Le XIXème siècle : Le pouvoir de l’instrument
fiscal
§.1 – Le système fiscal de la bourgeoisie triomphante
Tout au long du XIXème siècle, plus précisément de 1815 à 1914,
les phénomènes majeurs n’ont pas, à première vue d’origine fiscale : Les causes
sont principalement économiques avec un arrière-plan financier qui ne se
distingue pas vraiment des problèmes d’ordre fiscal.
La France passe d’un régime politique impérial, épuisé par d’incessantes
guerres qui portent le Code civil de la péninsule ibérique jusqu’au cœur de
l’Europe centrale, à la Restauration.
Celle-ci s’épuise à son tour avec la seconde République qui se transforme rapidement en second Empire, jusqu’à la proclamation de la IIIème République par Gambetta sur les marches du perron de l’Hôtel de ville de Paris.
Les « révoltes » fiscales tendent à disparaître au profit de mouvements
plus idéologiques : Liberté d’expression, droit d’association, baisse du temps
de travail…
Deux grandes tendances se dessinent néanmoins :
- La consolidation du système fiscal mis en place à la suite de la Révolution et la sacralisation de l'État par la classe au pouvoir ;
-
La contestation de la
bourgeoisie et un État de plus en plus interventionniste (fin du XIXème,
début du XXème).
A - L’environnement du XIXème : Le droit de voter l’impôt
La période se caractérise par un État centralisé et très hiérarchisé : L’État
est désormais présent à tous les niveaux de la commune à la région (écoles,
postes, gendarmeries, perceptions…) : C’est l’héritage Napoléonien.
Ceci a pour conséquence un accroissement continu des dépenses publiques relatives à l’entretien et au fonctionnement des administrations.
Mais l’État dispose aussi de facilités de financement avec l’usage de plus en plus répandu du billet de banque, le billet représentant un énorme progrès dans les opérations financières et économiques, même si son apprentissage et son utilisation se fait lentement sans aucune commune mesure avec les abus caractéristiques du XXème : La grande dévaluation et l’épisode des assignats ont provoqué la méfiance des français et de leurs représentants.
Dès 1815, la plupart des pays possèdent un régime représentatif et une
Constitution qui accorde à l’Assemblée élue le droit d’accepter et de refuser l’impôt.
Napoléon, s’étant à plusieurs reprises dispenser de faire voter l’impôt, le
Sénat juge l’irrégularité assez grave pour en faire une des justifications de
la déchéance de l’empereur.
La déclaration (de circonstance) du 3 avril 1814 précise que : « Napoléon a déchiré le pacte qui l'unissait aux français (…), il a établi des taxes autrement qu’en vertu de la loi malgré le serment prêté lors de son avènement au trône. »
La Constitution reconnaissait en effet à l’Assemblée, le droit de
consentir à l’impôt mais pas celui d’autoriser la dépense publique, principe
qui plierait les pouvoirs publics à ses directives.
Pourtant, pour beaucoup, le principe en découle logiquement : « Les impôts et subsides ne sont établis que pour les besoins de l’État (…). Celui qui a le droit de voter l’impôt a nécessairement le droit d’examiner s’il est demandé par les nécessités de l’État, de vérifier ces nécessités, les dépenses et leurs motifs, de surveiller l’emploi des fonds et de s’assurer qu’ils n’ont pas été distraits de la destination pour laquelle, seulement, ils avaient été accordés. »
Après de longs débats, le procédé devient communément admis. En théorie,
la Chambre doit accorder ou refuser l’argent qui lui a été demandé, non pas par
consentement général mais par autant de consentements particuliers.
Cela ne reste pourtant qu’au stade de principe puisque, d’après l'ordonnance du 2 janvier 1827, la Parlement ne vote que les crédits des différentes sections de chaque ministère (pas de dépense détaillée et sans presque jamais émettre un refus).
Néanmoins, de ces débats, se dégage l’idée que la véritable raison de l’impôt se retrouve dans les services que l’État rend aux citoyens.
B – La révolution industrielle et l’impôt
De 1815 à 1914, l’accroissement continu de la production permet tout au
long de ce siècle aux gouvernements et régimes successifs d’effectuer des
prélèvements de plus en plus importants : Le produit total des prélèvements
fiscaux par tête d’habitant triple, constituant ainsi une marge d’imposition
importante.
Du point de vue économique, le développement des échanges a
considérablement facilité l’assiette et la perception de l’impôt (un contrôle
est d’autant plus aisé que le produit fait l’objet de transactions nombreuses).
Même le secteur agricole, pourtant encore très autarcique, sort progressivement de l’économie fermée grâce à l’échange de denrées avec les colonies.
Cet accroissement des échanges dans tous les secteurs, en plus d’un contrôle facilité, procure des recettes douanières de plus en plus importantes.
À partir de 1870, on constate une grosse vague de protectionnisme à travers le monde. Si certains intellectuels décrient le procédé comme augmentant le coût de la vie et baissant les facultés de compétitivité, les droits de douane fournissent d’importants moyens financiers aux États et sont, en plus, réclamés par des fractions influentes de la population pour protéger l’agriculture et l'industrie : La tentation d’étendre ce type de taxes est trop grande…
C - Les impôts indirects : L’imposition de la circulation
L’augmentation des revenus et le changement des habitudes de vie ont pour
conséquence une consommation accrue d’un certain nombre de denrées dont l’imposition
pouvait s’avérer fructueuse.
Sous l’Ancien Régime et lorsque les impôts indirects avaient été rétablis, l’État taxait les produits de « première nécessité » : sel, farine, viande, maïs, etc.
Mais ce type de prélèvements tendait à être de moins en moins lourd et même à disparaître au profit de produits dits de « demi luxe » dont la consommation s’était beaucoup développée : alcools, tabac, sucre, vin, bière ou encore denrées exotiques (cacao, thé et café).
On cherchait des impôts sur des biens consommés par la majorité du peuple mais, pour autant sans défavoriser les plus pauvres, donc sur ce qui correspondaient à des dépenses jugées « superflues » et, de ce fait, pouvant être taxées avec « bonne conscience ».
Dans le même esprit, les autorités baissèrent, en 1893, les droits sur les
boissons dites hygiéniques telles que le vin, la bière ou encore le cidre au
détriment des alcools forts dont les taux sont relevés pour combattre la
criminalité et la violence familiale (au XIXème, l’alcool
représentait un véritable fléau dans les milieux ouvriers).
Ces différents usages de l’impôt peuvent rapporter beaucoup d’argent, même
si le système de taxation à la production mis en place sous l’Empire (lors du
rétablissement des droits sur les boissons) provoque régulièrement des
mécontentements populaires : La fabrication des alcools est, en majorité, une
production familiale et malgré la réglementation sévère des contrôles, l’enceinte
familiale est difficilement pénétrable sans l’assentiment du peuple.
Pour ces raisons, on décide de saisir la matière imposable (en France,
essentiellement le vin) lors des échanges et des transports auxquels elle donne
lieu.
Dès 1808, l’impôt indirect est composé de trois taxes à la circulation
superposables :
-
Un droit de gros pour la
sortie de l’exploitation ;
-
Un droit d’entrée pour le
franchissement des enceintes des villes de plus de 200 habitants ;
-
Un droit de détail pour
la vente des commerçants aux particuliers.
C’est un système très injuste : La
même pièce de vin peut être imposée de une à trois fois, c’est-à-dire que l’ouvrier
qui prend un verre de vin dans un bar paye plus d’impôt qu’un bourgeois s’approvisionnant
en barriques chez le récoltant.
Le système va pourtant rester en vigueur pendant 90 ans, la réforme de 1897-1900 instituant un impôt unique sur la boisson dit « droit de circulation », toujours en vigueur au XXIème siècle, quel que soit le circuit commercial, le producteur ne paye plus que le droit de gros.
Reste encore un problème : L’économie française étant encore
autosuffisante dans beaucoup de campagnes et à côté des grandes distilleries,
on trouve de nombreux petits paysans transformant la récolte de quelques
pommiers ou cerisiers en quelques bouteilles de calvados ou liqueur pour leur
consommation personnelle. Cela « perturbe » l’administration fiscale qui ne
sait quelle attitude adopter : Pendant longtemps, on a soit interdit de
bouillir à domicile, soit accepté cette production au gré des échéances
électorales, pour finalement adopter le système d’ateliers publics et
bouilleurs de cru ambulants (contrôle instantané et pas de perte de recettes).
On comprend déjà que la concentration favorise la mise au point de techniques fiscales plus commodes et moins coûteuses.
Mais la France reste longtemps un pays à dominante agricole, ce qui retarde l’utilisation de procédés plus performants par rapport à nos voisins britanniques, par exemple.
Celle-ci s’épuise à son tour avec la seconde République qui se transforme rapidement en second Empire, jusqu’à la proclamation de la IIIème République par Gambetta sur les marches du perron de l’Hôtel de ville de Paris.
- La consolidation du système fiscal mis en place à la suite de la Révolution et la sacralisation de l'État par la classe au pouvoir ;
Ceci a pour conséquence un accroissement continu des dépenses publiques relatives à l’entretien et au fonctionnement des administrations.
Mais l’État dispose aussi de facilités de financement avec l’usage de plus en plus répandu du billet de banque, le billet représentant un énorme progrès dans les opérations financières et économiques, même si son apprentissage et son utilisation se fait lentement sans aucune commune mesure avec les abus caractéristiques du XXème : La grande dévaluation et l’épisode des assignats ont provoqué la méfiance des français et de leurs représentants.
La déclaration (de circonstance) du 3 avril 1814 précise que : « Napoléon a déchiré le pacte qui l'unissait aux français (…), il a établi des taxes autrement qu’en vertu de la loi malgré le serment prêté lors de son avènement au trône. »
Pourtant, pour beaucoup, le principe en découle logiquement : « Les impôts et subsides ne sont établis que pour les besoins de l’État (…). Celui qui a le droit de voter l’impôt a nécessairement le droit d’examiner s’il est demandé par les nécessités de l’État, de vérifier ces nécessités, les dépenses et leurs motifs, de surveiller l’emploi des fonds et de s’assurer qu’ils n’ont pas été distraits de la destination pour laquelle, seulement, ils avaient été accordés. »
Cela ne reste pourtant qu’au stade de principe puisque, d’après l'ordonnance du 2 janvier 1827, la Parlement ne vote que les crédits des différentes sections de chaque ministère (pas de dépense détaillée et sans presque jamais émettre un refus).
Néanmoins, de ces débats, se dégage l’idée que la véritable raison de l’impôt se retrouve dans les services que l’État rend aux citoyens.
Même le secteur agricole, pourtant encore très autarcique, sort progressivement de l’économie fermée grâce à l’échange de denrées avec les colonies.
Cet accroissement des échanges dans tous les secteurs, en plus d’un contrôle facilité, procure des recettes douanières de plus en plus importantes.
À partir de 1870, on constate une grosse vague de protectionnisme à travers le monde. Si certains intellectuels décrient le procédé comme augmentant le coût de la vie et baissant les facultés de compétitivité, les droits de douane fournissent d’importants moyens financiers aux États et sont, en plus, réclamés par des fractions influentes de la population pour protéger l’agriculture et l'industrie : La tentation d’étendre ce type de taxes est trop grande…
C - Les impôts indirects : L’imposition de la circulation
Sous l’Ancien Régime et lorsque les impôts indirects avaient été rétablis, l’État taxait les produits de « première nécessité » : sel, farine, viande, maïs, etc.
Mais ce type de prélèvements tendait à être de moins en moins lourd et même à disparaître au profit de produits dits de « demi luxe » dont la consommation s’était beaucoup développée : alcools, tabac, sucre, vin, bière ou encore denrées exotiques (cacao, thé et café).
On cherchait des impôts sur des biens consommés par la majorité du peuple mais, pour autant sans défavoriser les plus pauvres, donc sur ce qui correspondaient à des dépenses jugées « superflues » et, de ce fait, pouvant être taxées avec « bonne conscience ».
Le système va pourtant rester en vigueur pendant 90 ans, la réforme de 1897-1900 instituant un impôt unique sur la boisson dit « droit de circulation », toujours en vigueur au XXIème siècle, quel que soit le circuit commercial, le producteur ne paye plus que le droit de gros.
On comprend déjà que la concentration favorise la mise au point de techniques fiscales plus commodes et moins coûteuses.
Mais la France reste longtemps un pays à dominante agricole, ce qui retarde l’utilisation de procédés plus performants par rapport à nos voisins britanniques, par exemple.
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