§.3 – Institutionnalisation de la fiscalité en France : Du
pouvoir absolu à la Révolution
Les documents relatifs à la période qui suit l’époque médiévale sont
beaucoup plus nombreux.
On y découvre ainsi que l’impôt est alors étroitement lié au commerce et la politique.
La remise en perspective des évolutions de la « règle fiscale » prise dans son ensemble, permet d’expliquer la situation à la fin du XVIIIème siècle.
A – Impôt, commerce et économies : L’arbitrage des souverains français
Historiquement, l’impôt renaît sous le règne de Philippe le Bel. Pour
éviter le dédale d’une fiscalité « trop spécifique », il désire imposer
directement le trafic.
C’est ainsi que se mettent en place la « traite foraine », les « droits de douane à la sortie » ou encore une sorte de « licence d’exportation ».
À ces impôts s’ajoutent les « décimes ecclésiastiques » perçus sur les
produits qui étaient vendus et non sur la production elle-même que consomment
le paysan et sa famille.
Au XIVème siècle, la situation est critique pour la France à la
suite de ses défaites lors de la guerre de cent ans, de nouveaux impôts voient
le jour :
- 1340, la « taxe sur les ventes » (ancêtre de la TVA moderne) ;
- 1341, apparition de la « gabelle », taxe sur le sel (qui permet la conservation des aliments périssables en absence de réfrigérateur pas encore inventé – quoique certaines contrées, en altitude, faisaient fonctionner de véritables entrepôts frigorifiques par adjonction de blocs de glace découpés dans les lacs en fin d’hiver) ;
- 1369, « droit sur le vin », « droit de mouture », « impôt direct des fouages » (redevance payée par maison), ancêtre des droits indirects à la production.
Cette renaissance de l’impôt permet l’affranchissement des hommes : Les «
corvées » disparaissent au profit des « redevances ».
Louis VII (1137-1180) puis son fils Auguste (1180-1199) prônent l’abolition du servage et organisent la substitution de l’impôt aux réquisitions des biens et des personnes probablement parce que la monarchie vit plus selon les principes d’une économie monétaire que foncière et en nature.
Ainsi, le « droit de gîte et de procuration » qui oblige à loger le roi et
sa suite est remplacé par une « redevance pécuniaire annuelle ».
Vers le milieu du XVème siècle, c’est l’avènement d’un État
moderne qui marque l’évolution de la fiscalité.
Un ample développement des échanges permet en effet de multiplier les impôts sous la forme de droits de douane ou d’impôts indirects.
Le roi Louis XI (1461-1483) tire ainsi une grande partie de ses ressources
au trafic qui s’est accentué :
- Baisse du tarif de certains impôts indirects compensée par l’extension de ces taxes à des villes exemptes jusque-là ;
- Augmentation du nombre de péages ;
- Augmentation du tarif de la gabelle ;
- Emprunts forcés auprès des marchands…
L’extension du commerce permet une commodité plus grande de la perception
de l’impôt.
On assiste à une diminution du rôle de la « taille » sous les règnes de Charles VII (1483-1498) et de Louis XII (1498-1515).
Ce n’est que provisoire car, avec les rois François 1er (1515-1547) et Henri II (1547-1559), l’absolutisme de la monarchie s’accroît et avec lui, la « taille » et le poids de la « gabelle ».
De nouveau, l’impôt se concentre toujours plus sur les échanges avec Henri
III (1574-1589) :
- 1577, droits d’exportation du XIVème siècle, complétés par un nouveau « droit de sortie » (la « traite foraine douaniale ») ;
- 1582, généralisation des taxes d’importation.
On peut aussi noter un net parallélisme entre périodes de crises
politiques et périodes de stagnation des échanges.
Dans la seconde moitié du XVIème siècle, les guerres de religion battent leur plein et les échanges stagnent ou même chutent.
Cela provoque une recrudescence d’impôts directs levés sur le peuple et le clergé.
L’impôt sur la consommation ne disparaît quand même pas.
Avec Henri VII (1562-1610), le retour à une sécurité intérieure plus
importante facilite la reprise du trafic et de ce fait le rappel des impôts
indirects.
Vers 1660, la situation est favorable aux échanges et permet à Colbert de
redonner plus d’importance aux impôts indirects tout en maintenant les impôts
directs à un niveau élevé (il réduit la « taille » mais augmente le « produit
des fermes »).
Cet accroissement des échanges et des impôts les frappant constitue un cadre favorable à l’absolutisme sans failles de Louis XIV et à l’hégémonie française durant cette période.
