XXII – Escale aux îles Éparses
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Makarond fait donc un très fugace passage sur une des îles Éparses,
mercredi 23 octobre. Une escale de deux heures sur le chemin de La Réunion, sur
l’Île Glorieuse pour partager le traditionnel « BVB »
(boudin-vin-blanc) des légionnaires qui stationnent sur cette île située au
nord-ouest de Madagascar.
Un voyage paraît-il d’une importance diplomatique probablement insoupçonnée.
Le président de la République a indiqué qu’il s’y rendrait en compagnie de
« plusieurs scientifiques sur ce territoire extrêmement stratégique
dans la région pour marquer (son) engagement en faveur de la
biodiversité et le choix d’aller au bout de la protection de ce territoire et
de le sanctuariser pleinement. »
L’archipel de sept kilomètres de long avait ainsi été évoqué le 29 mai
dernier, quand le Président malgache, Andry Rajoelina, avait été accueilli à l’Élysée.
Lors de l’entrevue, il avait demandé « solennellement et
officiellement de trouver une solution pour la gestion ou la restitution
des îles Éparses à Madagascar, au nom des 25 millions de Malgaches ». Une
position malgache déjà exprimée par son prédécesseur à l’Assemblée générale de
l’ONU en 2016, Hery Rajaonarimampianina.
Ce qui aura soulevé une bronca de la part de l’opposition nationaliste.
Et puis plus rien.
Les îles Éparses sont de petites îles partiellement revendiquées par les
Comores, Madagascar et Maurice, bien que les revendications malgaches et
mauriciennes soient nettement postérieures à leur accès à l’indépendance.
Elles sont toutes d’origine corallienne, comme en témoigne leur
morphologie, sous forme d’atoll pour Bassas da India, les îles Glorieuses,
l’île Juan de Nova et l’île Europa, située dans le canal du Mozambique, au nord
et au sud des Comores, ou sous la forme d’un atoll surélevé pour l’île Tromelin,
située elle à l’Est de Madagascar et au nord de Maurice et La Réunion.
Cumulant 44 km² de superficie, le point culminant ne dépasse pas quelques
mètres d’altitude. La plus grande des îles est Europa avec 30 km² tandis que la
plus petite est Bassas da India qui se retrouve quasiment totalement submergée
à marée haute.
Du fait de leur éloignement mutuel ainsi que des pays et territoires
voisins, la zone économique exclusive des îles Éparses de l’océan Indien est
très étendue, avec 640.400 km² au total. L’exploitation de ses ressources
halieutiques est soumise à la loi du 21 juillet 2007 s’appliquant aux Terres
australes et antarctiques françaises, ce qui signifie que, dans les eaux
territoriales et la zone économique exclusive, seuls les navires de pêche
autorisés peuvent pratiquer leur activité.
Cependant, ces îles n’étant pas surveillées activement par des douanes,
elles sont la cible répétée de flottes de braconniers seychellois et malgaches
et constituent des réserves naturelles en péril.
À l’exception de Bassas da India, toutes les îles sont habitées par au
moins un gendarme (sauf l’île Tromelin où séjourne une mission météorologique
dans 6 bâtiments) et parfois des scientifiques.
Les différentes îles Éparses de l’océan Indien ont vraisemblablement été
toutes découvertes fortuitement par les Portugais lorsque les premiers navires
marchands sur la route des Indes doublaient le cap de Bonne-Espérance. C’est le
cas de l’île Europa dont l’existence était connue de la Compagnie des Indes et
des Français installés à Madagascar et qui était alors utilisée comme refuge
par des pirates fuyant la Marine royale française. L’île Juan de Nova était
également connue des premiers navigateurs européens.
Certaines îles furent même occupées un certain temps de manière permanente
comme l’île Europa qui abritait deux familles réunionnaises de 1905 à 1910
tirant leurs revenus de l’exploitation du sisal et des écailles de tortues.
Également l’île Juan de Nova, dont le guano fut exploité de 1900 à 1968
environ ou encore les îles Glorieuses utilisées comme cocoteraie plantée vers
1912 par un Français et exploitée par des Seychellois jusqu’en 1958.
