29 – Le blockhaus
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », du pur jus de
neurone garanti 100 % bio, sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Elle le fera probablement.
« Je comprends pourquoi vous ne demandez
aucune subvention », en rigole en douce Gustave.
Et de préciser sa pensée : « À chaque
fois, il faut montrer son « cul propre », fesses à l’air, dans le
moindre formulaire de l’administration ! »
Surtout, ça prend un temps fou : « Les
dossiers ne sont jamais complets même quand ils le sont ! »
termine Paul.
« Il y a une chose que vous ne nous avez
toujours pas montré… » souligne Gustave.
Et quoi donc ?
« La data-base de sauvegarde du logiciel
« BBR » et sa fameuse version « 3.0 » qui n’existe pas au
Kremlin-Bicêtre… » siège social de la CISA dont Gustave est
juridiquement le CEO, le patron exécutif.
Là, Alexis sent que Paul se crispe : que va-t-il
encore inventer pour justifier aux yeux de ses visiteurs ses mensonges à propos
de ce progiciel qui n’existe pas ?
« Pas de problème, on y va justement, vous
ai-je dit : il faut retourner à l’aéroport. Le blockhaus est situé sous la
piste ! »
Incroyable, en pense Alexis !
Là, elle ne veut, pour rien au monde, manquer la
suite.
Qui n’a finalement rien d’extraordinaire. Une fois
dépassé l’hôtel et arrivé près de l’aérogare, Paul fait prendre un
embranchement routier à son robot, un chemin de terre au niveau du tarmac, vers
une tour qui porte les radars de piste, d’approche et de veille. Depuis la
cahute qui abrite une énorme armoire électrique, on peut grimper au sommet de
la tour, pour l’entretien des antennes, mais on peut aussi descendre dans ses
tréfonds par un escalier en colimaçon et suivre ainsi un des couloirs qui
traverse la piste et est parcouru par les câbles des feux de signalisations
tout du long de l’installation, la piste, ses parkings et runways inclus.
À un moment, Paul ouvre une porte de côté fermée à
clé qui se prolonge par un étroit couloir lui aussi bétonné et on débouche sur une
immense cave qu’il inonde de lumière en claquant un interrupteur mural.
« Voilà la data base de sauvegarde. »
C’est un immense alignement de boîtiers d’ordinateurs
qui bourdonnent sans ostentation. Quelques-uns clignotent, mais l’essentiel de
la consommation électrique doit être le fait des ventilateurs de la
climatisation.
« Globalement, ça fonctionne quelques heures
par jour, et encore pas tous les jours, quand Huyck ou moi télé-déclenchons une
sauvegarde ou une reprise de données.
Mais pour ça, il faut ouvrir les
liaisons internet avec le système Starlink de Musk et crypter nos échanges, ce
qui demande un peu de puissance.
Sans ça, nous avons la 5 G mais qui
passe par Diégo Garcia, qui joue le rôle du censeur et de contrôle, notre
administrateur de réseau pour la téléphonie et les autres échanges de fichiers,
en quelque sorte. Pas pour nos échanges de fichiers de la data-base.
Le reste du temps, ça reste au frais
avec l’eau de mer du lagon. »
« Impeccable pour conserver le vin ! »
Bé non justement : « Il peut y avoir des
variations de température quand ça se met à turbiner… »
La déception se lit dans le regard de Gustave.
D’autant qu’il insiste mais n’obtient aucun
renseignement supplémentaire de Paul, pas plus qu’il ne reconnait
l’architecture des matériels accumulés qui n’ont rien à voir avec ceux du
Kremlin-Bicêtre qui restent son quotidien.
Le trio sera rentré chacun dans sa chambre.
Julie et Alexis auront fait tourner leur tablette,
l’une pour noter les précieuses informations qu’elle aura recueilli durant la
journée en vue de préparer son rapport, l’autre pour complémenter le futur
épisode de la biographie de son patron.
Elle fera d’ailleurs plusieurs chapitres de cette
rapide visite, car ça a été long et ça pourrait être censuré à la première lecture,
des chapitres probablement inutiles mais qui n’auront pas été
« blacklistés », ni par Paul de Bréveuil, ni par l’auteur de la
série, ni par le « gardien » de ce dernier.
Paul lui expliquera, bien plus tard qu’ils recèlent
au contraire tous les arbitrages techniques qu’il n’aurait plus qu’à recalculer
pour confirmation et caler le design général, au lieu de les imaginer quand il
les a découverts…
Toujours ces « histoires de boucles
temporelles ».
