Au royaume d’Ubu
C’est
une reprise du post du 11 mars 2009. Je profite de cette journée de l’ascension
christique, jour férié-carillonné réputé de « faible audience » pour
cause de pont-prolongé, pour reprendre un vieux post retrouvé par hasard sur
une de mes clés USB qui n’a pas succombé à mon « incident
vénitien ».
Et pour
cause, c’est celle que j’ai sur moi en toutes circonstances…
Le jour
où je me fais arrêter par les polyvalents… il y a le détail de tous mes comptes
dessus !
Naturellement,
c’est une histoire vécue absolument authentique du temps où j’habitais en la « Kapitale-sur-la-Seine »
et n’étais encore que « I² », rapportée sur le mode ironique qui va
si bien à vos « sachants ».
Un citoyen irresponsable constate qu’un arbre penche
dangereusement dans la ville.
Il en interpelle l’élu de quartier.
L’élu de quartier fait un détour sur place et constate
à son tour qu’un arbre penche dans la ville.
Il émet une note à son maire d’arrondissement.
Le maire d’arrondissement informe les services de la
mairie centrale qu’un arbre penche dans la ville.
Les services de Monsieur le « Maire-central » (c’était « De-la-Nuée » à l’époque)
émettent une note à l’adresse que secrétariat de Monsieur le « Maire-central »
informant le « Maire-central » qu’un arbre penche dans la ville.
Le « Maire-central » indique aux services de son
adjoint chargé des « jardins z’et parcs » (et cimetières) qu’un arbre penche
dans la ville.
Par retour, le secrétariat de l’adjoint chargé des «
jardins z’et parcs » (et cimetières) informe l’adjoint du Maire-central avoir
reçu une note d’information interne à propos d’un arbre qui penche dans la
ville.
Le maire adjoint chargé des « jardins z’et parcs » (et
cimetières) demande également à ses service d’avertir le directeur des services
d’entretien des « jardins z’et parcs (et cimetières) et de bien vouloir aller
constater si un arbre penche dans la ville et, dans l’affirmative, de
déterminer quelles sont les mesures z’éventuelles z’à prendre.
Le directeur des « jardins z’et parcs » (et
cimetières) de la ville dépêche une équipe sur place et lui demande un rapport
circonstancier de l’état des lieux à l’endroit où l’arbre penche.
L’équipe technique se transporte sur place et constate
qu’un arbre penche dans la ville comme indiqué.
Mais s’agissant d’un arbre planté le long de la voie
publique, hors tout « jardin, parc » (et cimetières), déclare le service des «
jardins z'et parcs » (et cimetières) incompétent pour émettre un avis.
Le directeur des « jardins z’et parcs » (et
cimetières) de la ville rend un rapport sans suite et suggère de transmettre à
l’adjoint au maire chargé de la sécurité publique et des transports sur la voie
publique à son élu.
L’adjoint au maire chargé des « jardins z’et parcs »
(et cimetières) transmet l’information au secrétariat du « Maire-central ».
Le « Maire-central » fait suivre à son adjoint chargé
de la sécurité publique et des transports, le… dossier de l’arbre qui penche
dans la ville.
Monsieur l’adjoint à la « sécurité publique et aux
transports » communique aux services de la voirie l’information selon laquelle
un arbre pencherait dans la ville.
L’ingénieur des ponts et chaussées, directeur de la voirie,
émet une note de service à ses services, leur enjoignant de se rendre sur
place, de constater l’état des lieux et de suggérer quelques solutions idoines,
adéquates, et autres mesures z’éventuelles à prendre.
L’équipe technique se rend sur place au retour de la
récupération des RTT « du chef » et constate que l’arbre qui penche dans la
ville est un platane commun, planté-là depuis plus de 15 ans selon la vieille
habitude remontant à Bonaparte de planter des platanes le long des voies de
cheminement pour procurer de l’ombre aux troupes z’à pied et z’en déplacement.