On observe donc que les souverains français qui se succèdent arbitrent le
poids des impôts directs et indirects en fonction de l’assise du pouvoir (qui
encourage les impôts directs) et de la santé des échanges (qui favorise l’imposition
du commerce lorsqu’elle est favorable).
Qu’ils soient « Capétiens », « Valois » ou « Bourbon », ils procèdent tous
à l’unité politique du royaume, accaparant le pouvoir « banal » de lever
l’impôt, accroissant ainsi son assiette, finançant les compensations offertes à
leurs vassaux (privilèges et vie de fastes à la Cour).
C’est dans la mesure où la France et d’autres États européens s’efforcent
non seulement de remplacer les réquisitions de biens par l'impôt, mais aussi
d'en restreindre l’arbitraire que les pays peuvent déclencher le progrès de la
technique et l’évolution économique.
Pourtant, le poids des taxes intérieures combiné à l’arbitraire fiscal (même s’il est en passe d’être réduit), suffisent pour provoquer le retard économique de la France au XVIIème et XVIIIème siècle par rapport aux Pays-Bas et à l’Angleterre.
Dès lors, le système fiscal français est sous le feu des critiques.
B - Impôt et retard économique, source de critiques
Deux de ces critiques principales sont à noter :
- Les « économistes » dénoncent en
premier lieu « l’archaïsme fiscal » de la « dîme » (impôt prélevé sur les
produits de la terre et de l’élevage).
Du fait de la dispersion des exploitations, la « dîme » donne lieu à de nombreuses fraudes fiscales.
Deux solutions peuvent être envisagées : L’inventaire des exploitations ou encore l’interdiction d’enlever les moissons avant le passage des agents du fisc…
En plus des difficultés d’application de mesure aussi radicales, se pose le problème de l’utilisation des denrées prélevées, produit périssable dont la destination n’est absolument pas précisée.
La critique est unanime : La « dîme » décourage la culture intensive.
- Les « économistes » se prononcent
également contre la « capitation » consistant à faire payer à chaque homme
adulte la même somme.
Cet impôt repose sur un recensement de la population, recensement qui n’est pas toujours fiable lorsqu’il s’agit de compter une population très dispersée ou encore adoptant des habitudes nomades.
Mais c’est surtout le caractère forfaitaire de la « capitation » qui soulève les critiques car trop légère pour certains, elle est insupportable pour bien d’autres.
Si le caractère arbitraire des impôts français subit régulièrement les
critiques de la part des intellectuels, il fait aussi violemment réagir la
population : Des révoltes fiscales apparaissent dès le XIVème siècle
!
L’impôt est désormais lié aux controverses politiques.
C – Impôt et politique
1 – Les révoltes fiscales contre l’impôt abusif
Dès le XIVème siècle (notamment entre 1376 et 1382), les
populations de plusieurs pays d’Europe se soulèvent contre les pouvoirs établis
et surtout, naturellement et déjà, contre l’impôt.
Les impôts présentés souvent comme temporaires, l’opinion publique les
rejette dès qu’ils s’institutionnalisent et perdurent.
Plus que le poids déroutant de l’impôt lui-même, c’est l’institution fiscale qui est toujours refoulée parce que, si elle libère l’homme (fin des « corvées », des « bans »), l’État profite d’elle pour exploiter l’individu et s’impose comme une puissance extérieure à l’individu par opposition au paternalisme féodal.
De plus, selon la conjoncture, il est nettement plus difficile pour les paysans du XIVème siècle de se procurer de la monnaie pour payer l’impôt que de prendre du temps pour se rendre à la corvée.
Au milieu du XVIème siècle, notamment sous le règne d’Henri II
(1519-1559), les révoltes sont plus liées à la religion.
En fait, la contrainte fiscale et les mécontentements provoqués par un impôt trop lourd font prendre conscience d’autres oppressions.
Par contraste, la lutte contre l’impôt est la cause principale des révoltes du XVIIème siècle.
L’impôt devient un signe de servitude qu’il convient d’écarter.
Contrairement à une prestation profitant à tous, l’individu est seul face à la contrainte.
De plus, l’impôt se heurte au sentiment que la région est une entité distincte des autres (sentiment issu de la période féodale pendant laquelle les limites des domaines de chaque seigneur étaient très marquées et très respectées).
Or, ce qui est payé peut parfois alimenter les ressources d’autres régions.
L’impôt a, dès lors, un impact psychologique négatif.
On y découvre ainsi que l’impôt est alors étroitement lié au commerce et la politique.
La remise en perspective des évolutions de la « règle fiscale » prise dans son ensemble, permet d’expliquer la situation à la fin du XVIIIème siècle.
C’est ainsi que se mettent en place la « traite foraine », les « droits de douane à la sortie » ou encore une sorte de « licence d’exportation ».
