3 – Les droits mixtes
On peut en compter de quatre types : Les banalités, les monopoles, le
droit de frappe de la monnaie, plus le droit de protection.
On classe habituellement dans les droits mixtes ceux dont le «
contribuable » peut échapper, soit parce qu’ils ne sont pas dus de manière
permanente, soit parce qu’ils dépendent d’une situation de fait ou de droit qui
permet d’en éluder le paiement.
- Banalités et monopoles
Depuis le XIème siècle, le seigneur dispose du « droit de ban »
qui l’autorise à prescrire ou interdire. Il est alors en mesure de s’attribuer
un droit exclusif et de percevoir une rémunération en contrepartie de l’usage
que font de telle ou telle chose, souvent à titre obligatoire, les serfs ou les
roturiers.
Les vassaux et les ecclésiastiques en étaient alors exemptés (privilège de robe ou d’épée…) qui subsistera jusqu’à la nuit du 4 août de l’époque révolutionnaire.
Les moulins, pressoirs, fours et verrats banaux justifiaient respectivement le paiement de droits « de mouture », « de fournage », « de porc banal » (pour la truie couverte par un verrat banal).
S’y ajoutaient les « droits de pesage » et « de mesurage ».
On note l’existence du « droit de banvin » qui, en interdisant, provisoirement la vente du vin des sujets du seigneur, permettait à celui-ci de vendre le sien…
Par ailleurs, les mines et salines appartiennent en totalité au seigneur.
Les forêts et les garennes aussi, dans lesquelles le seigneur se réservera
bientôt l’exclusivité de la chasse, l’interdisant aux serfs et roturiers ; il
peut ainsi prélever des droits d’usage, à savoir « de pâturage » ou, pour les
porcs, « de glandée » ou de « frésange ».
Les eaux courantes sont aussi source de revenus avec les « droits de prise d’eau » pour arrosage ou le « droit d’abevenis » pour les moulins et, bien sûr, les « droits de pêche ».
- Droit de frappe de monnaie
Jusqu’à l’arrivée de l’Euro, l’apanage des chefs gaulois dans la Gaule
préromaine était de pourvoir « frapper monnaie ».
En fait, ce droit a été « suspendu » pour avoir été unifié par Rome à son profit dans deux ateliers à Arles et Lyon.
Il est restauré, sous les Mérovingiens au profit des chefs francs, des évêques et des abbés qui réussissent à multiplier, à leur bénéfice, les lieux de frappe dont le nombre aurait atteint 1.500.
Charlemagne tente, notamment par le capitulaire de Thionville en 805, d’interdire la frappe en dehors du Palais.
Il n’y réussit que partiellement : Une trentaine d’ateliers subsistent et les seigneurs, en particulier les concessionnaires de l’atelier, ainsi que comtes, évêques et abbés, en vertu de leur « jus cornitium » ou de leur « potestas », s’arrogent le droit de monnaie.
Les particuliers vont l’exercer aussi (les Lautrec d’Albi, par exemple) ainsi que certaines communes, Avignon, notamment.
La circulation de la monnaie est restée faible dans le royaume, notamment
à la campagne.
Les marchands avaient développé des instruments de paiement scripturaux tels que la lettre de change (ancêtre du chèque, du billet à ordre ou de l’effet de commerce moderne – LCR par exemple) adaptés à leur activité (il n’était, pendant très longtemps, pas très prudent de s’aventurer sur les routes d’Europe avec de fortes sommes d’argent pourtant nécessaires aux transactions commerciales).
La lettre de change était émise, en un lieu donné par le « tireur » au nom d’un « bénéficiaire » établi par ailleurs sur un « tiré », en général un banquier ayant un établissement « ici et là-bas » (ou un correspondant), auprès duquel les sommes étaient déposées.
Cet instrument pouvait être endossé par le bénéficiaire au profit, d’un autre et ainsi de suite jusqu’à l’échéance éventuellement prévue sur le document.
