§.2 – De l’époque médiévale à la renaissance : La
construction d’une fiscalité durable
On a une assez bonne vision, aujourd’hui, de ce que devaient être les
mécanismes des prélèvements obligatoires à l’époque médiévale à travers une
bonne connaissance de la vie « politique ».
On peut considérer que la fiscalité a accompagné la montée en puissance du pouvoir central, avec des hauts et des bas, depuis l’élection de Hugues Capet et jusqu’à la révolution française.
Nous vous proposons un descriptif, qui sans être exhaustif, reste assez
complet (A), avant d’en comprendre les évolutions au fil du temps (B), vers la
renaissance.
A – La fiscalité médiévale
Le deuxième millénaire commence assez mal pour une fiscalité aussi
complète que celle qu’avait pu mettre en place et faire vivre l’empire romain.
Toutefois, le véritable foisonnement des sources de la « finance publique », confondue avec celle du suzerain, peut être regroupé autour de trois points : Les droits permanents, les droits occasionnels et les droits mixtes.
1 – Les droits « permanents »
Il s’agit essentiellement des droits relatifs à l’occupation des terres et
des droits sur les personnes.
- Les redevances d’occupation des terres : Le cens
Les censives, ou terres roturières, impliquent le paiement au seigneur titulaire du fief d’une redevance, le cens, lequel présente, suivant les régions, un caractère mixte ou alternatif de droit de justice, c’est-à-dire d’imposition, ou de droit de fief, autrement dit un loyer.
On distingue ainsi :
- Le « chef-cens »,
- Le « menu-cens » ou encore le « cens-justicier », droit de justice quelque peu forfaitaire (par arpent, par maison...), quérable chez le débiteur par le représentant du seigneur.
- Il existe aussi un « gros-cens » ou un « cher-cens » ;
- Ou encore un « cens-féodal », droit de fief généralement proportionnel aux récoltes, portable au domicile du seigneur.
Au cens, s’ajoutent d’autres redevances proportionnelles aux récoltes,
principalement :
- Le « champart », appelé aussi « agrier », levé en nature et généralement quérable (sauf en Poitou ou dans l’Orléanais).
Son taux est très variable, du vingtième en Dauphiné, au quart en Beaujolais, et il bénéficie d’une prescription quinquennale.
Le « champart » est complété par :
- Le « minage » qui s’applique aux céréales,
- Le « civerage » à l’avoine,
- La « mestive » au blé,
- La « gruerie » sur les coupes de bois qui prend le nom de « tiers » et « danger » (un tiers plus un dixième) en Normandie.
Sur le produit de la vigne se prélève :
- Le « droit de vendange »,
- Le « complant » dans le Maine et l'Anjou,
- Le « carpot » en Bourgogne qui atteint le quart de la valeur de la récolte.
Certains droits sont assis soit sur les instruments aratoires ou sur les
bêtes, comme :
- Le droit de « charruée » sur chaque charrue,
- Le « droit de plume » sur la volaille,
- Le « cornage » sur les bœufs,
- Le droit « d’herbage » sur les chèvres et moutons,
- Le droit de « fressange » – payable à Noël – sur les porcs.
- Parfois, peut exister un droit de « fouage », sur les maisons.
- Les droits sur les personnes
Ce sont, en premier lieu, les « exactions ».
- La plus célèbre, dont le nom illustrera la fiscalité pendant des siècles, est la « taille », prélevée sur les serfs une ou plusieurs fois l’an, à la merci du seigneur.
- On peut aussi citer le « chevage », sorte de capitation, d’un montant de quatre deniers.
- Les juifs étaient taxés es-qualités plus que les serfs, car ils ne bénéficiaient pas, comme ces derniers, de la protection de l’Église : Ils pouvaient être totalement dépouillés.
Venaient les « corvées » et le « service militaire ».
- Les premières sont dues par les serfs, sans retenue, mais frappaient aussi les hommes libres et les mainmortables.
La corvée est convoquée par la proclamation du « hauban », mais de manière réglementée dans le temps ; elles consistaient principalement à aider le seigneur dans l’entretien de son domaine direct par des « charrois » et transports tout comme par des travaux sur les remparts et le château.
- Quant au service militaire, il se résume à faire le guet, à défendre les terres et à accompagner le seigneur à la guerre.
- Les vassaux doivent servir en « chevaliers », c’est-à-dire à cheval en armure complète avec une suite composée d’un écuyer, d’un page et de deux servants, tous à cheval.
- Les roturiers doivent, à leurs frais, se munir d’un arc, d’une arbalète ou d’une masse.
On peut également citer le droit de « poursuite » qui donne au seigneur la
possibilité de se saisir des serfs ou mainmortables qui abandonnent le lieu où
ils sont tenus de résider.
2 - Les droits occasionnels
Ce sont ceux que le seigneur prélève à l’occasion d’un fait ou d’un
événement, sur des actes, sur les translations ou sur la circulation.
