2 – L’Égypte à l’époque romaine
Les structures fiscales et administratives sont réorganisées. Il y a deux
tendances majeures dans ce nouveau système : Une augmentation globale de l’impôt
en espèces et le développement des liturgies.
– Les impôts fonciers
Ces derniers continuent à être payés en nature pour les terres
céréalières, les redevances en blé étant versées aux greniers « thésauroi ».
La charge fiscale devient « l’épibolé », obligation imposée à des propriétaires privés de cultiver des terres domaniales que personne n’a prises à bail.
Il faut ajouter quelques impôts en espèces :
- Le « naubian » perçu sur toutes les catégories de terres privées et
destiné à entretenir digues et canaux ;
- La « geometriâ » pesant sur les vignobles, les vergers et les jardins potagers ;
- « L’epanourian », taxe à taux fixe qui frappe les vignobles et les vergers ;
- « L’apomoira ».
– La capitation et autres impôts sur les personnes, les recensements et
les déclarations.
La capitation « laographia » est payée à taux plein par tous les indigènes
masculins âgés de 14 à 60 ans.
Ce taux varie d’une région à une autre et certaines catégories privilégiées en sont exemptées.
C'est pourquoi la capitation est la marque d'un statut inférieur et frappe
d'autant moins les Égyptiens que leur rang social est élevé.
Pour assurer la levée de la capitation, un système de recensement est organisé tous les 14 ans.
Chaque chef de famille doit inscrire les personnes habitant le foyer avec leur nom et leur âge (« déclaration d’enregistrement par maison »). Le contrôle de la population est aussi assuré par les déclarations de naissance et de mort.
Parmi les autres impôts personnels on peut citer :
- Le « chômatikon » qui sert à l’entretien des digues du système d’irrigation ;
- La « hyiké », taxe sur les porcs pour fournir des animaux de sacrifice aux temples grecs et romains ;
- Le « balaneutikon » pour l’entretien des biens publics ;
- Diverses taxes pour rétribuer les forces de police dont « l’eremophylakia » ;
- La taxe payée par les juifs pour la reconstruction du temple romain incendié au cours d’une insurrection ;
- Les taxes dues par les artisans pour l’exercice de leur métier comme par exemple le « cheironaxion » ;
- Certains impôts pèsent sur les personnes en fonction du principe de responsabilité collective, c’est-à-dire destiné à combler les manques causés par des contribuables défaillants, disparus de leur domicile fiscal ou ruinés.
– Corvées et liturgies
Les romains développent les liturgies à travers la perception des impôts
directs confiée à des « liturges » responsables de la collecte en espèces et en
nature et de son transport à Alexandrie.
Le système fonctionne bien et les rentrées sont garanties du fait de la
responsabilité personnelle des « liturges » sur leurs propres biens en cas de
recouvrement inférieur à ce qui était prévu.
À côté des liturgies dites « patrimoniales » dont la première condition
est un niveau de ressources suffisant, il existe des services dits « corporels
» consistant en un travail physique, par exemple obligation de consacrer cinq
jours de travail à l’entretien du réseau d’irrigation.
Certains privilégiés n’étaient pas astreints aux liturgies quelles qu’elles soient.
– Autres impôts sur les biens
- Taxes sur les moutons, chameaux et les ânes ;
- « L’ennomion » pour le droit de pâture ;
- Une taxe sur les volailles, « tokadeia » ;
- Taxes sur le sel, la bière et l’huile ;
- Prestations obligatoires en nature et espèces affectées à l’armée « stephonos » ;
- Taxes dites « ad valorem » :
* « L’enhylilion » pour le transfert de propriété,
* « L’anabolikan » pour la mise à disposition d’une propriété ;
* Taxes de douane et de transit des marchandises ;
* Péages pour les personnes et pour les animaux.
E – L’impôt-privilège de la civilisation romaine
La Rome antique est une puissante civilisation. Il lui faut payer une
armée permanente de trois cent mille hommes, subvenir aux besoins des vétérans,
rétribuer de nombreux fonctionnaires, financer une bureaucratie énorme,
entretenir les routes, les aqueducs, le service de la poste, maintenir les
œuvres d’assistance, d’éducation et de culture.
Pour faire face à cela, l’État a cinq sources de financement différentes selon les époques.