Sans mouvement de monnaie, il suffisait ensuite de « compenser » les titres, provisoire par nature, par date d’échéance ou de les annuler en cas de détournement d’usage (vol, brigandage, destruction, etc.).
Pourtant, dans les bourgs hors des chemins d’échange de marchandises, un
besoin réel d’espèces se faisait sentir.
La frappe de monnaie devient alors d’un grand intérêt, non seulement parce qu'elle est preuve d’autorité mais surtout, parce qu’elle est de ressource substantielle du fait du revenu commercial et du profit tiré des manipulations.
Le revenu commercial provenait :
- Du « remède », c’est-à-dire de la tolérance en poids et en titre ;
- Du « rendage », différence entre le prix d’achat du métal et la valeur officielle de la pièce, qui tenait compte d’une part des frais de fabrication (le brassage) et d’autre part du bénéfice, de la rémunération du monétaire (le seigneuriage).
Le « rendage » était substantiel pour la « monnaie de billon », la «
monnaie noire », dont la valeur intrinsèque était faible, notamment pour les
pièces de cuivre.
Pour l’argent, pendant longtemps seul métal précieux monétaire, le « rendage » avait reçu reconnaissance officielle de Pépin le Bref qui le fixa à 1/22ème.
La monnaie pouvait non seulement procurer des revenus au seigneur, à sa
création ou à sa refonte mais il pouvait aisément en modifier la valeur, car
les pièces ne portaient pas d’indication faciale.
En mesure de fixer unilatéralement le poids et le titre par rapport au système carolingien de la monnaie de compte (1 livre = 20 sous, 1 sol = 12 deniers) les seigneurs en font débauche.
C’est pourquoi, pour s’en protéger, les habitants de certaines régions (la Normandie, par exemple) consentent à payer à leur seigneur monétaire un « droit de monéage » pour qu’il s’abstienne de manipuler ses monnaies pendant une durée de trois années.
- Les droits de protection
La protection que les seigneurs accordaient à leurs vassaux et sujets n’est
pas sans contrepartie et l’on peut ranger, sous cette rubrique, « l’ost » et «
la chevauchée », le « droit de gîte », « la régale » et les « aides ».
L’ost et la chevauchée constituaient l’aide militaire que les seigneurs
étaient en droit d’exiger des vassaux :
- L’ost était levé pour soutenir la guerre hors ou dans la seigneurie (sa durée ne devait pas excéder quarante jours),
- Le terme « chevauchée » est réservé aux expéditions mineures.
- S'apparente à ces devoirs, « l’estage », c’est-à-dire le devoir pour le vassal de tenir garnison au château seigneurial pendant des périodes de un à six mois (on pourrait voir là l'origine de la Cour dont s’entoureront, plus tard, les Souverains).
- Hérité du « cursus publicus » romain que les « Missi Dominici » ont fortement revivifié, le droit de gîte (ou de procuration) permettait au seigneur – ou à l’évêque – en déplacement, ainsi qu'à ses envoyés, d'être hébergés, en logement et nourriture, chez les vassaux et autres sujets.
S’y ajoute le « droit de prise » qui consiste à exiger de l’habitant toutes sortes de produits, allant des œufs jusqu’au cheval.
En raison des abus auxquels ces deux droits donnèrent lieu (même de la part du Roi), on note que de nombreux édits et capitulaires en réglementèrent l’usage (capitulaires de 818 et 876, édits de Worms, 829, de Pistes, 864).
- La « régale » était le droit, pour le seigneur, de prélever les revenus des sièges épiscopaux vacants en contrepartie de la protection des biens qu’il assurait pendant la vacance (Philippe le Bel obtint, en 1294, d’y ajouter à son profit, les « annates », c’est-à-dire les revenus de l’année qui suit la fin de la vacance).
En fait, cette protection se traduit par un véritable pillage des biens des évêchés, ce qui explique les réglementations restrictives qui, avec Philippe le Bel et Louis VII, affranchirent de la « régale » les troupeaux et instruments agricoles.