Il en reste encore.
Situées autour de Madagascar et de l’archipel des Comores et non loin de La
Réunion ou encore de l’île Maurice qui deviendront des colonies françaises, les
îles furent peu à peu intégrées à l’empire colonial français, notamment en 1930
avec les îles Glorieuses.
À la demande de l’Organisation météorologique mondiale, la France décide
en 1950 d’implanter des stations météorologiques sur ces îles placées
stratégiquement sur la trajectoire des cyclones tropicaux du sud-ouest de
l’océan Indien et qui pouvaient toucher La Réunion, l’île Maurice, les
Seychelles, Mayotte, les Comores, Madagascar et le Mozambique. Ces stations
furent automatisées par la suite, à l’exception de celle de Tromelin.
Au moment de l’indépendance de Madagascar en 1960, l’intérêt géopolitique
des îles Éparses est central, ces îles étant situées sur une importante route
maritime permettant de relier l’Asie et le Moyen-Orient à l’Europe et
l’Amérique, comportant une importante zone économique exclusive (ZEE) et
pouvant servir de site d’essai nucléaire.
C’est dans ce contexte que le général de Gaulle réaffirme l’importance de
l’absence de prétentions de souveraineté de Madagascar sur ces îles : « Je
mets en garde le Quai d’Orsay pour n’importe quelle emprise de Madagascar sur
les îles et îlots français avoisinants. Cela ne se justifie d’aucune manière et
risque d’entraîner des inconvénients. Les îles et îlots peuvent revêtir pour
nous une importance réelle, notamment en ce qui concerne nos expériences
atomiques. Je n’approuve donc pas qu’on introduise Madagascar en quoi que ce
soit qui se passe dans ces îles, notamment en ce qui concerne la météo. »
La présence française dans ces îles se renforce en 1973 lorsque des
détachements militaires des Forces armées de la zone sud de l’océan Indien
s’installent sur l’île Europa, l’île Grande Glorieuse et l’île Juan de Nova.
L’autorité sur ces îles est alors confiée à un gendarme et celle sur l’île
Tromelin au chef de mission de la station météorologique. De plus, des navires
de la Marine nationale et des appareils de l’Armée de l’air assurent à la fois
la surveillance de la ZEE et le ravitaillement de ces garnisons et stations.
En 1960, le cadre juridique et territorial des îles Éparses de l’océan
Indien se précise lorsqu’elles sont placées sous l’autorité du ministère des
Outre-mer et sous l’administration du préfet de La Réunion. Cependant, elles ne
font à l’époque partie d’aucune région, département ou collectivité
territoriale.
Ce statut évolue par la suite en deux étapes : le 3 janvier 2005, lorsque
leur administration est transférée à l’administrateur supérieur des Terres
australes et antarctiques françaises, et le 21 février 2007, elles deviennent
le cinquième district de cette collectivité d’outre-mer de la France. Par
conséquent, elles restent en dehors de l’Union européenne, ce qui signifie que
le droit s’y appliquant n’est pas le droit communautaire mais celui des Terres
australes et antarctiques françaises.
En mai 2019, le président de la République française se montre disposé à «
un dialogue pour aboutir à une solution commune » par la mise en place d’une
commission mixte avec Madagascar, sans avoir recours à une juridiction
internationale.
Plus tard, le 18 novembre 2019, deux délégations se rencontreront à
Tananarive pour engager des discussions préparatoires, dans le cadre d’une
commission mixte lancée en mai 2019 par les présidents français et malgache. Le
processus est censé aboutir à un accord pour juin 2020, date du 60ème
anniversaire de l’indépendance de Madagascar.
Les îles forment une réserve naturelle à accès restreint soumis à autorisation
de l’administrateur supérieur et ne peuvent être visitées par des personnes
étrangères aux équipes militaires, scientifiques ou météorologiques.
Les scientifiques restent, pour l’heure, les visiteurs les plus réguliers
des îles Éparses de l’océan Indien.
