XX – Le Voyage présidentiel à Mayotte (1)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Ils se posent tous la question : Pourquoi le Président Makarond se
déplace-t-il à Mayotte et à La Réunion en cette fin du mois d’octobre ?
Et pourquoi une escale aux îles Éparses ?
Lesquelles, d’ailleurs, parce qu’elles portent bien leur nom ?
C’est que Mayotte a aussi une histoire complexe et est devenue française le
25 avril 1841, alors que le sultan régnant, en conflit avec les Malgaches, vend
l’archipel à la France cédant ainsi sa souveraineté à la monarchie de juillet
de Louis-Philippe Ier.
En échange il obtient du capitaine Pierre Passot (envoyé par Anne Chrétien
Louis de Hell), une rente viagère personnelle de mille piastres (5.000 francs)
et le droit d’élever deux de ses enfants à La Réunion.
Ce traité est ratifié officiellement par l’État français en 1843.
Il convient de préciser que la souveraineté française sur Mayotte est
indépendante du partage de l’Afrique issu de la conférence de Berlin qui n’aura
lieu qu’après 1885. L’abolition de l’esclavage à Mayotte est prononcée le 27
avril 1846 alors que l’île avait jusque-là été soumise à la traite arabe.
À cette époque l’île avait environ 3.000 habitants presque exclusivement
musulmans, dont entre un tiers et la moitié était des esclaves. Les espoirs
français de développer à Mayotte un port et des plantations supposaient d’attirer
davantage d’immigration depuis l’Afrique, mais le gouvernement avait conscience
que l’arrivée de Noirs libres serait interprétée par les Britanniques comme de
la traite des Noirs déguisée, laquelle était interdite.
En conséquence, le ministre de la Marine et des Colonies, Ange René Armand
de Mackau suggéra au roi Louis-Philippe Ier que le développement d’une
économie de marché à Mayotte nécessitait de libérer les esclaves et d’indemniser
leurs maîtres musulmans.
Le Parlement français approuva, au printemps 1847, le financement
nécessaire au paiement d’une indemnité de 200 francs par esclave.
Le processus de libération commença en juillet 1847.
Après la chute de la Monarchie de Juillet causée par la révolution de
1848, l’article 3 du Décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848, voté
quelques mois plus tard, confirme l’abolition de l’esclavage dans l’île.
Mayotte demeure surtout une île vidée de ses habitants par des décennies
de guerres, ainsi que par l’exode des anciens maîtres et d’une partie de leurs
esclaves : la plupart des villes sont à l’abandon, et la nature a alors regagné
ses droits sur les anciennes plantations.
L’administration française tente donc de repeupler l’île, en rappelant
tout d’abord les mahorais réfugiés dans la région (Comores, Madagascar...), en
proposant aux anciens maîtres exilés de revenir en échange d’un dédommagement,
puis en invitant des familles anjouanaises fortunées à venir s’implanter.
La France lance quelques premiers grands travaux, comme la réalisation en
1848 du Boulevard des Crabes reliant le rocher de Dzaoudzi à Pamandzi et au
reste de Petite-Terre.
Dans la foulée des Antilles et de La Réunion, le gouvernement envisage à
ce moment-là de faire de Mayotte une île à vocation sucrière : malgré les
fortes pentes, de vastes plantations sont aménagées, 17 usines sucrières sont bâties
et des centaines de travailleurs étrangers, essentiellement africains, en
particulier des Makwas du Mozambique, sont engagés à compter de 1851.
Cependant, la production demeure médiocre, et la crise du sucre de
1883-1885 a rapidement eu raison de cette culture qui venait d’atteindre son
pic de production, ne laissant que quelques ruines d’usines dont certaines sont
encore visibles aujourd’hui.
La dernière usine sucrière à fermer fut celle de Dzoumogné en 1955.
La mieux conservée, et désormais « patrimonialisée », est celle
de Soulou, dans l’Ouest de l’île.