– Impôt foncier direct
Les citoyens payent un impôt sur les terres et biens proportionnel à leur
fortune.
Le « tributum ex censu », couvre uniquement les dépenses de guerre en cas de besoin.
Après la conquête de la Macédoine, le trésor est assez riche pour supprimer définitivement le « tributum » sur les terres italiennes en 167 avant J.-C.
Les provinces par contre y sont assujetties, sauf exemptions particulières.
On peut aussi considérer comme impôts directs les différents redevances ou
fermages que perçoit l’État.
À compter de Dioclétien (284-305), tout l’Empire sans exception est assujetti à l’impôt foncier « capitatio terrena ».
– Impôts indirects
Ce sont :
- Les droits de douane, d’octroi et de péage (« portiorum » ou « quadragesima » taxe correspondant au quarantième de la valeur des marchandises),
- Le pacage (« scriptura ») levés par tête de bétail sur les troupeaux qui utilisent les pâturages publics.
- Depuis Auguste de nouvelles taxes (« vertiglia ») sont instaurées sur les ventes et mutations ;
- Les célibataires doivent aussi payer un impôt spécial (« aes uxorium »).
– Impôts des provinces
La dîme (« decuma »), impôt en nature, est instaurée en Sicile et en Asie
jusque sous César, avant d’être remplacée par le « stipendium », ou « tribulum
ex censu », impôt foncier en argent, fixé globalement pour chaque province en
fonction des besoins du moment.
Cet impôt porte sur les personnes autant que sur les biens et est réparti en fonction du cadastre (« forma censualis »).
La capitation étant un impôt par tête considéré comme dégradant, beaucoup de provinces n’y sont pas assujetties.
Des caisses fiscales particulières sont créées pour certaines provinces.
Les villes prélèvent également des taxes municipales pour alimenter leur propre trésor.
– Impôts spéciaux
- « L'aurum coronarium » est une contribution volontaire des villes et des
provinces, levée qu’en cas de nécessité par l’État qui pouvait en exiger le
versement ;
- « L’aurum tironicum » est le montant versé pour le recrutement des armées ;
- « L’annone » militaire est un impôt en nature pour le ravitaillement des armées, tout comme « l’indiction ».
– Corvées
Les habitants des provinces sont tenus de participer aux travaux publics
tels que la construction de routes, de ponts ou de supporter des charges
financières (frais d’hospitalité, spectacles...).
L’impôt doit sembler volontaire, comme un privilège.
Dans ces conditions, les taxes sont considérées comme la contrepartie d’un ennui évité.
On peut ainsi noter un lien entre structure de l’économie antique et
possibilités d’établissement de l'impôt.
Ainsi, la circulation par mer, fleuves, déserts et steppes permet la mise en place de péages (en monnaie ou en nature) aux points de circulation stratégiques.
Auguste (63 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.) bénéficie de l’annexion de l’Égypte
où fonctionne un système fiscal très élaboré.
Les contribuables voient alors leurs charges s’alléger du fait d’une administration provinciale mieux surveillée qu’au temps de la république.
Auguste se préoccupe d’améliorer la répartition de l’impôt direct par recensement et met en place des relevés géographiques pour la création de nouveaux péages.
C’est l’émergence du cadastre qui permet une meilleure connaissance de la richesse des différentes administrations et ainsi, une amélioration de la répartition de la charge entre provinces et entre contribuables de chaque province.
Mais les revenus de l’Empire reposent surtout sur les échanges avec le «
portorium », taxe payée toutes les fois qu’une marchandise traverse une des
lignes douanières intérieures qui découpent l’Empire en grandes régions.
Le développement des échanges ne peut pas pour autant empêcher la décadence de l’Empire et de l’impôt par la même occasion.
Un gouvernement qui voudrait continuer à vivre en économie monétaire sans laisser pénétrer le commerce dans la ville de Rome n’a que la solution de recourir à l’impôt de plus en plus systématique.
Or, l’économie de l’antiquité est de moins en moins propice à la fiscalité
car elle est essentiellement agraire et sans innovation technique du fait de la
diminution des échanges et du commerce.
La population urbaine diminue pour se regrouper là où les différentes activités nécessaires à la vie sont regroupées.
La structure de vie se prépare au Moyen-âge.
§.3 – Synthèse et remarques.
