La vie des bêtes…
Il faut se méfier des bestiaux. Non pas parce qu’ils
sont probablement assez kons et parfois dangereux, mais parce que le Code civil
stipule, toute de suite après avoir affirmé que l’on est responsable du fait des
choses et des commettants que l’on a sous sa garde (Art. 1384) que « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en
sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a
causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »
(Article 1385, Loi n° 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804).
Quid quand deux animaux se rencontrent ?
Et dékonnent ?
La « haute juridiction a récemment rappelé ses
principes issus de la Loi :
Cour de cassation, deuxième chambre civile
Audience publique du jeudi 17 janvier 2019
N° de pourvoi : 17-28861
M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de
président), président.
Maîtres Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP
Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi
incident qui sont identiques :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 5 octobre 2017),
que le (…), Mme E… a été victime d’une chute de cheval alors qu’elle se
promenait avec un autre cavalier et que les chiens de Mme Y… et de Mme Z… se sont
trouvés sur leur chemin ; qu’avec ses parents, M. Alain E… et Mme Christiane E…,
elle a assigné Mme Y… et son assureur, la société Filia-Maif, et Mme Z… et son
assureur, la société Mutuelle de l’Est la Bresse assurances, en indemnisation
de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain
;
Attendu que Mme Y…, Mme Z… et leurs assureurs font
grief à l’arrêt de les déclarer responsables in solidum de l’accident dont a
été victime Mme E…, de les déclarer tenues in solidum à réparer les dommages
causés à Mme Audrey E…, ainsi qu’Alain E… et Christiane E…, alors, selon le
moyen :
1°/ que la responsabilité du propriétaire d’un animal
suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ;
qu’en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l’animal résulte
soit de l’anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu’en l'espèce,
la cour d'appel a constaté que le chien de Mme Y… comme celui de Mme Z… ne se
sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux ; qu’il résultait ainsi
des propres constatations de la cour d’appel qu’il n’y avait eu aucun contact
matériel entre le chien de Mme Y… et la victime ou son cheval ; qu’en affirmant
pour retenir la responsabilité de Mme Y…, que l’engagement de la responsabilité
du gardien de l’animal n’est pas subordonnée au caractère anormal du comportement
de celui-ci, la cour d’appel a violé l’article 1385, devenu 1243, du code civil
;
2°/ que la responsabilité du propriétaire d’un animal
suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ;
qu’en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l'animal résulte
soit de l’anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu’en l'espèce,
la cour d’appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix
mètres des chevaux, qu’ils n’ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel
et, en particulier, qu’ils n’ont pas montré une quelconque agressivité à l’encontre
des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation ; qu’en affirmant
néanmoins que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage est
démontré, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient
de ses propres constatations, a violé l’article 1385, devenu 1243, du code civil
;
3°/ que la responsabilité du propriétaire d’un animal
suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage ;
qu’en l'absence de contact avec la victime, le rôle actif de l’animal résulte
soit de l’anomalie de sa position, soit de son comportement ; qu’en l'espèce,
la cour d’appel a constaté que les chiens ne se sont pas approchés à moins de
dix mètres des chevaux, que, courant dans le chemin, ils n’ont pas eu un
comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n’ont pas montré
une quelconque agressivité à l’encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés
en état de divagation ; qu’en affirmant que la seule circonstance qu’à la vue des
chiens, le cheval de Mme E… ait pu être apeuré ou se soit affolé sous l’effet
de l’emballement du cheval de M. F… qui le précédait, suffisait à établir le
rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage, la cour d’appel a violé l’article
1385, devenu 1243, du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé d’une part qu’alors que
les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l’impasse dans
laquelle ils s’étaient engagés au pas, deux gros chiens qui jouaient ensemble
se sont soudain mis à courir vers eux, d’autre part que ces deux chiens de
grosse taille, débouchant du talus en surplomb en courant en direction des
chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F… , quand bien même ils ne se
sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n’ont montré aucune
agressivité et que la chute de Mme E…, cavalière confirmée et de très bon
niveau, ne peut s’expliquer que par l'emballement de son propre cheval, soit du
fait des chiens, soit du fait du cheval de M. F… lui-même affolé par les chiens
et enfin souligné que le fait que ces deux gros chiens non tenus en laisse
soient arrivés en courant d’un talus en surplomb non visible a accentué l’effet
de surprise et de peur au moins pour le premier cheval, la cour d’appel, qui a
ainsi caractérisé le comportement anormal des chiens a pu, par ces seuls motifs
et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche
du moyen, retenir que Mme Y… et Mme Z…, propriétaires des chiens à l’origine du
dommage, devaient indemniser les consorts E… ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme Y…, la société Filia-Maif, Mme Z… et la
société Mutuelle de l’Est la Bresse assurances aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette
la demande de Mme Y… et la société Filia Maif ; condamne Mme Y…, la société
Filia-Maif, Mme Z… et la société Mutuelle de l’Est la Bresse assurances in
solidum à payer à Mmes Audrey et Christiane E… et M. Alain E… la somme globale
de 3.000 euros ;
(Etc.)
