XVIII – Les Canaries (2)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Missions accomplies, c’est l’heure du tourisme.
Le lendemain, après le petit-déjeuner pantagruélique propres aux hôtels à
touristes friqués – ce qui change un peu, pour les filles, de leur
petit-déjeuner dans leur appartement de location – nous ramenons Gustave à l’aéroport
pour qu’il rentre à Paris dans l’après-midi via le vol pour Madrid.
Sa migraine et son teint commence à se porter mieux : il sera quitte
pour peler d’ici quelques jours, rendu aux « bons soins » de son
épouse.
Il est prévu d’ailleurs que je la rencontre à la rentrée, dans sa maison
du Gers : tous les deux doivent avoir des choses à me dire sur mon sujet
de biographie.
Nous rendons une des deux voitures et je conserve la mienne (la Cona…sse
et ses 15 litres aux 100) pour retourner d’où l’on vient.
Il paraît que les Canaries, c’est joli : on n’a pas dû atterrir sur
les meilleures des îles. À mon goût c’est moche et désolé. La végétation est
quasi-inexistante, sauf parfois au cœur des villages (j’ai dû croiser une seule
paire de platane !), en revanche les routes sont belles et les ronds-points
ont bien poussé ici aussi : si tu as deux routes toute droite qui se
croisent et où il ne circule pratiquement personne, tu as un rond-point
prononcé qui t’oblige à circuler à 30 à l’heure.
En revanche, il faut s’habituer : tu as un piéton sur un trottoir qui
fait mine de vouloir traverser à un passage-réservé, si tu ne t’arrêtes pas
pour le laisser passer, tu te fais engueuler sévèrement !
Ceci dit, il y a aussi quelques « curiosités » à aller voir,
puisqu’on est sur place.
La fondation César Manrique, sa maison à Haria, le jardin de cactus
arrangé par le même, le Mirador del Rio qui est encore une de ses créations, où
tu peux suivre les ferries qui vont de Orzola vers l’île de la Graciosa, posés
au nord de Lanzarote.
Il y a un parking bondé d’autocar au bout d’une route desquelles démarre
un chemin de randonnée vers les plages situées plus bas, une queue impossible
pour avoir accès à un emplacement où tu trouves un restaurant, un bar, une
boutique de souvenirs et un belvédère, le tout arrangé « en rond » :
tout pour le touriste et rien d’autre !
On dit de lui, César Manrique né après-guerre, la première, à Arrecife qu’il
aura été peintre, architecte et sculpteur, défenseur de la nature de son île
natale qui aura influencé l’image de l’île volcanique de manière décisive.
C’est vrai, il y a des sculptures de lui un peu partout, et des ersatz
pratiquement sur chaque rond-point. J’exagère, mais je ne suis pas loin de la
vérité…
Ce gars-là, à 23 ans il tient sa première exposition à Arrecife.
En 1945 il fréquente l’école des beaux-arts « San Fernando » à Madrid, où
il obtient en 1950 une maîtrise en dessin et en peinture.
En 1954 il devient, avec d’autres artistes, un suiveur tardif du
surréalisme et il ouvre la première galerie d’art non figuratif d’Espagne, la
galerie « Fernando Fé » à Madrid.
Plus tard, vers 1964 Nelson Rockefeller l’invite aux États-Unis où il
expose pendant quatre ans à Houston et à New-York, dans la galerie « Catherine
Viviano ». De retour à Lanzarote, il se décide à transformer son île natale en
l’un des endroits « les plus beaux du monde », rien de moins !
Pour réaliser ce projet, il arrive à obtenir gain de cause auprès de Pepin
Ramírez, un vieil ami de la famille, qui était devenu entretemps le président
du gouvernement des Canaries.
Ce projet prévoit de n’autoriser que la méthode de construction traditionnelle
de Lanzarote, de renoncer aux bâtiments de plus de deux étages et même de
supprimer tous les panneaux publicitaires situés sur les bords des routes…
Il n’y en a effectivement toujours aucun.
D’ailleurs, il arpente lui-même l’île pour convaincre la population d’adhérer
au style architectural de Lanzarote.
Avec son ami et artiste Luis Ibañez, il achète une vieille maison à Yaiza,
dans le sud de l’île. Il s’agit d’une des trois maisons restées debout après
les éruptions volcaniques qui eurent lieu entre 1730 et 1736. À l’origine il
voulait l’utiliser comme atelier mais en 1970 il la transforme en restaurant
qui porte le nom de « La Era ».
On sera passé devant sans même s’y arrêter…
En 1970, lors d’une excursion à Tahiche, César Manrique découvre un figuier
dont l’extrémité verte pointe d’une coulée de lave noire figée. Il décide alors
de construire sa maison à cet endroit. Les propriétaires de cette terre ne
veulent pas être payés car ils estiment qu’elle est sans valeur, et ils
proposent même à César Manrique de prendre tout le terrain dont il a besoin. L’artiste
découvre lors de la construction cinq bulles de lave qu’il transforme en
différentes pièces à vivre.
