Assemblée générale de l’ONU…
Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, quoique…
nous étions un grand nombre à penser que le « monde d’avant » ne
pouvait disparaître qu’après s’être effondré.
Effondré à l’occasion d’une de ces crises magistrales
dont il a le secret depuis 2001 (première année « de l’an
mille qui vient après l’an mille »). Ça va être bien plus
compliqué que ça, semble-t-il, parce que ses crises, « l’ordre mondial »
les digère les unes après les autres et probablement jusqu’à celle qui l’emportera
dans les poubelles de l’Histoire.
Le « monde de Yalta » a probablement du
plomb dans l’aile il en a aussi dans la cervelle et sait faire de la « résistance
sauvage ».
Je résume : Les chefs d’États du monde entier se
succédaient à la tribune pour leur discours annuel à l’Assemblée Générale de l’ONU
la semaine dernière.
Un événement central ? Non : Pas du tout !
Parce que les dirigeants chinois, indien et russe ne
se sont même pas déplacés à New-York…
C’est la confirmation de la naissance d’une nouvelle
organisation mondiale dont la Chine assure désormais le leadership face à l’unatéralisme-trompien.
Celui-là, il déchire sans le savoir, mais avec
constance, un siècle d’Histoire, ponctué par deux guerres mondiales qui ont
fait l’unité du monde occidental.
Principal instrument de ce nouvel ordre mondial : L’organisation
de coopération de Shanghai qui réunit la Chine, la Russie, d’anciennes
républiques soviétiques, l’Inde et le Pakistan. Soit 3,2 milliards d’habitants
et 37.000 milliards d’US$ de PIB, ou environ 50 % de la population et du revenu
mondial annuel du globe.
Un ensemble jeune, en pleine expansion économique et
assumant pleinement ses valeurs anti-occidentales (refus du modèle de la
démocratie libérale, absence de volonté interventionniste dans les affaires
internationales).
Un nouveau monde.
D’ici 2050, l’Indonésie, le Brésil et/ou le Mexique
auront « sorti » la « Gauloisie » et l’UK du G8, deux pays –
sur cinq – bénéficiant d’un droit de veto au Conseil de sécurité de ladite ONU…
C’est dire l’obsolescence programmée du « Machin » !
Cette année, Xi Jinping, Narendra Modi, « Vlad. Poux-Tine »
ont brillé par leur absence. Or, la Chine et l’Inde seront pourtant les
puissances démographiques et économiques majeures du XXIème siècle
balbutiant, et la Russie est une puissance régionale qui compte, grâce à son engagement
militaire. Ces absences font mieux que souligner en creux la perte d’influence
de l’organisation, le « Machin », elles mettent en lumière un fait
majeur : Un autre ordre multilatéral est en train de naître, dont l’Occident
sera cette fois le parent pauvre.
C’est assez curieux, car on aurait pu avoir l’impression,
depuis l’arrivée au pouvoir de « MacDo-Trompe », que les États-Unis
étaient les champions de la charge contre le multilatéralisme. Avec son
programme d’« America First », où la
relation bilatérale et le protectionnisme sont préférés, le président
américain n’a pas ménagé ses coups de boutoir envers aucune institution, de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) aux Nations unies, en passant par l’ALENA, le
Tribunal International Pénal, et j’en passe.
Convaincu que ces arrangements « entre amis »
lui rapportaient finalement assez peu, il préfère améliorer son jeu en
profitant du rapport de force dont il dispose encore pour un temps.
Abus de position dominante = aveu de faiblesse future…
Notons toutefois que la déliquescence de l’organisation
de l’ordre mondial telle que nous la connaissons est plus ancienne. Elle date
de deux chocs successifs. Celui du 11
septembre 2001, puis de la crise financière de 2008, qui ont débouché sur une «
contestation de l’ordre occidental »,
explique diplomate. Il constate que jusque-là, les « Brics » (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) avaient profité de la globalisation pour
moderniser leurs économies et asseoir leur statut de puissances émergentes.
Mais hors la Chine et l’Inde, les « Brics »
ne sont pas dans un état flamboyant.
Et encore, les deux pays cités doivent faire face à
des problèmes pour le moins « difficiles » : Un torrent
tumultueux plutôt qu’un long fleuve tranquille.
L’attentat du 11 septembre est perçu comme un refus
des valeurs libérales occidentales, tandis que la crise financière – dont les
économies émergentes vont être une des premières victimes – les ébranle
profondément.
Si elles ont été favorables à la mondialisation, elles
souhaitent désormais en réécrire les règles. En commençant par refuser l’occidentalisation.
D’où l’hindouisme triomphant de Modi ou l’exaltation de
la Turquie de Soliman par « Air-Do-Gan ».