- Dans la tradition franque, existent aussi des :
« Dons » plus ou moins sollicités, entretenus par les comtes carolingiens,
« Aides » frappant, dans des conditions, à l’origine, indéterminées, vassaux et tenanciers directs ainsi que les hommes libres ou serfs se trouvant dans la mouvance directe du seigneur.
Ils furent rapidement encadrés par la coutume dans leur taux (généralement le vingtième du revenu) et dans les hypothèses où les problèmes de financement contraignaient le seigneur à y recourir.
Dans de nombreuses régions, l’on ne décomptait que trois cas : « l’adoubement
» du fils aîné (ou du seigneur lui-même), le « mariage de sa fille aînée » (ou
parfois son entrée au couvent), la « rançon » à verser quand le seigneur est
prisonnier.
S’ajoutent d’autres cas comme la défense de la seigneurie ou l’acquisition d'une terre seigneuriale.
À partir du XIIème siècle, se généralise un nouveau cas, celui du voyage en Terre Sainte, la croisade.
On note que dès l’instant où le Roi Louis VII lève « l’aide » à ce dernier
titre, commence l’affaiblissement des droits seigneuriaux.
Ces derniers n’en persévérèrent pas moins.
Grâce à eux, la féodalité toujours cimentée par le serment de fidélité instauré par Charles le Chauve en 854, a pu muer en ordre nobiliaire et prospérer pendant des siècles malgré la concurrence de l’Église, la résistance des Villes et jusqu’à l’émergence triomphante de la fiscalité royale.
Les vassaux et les ecclésiastiques en étaient alors exemptés (privilège de robe ou d’épée…) qui subsistera jusqu’à la nuit du 4 août de l’époque révolutionnaire.
Les moulins, pressoirs, fours et verrats banaux justifiaient respectivement le paiement de droits « de mouture », « de fournage », « de porc banal » (pour la truie couverte par un verrat banal).
S’y ajoutaient les « droits de pesage » et « de mesurage ».
On note l’existence du « droit de banvin » qui, en interdisant, provisoirement la vente du vin des sujets du seigneur, permettait à celui-ci de vendre le sien…
Les eaux courantes sont aussi source de revenus avec les « droits de prise d’eau » pour arrosage ou le « droit d’abevenis » pour les moulins et, bien sûr, les « droits de pêche ».
En fait, ce droit a été « suspendu » pour avoir été unifié par Rome à son profit dans deux ateliers à Arles et Lyon.
Il est restauré, sous les Mérovingiens au profit des chefs francs, des évêques et des abbés qui réussissent à multiplier, à leur bénéfice, les lieux de frappe dont le nombre aurait atteint 1.500.
Charlemagne tente, notamment par le capitulaire de Thionville en 805, d’interdire la frappe en dehors du Palais.
Il n’y réussit que partiellement : Une trentaine d’ateliers subsistent et les seigneurs, en particulier les concessionnaires de l’atelier, ainsi que comtes, évêques et abbés, en vertu de leur « jus cornitium » ou de leur « potestas », s’arrogent le droit de monnaie.
Les particuliers vont l’exercer aussi (les Lautrec d’Albi, par exemple) ainsi que certaines communes, Avignon, notamment.
Les marchands avaient développé des instruments de paiement scripturaux tels que la lettre de change (ancêtre du chèque, du billet à ordre ou de l’effet de commerce moderne – LCR par exemple) adaptés à leur activité (il n’était, pendant très longtemps, pas très prudent de s’aventurer sur les routes d’Europe avec de fortes sommes d’argent pourtant nécessaires aux transactions commerciales).
La lettre de change était émise, en un lieu donné par le « tireur » au nom d’un « bénéficiaire » établi par ailleurs sur un « tiré », en général un banquier ayant un établissement « ici et là-bas » (ou un correspondant), auprès duquel les sommes étaient déposées.
Cet instrument pouvait être endossé par le bénéficiaire au profit, d’un autre et ainsi de suite jusqu’à l’échéance éventuellement prévue sur le document.
Sans mouvement de monnaie, il suffisait ensuite de « compenser » les titres, provisoire par nature, par date d’échéance ou de les annuler en cas de détournement d’usage (vol, brigandage, destruction, etc.).