- Droits sur les actes
- Il s’agit essentiellement du « droit sur le mariage » des serfs et du «
droit de formariage », prélèvement d’une large portion (du tiers ou de la
moitié) des biens d’un serf qui épousait une femme franche ou une serve d’un
autre seigneur.
- A aussi existé un « droit de marquette », somme versée en remplacement du droit pour le seigneur (qui a sévi un temps dans certaines provinces) de passer la nuit d’avant mariage (« droit de cuissage », payable en nature) avec l’épouse d'un serf.
- On peut signaler des « droits de justice » au sens strict du terme, en particulier les amendes héritées du « wehrgeld » germanique (par exemple celle perçue sur tout serf pris en flagrant délit d’adultère), les « droits de sceau » et de « tabellionat ».
- Droits sur les transmissions. Les transmissions de terres entre vifs
donnaient lieu à :
- Des « droits de quint » et « de requint » lorsqu’il s’agissait de terres nobles (le cinquième plus le cinquième, comme le « vectigal » du Bas Empire), « de lods » et « de ventes » lorsqu’il s’agissait de terres roturières (généralement du douzième de la valeur des biens cédés).
- Vers l’an mil, s'’st ajouté, au moment des Croisades qui contraignirent bien des seigneurs croisés à vendre une partie de leurs fiefs à des roturiers, un droit de « franc-fief » que ces derniers payaient pour compenser le dédommagement de certains devoirs notamment le service militaire.
Le montant du droit s’élevait à deux années de revenu et jusqu’à quatre années lorsque le fief acquis avait été converti en terre roturière.
- Les transmissions à cause de mort étaient frappées d’un droit du nom de « relief » ou de « rachat » quand il s’agissait de la mort d’un vassal (auquel s’ajoutait le « droit du meilleur catel », « meilleur meuble et/ou meilleur cheval ») généralement égal au revenu d’une année, ou du « droit d’acapte » quand il s’agissait de la mort d’un roturier qui était généralement le double du cens.
- Lorsque le vassal ne laissait que des enfants mineurs, le suzerain exerçait la « garde-noble » c’est-à-dire bénéficiait de tous les revenus – et assumait toutes les charges – de l’arrière-fief en cause.
On remarque très vite qu’est apparu le fait, pour les Églises et
Monastères, d’être « vifs pour recevoir, morts pour rendre », c’est-à-dire
qu’ils n’étaient pas soumis à succession en tant que personnes morales.
Ils leur furent alors interdits d’acquérir des droits immobiliers sauf à payer au seigneur – ou au Roi – un « droit d’amortissement ».
Par ailleurs, les seigneurs bénéficiaient de plein droit des successions
vacantes, des successions de bâtards ou d’aubains (étrangers installés sur les
fiefs) ainsi que celles des serfs (ce n’est qu’au XIVème siècle que
ces avantages reviendront au Roi).
- Droits sur la circulation : Les péages et tonlieux
Particulièrement faciles à prélever et bien plus rentables, les droits de
passage sur les routes, les ponts, les fleuves ont été multipliés à l’envi par
les seigneurs sous des noms variant selon les régions mais connus comme étant
des « péages » :
- « Droits de pontage » sur les ponts,
- « Droits de queyage » sur les quais,
- « Droits de barrage » pour des chemins barrés...
Il y avait aussi une spécialisation par produits :
- Le « droit de salage » pour une cargaison passant sous un pont,
- Le « droit de vinage » pour le déplacement des vins, se subdivisant en droits de « timonage », « ventrabe », de « forage », etc.
À l’entrée des villes, les droits s’appliquaient sur toutes marchandises
et, dans certaines régions, sur toute marchandise entrant ou sortant de la
seigneurie (ce sera l’armature des douanes intérieures).
On note l’existence :
Des « Tonlieux » qui étaient plutôt des droits prélevés sur les marchés avec quelques subtilités comme :
- Le droit de « terrage » pour les marchandises étalées par terre,
- Le « droit de piquage » pour les piquets plantés,
- Le « droit de bichenage » pour les grains et fruits…
L’imagination fiscale était déjà fort développée !
Mais ce n’est pas tout…
On peut considérer que la fiscalité a accompagné la montée en puissance du pouvoir central, avec des hauts et des bas, depuis l’élection de Hugues Capet et jusqu’à la révolution française.
Toutefois, le véritable foisonnement des sources de la « finance publique », confondue avec celle du suzerain, peut être regroupé autour de trois points : Les droits permanents, les droits occasionnels et les droits mixtes.
Les censives, ou terres roturières, impliquent le paiement au seigneur titulaire du fief d’une redevance, le cens, lequel présente, suivant les régions, un caractère mixte ou alternatif de droit de justice, c’est-à-dire d’imposition, ou de droit de fief, autrement dit un loyer.
On distingue ainsi :
- Le « chef-cens »,
- Le « menu-cens » ou encore le « cens-justicier », droit de justice quelque peu forfaitaire (par arpent, par maison...), quérable chez le débiteur par le représentant du seigneur.
- Il existe aussi un « gros-cens » ou un « cher-cens » ;
- Ou encore un « cens-féodal », droit de fief généralement proportionnel aux récoltes, portable au domicile du seigneur.