Cette énumération et ces rappels historiques, loin d'être exhaustifs,
permettent un aperçu global de l’impôt dans quelques civilisations passées.
Force est de constater plusieurs choses :
– Des civilisations sans contact direct, ont comme base de leur système
fiscal les mêmes grandes taxes : Impôt foncier et capitation.
C’est ce qu’il y a de plus commode à compter…
– Ces systèmes sont fondés sur les structures économiques agraires, mais
aussi et sur les événements liés à chaque époque (importance variable du
commerce et des échanges).
Ainsi, l’impôt foncier et la taxe sur les marchandises et les déplacements se succèdent au gré des guerres et de la bonne santé des échanges.
– Par ailleurs, il n’y a pas d’impôt et de système fiscal généralisé sans
écriture (pour rendre compte) ni système de mesures homogènes (pour compter).
On note que de nombreuses tables sumériennes, retrouvées à l’occasion de fouilles, sont le fait, à tout le moins, de « comptables » sinon de « fonctionnaires »…
Ainsi, même s’il y a culture commune, tant qu’une civilisation n’écrit pas ni ne compte, sociétés nomades à tradition orale par exemple, il n’y a pas de trace d’unité fiscale et pas vraiment unité « civilisatrice ».
– Or, pour imposer un système fiscal, il faut un pouvoir fort et durable.
Le reste n’est que « piraterie », « brigandage », « rançonnage », « pillage » et « racket ».
– Le pouvoir ne suffit pas : Il faut aussi qu’il y ait nécessaire
consentement des populations soumises à l’impôt pour que celui-ci perdure.
Ce consentement n’est durable que s’il existe une contrepartie acceptable pour le contribuable : La sécurisation des personnes et des biens, notamment ceux qui sont producteurs de richesses.
Serait-ce l’un des fondements d’un vaste « contrat social » très actuel ?
Par ailleurs on note que jusque-là l’impôt permet de répondre aux besoins
immédiats de l’État ou du seigneur, détenteur de « l’autorité » nécessaire à
son recouvrement.
Or, petit à petit, l’impôt va s’institutionnaliser et se lier à l’économie
pour devenir un réel élément d’action politique.
Entre-temps, il va se déliter tout au long du moyen-âge avant de renaître, souvent par touches locales avant l’éclosion de la renaissance ou il reprendra son plein essor.
Après cette brève introduction d’un « tour du monde » de la
fiscalité antique, nous allons désormais nous concentrer sur l’histoire de la
fiscalité de notre continent européen et plus particulièrement de la France.
La charge fiscale devient « l’épibolé », obligation imposée à des propriétaires privés de cultiver des terres domaniales que personne n’a prises à bail.
Il faut ajouter quelques impôts en espèces :
- La « geometriâ » pesant sur les vignobles, les vergers et les jardins potagers ;
- « L’epanourian », taxe à taux fixe qui frappe les vignobles et les vergers ;
- « L’apomoira ».
Ce taux varie d’une région à une autre et certaines catégories privilégiées en sont exemptées.
Pour assurer la levée de la capitation, un système de recensement est organisé tous les 14 ans.
Chaque chef de famille doit inscrire les personnes habitant le foyer avec leur nom et leur âge (« déclaration d’enregistrement par maison »). Le contrôle de la population est aussi assuré par les déclarations de naissance et de mort.
- Le « chômatikon » qui sert à l’entretien des digues du système d’irrigation ;
- La « hyiké », taxe sur les porcs pour fournir des animaux de sacrifice aux temples grecs et romains ;
- Le « balaneutikon » pour l’entretien des biens publics ;
- Diverses taxes pour rétribuer les forces de police dont « l’eremophylakia » ;
- La taxe payée par les juifs pour la reconstruction du temple romain incendié au cours d’une insurrection ;
- Les taxes dues par les artisans pour l’exercice de leur métier comme par exemple le « cheironaxion » ;
- Certains impôts pèsent sur les personnes en fonction du principe de responsabilité collective, c’est-à-dire destiné à combler les manques causés par des contribuables défaillants, disparus de leur domicile fiscal ou ruinés.
Certains privilégiés n’étaient pas astreints aux liturgies quelles qu’elles soient.