C’est là que sa fondation aura vu le jour en 1982.
En 1974 il ouvre le centre culturel polyvalent « El Almacén » à Arrecife,
qui devait être un lieu de rencontre pour tous ceux qui sont intéressés par l’art.
La galerie d’art « El Aljibe » devait permettre à des artistes d’exposer
leurs œuvres une première fois à Lanzarote.
Il reçoit la Médaille d’or du mérite des beaux-arts par le Ministère de l’Éducation,
de la Culture et des Sports en 1980, et en 1988 il emménage dans une maison
paysanne reconstruite par ses soins, à Haría.
Le gars est décédé le 25 septembre 1992, vers midi, dans un accident de
voiture à seulement 45 m de sa fondation, à Tahiche. Depuis, il est enterré au
cimetière de Haría.
Au cours de sa vie il a eu de nombreux contacts avec des personnalités célèbres,
comme Nelson Rockefeller, Rita Hayworth, le roi Hussein de Jordanie, Helmut
Kohl, le premier ministre espagnol Felipe González, Luis Ibañez, Andy Warhol,
Barbara Rosse et Alfredo Kraus, etc.
C’est aussi à Manrique que l’on doit que le tourisme de masse soit resté
modéré sur l’île de Lanzarote. Il s’est engagé pour la conservation de l’identité
culturelle et des paysages de son île natale, ce qui lui valut les honneurs
posthumes du gouvernement de l’île qui s’est engagé à poursuivre le chemin que
Manrique avait tracé.
Ce qui explique notamment l’absence de bâtiment « grande
hauteur », hors les hôtels de bord de plage.
Du coup, les lotissements s’étalent à flanc de montagne sur des
kilomètres, au bout de routes perdues avec une particularité, c’est que tous
les bâtiments sont chaulés !
Son art se veut comme une « union étroite et harmonieuse entre
l’Homme et la nature ». Le fait que beaucoup de touristes comme moi comparent
l’île volcanique de Lanzarote à « un tas de cendres et un champ de ruines
» aurait déplu au maître durant toute sa vie.
Lui ressent son île natale comme une beauté naturelle sauvage et vivante
qu’il veut transformer en une curiosité touristique d’exception. Alors il
développe plusieurs attractions touristiques pour Lanzarote et les îles
voisines.
La caractéristique principale de son art architectural est l’intégration
de rochers, de pierres et de coulées de lave figées dans un lieu de vie
harmonieux. Il utilise fréquemment des matériaux naturels bruts en contraste
avec des formes rondes et douces façonnées à la main.
Les couleurs utilisées sont souvent le noir et le gris (pierre de lave)
ainsi que le blanc (calcaire et vernis).
L’atmosphère de ces pièces artistiques est en général soulignée avec de la
musique spirituelle, méditative, afin que la visite de ces lieux devienne un
plaisir pour les sens.
À l’extérieur des bâtiments, Manrique parvient aussi à surprendre avec des
sculptures mobiles mises en mouvement par les vents alizés.
D’ailleurs il se définit lui-même en premier lieu comme un peintre. On lui
attribue un rôle de pionnier dans le mouvement espagnol d’art abstrait et il
passe pour être inspiré du surréalisme.
La simplicité et la clarté de ses peintures et de ses œuvres
architecturales mettent encore et toujours la symbiose entre l’Homme et la
nature en avant et soulignent de différentes manières les beautés de la nature :
il essaye seulement de laisser la nature comme elle est et de donner un cadre
artistique à sa beauté pour la mettre en valeur afin que les gens y prennent
plaisir.
Sa citation préférée c’est « créer avec une liberté absolue, sans
angoisses et recettes, console l’âme et ouvre un chemin pour le plaisir de
vivre »…
Ceci dit, il a laissé sa trace un peu partout : entre la piscine
artificielle de Jameos del Agua à Lanzarote, son jardin de Cactus (qui présente
tout de même plus de 1.100 espèces différentes de cactées et qui se trouve dans
le village de Guatiza, dans une ancienne carrière), sa Casa Museo del Campesino
(maison paysanne en architecture typique de Lanzarote), la Casa Museo Monumento
del Campesino (monument situé au centre géographique de Lanzarote en hommage
aux paysans de l’île qui découvrirent la porosité de la lave qui permet d’irriguer
les champs grâce à sa faculté d’absorber la rosée) où le monument est réalisé
en réservoirs d’eau récupérés sur des bateaux de pêche abandonnés, le Mirador
del Río (édifié en 1973, belvédère situé sur les falaises de Famara, avec point
de vue sur les îles voisines à l’emplacement où se trouvaient des canons qui y
avaient été installés à la fin du XIXème siècle, lors de la guerre
qui opposait les États-Unis et Cuba.), Jameos del Agua (premier projet d’envergure
de Manrique située dans la partie émergente du Tunnel de l’Atlantide, reliée à
la grotte de Cueva de Los Verdes plus haut et sa salle de concert ouverte en
1977, avec ses 600 places assises à l’intérieur d’une caverne de lave), il y en
a !