- Le « champart », appelé aussi « agrier », levé en nature et généralement quérable (sauf en Poitou ou dans l’Orléanais).
Son taux est très variable, du vingtième en Dauphiné, au quart en Beaujolais, et il bénéficie d’une prescription quinquennale.
- Le « minage » qui s’applique aux céréales,
- Le « civerage » à l’avoine,
- La « mestive » au blé,
- La « gruerie » sur les coupes de bois qui prend le nom de « tiers » et « danger » (un tiers plus un dixième) en Normandie.
- Le « droit de vendange »,
- Le « complant » dans le Maine et l'Anjou,
- Le « carpot » en Bourgogne qui atteint le quart de la valeur de la récolte.
- Le droit de « charruée » sur chaque charrue,
- Le « droit de plume » sur la volaille,
- Le « cornage » sur les bœufs,
- Le droit « d’herbage » sur les chèvres et moutons,
- Le droit de « fressange » – payable à Noël – sur les porcs.
- Parfois, peut exister un droit de « fouage », sur les maisons.
Ce sont, en premier lieu, les « exactions ».
- La plus célèbre, dont le nom illustrera la fiscalité pendant des siècles, est la « taille », prélevée sur les serfs une ou plusieurs fois l’an, à la merci du seigneur.
- On peut aussi citer le « chevage », sorte de capitation, d’un montant de quatre deniers.
- Les juifs étaient taxés es-qualités plus que les serfs, car ils ne bénéficiaient pas, comme ces derniers, de la protection de l’Église : Ils pouvaient être totalement dépouillés.
- Les premières sont dues par les serfs, sans retenue, mais frappaient aussi les hommes libres et les mainmortables.
La corvée est convoquée par la proclamation du « hauban », mais de manière réglementée dans le temps ; elles consistaient principalement à aider le seigneur dans l’entretien de son domaine direct par des « charrois » et transports tout comme par des travaux sur les remparts et le château.
- Quant au service militaire, il se résume à faire le guet, à défendre les terres et à accompagner le seigneur à la guerre.
- Les vassaux doivent servir en « chevaliers », c’est-à-dire à cheval en armure complète avec une suite composée d’un écuyer, d’un page et de deux servants, tous à cheval.
- Les roturiers doivent, à leurs frais, se munir d’un arc, d’une arbalète ou d’une masse.
2 - Les droits occasionnels
- A aussi existé un « droit de marquette », somme versée en remplacement du droit pour le seigneur (qui a sévi un temps dans certaines provinces) de passer la nuit d’avant mariage (« droit de cuissage », payable en nature) avec l’épouse d'un serf.
- On peut signaler des « droits de justice » au sens strict du terme, en particulier les amendes héritées du « wehrgeld » germanique (par exemple celle perçue sur tout serf pris en flagrant délit d’adultère), les « droits de sceau » et de « tabellionat ».
- Des « droits de quint » et « de requint » lorsqu’il s’agissait de terres nobles (le cinquième plus le cinquième, comme le « vectigal » du Bas Empire), « de lods » et « de ventes » lorsqu’il s’agissait de terres roturières (généralement du douzième de la valeur des biens cédés).
- Vers l’an mil, s'’st ajouté, au moment des Croisades qui contraignirent bien des seigneurs croisés à vendre une partie de leurs fiefs à des roturiers, un droit de « franc-fief » que ces derniers payaient pour compenser le dédommagement de certains devoirs notamment le service militaire.
Le montant du droit s’élevait à deux années de revenu et jusqu’à quatre années lorsque le fief acquis avait été converti en terre roturière.
- Les transmissions à cause de mort étaient frappées d’un droit du nom de « relief » ou de « rachat » quand il s’agissait de la mort d’un vassal (auquel s’ajoutait le « droit du meilleur catel », « meilleur meuble et/ou meilleur cheval ») généralement égal au revenu d’une année, ou du « droit d’acapte » quand il s’agissait de la mort d’un roturier qui était généralement le double du cens.
- Lorsque le vassal ne laissait que des enfants mineurs, le suzerain exerçait la « garde-noble » c’est-à-dire bénéficiait de tous les revenus – et assumait toutes les charges – de l’arrière-fief en cause.
Ils leur furent alors interdits d’acquérir des droits immobiliers sauf à payer au seigneur – ou au Roi – un « droit d’amortissement ».
- « Droits de pontage » sur les ponts,
- « Droits de queyage » sur les quais,
- « Droits de barrage » pour des chemins barrés...
- Le « droit de salage » pour une cargaison passant sous un pont,
- Le « droit de vinage » pour le déplacement des vins, se subdivisant en droits de « timonage », « ventrabe », de « forage », etc.
On note l’existence :
Des « Tonlieux » qui étaient plutôt des droits prélevés sur les marchés avec quelques subtilités comme :
- Le droit de « terrage » pour les marchandises étalées par terre,
- Le « droit de piquage » pour les piquets plantés,
- Le « droit de bichenage » pour les grains et fruits…
Mais ce n’est pas tout…
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