Toutefois, compte tenu de l’absence d’archive sur le «
feuillu sujet », il suggère qu’un ingénieur forestier émette un diagnostic
quant à l’éventuelle dangerosité du platane qui penche avant de prendre une
décision propre à assurer la sécurité sur la voie publique.
L’ingénieur des ponts et chaussées dirigeant les
services de la voirie de la ville, rend un rapport à son élu, insistant sur le
fait que ses services sont incompétents à déterminer, en l’état, la dangerosité
de l’arbre qui penche dans la ville.
L’élu en charge de la sécurité publique et des
transports renvoie le dossier aux services de son collègue chargé des « jardins
z’et parcs » (et cimetières) en le priant de solliciter ses services pour
établir un diagnostic quant à la dangerosité de l’arbre qui penche dans la
ville.
Le directeur des services des « jardins z’et parcs »
(et cimetières) s’enquiert auprès de son élu d’un budget pour mandater un
ingénieur forestier afin d’émettre un diagnostic sur la dangerosité de l’arbre
qui penche dans la ville.
L’adjoint aux finances, recevant l’ordre de mission
accompagné d’un devis d’expertise d’un ingénieur des eaux et forêts
habituellement requis par la « Mairie-centrale » à propos de l’arbre qui penche
dans la ville, évoque, avec ses services, la situation de trésorerie de la ville
et questionne le « Maire-central » sur l’urgence de la dépense après avoir
deviser avec lui de sa pertinence.
Monsieur le « Maire-central » signe l’engagement de
dépense, devant l’insistance du maire d’arrondissement (d’opposition), dont il
vient de recevoir un courrier auquel il n’a pas encore répondu, s’inquiétant
pour la seconde fois de l’inaction des services de la ville quand la sécurité
des citoyens est menacée par l’arbre qui penche dans la ville.
L’expert « eaux et forêts » arrive sur place,
spécialement interrompu dans sa mission d’expertise des forêts landaises
dévastées par la dernière tempête de 1999, et constate que le platane commun
penche dangereusement dans la ville, au-dessus d’un boulevard fort fréquenté
par des passants pédestres, quelques cyclo-pédaleurs et beaucoup d’automobilistes
en plus de quelques lignes de transport en commun par bus…
L’avis est d’ailleurs sollicité sur la dangerosité de
l’arbre qui penche dans la ville auprès de la Régie Autonome qui gère les lignes
d’autobus.
Un inspecteur se déplace très vite sur place et estime
que « sauf chute inopinée de l’arbre qui
penche dans la ville », le trafic peut être assuré en toute sécurité.
Recevant cet avis… « avisé », l’expert « eaux et
forêts » recommande quand même l’abattage du végétal et son remplacement par un
congénère de la même espèce « afin de ne
pas troubler l’harmonie végétale de ce boulevard ».
Toutefois, précise-t-il, l’arbre qui penche dans la
ville « est porteur d’un nid dont il ne saurait
déterminer s’il s’agit ou non d’une espèce protégée ».
Il suggère un complément d’enquête à effectuer par des
services spécialisés en soulignant que les sous-sols environnants sont supposés
contenir des conduits d’eau usée et pluviale, des conduits d’eau de ville, des
câbles électriques de basse et moyenne tension, des câbles téléphoniques, des
conduits de gaz de ville, ceux de la vapeur de chauffage urbain et
vraisemblablement des conduits d’air comprimé utilisé dans les cabinets
dentaires.
Prudent comme il sied à un fonctionnaire assermenté, il
recommande, avant tout travaux de replantation suite à l’abattage du « végétal
feuillu » qui penche dans la ville de se renseigner auprès des propriétaires
des réseaux mentionnés quant aux éventuelles contraintes d’une replantation à l’identique.
L’élu chargé des « jardins z’et parcs » (et cimetières)
s’enquiert auprès de son collègue des finances de la possibilité de détacher un
vétérinaire de l’agence municipale de la sécurité alimentaire auprès des écoles
communales pour identifier l’espèce qui niche dans l’arbre qui penche dans la
ville.
