Il
s’est pourtant passé tellement de choses… ailleurs !
Ne serait-ce qu’à l’ONU où « Trompe » a réussi une
« sortie » qui a plié de rire l’Assemblée générale,
« Jupiter » qui plaide pour un « ordre nouveau » qui se met
en place tout doucement, les affaires syriennes qui s’emballent (pensez donc,
un avion russe shooté par une munition russe !), les mots
« cinglants » en « Gauloisie-jupitérienne » à l’égard de
« Manu », les lois de finances et de sécurité sociale qui sont
sorties après les durs arbitrages de l’été-caniculaire.
On y reviendra peut-être. On en a vu hier le plus marquant.
Peut-être, parce que comme l’analyse parfaitement ma
« petite-sœur » (celle que si elle n’existait pas, il faudrait
quand même l’inventer…), « ils » sont en train de le lâcher.
Le monde change, mute, se transforme, évolue.
J’en vois bien les « disruptions » qui se dessinent autour du
« Brexit ».
Il n’y aura pas de majorité au Parlement pour un « plan-Chequers »,
personne n’acceptera une simple frontière « virtuelle » avec Dublin,
les Espagnols mettront un veto (il faut l’unanimité pour confirmer un traité européen)
si la question de Gibraltar n’est pas réglée selon leurs desideratæ dans la
foulée.
On va droit vers un « no-deal » et il y aura probablement des
élections anticipées voire peut-être, dans le courant 2019 un nouveau
référendum à l’issue incertaine, style « stop or go » à la veille de
l’entrée en vigueur du « Brexit », dans la dure réalité de sa mise en
place effective, et la Livre sera alors attaquée…
Je ne souhaite pas le pire pour mes collègues, mais la plupart ont déjà
anticipé ce qui semble de plus en plus inéluctable.
Mais comme le pire n’est jamais sûr, je fais partie des
« confiants », susurrant de mielleuses paroles de réconfort avec mon
latin-local de cuisine.
En revanche, je reste de plus en plus sollicité par des
« continentaux » qui tentent de comprendre. Quelques-uns et non pas
les moindres, sont « propriétaire-fonciers » de domaines agricoles
parfois importants.
Le réchauffement climatique, le stress hydrique, la perte de biodiversité,
la santé publique, le développement durable, l’agriculture bio, pour des gens
qui nourrissent et étanchent, ce sont des points importants à anticiper, dans
leurs métiers.
Et les terres anglaises pourraient peut-être devenir un eldorado :
Alors ils se renseignent.
Comme en « Gauloisien-natif » je reste meilleur à l’oral et à
l’écrit que mon « rosbif-des-Carpates », je suis sollicité.
En effet, le « Brexit » est l’occasion de repenser radicalement leur
agriculture, en tenant compte de l’ensemble de ses nouveaux défis pour nourrir
mieux une population qui attire (encore un peu) même les migrants.
Car au Royaume-Uni, le « Brexit » va impacter très profondément
leur système agroalimentaire. Un risque qui n’est pas du tout anticipé par le
gouvernement de « Théière-Mais », totalement négligé, à peine évoqué
même dans quelques cénacles de « sachants » universitaires.
Importations, exportations, revenu des agriculteurs, santé des consommateurs,
qualité des aliments… depuis le référendum qui a scellé la prochaine séparation
du Royaume-Uni de l’Union européenne, quelques-uns se penchent tout de même,
avec d’autres chercheurs et quelques des ONG (dans le cadre de la Food Research
Collaboration) sur les effets potentiels du « Brexit » sur leur
agriculture insulaire.
Dans un récent rapport (Feeding Britain: Food Security after Brexit – nourrir
la Grande-Bretagne : la sécurité alimentaire après le Brexit), ils tentent de rappeler
à l’opinion publique et aux politiques britanniques que, depuis 50 ans, leur
système alimentaire est intégré à celui des autres États membres. Avec un
constat : La Grande-Bretagne ne se nourrit pas toute seule. Elle importe
30 % de sa nourriture directement de pays de l’Union européenne et seulement 11
% de pays tiers ayant négocié des traités de commerce alimentaire avec l’UE.
Quitter l’Union européenne signifie donc perturber 50 ans de négociations,
qui ont pourtant globalement amélioré la qualité de l’offre.
Personnellement, je demande à voir : Il y a 50 ans, on ne connaissait
pas le « Fish & Chips » ni le hamburger. En revanche le pudding,
la gelée aux couleurs fluo et les sandwichs aux concombres, ils savaient faire,
croyez-moi : J’en ai des haut-le-cœur rien que d’y penser…
En bref, ce rapport montre très clairement que si la Grande-Bretagne
quitte l’UE, non seulement elle doit décider quels seront ses futurs standards
alimentaires, mais ainsi comment elle compte les faire respecter et s’assurer
de la qualité des contrôles. Sinon, elle devra assumer publiquement qu’elle ne
sera pas capable d’exiger et d’imposer des normes strictes équivalentes aux
actuelles. Or, puisque les autres États membres n’accepteront pas de nourriture
de qualité inférieure à leurs standards, en quittant l’UE le pays détruira également
les exportations du secteur agroalimentaire britannique – des spiritueux, des
boissons gazeuses, des biscuits, de la viande, des produits laitiers, les
bières (parfois fameuses)…, des aliments déjà pas très réputés en termes de
santé publique (notamment leurs cheese à pâte cuite…).