La conférence de Berlin s’achève en 1885 : le partage de l’Afrique
entre les puissances européennes est alors décidé et la France, déjà présente à
Mayotte, va utiliser l’île pour prendre le contrôle de l’ensemble de l’archipel
des Comores, dont la plus grande île est déjà contrôlée de fait par un potentat
français, Léon Humblot.
En 1886, les sultanats de la Grande Comores, Mohéli et Anjouan deviennent
des protectorats sous la direction du gouverneur de Mayotte tandis que Mayotte,
quant à elle, garde son statut de colonie.
L’archipel des Comores devient alors les Îles de « Mayotte et dépendances
».
L’année 1898 est une des plus sombres de l’histoire mahoraise, l’île étant
frappée par deux cyclones successifs qui rasent presque complètement les habitations,
ainsi que les plantations de canne à sucre. Le phénomène est suivi par un
séisme et une épidémie de variole, qui dépeuplent l’île et ravagent les
cultures, mettant fin aux espoirs sucriers de l’île.
Mayotte se relève difficilement de cette période sombre, et il faudra
attendre le XXème siècle pour voir réémerger une tentative de
culture d’exportation, orientée cette fois-ci vers la vanille, le café, le
coprah, le sisal, puis les plantes à parfum comme le vétiver, la citronnelle,
le bois de santal et surtout l’ylang-ylang, dont on tire une huile essentielle
connue pour ses propriétés calmantes et relaxantes.
À partir de 1908, l’ensemble des Comores est intégré sous l’autorité du
gouvernement général de « Madagascar et dépendances ».
En 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale, est créée la Société
des Nations (ancêtre de l’actuelle Organisation des Nations Unies), laquelle
reconnaît également la souveraineté française directe sur Mayotte et la
légalité de son acquisition antérieure, ainsi que le statut de protectorats
séparés sur les autres îles, qu’elle place sous sa tutelle, à charge pour la
France de veiller à garantir leur propre intégrité.
C’est à ce moment-là que la différence de traitement entre Mayotte et le
reste de l’archipel devient de plus en plus une source de tensions.
Alors que l’ensemble de l’archipel reste contrôlé depuis Dzaoudzi.
En 1946, les protectorats des Comores et la colonie de Mayotte sont
séparés administrativement de Madagascar et deviennent un territoire d’outre-mer
(TOM). Après avoir refusé d’accéder à l’indépendance lors du référendum de 1958
organisé par le général De Gaulle, les Comores obtiennent le 22 décembre 1961
(loi n° 1412) un statut d’autonomie interne, qui sera élargie en 1968 par la
loi n° 6804.
Ce statut d’autonomie interne donne jour à un Gouvernement comorien élu
par l’Assemblée Territoriale.
De 1961 à 1970, l’ancien député Said Mohamed Cheikh est élu Président du
Conseil de gouvernement jusqu’à sa mort le 16 mars 1970. C’est durant cette
période, en 1966, que la capitale Dzaoudzi (Mayotte) est transférée à Moroni,
huit ans après la décision du transfert.
Au cours de cette période naissent les premiers mouvements politiques qui
contestent le pouvoir de Saïd Mohamed Cheikh et, pour certains, réclament l’indépendance.
D’autres, comme le Mouvement populaire mahorais (MPM), réclament au départ plus
d’autonomie vis-à-vis des autres îles.
Née en 1958, l’Union pour la Défense des Intérêts de Mayotte (UDIM) est un
mouvement créé par un créole natif de Sainte-Marie, Georges Nahouda. Son neveu,
Marcel Henry, poursuit le combat avec la création du MPM à la mort de ce
dernier la même année et c’est déjà l’époque des « barbouzes » plus
ou moins pilotés en sous-main par la cellule élyséenne de Jacques Foccart, qui
se soldera par un coup d’État manqué et mené par Bob Denard en 1995.
Associé à une partie de l’élite mahoraise (dont Younoussa Bamana), Marcel
Henry poursuivra le combat pour une Mayotte française jusqu’au bout.
Le MPM obtient d’ailleurs le soutien d’une partie importante de la classe
politique française.