Autrement dit, si le propriétaire d’un animal est de
plein droit responsable des accidents qu’il provoque, même en l’absence d’un
comportement fautif de l’animal (comment peut-il savoir qu’il est fautif ou
non, puisqu’il ne paiera jamais d’impôt ?), il suffit de démontrer son
rôle actif dans le dommage causé à une autre personne pour passer par la caisse.
En l’occurrence, si vous avez suivi le texte ci-dessus,
deux chiens provoquent la chute d’un cavalier qui randonnait. Le cheval de la
victime a pris peur à la vue des chiens qui ne se sont pas approchés à moins de
dix mètres de lui. Il n’y a donc pas eu de contact physique entre les animaux,
ni entre la victime très expérimentée et les chiens.
En outre, le comportement des chiens est qualifié de normal
(pas de divagation, pas d’agressivité), mais n’étaient pas tenus en laisse à l’approche
des cavaliers.
La Cour de cassation estime, dans l’appréciation que
font les juges du fond qui relèvent et qualifient les faits, que l’emballement
des chevaux à la vue des chiens suffit à lui seul à établir le rôle actif des
chiens dans la réalisation du dommage causé au cavalier victime…
Et la règle vaudra tout autant pour ces chiens qui attaquent
des brebis vers Porticcio (« Corsica-Bella-Tchi-Tchi »), ces jours-ci.
Ce cas est à rapprocher d’une décision du tribunal le
tribunal d'Innsbruck, dans le Tyrol autrichien qui met en ébullition la
fédération agricole locale.
La victime, une vacancière, se promenait avec son
chien lorsqu’elle avait été chargée par une vache, au moment où elle traversait
un troupeau comprenant des petits.
Les faits s’étaient passés dans le Stubaital, en
juillet 2014.
L’éleveur du bovin a été condamné à 490.000 euros d’amende, comprenant
des dommages et intérêts, ainsi qu’à verser aux deux hommes une somme mensuelle
de 1.500 euros !
De quoi mettre en effervescence le petit monde
agricole local, car, selon eux, la décision remettrait en question leur « modèle
agricole ».
Selon le président de la province du Tyrol, ce
jugement est une « catastrophe »
pour le monde agricole et aura « des
conséquences fatales » dans un pays où le tourisme estival est
florissant et se conjugue avec une activité d’élevage en montagne également
très préservée.
La Chambre d’agriculture régionale dit avoir été déjà
contactée par de nombreux agriculteurs « qui veulent savoir s’ils peuvent encore laisser paître leurs vaches sur
les alpages ou s’ils doivent complètement clôturer les pâtures ».
Le paysan condamné avait pourtant fait valoir qu’il
avait mis en place des panneaux d’avertissement signalant les troupeaux de
vaches allaitantes (comme quoi ça reste dangereux tant que ça ne se retrouve
pas dans votre assiette sous forme de steak), mais le tribunal d’Innsbruck a
considéré que l’endroit de l’accident était un point de passage « névralgique »
qui aurait dû être clôturé.
L’éleveur a fait appel.
La confirmation de ce jugement signifierait « la fin de nos alpages », a tranché
la fédération des agriculteurs autrichiens. L’avocat des plaignants a rejeté
cet argument qui vise à « faire
pression sur la justice » alors que la décision concerne un « cas unique et particulier ».
Il faut dire que le pastoralisme en altitude et la
randonnée en montagne sont tous deux fortement associés à l’image de marque de
l’Autriche, notamment au Tyrol, province prospère où le tourisme d’été et d’hiver
représente 17,5 % du PIB.
Pour ma part, j’en conclue qu’une « vie de chien »
reste une vie de chien.
Ce n’est pas que je ne les aime pas, mais ce sont eux
qui soit me pissent sur les bas de pantalon, soit sautent de joie en me voyant
arriver de loin pour planter leur pattes en plein élan juste « là où il ne
faut pas » !
Et ça fait mal…
Ça a beau être le plus fidèle des amis, ce n’est pas
toujours un ami : Vérifiez donc votre assurance-responsabilité avant de le
sortir faire ses « étrons » dans les caniveaux…
Et puis si vous avez vraiment besoin d’un ATA (Animal
Transitionnel Affectif, un peu comme les « doudous » des bébés
qui sont qualifiés d’OTA), je vous conseille le poisson rouge… parce que le boa
constrictor risque de bouffer votre matou sans prévenir !
Bonne fin de week-end à toutes et à tous !
I3
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