- « L’ennomion » pour le droit de pâture ;
- Une taxe sur les volailles, « tokadeia » ;
- Taxes sur le sel, la bière et l’huile ;
- Prestations obligatoires en nature et espèces affectées à l’armée « stephonos » ;
- Taxes dites « ad valorem » :
* « L’enhylilion » pour le transfert de propriété,
* « L’anabolikan » pour la mise à disposition d’une propriété ;
* Taxes de douane et de transit des marchandises ;
* Péages pour les personnes et pour les animaux.
Pour faire face à cela, l’État a cinq sources de financement différentes selon les époques.
Le « tributum ex censu », couvre uniquement les dépenses de guerre en cas de besoin.
Après la conquête de la Macédoine, le trésor est assez riche pour supprimer définitivement le « tributum » sur les terres italiennes en 167 avant J.-C.
Les provinces par contre y sont assujetties, sauf exemptions particulières.
À compter de Dioclétien (284-305), tout l’Empire sans exception est assujetti à l’impôt foncier « capitatio terrena ».
- Les droits de douane, d’octroi et de péage (« portiorum » ou « quadragesima » taxe correspondant au quarantième de la valeur des marchandises),
- Le pacage (« scriptura ») levés par tête de bétail sur les troupeaux qui utilisent les pâturages publics.
- Depuis Auguste de nouvelles taxes (« vertiglia ») sont instaurées sur les ventes et mutations ;
- Les célibataires doivent aussi payer un impôt spécial (« aes uxorium »).
– Impôts des provinces
Cet impôt porte sur les personnes autant que sur les biens et est réparti en fonction du cadastre (« forma censualis »).
La capitation étant un impôt par tête considéré comme dégradant, beaucoup de provinces n’y sont pas assujetties.
Des caisses fiscales particulières sont créées pour certaines provinces.
Les villes prélèvent également des taxes municipales pour alimenter leur propre trésor.
- « L’aurum tironicum » est le montant versé pour le recrutement des armées ;
- « L’annone » militaire est un impôt en nature pour le ravitaillement des armées, tout comme « l’indiction ».
L’impôt doit sembler volontaire, comme un privilège.
Dans ces conditions, les taxes sont considérées comme la contrepartie d’un ennui évité.
Ainsi, la circulation par mer, fleuves, déserts et steppes permet la mise en place de péages (en monnaie ou en nature) aux points de circulation stratégiques.
Les contribuables voient alors leurs charges s’alléger du fait d’une administration provinciale mieux surveillée qu’au temps de la république.
Auguste se préoccupe d’améliorer la répartition de l’impôt direct par recensement et met en place des relevés géographiques pour la création de nouveaux péages.
C’est l’émergence du cadastre qui permet une meilleure connaissance de la richesse des différentes administrations et ainsi, une amélioration de la répartition de la charge entre provinces et entre contribuables de chaque province.
Le développement des échanges ne peut pas pour autant empêcher la décadence de l’Empire et de l’impôt par la même occasion.
Un gouvernement qui voudrait continuer à vivre en économie monétaire sans laisser pénétrer le commerce dans la ville de Rome n’a que la solution de recourir à l’impôt de plus en plus systématique.
La population urbaine diminue pour se regrouper là où les différentes activités nécessaires à la vie sont regroupées.
La structure de vie se prépare au Moyen-âge.
Force est de constater plusieurs choses :
C’est ce qu’il y a de plus commode à compter…
Ainsi, l’impôt foncier et la taxe sur les marchandises et les déplacements se succèdent au gré des guerres et de la bonne santé des échanges.
On note que de nombreuses tables sumériennes, retrouvées à l’occasion de fouilles, sont le fait, à tout le moins, de « comptables » sinon de « fonctionnaires »…
Ainsi, même s’il y a culture commune, tant qu’une civilisation n’écrit pas ni ne compte, sociétés nomades à tradition orale par exemple, il n’y a pas de trace d’unité fiscale et pas vraiment unité « civilisatrice ».
Le reste n’est que « piraterie », « brigandage », « rançonnage », « pillage » et « racket ».
Ce consentement n’est durable que s’il existe une contrepartie acceptable pour le contribuable : La sécurisation des personnes et des biens, notamment ceux qui sont producteurs de richesses.
Serait-ce l’un des fondements d’un vaste « contrat social » très actuel ?
Entre-temps, il va se déliter tout au long du moyen-âge avant de renaître, souvent par touches locales avant l’éclosion de la renaissance ou il reprendra son plein essor.
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