Sérieuses
menaces sur les fish & chips britanniques
Comme je le disais encore hier, ils étaient plus de 700.000 dimanche
dernier à réclamer un référendum pour valider (ou refuser) un éventuel accord de
divorce avec l’UE : Ils ne veulent pas laisser le dernier mot à leurs élus
(et gouvernement). Ils veulent pouvoir dire « yes » or
« no » en leurs lieux et place.
Vous croyez quoi ?
Que ce sont des dogmatiques revanchards ?
Eh bien pas du tout !
Je vous explique ce qui se passe de « tragique » :
Certes Londres, Cardiff, Leeds, l’Écosse et même l’Ulster ont voté à
hauteur de 60 % pour le « remain », alors que l’Angleterre et le pays
de Galles ont voté pour le « leave » en juin 2016. Les villes contre
les banlieues et les campagnes.
Depuis c’est le boxon d’autant que dans la foulée,
« Théière-Mais » a perdu sa majorité absolue et a besoin de l’UKIP
pour – éventuellement – valider un accord encore à trouver et qui se heurte à
l’affaire de la frontière terrestre, la seule, avec l’UE et l’Irlande.
Encore que… tout le monde veut ignorer l’autre frontière, celle avec
l’Espagne et que de toute façon, si accord il y a, personne n’est certain que
les Espagnols n’y mettront pas de veto en ne ratifiant pas le futur traité.
Déjà que même dans le camp conservateur britannique on n’est pas sûr de
trouver une majorité, ça promet quelques moments passablement chauds.
D’autant qu’il y a urgence.
En bref, je me faisais la réflexion qu’ils en sont à gérer l’ingérable.
En commençant pas une extension de la
période de transition, actuellement prévue pour durer jusqu’à fin 2020, qui va
s’imposer pour permettre de donner un peu plus de temps à Londres et Bruxelles
pour négocier leur future relation commerciale avec le continent.
Le ministre britannique chargé du
Brexit, « Dominoc-Raabiot », s’est dit ouvert dimanche à une éventuelle
prolongation de la période de transition après la sortie du Royaume-Uni de l’Union
européenne, à condition qu’elle soit courte et qu’elle s’accompagne d’une « porte de sortie ».
Ça c’est pour contenter son aile
« dure » des « brexiters » et tenter de trouver des
solutions logistiques introuvables…
C’est fort drôle, finalement :
Tout le monde est d’accord sur tout, même quant à la frontière entre la
province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande (membre de l’UE)
que personne ne veut fermer.
« Dominoc-Raabiot » – le
négociateur des britanniques – s’est également dit « confiant » qu’un accord de divorce puisse être trouvé avec l’UE
(il brosse dans le sens du poil des « brexiters »). En tout état de
cause, celui-ci devrait être conclu « d’ici
à la fin novembre » afin de ménager suffisamment de temps pour son
examen au Parlement.
Je vous le dis tout de suite, ça fait
deux ans et demi qu’ils cherchent cet accord introuvable, ils ne vont pas le
trouver en un mois.
De toute façon, même s’il en trouve un,
il sera bancal et aura probablement toutes les chances d’être retoqué par
Westminster.
C’est pour cette raison
« tactique » que les londoniens battaient le pavé dimanche
dernier : Même mauvais, ils veulent un accord et offrent une porte de
sortie au gouvernement.
Mais où se situe le curseur du
« moins mauvais » des deals ?
L’idée d'une prolongation de la période
transitoire post-Brexit a aussi été évoquée lors des négociations entre
Bruxelles et Londres la semaine dernière après l’échec du sommet européen sur
le sujet (ils ont parlé d’autres choses), notamment pour apaiser la tension
autour du problème de cette frontière irlandaise et donner du temps au temps.
Mais en évoquant cette possibilité d’une
prolongation de « quelques mois »
de cette période de transition post-Brexit, « Théière-Mais » s’est attirée
les foudres des « Brexiters », partisans d’une rupture nette, claire,
totale et rapide avec l’UE : Ils estiment avoir déjà trop attendu…
Selon la presse du dimanche, des
députés conservateurs s’apprêteraient d’ailleurs à contester le leadership de
la première ministre dans le courant de cette semaine.
On verra ce que ça va donner.
Pour « Dominoc-Raabiot, toute
extension de la période de transition serait « une alternative » au « filet de sécurité » (« backstop ») demandé par l’UE
pour éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande, a-t-il
écrit par ailleurs dans The Sunday Telegraph (la « moins mauvaise »
solution ?). Cette idée, rejetée en l’état par Londres, prévoit de
maintenir l’Irlande du Nord dans l’union douanière et le marché unique, si
aucune autre solution n’est trouvée et de faire les contrôles douaniers et
sanitaires dans les ports et aéroports.
Je résume : Ils ne savent plus sur
quel pied danser. La quadrature du cercle, les Irlandais du nord refusant
d’être « lâchés » en une vaste zone-franche douanière provisoire par
l’impérial royaume en décomposition, un « provisoire » qui pourrait
durer…
Tout le monde sait ça.
