu’il
représente en métropole et sera ensuite progressivement revalorisé sur une
période de 20 à 25 ans, en fonction du rythme du développement économique de l’île.
Mais, avec la mise en place d’un cadastre, la taxe d’habitation et surtout
la taxe foncière devraient également faire leur apparition.
La situation sociale à Mayotte reste problématique : 75 % des
habitants de l’île ne parle que le shimaoré, 48 % des adolescents de 16 à 18
ans sont illettrés et en échec scolaire, 64 % des élèves de CE1 échouent à l’épreuve
de français.
Une grande partie de la population vit dans des cases en tôle,
improprement appelées « bangas ».
Si Mayotte est le plus petit département d’outre-mer français, c’est le
moins peuplé.
C’est aussi le territoire avec la plus forte croissance démographique, et
la population de l’île devrait bientôt dépasser celle de la Guyane.
Mayotte est cependant largement en tête en termes de densité de
population.
Le recensement de 2017 a dénombré 256.518 habitants, contre 212.645 lors
du recensement de 2012 et 186.452 habitants en 2007.
Autant dire que le Président Makarond atterrit le mardi 22 octobre dans
une poudrière survoltée. Son déplacement durera quatre jours (en comptant son
détour à La Réunion) et sera centré sur l’immigration, l’emploi et l’attractivité
de ces deux territoires touchés par les difficultés sociales fait-on savoir.
Deux territoires justement secoués en 2018 par de forts mouvements de
contestation populaire.
Un long déplacement qui est même qualifié par l’Élysée de « plus
important voyage national depuis la rentrée », et c’est le premier
dans l’océan Indien du Président.
Mardi, à Mayotte pour constater le déploiement de l’opération Shikandra,
un plan militaro-civil de lutte contre l’immigration clandestine présenté en
août. L’île française est effectivement l’une des plus touchée par la crise
migratoire : 48 % de sa population est étrangère dont la moitié en situation
irrégulière !
Puis mercredi, il rejoint La Réunion, un déplacement cette fois-ci axé sur
l’emploi et l’attractivité économique du territoire.
« Des annonces concrètes d’emploi et d’investissements »
sont à la clé, selon le service de presse de l’Élysée : sur ce territoire,
40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage
atteint 24 %.
Et puis, sur la route de La Réunion, il fait un détour par les îles
Éparses.
C’est un petit archipel au cœur des tractations diplomatiques entre la
France et Madagascar regroupant au total cinq îles : Bassas da India, Les
Glorieuses (avec l’Île du Lys), Juan de Nova, Europa, toutes situées dans le
canal du Mozambique, au Nord et au Sud des Comores et Tromelin, à l’Est de
Madagascar et au nord de La Réunion.
Or l’État de Madagascar conteste la souveraineté française des quatre
premières îles, la cinquième étant réclamée par l’Île Maurice.
Pour l’heure, l’administration des îles Éparses est attribuée au ministère
de l’Outre-mer par un décret pris le 1er avril 1960, un mois et demi
avant l’indépendance de Madagascar.
Le statut des îles Éparses ne change pas jusqu’en 2005, date à laquelle
elles sont rattachées au préfet administrateur des TAAF, les Terres australes
et antarctiques françaises, basé à La Réunion.
Et ces cinq îlots sont inhabités, à l’exception d’une présence militaire
et scientifique.
Rappelons qu’en 1976, la République de Madagascar saisit les Nations Unies,
qui adopteront deux résolutions non contraignantes en 1979 et 1980. Ces
dernières invitaient la France à entamer des discussions entre la France et
l’État malgache. Toutefois, elles ne furent jamais suivies d’effet.
Jusque-là, il n’a jamais été question, dans aucune prise de position sur
le sujet, de renoncement à la souveraineté française.
Il faut attendre 2016 pour qu’une commission commune, créée à l’initiative
de Francis Landau, le Président d’alors, se penche sur la question, mais sans
aucun résultat.
Et l’annonce de Makarond et d’Andry Rajoelina, le 29 mai, n’est donc ni
plus ni moins que la création d’une nouvelle commission similaire à celle de
2016.
À l’époque, le ministère des Affaires étrangères avait précisé sur LCI que
cette commission avait pour objectif de « bâtir une solution commune
face aux enjeux de sécurité, de défense de la biodiversité et de lutte contre
la pêche illicite » dans la zone.
Je note pour ma part que les îles Éparses permettent à la France de
disposer d’un espace économique maritime de 640.400 km² dans la région. Le pays
possède d’ailleurs la seconde zone économique exclusive mondiale, juste
derrière les Etats-Unis, avec un total de 10 millions de km². Si Madagascar
s’intéresse autant à ces cinq îlots inhabités, c’est en raison des ressources
que pourrait réserver leur sous-sol marin, comme des hydrocarbures. La France
dispose aussi d’un large espace de pêche convoité par Madagascar.
Un changement de souveraineté n’est d’ailleurs pas nécessairement l’option
privilégiée par la République de Madagascar. Sur l’antenne de RFI, Naina
Andriantsitohaina, ministre des Affaires étrangères malgache, souligne les
limites de cette solution : « Il faut être franc, Madagascar,
aujourd’hui, n’a pas les moyens de sécuriser cette zone. On a beaucoup d’autres
priorités comme l’éducation et la santé. »
C’est sans doute pour cela que le président malgache avait bien précisé,
dans sa demande à la France, les mots de « gestion ou restitution ».
Une cogestion avec l’État malgache, sans abandon de souveraineté
française, pourrait donc être la solution envisagée par la commission.
Or, sur la question délicate de la souveraineté, le quai d’Orsay se veut
rassurant. Le ministère des Affaires étrangères affirmait ainsi sur LCI « qu’aucune
des options qui pourraient être examinées lors des discussions à venir ne
portera atteinte à la souveraineté de la France sur ces îles. »
Rémi Maréchaux, le directeur d’Afrique et de l’océan Indien du ministère
(qui fait partie de la délégation présidentielle dans ce périple), en dit de son
côté qu’« à ce stade, je ne peux que relever qu’il n’a jamais été
question, dans aucune prise de position sur le sujet, de renoncement à la
souveraineté française. »
Utiliser le terme de « restitution » concernant les îles Éparses
paraît comme impossible.
Si ces îles furent implicitement incluses dans la loi du 6 août 1896
déclarant « Madagascar et les îles qui en dépendent » colonie
française, elles étaient totalement inoccupées avant l’arrivée des Français au
XVIIème et XIXème siècle.
Ainsi, il n’y a pas eu de substitution, par les autorités coloniales
françaises, d’un pouvoir séculaire sur les Îles Éparses qui aurait été
précédemment exercé par les Malgaches, comme cela fut le cas pour la
colonisation de Madagascar. Enfin, les îles Éparses ne font pas partie de la
liste des territoires non autonomes selon l’Organisation des Nations Unies.
270 pages – 12,30 €
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