Pas de vice de consentement ou de fraude
C’est tout chaud ;
ça vient à peine de tomber.
Voilà une dame K…
qui fait « couveuse » dans le civil et qui est victime d’un accident
du travail.
Les attendus ne le
précisent pas, mais peut-être qu’elle a glissé sur une fiente et s’est fait
très mal au passage pour, après les soins idoines prodigués par la science
médicale, ne plus pouvoir reprendre son travail dans des conditions normales et
est même déclarée « inapte ».
Très bien.
Que fait son
employeur ? Il a le choix entre la recaser au rangement de l’élevage (ou
de la grange à outils) ou de s’en séparer.
La dame K…, à qui
on propose une rupture conventionnelle moyennant quelques indemnités
bienvenues, signe ladite convention, part avec son chèque et cette convention
est validée par l’autorité administrative compétente.
Avec son chèque,
elle consulte un avocat « spécialiste » qui, moyennant quelques
honoraires, se fait fort de plaider le vice de consentement de sa cliente.
Prud’homme, Cour d’appel
et enfin cassation… cinq ans plus tard.
Cour de
cassation – Chambre sociale
Arrêt n°703 du
09 mai 2019 (17-28.767)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Président : M.
Cathala
Rapporteur : Mme
Valéry, conseiller référendaire
Avocat général :
M. Liffran
Avocat(s) : SCP
Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston
Demandeur : Mme
R... K...
Défendeur :
société AFR France
Sur le moyen unique,
pris en sa première branche :
Attendu, selon
l’arrêt attaqué (Bordeaux, 4 octobre 2017), que Mme K... a été engagée par la société Arbor France,
devenue la société AFR France, en qualité d’employée élevage et couvoir ; que
victime d’un accident du travail, elle a été déclarée inapte à son poste de
travail par deux examens des 1er et 16 avril 2014 ; que les parties
au contrat de travail ont signé une convention de rupture le 25 avril 2014 ;
Attendu que la
salariée fait grief à l’arrêt de dire que la rupture conventionnelle a été
régulièrement homologuée par l’autorité administrative et ne peut être remise
en cause et, en conséquence de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen,
qu’est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance
des obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur par
les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié
régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail ;
qu’en jugeant dès lors qu’en l’absence d’invocation d’un vice du consentement
et de démonstration d’une fraude de l’employeur, la rupture conventionnelle du
contrat de travail était régulière et ne pouvait être remise en cause, quand
elle constatait, d’une part, qu’à la suite d’un accident du travail du 4
juillet 2011 Mme N... avait été déclarée définitivement inapte par avis des 1er
et 16 avril 2014, d’autre part, que la salariée avait conclu avec l’employeur
une rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 avril suivant, ce dont
il résultait que la rupture du contrat de travail, même d’un commun accord,
était nulle pour avoir un objet illicite et contrevenir aux obligations
spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur par les articles L.
1226-10 et L. 1226-12 du code du travail au profit du salarié régulièrement
déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail, la cour
d’appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que
la cour d’appel a retenu à bon droit que, sauf cas de fraude ou de vice du
consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture pouvait être
valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un
accident du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il
n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les
deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du moyen annexées, qui ne
sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le
pourvoi ;
Cette décision
confirme donc que la rupture conventionnelle est parfaitement possible, nonobstant
la violation (apparente) de règles d’ordre public (incontournables qui s’imposent
au juge même quand elles ne sont pas évoquées), au moins dans le cas d’un
salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail, seulement s’il n'y
a pas de vice de consentement ou s’il n'existe pas de fraude de la part de l’employeur.
Comme le vice ou la
fraude ne sont qu’évoqués sans en apporter le moindre élément de preuve (même
pas une petite présomption factuelle), la dame N… est lourdement déboutée
(après s’être fait piquer son pognon par ses « baveux ») !
Il est toutefois à
noter que l’administration compétente, qui valide les ruptures
conventionnelles, avait expressément écarté la possibilité d’une fraude en
indiquant que cette rupture conventionnelle ne s’inscrivait pas « dans une démarche visant à contourner des
procédures et des garanties légales » dont celle « des procédures de rupture pour inaptitude
médicale ».
Mal barré, le
baveux, sur ce coup-là : Il aurait dû lire la décision (qui fait foi sauf invalidation
à la suite d’un recours administratif, gracieux ou contentieux…), car elle s’impose
au juge du fond.
Notez que, d’un
autre côté, si dame K… ne s’était pas laissée convaincre de son « bon
droit » dans « le secret du cabinet » (qui reste « absolu »,
mieux qu’un confessionnal depuis la récente décision du Pape François 1er
à propos des atteintes sexuelles des membres du clergé), on n’aurait jamais
rien su de la portée de ce « détail ».
Comme quoi, le
droit avance même avec ses échecs qui se servent finalement de cobayes de
passage !
Il suffit d’en
trouver un qui se rend volontaire…
Un conseil (si vous
glissez sur une fiente à l’occasion d’une période de travail pendant laquelle
vous êtes sous la « protection juridique de votre employeur », qui vous
doit un minimum de sécurité… physique et morale) : Consulter un « vrai »
spécialiste avant de signer quoique ce soit.
Et ça vaut même
pour les accidents du trajet qui vous rendraient « inaptes ».
Quant à l’inaptitude
du « baveux », rien n’est affirmé dans cet arrêt.
Dommage, mais on
peut aussi comprendre puisqu’on lui doit finalement « une fière chandelle »…
Bonne fin de
week-end à toutes et à tous (dans l’attente d’éventuelles précisions) !
I3
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