Le secrétariat du « Maire-central » circularise les gestionnaires
des « réseaux » susceptibles de donner leur avis sur les travaux prévus d’abattage
et de replantation, de bien vouloir faire un inventaire sous huitaine des biens
« possédés » par eux dans les sous-sols !
L’élu, adjoint en charge des « affaires scolaires,
périscolaires et de la jeunesse et des sports » s’enquiert à son tour auprès de
ses Services de la possibilité de missionner un vétérinaire des services pour
identifier le couple de volatile nicheur.
Un premier rendez-vous est organisé sur place, au pied
de l’arbre qui penche dans la ville.
Le vétérinaire, ne peut pas être totalement
affirmatif. Le nid semble être déserté. Il faudrait une échelle ou une nacelle
pour vérifier l’identité de l’espèce nicheuse… en hauteur.
La caserne voisine des pompiers sollicités par
courrier adressé à l’état-major, refusent de prêter une échelle.
Les directeurs des services de la voirie, des «
jardins z’et parcs » (et cimetières) et des « affaires scolaires et
périscolaires et de la jeunesse et des sports » conviennent d’un rendez-vous de
travail avec toutes les personnes et services concernés, pour organiser la
montée en nacelle de la sous-direction de l’éclairage public sollicitée, mise à
disposition du vétérinaire pressenti, l’interruption de la circulation
automobile et faire les déclarations et demandes d’autorisations préalables
auprès de la préfecture.
L’autorisation préfectorale étant délivrée, le vent
pas trop fort, le vétérinaire des écoles parvient au sommet du nid et constate,
d’après les plumes laissées par les volatiles alors même que le nid est
déserté, qu’il s’agit du nid d’une espèce assez commune de « crécelle urbaine
en fa mineur ».
Le vétérinaire envoie son rapport à qui de droit, qui
remonte d’adjoint en adjoint au « Maire-central », qui lisant que tous les avis
(hors ceux des « propriétaires de réseaux en sous-sols » qui n’ont pas daigné
répondre) sont favorables à l’abattage du platane commun convergent à le
pousser à prendre la décision d’abattage.
La décision municipale est affichée sur ledit arbre
qui penche : Monsieur le « Maire-central » peut enfin expliquer au marie d’arrondissement
(qui en est à sa seconde relance) « qu’il
a pris très au sérieux cette affaire, qui le tenait à cœur, conformément au
principe de précaution et de la garantie à apporter à la sécurité des citoyens (…)
et autres usagers de transports en commun
et fera abattre l’arbre qui penche dans la ville » !
Les services de la sécurité publique et des
transports, la subdivision voirie, seront chargés de l’abattage.
Le service des « jardins z’et parcs » (et cimetières)
passeront ensuite « dessoucher » les racines.
Le service des « eaux et forêts » se chargera de
replanter un arbre de la même essence après avoir « maçonné » un trou assez
grand, lui-même remis en terre végétale appropriée sous le contrôle d’un
ingénieur des eaux et forêts repartis dans la forêt landaise martyre de la
tempête de 1999…
Naturellement, tout ceci sera confirmé par notes de
service internes et croisées et après que les services des finances de la ville
aient collecté tous les devis et ordres de mission, que le service juridique
ait vérifié les clauses et modes d’indexation des entreprises privées
sollicitées, rédigé et validé les appels d’offre indispensables et que le
Trésor publique ait vérifié disposer des fonds nécessaires qui seront affectés
à l’opération.
Par malchance, une association écologiste de «
riverains en colère » pétitionne depuis l’affichage de la décision d’abattre l’arbre.
Ils ont recueilli 200 signatures, plus ou moins
frelatées, en quelques jours et la pétition parvient sur le bureau du «
Maire-central »…
La « crécelle en fa mineur » est une espèce non
protégée mais inscrite au patrimoine de l’univers génétique : Elle ne saurait
disparaître des rues de la ville au motif suranné et bien dérisoire du
remplacement d’un arbre qui penche dans la ville, fut-ce un platane commun, par
un autre platane commun.