Cependant, dans les années 1960, d’autres mouvements politiques voient le
jour dont le parti « Serrez-la-main ». Ce parti revendiquait l’indépendance de
Mayotte vis-à-vis de la métropole. Nombres d’échauffourées eurent lieu entre ce
dernier et le MPM.
Le MPM se radicalise et demande la séparation de Mayotte et des autres
îles et notamment la départementalisation de Mayotte.
Zakia Madi, parmi les leaders du MPM, est tuée lors d’une de ces
manifestations entre parties opposées sur la jetée de Mamoudzou, à l’embarcadère
de la barge.
L’éclat d’une grenade lacrymogène est l’origine la plus probable de son
décès, selon les témoignages.
Le 25 août 1972, le Comité spécial de la décolonisation de l’Organisation
des Nations Unies inscrit l’archipel des Comores à sa liste des territoires
devant accéder à l’autodétermination.
Le 15 juin 1973, la France et les Comores signent des accords relatifs à l’accession
à l’indépendance. Le 22 décembre 1974, la France organise aux Comores un
référendum. Et si le suffrage obtient dans son ensemble plus de 90 % pour l’indépendance
du territoire, Mayotte se singularise en votant à 63,8 % pour le maintien des
Comores au sein de la République française !
Un nouveau gouvernement français arrive au pouvoir en France et,
conformément à une recommandation d’un groupe de parlementaires venus en voyage
d’étude dans l’archipel, celui-ci envisage de respecter la volonté des Mahorais
et de considérer le résultat « île par île ».
Le président du Conseil de Gouvernement des Comores, Ahmed Abdallah,
déclare alors unilatéralement l’indépendance immédiate des Comores « dans
ses frontières coloniales », sans que le processus prévu par les accords ne
soit mené à son terme.
Mayotte reste alors sous administration française nonobstant la
déclaration du gouvernement comorien. L’Union des Comores revendique Mayotte et
refuse cette séparation qui remettrait en cause l’intégrité territoriale de l’archipel.
L’Union africaine considère ce territoire comme occupé par une puissance
étrangère…
Juridiquement, la France ne pouvait pas s’opposer à l’autodétermination et
à l’indépendance des Comores, hors Mayotte, puisqu’elle n’y exerçait qu’un
protectorat sous tutelle des Nations Unies. Mais elle conteste l’indivisibilité
de l’union des Comores avec Mayotte, qui est le fait de la création tardive, par
loi interne, du territoire d’outre-mer dans l’Union française en 1946, fédérant,
en préservant leur statut international respectif issu des traités, le
protectorat des Comores, séparées en 1946 de l’ancienne colonie de Madagascar
devenue indépendante, avec la possession française de Mayotte qui n’a jamais
été sous tutelle des Nations Unies mais acquise bien antérieurement. Ce qui
avait été reconnue ensuite par la Société des Nations quand elle a été créée.
Ce statut de territoire d’outre-mer hybride, unifié par la loi interne de
1946, mais en deux parties séparées en droit international, sera conservé de
même que les anciens traités relatifs à la tutelle des Nations Unies sur les
Comores et à l’acquisition antérieure de l’île de Mayotte quand sera créée,
plus tard entre 1958 et 1960, l’éphémère Communauté française, et ensuite la
République Française où le territoire d’outre-mer continuait à avoir le double
statut international.
La résolution non contraignante des Nations Unies s’appuie principalement
sur les déclarations de volonté du gouvernement français faites seulement
quelques mois avant l’organisation du scrutin d’autodétermination là où la
France s’attendait même à ce que Mayotte vote aussi pour sa propre
indépendance, comme les autres îles.
Mais la surprise a été générale quant à l’importance du « non »
à l’indépendance conjointe avec le reste des Comores, dans cette île française
depuis plus longtemps même que d’autres départements français métropolitains et
dont la souveraineté française n’avait pas été contestée avant 1958.