De plus, l’horticulture britannique est l’un de leurs rares succès
agricoles, grâce à leurs fraises, framboises, etc. Mais la cueillette dépend
entièrement de 60-70.000 travailleurs d’autres pays de l’UE – dont l’expulsion
a motivé une partie de ceux qui ont voté pour le « Brexit » (les
« migrants », toujours, mêmes saisonniers et malgré la « jungle
de Calais »).
Il y a quelques semaines, le gouvernement a affirmé qu’il introduira un
nouveau régime pour les travailleurs saisonniers, mais seulement pour 2.500
personnes !
Insuffisant : Cela va détruire leur industrie horticole…
Et c’est sans compter les effets sur la fabrication alimentaire
britannique, dont 30 % des emplois sont aussi occupés par des migrants de l’UE…
« Si ces travailleurs ne viennent
plus de Roumanie, Bulgarie, Croatie, Slovénie, Lettonie, Lituanie, d'où
viendront-ils ? Inde, Pakistan, Algérie, Afghanistan ? Quels nouveaux pays nous
fourniront de la main-d’œuvre agricole bon marché ? »
Notez que quelques idéologues de leur droite affirment qu’il ne faut pas
s’inquiéter, car il restera des robots.
« Mais pour cela, il faudra au
moins 15 ans… alors que les Britanniques disent déjà aujourd’hui qu’ils veulent
de la nourriture locale ! »
En réalité, la Grande-Bretagne ne produit plus sa propre nourriture depuis
1780. Grâce à son Empire, elle a commencé dès la fin du XVIIIème siècle
à importer de la nourriture de l’Amérique du Nord, de l’Australie, de la
Nouvelle-Zélande…
Et en 1846, lors de l’abolition des textes réglementaires qui encadraient
le commerce de céréales avec l’étranger (les « corn laws »), elle a
pris la décision politique de ne pas soutenir ses agriculteurs. Depuis 172 ans
la culture politique des Britanniques consiste ainsi à croire que le reste du
monde les nourrira !
Que dès lors qu’ils gagnent de l’argent via d’autres industries, ils peuvent
le dépenser pour acheter de la nourriture bon marché d’autres pays.
Une vision « impérialiste » de la nourriture…
Intelligemment, les « érudits » constatent tout de même que cette
approche a été remise en cause lors des deux guerres mondiales : « En 1939, nous importions 70 % de nos
aliments. En 1945, nous n’en importions plus qu’un tiers : nous avions réussi,
malgré la guerre, à doubler notre production. Pour ne plus reproduire de trop
graves situations de dépendance, après la guerre il fut donc décidé de
reconstruire l’agriculture britannique, en mettant en place un système d’aides
pour les agriculteurs. Mais en 1973, quand nous avons rejoint la Communauté
économique européenne, nous en avons intégré un nouveau, celui du marché
unique. Aujourd’hui, certains supporteurs du Brexit pensent qu’il faudrait
retourner au modèle de 1846, d’autres à celui de 1939… »
Quoi qu’il en soit, d’importantes décisions politiques devront être
prises, et soumises à l’opinion publique, là où les citoyens britanniques dans
leur ensemble ignorent complètement ces enjeux.
On note également la pression, de la part de certains membres du parti
conservateur et des néo-libéraux, pour envisager de trouver le salut
alimentaire en importer de la nourriture bon marché des États-Unis, de pays
émergents ou d’anciennes colonies.
Mais conclure un accord commercial avec les États-Unis a de graves
implications. « Depuis deux ans, le
secrétaire d’État américain au Commerce le dit clairement : si le Royaume-Uni
signe un traité avec les États-Unis, il devra abandonner les standards alimentaires
européens. Et si au lieu que de l’Espagne, du Portugal, de la Pologne ou de l’Italie,
nous importons de l’Afrique de l’Ouest, de la Turquie, d’Israël, quels
contrôles de qualités appliquerons-nous ? »
Et de conclure que le « Brexit » engendre donc d’importants
choix politiques qui ne sont pas encore discutés à six mois des « choses
sérieuses ».
C’est là où vous découvrez (moi je savais pour avoir donné quelques cours
d’initiation en la matière), ce qu’on appelle les « droits de douane
qualitatifs ».
Vous, je ne sais pas…
Les normes, vous savez les normes qui ne sont pas partout les mêmes dans
le monde.