Voire l’OPEP qui se moque bien des injonctions de leur
« protecteur » américain.
Demain, la même organisation décide de fermer ses
puits comme en 1973, ce n’est plus un « choc pétrolier », c’est un
tsunami qui va ravager l’occident…
Et les « émergeants » auront la ressource de
se tourner vers l’Iran ou le Venezuela, la Chine de se retourner vers ses
centrales à charbon alors que l’Europe sera privé du gaz russe et le Japon
obligé de démultiplier dans l’urgence ses centrales nucléaires.
C’est juste une question de tempo…
Il y a lieu de se rendre compte que la formidable
locomotive qu’est devenue la Chine, derrière laquelle beaucoup de pays
souhaitent s’arrimer, lui permet de devenir dès aujourd’hui le leader du « monde
d’après » qui émerge. En quarante ans, elle s’est profondément enrichie et
transformée. Et sa nouvelle puissance lui permet de réorganiser l’ordre international
comme elle le voit… autour de « l’empire du Milieu ».
Elle veut devenir le leader technologique du XXIème
siècle, se réarme et se crée des obligés et des débouchés sur la moitié de la
planète avec son programme « one belt, one road » (une ceinture, une
route).
Et elle finance déjà la Banque asiatique d’investissement
pour les infrastructures, qui entend marcher sur les plates-bandes du FMI comme
de la Banque mondiale, noue des deals avec les continents de l’hémisphère sud,
s’implante sur des îlots désertés…
Enfin, la Chine soutient de nouvelles instances
intergouvernementales, comme l’Organisation
de coopération de Shanghai. Conçue à son époque comme une réponse à l’effondrement
de l’URSS qui promeut la coopération économique et sécuritaire, celle-ci réunit
la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan
(la ceinture). L’an passé, elle a accueilli l’Inde et le Pakistan. Et,
contrairement aux États-Unis, la Chine continue d’investir dans les
organisations internationales de l’après-guerre, réclamant ou conquérant davantage
de poids autant au FMI qu’aux Nations unies, et profite à loisir de la tribune
de Davos.
Quant « à la route », elle est déjà tracé à
travers le continent : La nouvelle route de la soie tirée jusqu’à Berlin,
mais aussi les routes océaniques avec des escales jusqu’aux Pirée ou en Islande…
« Jupiter » aurait raison : Le
multilatéralisme est donc loin d’être mort. Mais son épicentre a bougé. Il n’est
plus sur la 47ème rue Est à New York, qui a démontré son impuissance
à résoudre les conflits, notamment la crise syrienne (et partout ailleurs).
Surtout, les solidarités et les ambitions sont différentes.
Les « émergents » se tiennent les coudes, se
retrouvent sur des valeurs anti-occidentales, et sont surtout non-interventionnistes.
L’Inde est désormais collée à la Russie, la Chine anime une coalition
hétéroclite d’obligés, du Pakistan à la Corée du Nord. De nombreux pays d’Afrique
ou d’Amérique latine peuvent y trouver leur compte, soit par intérêt
économique, soit par anti-américanisme.
« Poux-Tine » s’intéresse d’ailleurs davantage
à l’organisation de Shanghai qu’à réintégrer un G8 dont il sait déjà que la « Gauloisie-étriquée »
et le Royaume-Uni seront sortis dès 2030, au pire à l’horizon 2050.
Pour les Occidentaux, « il est urgent de trier entre ce qui est fondamental et ce qui peut
relever d’un compromis avant que les Chinois ne nous mettent devant le fait
accompli » en disait encore un ex-sinistre des affaires étrangères avec un
certain bon sens (ce qui reste rare chez les « soces-dogmatiques » et
mérite d’être souligné).
Dans son dernier ouvrage, « Quand le Sud réinvente le
monde » (La Découverte), l’auteur, expert en relations internationales, décrit
la fin d’un système international « westphalien » – qui tire son nom
de la paix de Wesphalie en 1648, et qui s’organisait autour d’États, de souveraineté,
de territorialité.
Certes, mais ma référence à Yalta où les futurs
vainqueurs de la dernière guerre mondiale se partageait le globe n’est pas « hors-sujet ».
À la faveur de la globalisation, expliquait-il, « on découvre que la stabilité internationale
ne dépend plus tellement de l’équilibre de puissances, mais de l’équilibre très
précaire des conditions sociales. Autrement dit, le positionnement du faible et
son excès d’impuissance deviennent presque mécaniquement la source des grandes
menaces qui pèsent sur la stabilité de l’ensemble. »
Je veux…
C’est quand on n’a plus rien à perdre que l’on prend
les armes pour aller voir si l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin.