Ce que vous ne savez pas, c’est que le
« global-warming » fait des dégâts dans les esprits : La hausse des températures et les
sécheresses intenses ont frappé les cultures britanniques cet été !
Le prix de la pomme de terre a doublé en quelques mois et certains des 10.500
vendeurs de fish & chips britanniques sont menacés de fermeture !
Le drame.
D’autant que même sur le continent, les frites vont raccourcir tellement
les récoltes ont souffert.
Du poisson, des frites, une sauce tartare… Le fish & chips, plat
devenu traditionnel de la culture anglaise à la place des pies, puddings et sandwichs
au concombre, est en danger et ils manifestent leur inquiétude, rien de
plus !
Même si le marché du cabillaud se porte bien Outre-Manche, pour rester
rentable, les commerçants sont désormais contraints de réduire les portions et
d’en augmenter les prix.
En effet, la plupart des régions d’Angleterre n’ont pas eu de pluie
pendant plus de 50 jours cet été. Un climat qui a considérablement réduit les
récoltes de pomme de terre « qui ne se
développe plus au-delà de 25 degrés » rapportait The Guardian…
« Les cultures de fruits et
légumes n’avaient pas été aussi sèches depuis 80 ans ». Vendu au prix 7
euros avant l’été, le sac de 25 kg de patate en coûte désormais 14.
Chaque année, les Britanniques consomment 170 millions de fish &
chips. Un montant équivalent à 1,5 milliard d’euros par an qui risque cette
année de diminuer et d’attaquer plus franchement le pouvoir d’achat des sujets
de sa très gracieuse Majesté que les économies sur les budgets européens.
Alors on importe à tour de bras.
Sauf qu’à quelques encablures de la date butoir, on craint le pire à Douvres,
l’un des principaux points de passage entre UE et Royaume-Uni.
Et désormais, au pied des falaises blanches, sur le front de mer, cela ne
suffit pas à calmer les inquiétudes des opérateurs.
Avec des pics à 10.500 camions par jour, le port voit passer 17 % du
commerce de biens britanniques, et il risque gros en cas de « Brexit »
sans accord : « Tous les jours,
l’équivalent de 177 km de trafic passe par ici ! Si soudain cela prend du
retard, il y aura des bouchons pare-chocs contre pare-chocs, dans une grande
partie du Kent et du Royaume-Uni. Et des manques de nourriture, de médicaments,
parce que tout sera coincé ici ! »
La patate, mais aussi l’orge (pour la bière et le whisky, même si pour ce
dernier il y a encore des stocks) et plus tard le thé (qui pourrait passer par
d’autres voies en provenance d’Asie).
Aujourd’hui, 2 % seulement des camions subissent des contrôles douaniers à
leur arrivée. En l’absence d’accord, ces opérations pourraient se multiplier,
ce qui inquiète les responsables portuaires.
« Si des contrôles sont mis en
place, cela risque de prendre plus longtemps. Faute de libre circulation, les
chaînes d’approvisionnement britanniques et européennes pourraient être
interrompues. »
Au-delà du manque de douaniers et d’inspecteurs sanitaires, les autorités
portuaires ont fait leurs calculs : Deux minutes de plus – seulement – par
camion engendreraient une trentaine de kilomètres d’embouteillages. Selon une
étude récente de l’organisation professionnelle CIPS, ce genre de délais
pourrait mettre au bord de la banqueroute une entreprise britannique sur dix.
« Ce ne sera pas deux minutes de
retard » s’alarme une autre. « Ce seront des heures et des heures d’attente. »
Coût total ? 1,40 € par minute de retard et par camion !…
Et c’est sans compter la dégradation des produits périssables d’autant qu’il
est déjà trop tard pour l’éviter : « Construire
un lieu pour faire les contrôles sanitaires sur les produits agroalimentaires
prend au minimum un an et demi ».
Alors les « quelques mois » de prolongation à venir…
foutaises !
Les embouteillages qui se profilent sont d’autant plus problématiques à Douvres
que la ville est contrainte d’un côté par la mer et de l’autre par les
falaises. Les autorités locales imaginent déjà installer un immense parking sur
une portion de l’autoroute M20, à 50 km du port. Elles se préparent aussi à
devoir fournir eau, nourriture et toilettes provisoires aux routiers et aux 2,2
millions d’automobilistes annuels, qui pourraient aussi se retrouver en rade.
« Si on a des problèmes pour
commercer ici, nos partenaires peuvent se tourner vers 27 autres pays. Ça va
frapper la communauté locale et les emplois. Le cœur de notre ville, c’est son
port… »
Ça, c’est vu côté anglais. Mais imaginez bien qu’il en va tout autant sur
les ports de la Manche et de la mer du nord côté continent.
La question, la vraie, la véritable, la seule qui compte, c’est en fait
combien de temps vont tenir les britanniques privés de fish & chips, de
bière et de thé ?
Avant de devenir ivre (le whisky) de colère…
Les paris sont ouverts.
Conclusion provisoire, les décisions historiques, c’est bien, mais quand l’intendance
ne suit pas, c’est un désastre qui se profile !
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