Dans la réalité du monde agricole, depuis un demi-siècle, le système
agroalimentaire a traversé une véritable révolution : « Nous croyons (tous) encore que notre nourriture vienne des agriculteurs, mais ce n’est
plus vrai. Les agriculteurs ne créent que des matières premières bon marché
pour un traitement industriel de masse. »
Effectivement, ceux qui nourrissent encore directement les consommateurs
ne sont plus très nombreux : L’industrie de la bouffe s’est largement
industrialisée, ici en GB, peut-être plus que dans le reste de l’Union
européenne.
Et la plus grande partie de l’argent produit par le secteur
agroalimentaire est d’ailleurs gagné par les fabricants industriels et par un
petit nombre de distributeurs.
Demandez donc à Lactalis et à ses « éleveurs ». Mais vous
pourriez faire la même chose chez « Fleury-Michon » (des ex-clients à
moi-même…).
Nous y reviendrons d’ailleurs rapidement avec le coup de gueule des
Leclerc…
Et en Grande-Bretagne, le système est très concentré : six distributeurs
se partagent 90 % des ventes de nourriture.
D’autant que le secteur des services a aussi énormément crû pendant les
dernières trente années : Traiteurs, restaurants, cafés, plats à emporter…,
toute la RHF (Restauration Hors du Foyer).
En « Gauloisie-gustative », un repas sur deux est le fait de la
RHF : Simple à comprendre.
Et ce nouveau système, ici comme sur le continent, écrase les agriculteurs, qui ne gagnent plus
beaucoup d’argent. Les marges des fabricants alimentaires sont de l’ordre de
15-16 %. Dans la distribution, le rendement du capital est de 2 %. Il peut
aussi être plutôt haut dans les services – même si la plupart des cafés et
restaurants ferment boutique après deux ou trois ans.
Les agriculteurs en revanche ne survivent désormais qu’en s’agrandissant,
alors que la valeur en capital des terres est très élevée.
C’est vrai peut-être encore plus en UK qu’en « Gauloisie-des-verts-pâturages »,
où, nous le verrons samedi prochain, entre les droits de préemption des SAFER
et autres agences de protection de l’environnement, la pression à la baisse des
prix reste plus forte.
D’autant qu’en GB, les terrains, même urbains, appartiennent aux seigneurs
locaux depuis des générations : Ils ne cèdent jamais rien, mais consentent
des baux emphytéotiques aux exploitants, quand ce n’est pas seulement des
fermages qui assurent leurs rentes de situation.
Or, si les Britanniques veulent plus d’agriculteurs, ils doivent donc
accepter de les rémunérer davantage.
« Mais que va-t-il se passer si
nous quittons l’UE ? Le gouvernement a évoqué l’idée de d’abord maintenir les
aides pour trois ans, puis de les réduire progressivement pendant une décennie.
Ce ne sont pas des délais très longs en termes de pratiques agricoles… »
Trois ans, juste le temps de la pousse d’un champ de luzerne.
Ils n’ont pas le choix : Une nouvelle révolution alimentaire est
nécessaire afin de renverser les dernières 50 années. Et la question concerne d’ailleurs
l’ensemble de l’Europe, me semble-t-il : Comment créer des régimes alimentaires
« durables », tenant compte non seulement des capacités
nutritionnelles des aliments, mais aussi de leurs effets sur l’environnement, l’économie
et la société dans son quotidien ?
Pour en revenir à l’UK, le gouvernement actuel, qui depuis le référendum
montre qu’il n’a pas avoir de vision à propos de la question alimentaire, vient
de proposer une loi agricole où les agriculteurs sont réduits au rôle de
gardiens des paysages, selon une approche de la gestion des terres purement
environnementale…
Les « écololos », décidément…
C’est certes très positif, voire nécessaire, de s’enquérir des questions
des sols et du carbone… « Mais il n’y
a toujours pas de plan alimentaire national ! Or, à quoi sert la terre : à
nourrir la population ou à la contemplation des riches ? »
J’adore la saillie…
Ceci dit, avec le réchauffement climatique – je rappelle que les romains
faisaient pousser avec succès des vignes jusqu’au tréfonds de l’actuelle
Angleterre et en Pays de Galle… comme quoi, on sort à peine d’un
petit-âge-glaciaire ! – il ne me parait pas idiot d’exporter du raisin, ou
un premier jus.
Manifestement cette idée trottine dans la tête de quelques
« vigneux », dotés de cuves et de caves d’affinage, qui font dans le
blanc acidulé : Ne me demandez pas lesquels, secret-professionnel.
Ce qui ne nourrira pas nécessairement les britishs, mais pourrait
permettre un rebond dans l’intermède d’après leur révolution agricole.
Parce que bon, le fish & chips islandais, le poulet-mexicain ou le
burger au soja, ça va un moment…
Reste le thé. Tant qu’ils auront du thé et de la bière, ils pourront se
consoler, ce qui reste assez drôle, finalement.
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