La frappe de monnaie devient alors d’un grand intérêt, non seulement parce qu'elle est preuve d’autorité mais surtout, parce qu’elle est de ressource substantielle du fait du revenu commercial et du profit tiré des manipulations.
- Du « remède », c’est-à-dire de la tolérance en poids et en titre ;
- Du « rendage », différence entre le prix d’achat du métal et la valeur officielle de la pièce, qui tenait compte d’une part des frais de fabrication (le brassage) et d’autre part du bénéfice, de la rémunération du monétaire (le seigneuriage).
Pour l’argent, pendant longtemps seul métal précieux monétaire, le « rendage » avait reçu reconnaissance officielle de Pépin le Bref qui le fixa à 1/22ème.
En mesure de fixer unilatéralement le poids et le titre par rapport au système carolingien de la monnaie de compte (1 livre = 20 sous, 1 sol = 12 deniers) les seigneurs en font débauche.
C’est pourquoi, pour s’en protéger, les habitants de certaines régions (la Normandie, par exemple) consentent à payer à leur seigneur monétaire un « droit de monéage » pour qu’il s’abstienne de manipuler ses monnaies pendant une durée de trois années.
- L’ost était levé pour soutenir la guerre hors ou dans la seigneurie (sa durée ne devait pas excéder quarante jours),
- Le terme « chevauchée » est réservé aux expéditions mineures.
- S'apparente à ces devoirs, « l’estage », c’est-à-dire le devoir pour le vassal de tenir garnison au château seigneurial pendant des périodes de un à six mois (on pourrait voir là l'origine de la Cour dont s’entoureront, plus tard, les Souverains).
- Hérité du « cursus publicus » romain que les « Missi Dominici » ont fortement revivifié, le droit de gîte (ou de procuration) permettait au seigneur – ou à l’évêque – en déplacement, ainsi qu'à ses envoyés, d'être hébergés, en logement et nourriture, chez les vassaux et autres sujets.
S’y ajoute le « droit de prise » qui consiste à exiger de l’habitant toutes sortes de produits, allant des œufs jusqu’au cheval.
En raison des abus auxquels ces deux droits donnèrent lieu (même de la part du Roi), on note que de nombreux édits et capitulaires en réglementèrent l’usage (capitulaires de 818 et 876, édits de Worms, 829, de Pistes, 864).
- La « régale » était le droit, pour le seigneur, de prélever les revenus des sièges épiscopaux vacants en contrepartie de la protection des biens qu’il assurait pendant la vacance (Philippe le Bel obtint, en 1294, d’y ajouter à son profit, les « annates », c’est-à-dire les revenus de l’année qui suit la fin de la vacance).
En fait, cette protection se traduit par un véritable pillage des biens des évêchés, ce qui explique les réglementations restrictives qui, avec Philippe le Bel et Louis VII, affranchirent de la « régale » les troupeaux et instruments agricoles.
- Dans la tradition franque, existent aussi des :
« Dons » plus ou moins sollicités, entretenus par les comtes carolingiens,
« Aides » frappant, dans des conditions, à l’origine, indéterminées, vassaux et tenanciers directs ainsi que les hommes libres ou serfs se trouvant dans la mouvance directe du seigneur.
Ils furent rapidement encadrés par la coutume dans leur taux (généralement le vingtième du revenu) et dans les hypothèses où les problèmes de financement contraignaient le seigneur à y recourir.
S’ajoutent d’autres cas comme la défense de la seigneurie ou l’acquisition d'une terre seigneuriale.
À partir du XIIème siècle, se généralise un nouveau cas, celui du voyage en Terre Sainte, la croisade.
Ces derniers n’en persévérèrent pas moins.
Grâce à eux, la féodalité toujours cimentée par le serment de fidélité instauré par Charles le Chauve en 854, a pu muer en ordre nobiliaire et prospérer pendant des siècles malgré la concurrence de l’Église, la résistance des Villes et jusqu’à l’émergence triomphante de la fiscalité royale.
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