« C’est l’habitat
des volatiles que l’homme détruit pour son confort ! Un « Maire-central » qui
se respecte ne saurait ainsi menacer les petites bêtes à plume. »
Car, comme chacun le sait bien depuis les dernières
élections municipales, « qui n’aime pas
les bêtes n’aime pas les hommes ! »
(Une
injure pour celui qui n’aime que les hommes…)
Ceci dit, le soir de la récente grande tempête de
2009, le platane est tombé et, pour être le seul de la ville à l’avoir fait
dans un grand fracas, il a, bien heureusement, pris la précaution de ne faire
aucune victime...
C’est qu’il était devenu dangereux, à force de pencher
pour aller chercher de la lumière vers les réverbères nocturnes au-delà de ce
que ses voisins bien plus haut, lui laissaient voire de soleil !
Les pompiers sont venus dégager le boulevard à grand
coups de tronçonneuses, équipés de phare puissants pour « trouer la nuit ».
La semaine suivante, les services la voirie ont été
dépêchés en urgence pour ramasser les bûches.
Bien plus tard, les « dessoucheurs des jardins z’et
parcs » (et cimetières) ont fait leur office.
L’entreprise pressentie pour refaire un coffrage a
reçu un ordre de service et un acompte pour retirer la terre et les souches
restantes, bétonner une étanchéité suffisamment large pour éviter aux racines
du futur platane commun à installer au lieu et place de l’arbre qui penche dans
la ville, d’aller se noyer dans les conduits d’égout et eaux usées.
Une personne a glissé de côté et s’est fracturée le
col du fémur dans le trou « en consolidation ». Elle a été évacuée à l’hôpital
voisin par la caserne des pompiers la plus proche.
Le Service juridique-central de la Ville s’est penchée
sur les éventuelles responsabilités et recours des uns à l’encontre des autres
et a émis une « note blanche » non datée à l’adresse du « Maire-central »,
laissant entendre que si la victime déposait plainte, il serait difficile de se
dégager d’une responsabilité au moins civile par une condamnation
vraisemblablement in solidum des
acteurs divers.
Le surlendemain, le service de la voirie est allé
chercher de la terre végétale laissée en jachère par les services des eaux et
forêts de la ville dans le bois voisin pour combler le trou de terre meuble.
On en est là aujourd’hui : On attend l’arbre, mais il
y a eu rupture de contrat vis-à-vis du paysagiste chargé de la replantation qui
s’inquiète de dépoter un arbre majeur et commun dans une terre souillée des
déjections canines qui n’est pas la leur !
Je sais tout cela, car cet arbre qui penchait, je le
croisais tous les matins sans vraiment y faire attention, en allant essayer de
gagner ma maigre pitance tous les jours ouvrables depuis près de dix ans, afin
de payer mes impôts locaux qui font vivre toutes ces personnes hautement
expertes sollicitées par « mes » élus.
Je ne lui ai jamais demandé comment il allait : Mais
c'est promis, à son successeur j’irai dire des mots d’amitié en passant, afin
qu’il pousse droit et que je ne m’inquiète pas de ce délire ubuesque de
délirium très z’épais de l’administration municipale...
Payées avec des impôts locaux et la bonne conscience
du devoir de servir le citoyen irresponsable délateur des « arbres qui penchent
».
Et si la « crécelle en ut majeur et crête rouge »
vient remplacer, un jour, la « crécelle en fa mineur », je saurai m’en
contenter.
Depuis
l’arbre de remplacement est prématurément décédé et a été remplacé dans un
délai « normal » par un autre qui a également péri.
Je suis
récemment repassé par-là : Le troisième exemplaire du feuillu semble
vouloir s’accrocher à son pot de béton, mais il n’est pas encore assez solide
pour supporter un nid de crécelle commun en ut majeur ou en fa mineur.
En
revanche, les chiens du quartier se font une joie de « poser leur marque »
sur la grille de protection du tronc.
C’est
tout-à-fait charmant…
Bonne
journée à toutes et à tous !
I3
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