La France s’oppose depuis aux prétentions territoriales des Comores sur
Mayotte, et sur l’indivisibilité de l’archipel qui n’a fait l’objet d’aucun
traité international reconnaissant leur union : les îles étaient
elles-mêmes divisées en royaumes ou sultanats distincts avant même l’acquisition
française de Mayotte…
Les Comores, quant à elles, défendent aussi une position basée sur une
coutume plus ancienne quand divers peuples, issue de différents empires médiévaux,
allaient assez librement d’une île de l’archipel à l’autre ou ont pu les
occuper partiellement, souvent par la force, mais sans réelle reconnaissance
internationale de leur unité.
Le 21 novembre 1975, le nouveau maître des Comores, Ali Soihili, atterrit
clandestinement avec sa garde rapprochée à Pamandzi pour essayer de s’emparer
de Dzaoudzi : la réaction rapide de la population mahoraise aboutit à un simple
renvoi des intrus, sans violence.
En pleine guerre froide, la France a alors le projet d’y implanter une
base militaire navale dotée d’un port en eau profonde.
Ce projet ne verra pas le jour, mais sera compensé par l’implantation
d’une station d’écoute du réseau satellitaire français d’espionnage des
communications (réseau Frenchelon), mise en service en 2000 sur l’île de
Petite-Terre : le centre d’écoute militaire des Badamiers.
Le 6 février 1976, la France oppose son droit de veto au Conseil de
sécurité des Nations Unies pour empêcher l’adoption d’un projet de résolution
lui demandant d’engager des négociations avec le gouvernement comorien en vue
de la rétrocession de Mayotte et de renoncer à la tenue d’un nouveau référendum.
Une telle résolution, si elle avait été adoptée, aurait eu pour
conséquence de placer de force les Mahorais sous domination de l’État comorien.
Ce dont ils ne veulent pas…
Un second référendum a lieu le 8 février 1976 et confirme par un taux de
99,4 % (82,3 % des inscrits, 9.580 voix pour et 13 contre) le choix de la
population de Mayotte de rester au sein de la République française.
Par résolution n° 31/4 du 21 octobre 1976, l’Assemblée générale des
Nations Unies, considérant ce référendum comme nul et non avenu, condamne la
présence française à Mayotte, cependant que la France argue que cette résolution
ne constitue qu’un avis dépourvu de force juridique.
L’Assemblée générale de l’ONU s’appuie alors sur la déclaration du 14
décembre 1960, « sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples
colonisés », point n° 6 sur la préservation de l’intégrité territoriale,
malgré le point n° 2 sur le droit à l’autodétermination et le fait que les
Comores n’ont jamais constitué un pays uni par le passé.
Dans sa résolution du 6 décembre 1994, l’Assemblée générale de l’ONU a
rappelé et confirmé l’appartenance de Mayotte à l’État comorien à ses yeux.
Mais depuis 1995, la question de Mayotte n’est plus revenue à l’ordre du
jour de l’Assemblée générale de l’ONU.
Enfin la France ne souhaite pas aller contre la volonté populaire exprimée
par les trois référendums qui se sont succédé à Mayotte, qui ont montré à
chaque fois une adhésion très forte de la population locale à la spécificité de
l’île et à rester attachée à la France, plutôt que de rejoindre la nouvelle
République fédérale islamique des Comores, devenue plus tard Union des Comores
après de sévères troubles politiques, ainsi que la volonté populaire exprimée
très tôt par les représentants politiques locaux, au moins avant l’indépendance
des Comores, vers sa départementalisation.
Ils se sont ainsi opposés au transfert en 1966 du chef-lieu administratif
du nouveau territoire d’outre-mer de Mayotte vers la Grande Comores, une option
qui leur a ensuite été proposée lors de la création de la Communauté française
en 1958, en même temps que les Comores et tous les autres territoires d’outre-mer,
avec aussi celle de l’indépendance, ou celle d’un État libre associé, ou le
maintien en tant que territoire d’outre-mer…
Statut non accordée avant 2009, quand s’est également ajouté le choix du
nouveau statut de collectivité d’outre-mer pour remplacer celui de territoire d’outre-mer.
Bref, un sac de nœuds.
270 pages – 12,30 €
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