L’isolement de ces îles explique leur biodiversité assez faible mais aussi
le grand nombre d’animaux et de végétaux qu’on y trouve. Elles font partie des
rares exemples dans le monde de sanctuaires presque inviolés par l’homme.
Avec sa mangrove, l’île Europa – la plus préservée des îles Éparses –,
constitue un écosystème unique.
Son récif corallien, considéré comme vierge, pourrait même être utilisé
comme référence pour le suivi des coraux à l’échelle mondiale.
Un arrêté du 23 mai 2005 autorise des prospections préalables d’hydrocarbures
liquides ou gazeux portant sur le sous-sol marin (offshore) et l’autorisation
dite « APP de Juan de Nova maritime » porte sur une superficie de « 62.000
kilomètres carrés environ », au large de l’île Juan de Nova.
Cet environnement marin est fragile, notamment pour ce qui concerne les
récifs coralliens.
Les écosystèmes de certaines îles ont déjà été dégradés par l’introduction
d’espèces exotiques devenues invasives, mais ils sont encore épargnés par
l’eutrophisation induite dans d’autres îles par l’agriculture et
l’urbanisation.
Dans le contexte du dérèglement climatique, ces îles plates et basses sont
vulnérables à la montée de la mer et à l’acidification des océans, et depuis
2003, sont d’ailleurs intégrées dans le « Réseau de surveillance des littoraux
face au changement climatique en milieu insulaire tropical ».
Certains enjeux économiques pourraient donc ici s’opposer aux enjeux
environnementaux, par exemple parce que ces hydrocarbures, s’ils existent, ne
pourront être accessibles qu’à des coûts élevés, et avec des risques de
pollution liés au forage offshore, tout en contribuant à la poursuite des
émissions de gaz à effet de serre ayant le carbone fossile comme principale
origine et en détournant des budgets qui pourraient être affectés à des
alternatives telles que les énergies solaire et l’éolien, ressources
intermittentes, mais complémentaires et très largement disponibles et encore
peu exploitées dans l’hémisphère sud.
En outre, la prospection sismique pose des problèmes d’acoustique environnementale,
le bruit sous-marin généré par certains travaux offshores est dangereux pour
certains cétacés, baleines notamment.
Le 23 octobre 2019, en visite à Grande Glorieuse, le président de la
République annonce le classement en réserve naturelle de l’île et, à terme, l’extension
de ce statut à tout le territoire des îles Éparses.
« Ici c’est la France, c’est notre fierté, notre richesse. Ce n’est pas
une idée creuse. Les scientifiques et militaires qui sont là le rappellent. La
France est un pays archipel, un pays monde (…) On n’est pas là pour
s’amuser, mais pour bâtir l’avenir de la planète. Ce que nous préservons ici
aura des conséquences sur les littoraux, y compris dans l’Hexagone. »
Cette déclaration du président français sur la plage de Grande Glorieuse,
n’en finit pas de faire réagir à Madagascar.
Antananarivo revendique en effet depuis 1973 les îles Éparses, dont Grande
Glorieuse fait partie : cette déclaration est une presqu’une provocation.
« Madagascar est le sanctuaire de la biodiversité mondiale. Le respect
de l’intégrité territoriale et la défense de nos intérêts passent par le
dialogue. Une commission mixte sur les îles Éparses sera en place le 18
novembre. Ayez confiance en notre détermination et notre patriotisme ! », a
tweeté, jeudi, Andry Rajoelina depuis Sotchi, où il s’est rendu à l’occasion du
sommet Afrique-Russie.
Un peu plus tôt dans la journée, le premier ministre Christian Ntsay a
rencontré Makarond arrivé à La Réunion, dernière étape (officielle) de son
voyage dans l’océan Indien.
La mise en place d’une commission mixte
franco-malgache est une idée de l’ex-président Hery Rajaonarimampianina remise
au goût du jour par Andry Rajoelina lors de son investiture. Sa composition
n’est pas officielle, et même si Marcel Escure, ancien ambassadeur et
fonctionnaire au Quai d’Orsay, serait fortement pressenti pour mener la
délégation côté français, « les tractations sont en cours », indique alors
une source diplomatique.
270 pages – 12,30 €
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