Quant à Gustave, il se fait draguer par une
« poupée » fort aimable, persuadé qu’il a à faire à une vahiné
locale, en attendant l’heure du dîner, un verre à la main.
Ils passeront ainsi plusieurs jours à se détendre
agréablement en attendant les officiels anglo-saxons.
Pour vérifier que Paul ne lâche pas une information
qu’ils n’auraient pas perçue.
Et contrairement à ce qu’en pensait Paul, à tort
donc, aucune allusion sur le « BBR 3.0 » ni sur ses talents de devin
n’aura été évoqué sauf à la fin de leur visite, avant qu’ils ne reprennent leur
avion de service.
« Messieurs, il vous faudra prévenir vos
autorités que je passerai à la mi-novembre en Californie.
Juste quelques jours, histoire de
rencontrer quelques amis avec qui j’entretiens des relations d’affaires.
J’espère que personne n’y verra
d’inconvénient…
Par ailleurs, un de mes navires
croisera au grand large et j’y ferai un tour pour saluer l’équipage, à cette
occasion.
Est-ce bien noté ? »
Ça ne les concernait pas vraiment, mais l’officier
américain en avertira ses collègues de l’émigration en espérant que Paul
recevra un bon accueil, ce qu’il lui souhaite avec un large sourire.
Quant à Alexis, à l’occasion d’un aparté, près de la
piscine, elle reçoit de nouvelles instructions de Paul :
« Ça avance, vos travaux de biographie ? »
Ce n’est pas qu’elle ait un baobab dans la paume des
mains, mais entre ses chats et ses voyages imposés à l’improviste, elle a du
mal à être efficace.
« Ce n’est pas grave. D’autant que je vous
détourne provisoirement de vos objectifs. »
Allons bon !!! Et comment travailler sereinement
dans ces conditions, au calme et dans la durée, là où il faut de la
concentration et de la persévérance ?
« Non mais trois fois rien. Vous faites le voyage à San Francisco avec
moi. Vous par un vol direct de Paris, moi depuis Londres. On se retrouve
là-bas. Débrouillez-vous avec Oriane qui va recevoir des instructions pour
retenir billets et chambres d’hôtel.
En attendant, vous rentrez à Paris et
vous me faites votre boulot de journaliste en vous documentant sur les
« millénaristes » qui veulent détruire la planète… Pardon, qui sont
persuadés que la planète est incompatible avec l’humanité.
Ça va vous être utile pour la
suite ! »
C’est un boulot d’archiviste, ça.
« D’enquêtrice ! », corrige
Paul.
De journaliste, finalement, son métier premier.
« Et puis à l’occasion, vous me chercherez,
si ça vous est possible, les traces de quelques milliardaires de la planète qui
ont des gamins engagés dans l’écologie.
Ceux-là sont dangereux et je ne pourrai
pas tous les empêcher de nuire. »
Ah bon ?
Des « fils de », nés avec une cuillère en
argent dans la bouche, il doit y en avoir une quantité astronomique, quant aux
millénaristes au moins tout autant.
Un travail de titan…
« Non, vous vous ferez aider par la base de
données de BBR 2.0 avec quelques requêtes pas trop compliquées à saisir. Vous
verrez, c’est assez simple. »
S’il le dit.
Que cherche-t-il au juste ?
Quant aux « millénaristes » encore, est-ce
bien le qualificatif qu’ils méritent ?
Alexis restera surprise de leur diversité et de leurs
fondamentaux : car jamais elle n’aurait imaginé croiser pareille faune
parfois très radicale.
Après un premier tri dans les locaux de la CISA, elle
se documente un peu et au bout d’une semaine obtient, un peu par hasard, un
rendez-vous avec une « spécialiste » du mouvement écologiste français
en général et intarissable en particulier sur Yves Cochet, réfugié écologiste
dans sa ferme bretonne, avec sa fille.
Elle apprend ainsi que l’ex-mathématicien, ancien
membre des Verts puis d’Europe Écologie Les Verts, député du Val-d’Oise de 1997
à 2002, puis de la 11ème circonscription de Paris de juin 2002 à
décembre 2011, était président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
à l’Assemblée nationale durant ce dernier mandat. Il a même été député européen
de 2011 à 2014 et ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement
de juillet 2001 à mai 2002, dans le gouvernement de la seconde cohabitation,
sous le premier mandat du Président Rackchi.
Elle retient que très tôt le bonhomme travaille sur
le dossier de la crise énergétique, notamment sur la fin du pétrole bon marché,
et publie chez Fayard sur ce sujet dès 2005 « Pétrole apocalypse ».
Et que son précédent livre, « Sauver la
Terre », avait été écrit en collaboration avec Agnès Sinaï.
Globalement,
ses ouvrages tentent de faire prendre conscience de la gravité du danger
d’effondrement imminent qui pèse désormais sur notre civilisation avancée.
En effet, avec une dizaine de personnes rassemblées
autour d’Agnès Sinaï, Yves Cochet est l’un des fondateurs de « l’Institut
Momentum », dont il est président depuis juin 2014.
« Momentum » est en réalité un groupe de réflexion
sur l’imminence de l’effondrement de la civilisation industrielle et sur les
moyens à mettre en œuvre pour tenter de réduire son ampleur.
Le magazine Le Point présente alors Yves Cochet comme
un « collapsologue radical ».
En 2019, il publie « Devant
l’effondrement », un essai de collapsologie appliquée. Il y affirme que la
catastrophe est certaine, pour inciter à s’y préparer. Lui-même s’y prépare
pour rester totalement autonome sur son pré-carré breton.
« Un « survivaliste », alors ? »
Non : « Les survivalistes sont armés,
pas lui ! » en dira sa collègue.
Lui, comme d’autres encore plus radicaux, anticipe
simplement l’extinction de l’humanité en 2050.
Selon lui pour sauver l’humanité, il faut
« limiter nos naissances » et « mieux accueillir les migrants » dans les
pays riches.
La collapsologie est en réalité un courant de pensée
radical et transdisciplinaire apparu dans les années 2010 qui envisage les
risques, causes et conséquences d’un effondrement de la civilisation
industrielle.
Il en fait toutefois la promotion à plusieurs
reprises, notamment en accordant des interviews.
D’après ses dires, la fin de l’humanité pourrait
d’abord prendre la forme d’une guerre liée à la raréfaction des ressources. Ou
provenir d’épidémies dues à une insécurité sanitaire, ou de famines.
Tout peut se mêler, rapidement et massivement.
Fred Vargas dit que 75 % de la population va mourir
d’ici à 2060. Au lieu d’être 10 milliards en 2050, ce que prévoit l’ONU, on ne
sera que 2 ou 3 milliards.
« Donc, soit on sera mort, soit on aura des
proches, des amis morts. Ce sera une espèce de tristesse, de dépression
mondiale. »
Il indique que selon les instituts de recherche,
jusqu’à 24 paramètres peuvent entrer en jeu, comme la qualité et la quantité de
l’eau potable, les cycles du phosphore et de l’azote, les émissions de méthane
dues à la fonte du pergélisol…
Il pourrait y avoir, autour de 2026-2028, une hausse
brutale de la température de 1 °C en seulement deux ans, alors qu’elle a
augmenté de 1,2 °C depuis 1750 et la révolution industrielle.
Quant aux solutions, il précise que les alarmistes
lancent des appels dans les journaux. Juliette Binoche et Aurélien Barrau
disent au gouvernement, à l’Europe, à l’ONU : faites quelque chose, vous, les
puissants !
Des propos relayés récemment par Greta Thunberg.
Leur constat est presque le même que le sien mais ils
font confiance aux pouvoirs publics pour tout changer.
Lui n’y croit plus.
Pour les « effondristes », terme qu’il
préfère à « collapsologue », il n’y a pas de bonne solution. Il est
hélas trop tard pour la transition écologique et la croissance verte. On peut
quand même minimiser le nombre de morts. Au lieu d’en avoir 4 milliards dans
les trente ans, on en aura peut-être 3,5 milliards, en faisant des bio-régions
résilientes.
Il faudrait agir localement, aller voir ses voisins.
C’est peut-être 50 personnes, 500 personnes, beaucoup plus.
Et il donne un exemple : la région du Rojava, dans le
nord de la Syrie, est occupée par les Kurdes. Ils sont quelques millions, entre
les Turcs, qui les détestent, et le régime syrien, qui les déteste aussi. Ils
sont le plus autonomes possible pour la nourriture et l’énergie. Car c’est le
cœur du problème. « Sans la nourriture et l’énergie, vous êtes mort. Si
Rungis s’effondre, à Paris, en trois jours, c’est la guerre civile. »
Pour mémoire (n’en déplaise à « Poux-tine ») : « LE PRÉSENT
BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN LIGNE PAR
UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE », REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN AGENT «
NON RUSSE » !
Éditions I3
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