Saddam Hussein au Koweït, les printemps arabes et leurs
conséquences, la crise grecque qui a menacé l’édifice européen, en sont des
illustrations brillantes.
On peut aussi en dire autant des réfugiés syriens,
comme autrefois des palestiniens au Liban, ou encore aujourd’hui comme ça se
passe en Afrique sub-saharienne…
De plus, l’auteur notait également que, désormais, l’acteur
régional, voire l’acteur local, détient plus de capacités que l’acteur mondial :
Pour preuve, l’Iran, la Turquie, mais aussi les groupes terroristes ont une
capacité d’action supérieure à celle de puissances mondiales dans le conflit
syrien, par exemple.
Et rappelez-vous donc du discours
aux ambassadeurs de « Jupiter », où il constatait lui-même
que « les nationalismes se sont
réveillés. L’Europe affadie est affaiblie. Le système multilatéral est remis en
cause par des acteurs moyens et des régimes autoritaires. »
Bien vu…
Lui apporte toutefois une réponse « pour une refondation en profondeur de notre
ordre mondial » : Il s’agit de construire des alliances tactiques pour
« la protection des biens communs mis en
danger par la crise du multilatéralisme et la politique des États-Unis ».
Climat, éducation, santé, espace numérique, commerce
international : Une stratégie multilatérale qui se gère chapitre par chapitre,
et qui dépasse les seuls États, puisqu'il est impératif, à l’instar de la COP
21, d’inclure un maximum d’acteurs non étatiques.
Pas bien certain qu’il puisse trouver des acteurs de
poids…
Je note pour ma part que les modèles « émergeants »
du « monde d’après » autour de la Chine, ont une proportion
inquiétante à maintenir des systèmes socio-économiques « stressants ».
La Russie fait payer cher « russes-autochtones » ses engagements
militaires en Syrie, non pas pour le bonheur des peuples, mais pour garder un
port en eau-profonde au fond de la méditerranée. Elle y reçoit des navires
militaires chinois qui y font relâche…
Et elle arme les syriens de BUK 300 pour, un jour,
interdire l’approche du ciel Palestinien Israélien. C’est bien ce qui
ressort des déclarations des ministres concernés à Moscou.
Ceux-là mêmes qui sont capables de shooter par mégarde
un avion russe de surveillance… ce qui promet pour l’avenir.
L’Iran n’est pas non plus un modèle de démocratie « à
l’occidentale » mais a un pied autour du Golfe persique et « encercle »
son ennemi juré, non pas Israël, mais l’Arabie Saoudite en entretenant un
conflit épouvantable au Yémen, alors que les chinois prennent pied dans la
corne de l’Afrique…
La Chine n’est pas non plus un modèle d’émancipation
démocratique allant jusqu’à refuser, en représailles aux droits de douanes US,
un « droit de mouillage » et de visite à Hong-Kong à un navire militaire
américain…
Et j’en passe, naturellement.
Les relations internationales se tendent sous l’impulsion
de l’administration « Trompe ». Avec une Amérique en profonde
mutation interne sous la conduite des « twists » de leur président.
C’est probablement de là que partira la secousse
déterminante : Un « twist » de trop, la remontée de taux
directeur de la FED, un ralentissement du commerce international et la
globalisation pourrait durablement vaciller.
Alors, alors seulement, les flux de migration
pourraient s’inverser : L’Europe a failli s’étriper pour 58 malheureux
réfugiés encore dernièrement, il n’est même plus envisagé par ceux-là – ou tellement
d’autres venus de pays en conflit – de migrer jusqu’en Angleterre, parce que ce
n’est plus le « paradis-promis » des damnés de la Terre. Ils s’arrêtent
tous avant alors que les flux s’épuisent.
Dans le temps, les russes blancs, les polonais et
plein d’autres venaient jusqu’en « Gauloisie-d’accueil ». Les
Irlandais allaient en Amérique.
Mais si demain vous deviez fuir mon pays (celui que j’aime
tant et qui me le rend si mal…), poussés par la misère rampante, le
déclassement perpétuel, la gabegie des finances publiques ruineuses, où
iriez-vous « migrer » ?
Avec un peu de bol, si vous avez un bon diplôme d’ingénieur
ou que vous baragouiniez le mandarin, la destination idoine sera la Chine :
Ils vont manquer de main-d’œuvre qualifiée, docile et corvéable à merci !
Idem pour l’Inde, située moins loin… mais les vaches y
sont sacrées !
Trop drôle, finalement…
Ce n’est pas ce qui se prépare, mais si l’Europe ne se
soude pas mieux sous la poussée des « nationalismes-étriqués », c’est
clair que la région finira le siècle complètement dépassée !
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