- 1340, la « taxe sur les ventes » (ancêtre de la TVA moderne) ;
- 1341, apparition de la « gabelle », taxe sur le sel (qui permet la conservation des aliments périssables en absence de réfrigérateur pas encore inventé – quoique certaines contrées, en altitude, faisaient fonctionner de véritables entrepôts frigorifiques par adjonction de blocs de glace découpés dans les lacs en fin d’hiver) ;
- 1369, « droit sur le vin », « droit de mouture », « impôt direct des fouages » (redevance payée par maison), ancêtre des droits indirects à la production.
Louis VII (1137-1180) puis son fils Auguste (1180-1199) prônent l’abolition du servage et organisent la substitution de l’impôt aux réquisitions des biens et des personnes probablement parce que la monarchie vit plus selon les principes d’une économie monétaire que foncière et en nature.
Un ample développement des échanges permet en effet de multiplier les impôts sous la forme de droits de douane ou d’impôts indirects.
- Baisse du tarif de certains impôts indirects compensée par l’extension de ces taxes à des villes exemptes jusque-là ;
- Augmentation du nombre de péages ;
- Augmentation du tarif de la gabelle ;
- Emprunts forcés auprès des marchands…
On assiste à une diminution du rôle de la « taille » sous les règnes de Charles VII (1483-1498) et de Louis XII (1498-1515).
Ce n’est que provisoire car, avec les rois François 1er (1515-1547) et Henri II (1547-1559), l’absolutisme de la monarchie s’accroît et avec lui, la « taille » et le poids de la « gabelle ».
- 1577, droits d’exportation du XIVème siècle, complétés par un nouveau « droit de sortie » (la « traite foraine douaniale ») ;
- 1582, généralisation des taxes d’importation.
Dans la seconde moitié du XVIème siècle, les guerres de religion battent leur plein et les échanges stagnent ou même chutent.
Cela provoque une recrudescence d’impôts directs levés sur le peuple et le clergé.
L’impôt sur la consommation ne disparaît quand même pas.
Cet accroissement des échanges et des impôts les frappant constitue un cadre favorable à l’absolutisme sans failles de Louis XIV et à l’hégémonie française durant cette période.
Pourtant, le poids des taxes intérieures combiné à l’arbitraire fiscal (même s’il est en passe d’être réduit), suffisent pour provoquer le retard économique de la France au XVIIème et XVIIIème siècle par rapport aux Pays-Bas et à l’Angleterre.
Dès lors, le système fiscal français est sous le feu des critiques.
Du fait de la dispersion des exploitations, la « dîme » donne lieu à de nombreuses fraudes fiscales.
Deux solutions peuvent être envisagées : L’inventaire des exploitations ou encore l’interdiction d’enlever les moissons avant le passage des agents du fisc…
En plus des difficultés d’application de mesure aussi radicales, se pose le problème de l’utilisation des denrées prélevées, produit périssable dont la destination n’est absolument pas précisée.
La critique est unanime : La « dîme » décourage la culture intensive.
Cet impôt repose sur un recensement de la population, recensement qui n’est pas toujours fiable lorsqu’il s’agit de compter une population très dispersée ou encore adoptant des habitudes nomades.
Mais c’est surtout le caractère forfaitaire de la « capitation » qui soulève les critiques car trop légère pour certains, elle est insupportable pour bien d’autres.
L’impôt est désormais lié aux controverses politiques.
Plus que le poids déroutant de l’impôt lui-même, c’est l’institution fiscale qui est toujours refoulée parce que, si elle libère l’homme (fin des « corvées », des « bans »), l’État profite d’elle pour exploiter l’individu et s’impose comme une puissance extérieure à l’individu par opposition au paternalisme féodal.
De plus, selon la conjoncture, il est nettement plus difficile pour les paysans du XIVème siècle de se procurer de la monnaie pour payer l’impôt que de prendre du temps pour se rendre à la corvée.
En fait, la contrainte fiscale et les mécontentements provoqués par un impôt trop lourd font prendre conscience d’autres oppressions.
Par contraste, la lutte contre l’impôt est la cause principale des révoltes du XVIIème siècle.
L’impôt devient un signe de servitude qu’il convient d’écarter.
Contrairement à une prestation profitant à tous, l’individu est seul face à la contrainte.
De plus, l’impôt se heurte au sentiment que la région est une entité distincte des autres (sentiment issu de la période féodale pendant laquelle les limites des domaines de chaque seigneur étaient très marquées et très respectées).
Or, ce qui est payé peut parfois alimenter les ressources d’autres régions.
L’impôt a, dès lors, un impact psychologique négatif.
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