Et c’est sans compter Taro de Tahíche (son ancienne maison) devenue aujourd’hui
sa demeure artistique qui présente des œuvres de l’artiste ainsi que de
Picásso, Miró, Tapiés, Soto et Zobel, El Diablo (restaurant situé dans le parc
national de Timanfaya, au milieu de volcans actifs avec un grill installé
au-dessus d’un orifice volcanique que nous irons visité), le Museo Internacional
de Arte Contemporaneo (musée d’art contemporain situé dans le fort Castillo de
San José à Arrecife et qui abrite des peintures de Miró, Millares, Mompó, Oscar
Dominguez, Gerardo Rueda, Eusebio Sempérez, Agustín Cárdenas et de Manrique
lui-même), il aura aussi réalisé, en 1974, « El Almacén » (ancien
centre culturel polyvalent à Arrecife, qui abrite aujourd’hui le département de
la culture du gouvernement de l’île) et le jardin et piscine de l’hôtel cinq
étoiles Las Salinas à Costa Teguise en 1977.
On compte aussi « El triunfador » (une sculpture métallique
située à proximité de la Fundacion César Manrique), le Juguetes del viento
(1992), autre sculpture mobile située au centre d’un rond-point à Arrieta.
Et pas seulement : en dehors de Lanzarote, on lui doit le Lago
Martiánez (1969), des piscines à l’eau de mer situées sur la côte nord de l’île
de Tenerife à Puerto de la Cruz. Grâce à elles, la ville a gagné en
attractivité touristique, car la baignade était jusqu’alors relativement
dangereuse dans le milieu naturel, « La Vaguada » (un centre
commercial à Madrid), le drapeau pour le centre d’astrophysique Roque de los
Muchachos sur l’île de La Palma, La Peña (le belvédère sur l’île d’El Hierro)
dominant Valle de El Golfo, le Mirador del Palmerejeo (le belvédère sur l’île
de La Gomera) au-dessus de Valle Gran Rey, etc. etc.
Prolifique, le bonhomme.
Au soir, nous sommes rincées. On décide tout de même de sortir pour se
faire draguer par quelques hidalgos pour finalement tenter de se restaurer.
Mais on a beau arpenter le front de mer, les tables sont complètes ou trop
bruyantes, et proposent pizza ou chinois !
Finalement, de retour sur nos pas, Calle Manolo Millares, une table se
libère chez El Nido (Le Nid), un restaurant à hauteur sous plafond impressionnante,
quatre niveaux de bouteilles debout derrière le bar…, bien arrangé, en bois
rustique et vernis.
Le cadre est chaleureux, la cuisine est nourrissante et délicieuse, la
carte riche et variée, la viande est succulente, les assiettes sont très bien agencées
et le serveur est français !
Une fois de plus…
Il nous raconte qu’il est marié à une native qu’il a rencontrée à la fac
de médecine de Paris : son binôme !
Et c’est elle qui l’a ramené dans ses bagages…
Tu parles d’un hidalgo !
Ce que j’aime bien dans ce pays, c’est que s’ils te font payer le pain
dans l’addition, ils te servent tous des petits ramequins de sauce, verte ou
rouge, ou jaune, qui ne sont ni trop forte en goût ni insipide : un régal.
Ça vaut bien le quignon de pain à 1,50 € !
Le lendemain, on va se promener sur la côte ouest, sous le vent, au bout
de routes improbables. Du vent, il y en a, des vagues et de longues plages
aussi.
Le matin, on est au bord de la piscine de l’hôtel située au dernier étage
(le réservoir des sprinklers en dira Delphine), l’après-midi, dans les vagues
après un copieux déjeuner face à la mer en plein air, abritées par des parasols
et des paravents.
Le lendemain, on aura fait « le Sud » avant d’embarquer pour
Fuerteventura retrouver la location du trois pièces d’arrivée du groupe ADN et
se refaire une liaison avec le Kremlin-Bicêtre pour prendre des nouvelles de la
boîte, de Gustave et de notre « actionnaire ».
Je peux vous dire qu’Anaïs ronfle…
Le jour suivant, on fera le centre de l’île et le Sud, jusqu’au phare de
la pointe Jandia, sur une route encore plus improbable que les précédentes,
dans un chaos de lave largement érodée sans le moindre bout de végétation…
Le vert de mon gazon me manque !
Un petit break improvisé assez sympathique, finalement.
270 pages – 12,30 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire