B – État des lieux en 1798 (loi du 3 nivôse an VII)
On impose le revenu estimé ainsi :
1 – Contribution personnelle équivalente à 3 jours de travail ;
2 – Contribution mobilière répartie proportionnellement à la valeur du loyer d’habitation ;
3 – Taxes somptuaires sur les domestiques et chevaux (disparues en 1806) ;
4 – Retenue sur les traitements des fonctionnaires (seul type de revenu connu avec exactitude, disparu après l’an IX car considéré comme injuste) ;
5 – La patente.
Au départ un impôt sur l’activité commerciale et industrielle n’est pas
prévu car opposé aux conceptions physiocratiques qui préconisent un impôt
unique sur la terre, la terre étant la seule source de richesses.
Par souci de ne pas donner à l’impôt foncier un poids trop écrasant, l’Assemblée réintroduit la « patente » alors que les « droits de jurandes et maîtrises » ont été supprimés pendant la Révolution.
On décide d’une patente générale pour la plupart des négoces, accompagnée de patentes particulières à taux variables selon la nature du commerce et la population de la commune où le contribuable était installé (droits fixes avec système de classes et de tranches).
6 – La contribution des portes et fenêtres.
C’est un impôt sur les ouvertures des maisons visibles de l’extérieur (d’abord
impôt de quotité, puis de répartition en 1832). Le contribuable paye un droit
fixe selon le nombre d’ouvertures que sa maison possède et en fonction du
nombre d’habitants dans la commune.
Cela peut nous paraître curieux aujourd’hui, mais cet impôt correspond
tout à fait à la volonté de l’époque car il rend possible, sans inquisition ni
violation du domicile, une « équitable » évaluation des assiettes, touche tous
les individus et en plus représente réellement un lien certain avec les «
signes de richesse ».
7 – L’enregistrement et le timbre.
L’enregistrement correspond à un effort de mise en ordre. L’État prélève
une taxe sur tous les actes notariés c’est-à-dire au moment d’une transaction :
Impôt bien accepté par la population, il ne s’immisce pas dans le domaine des
droits de l’individu et apparaît comme la rémunération des services que la
collectivité rend à l’individu en jugeant ses différends, en garantissant les
transactions, en fait, matière imposable naturelle d’une société de droit
écrit.
Le droit de timbre est quant à lui étendu à tous les actes sous seing
privé, ce qui a pour effet de multiplier son rendement par trois par rapport à
l’Ancien Régime [1].
C – Les lacunes du système fiscal révolutionnaire
On peut en noter plusieurs.
1 – Disparition des impôts indirects.
Dès le début de la révolution, les impôts indirects sont abolis dans leur
quasi-totalité pour calmer les émeutes. Il est vrai que la « gabelle » de 1789
était indéfendable même si elle aurait pu subsister sous de meilleures formes.
Les « aides », droits perçus essentiellement sur les boissons alcoolisées,
posaient beaucoup moins de problèmes moraux, elles furent néanmoins supprimées
deux ans après, le 2 mars 1791.
On peut penser que, là encore, cette évolution était due à la seule pensée économique de l’époque qui considérait que les impôts indirects procuraient sous l’Ancien Régime la moitié de ses ressources financières à l’État et qu’il convenait d’alléger les prélèvements obligatoires.
D’ailleurs les législateurs essaieront, peu de temps après la Révolution,
de les rappeler sous leur forme originelle, c’est-à-dire à travers de tarifs
disparates dans tout le territoire.
Une réglementation trop rigide, provoquera de vifs mécontentements populaires et leur rétablissement impossible pour encore quelques temps.
Le trésor public se trouve donc essentiellement alimenté par les impôts directs indiciaires.
2 – Le poids excessif de l’impôt foncier.
Les autres impôts directs représentent peu par rapport à son poids
écrasant.
Psychologiquement, cela mécontente le peuple d’autant plus qu’il est très mal réparti entre les départements.
3 – Une organisation fiscale précipitée.
Dès que l’on ressent l’impopularité de l’établissement de l'impôt (vers
1787), des Assemblées provinciales sont créées pour décharger le roi de certaines
décisions notamment fiscales.
Pour Tocqueville se fut d’ailleurs une des causes de la révolution : « On ne savait plus à qui obéir, ni à qui s’adresser. »
L’Assemblée Constituante veut mieux organiser le système fiscal en créant
un réseau d’administrations locales fondé sur l’idée de répartition, système
décentralisé à l’extrême : Les administrations doivent être élues et procéder
au calcul de l’assiette de l’impôt et à la répartition de la charge entre les
citoyens, sous le contrôle du district.
Le pouvoir central ne doit donc agir que par volontés générales, ne déterminant plus que le montant global à répartir, le soin de l’impôt étant confié aux contribuables et à leurs représentants.
Le système était malheureusement trop idéaliste (croyance que l’impôt
aurait été acquitté par le peuple et pour le peuple) et trop imparfait : En
1791, les directoires des départements n’ont réparti que 164 millions sur 300
prévus.
De plus, la communication, entre pouvoir central et Assemblées locales, passe souvent très mal.
Turgot est un des premiers à dénoncer le système, bien avant ces piètres
résultats, mettant en avant les lacunes de l’instruction et l’esprit civique en
France : « Sur 40.000 municipalités, il y en a 20.000 dont les habitants ne
savent ni lire, ni écrire. » (Rougier de la Bergerie).
Comment alors peut-on confier le soin du calcul de l’assiette et de la répartition entre les contribuables dans la commune à des Conseils municipaux, incompétents en matière fiscale ?
Malgré de nombreuses protestations le principe se trouve quand même
renforcé par la Constitution de l’an II. Chaque année on se retrouve donc avec
des restes à recouvrer considérables, des biens omis, de la fraude…
Pour toute réponse l’Assemblée crée une « Agence des contributions directes » comptant 5.000 commissaires chargés de surveiller les travaux des municipalités…
Quand on observe nos systèmes fiscaux contemporains, on constate que l’œuvre
de la Révolution n’a pas disparu.
Mais le système de l’époque fonctionne mal, son organisation est trop précipitée, pas assez réfléchie et reprend sur de nombreux points le système de l’Ancien Régime, probablement dans un souci de continuité, pour ne pas imposer un changement trop brusque.
Toutefois, les nouveaux principes et les structures archaïques s’accordent généralement mal…
D - La fiscalité jacobine ou la radicalisation de la Révolution
Après les révoltes populaires de 1789, la situation du pays est peu brillante. En plus de la guerre étrangère, on assiste à une véritable guerre civile entre masse populaire et bourgeoisie.
À cela s’ajoute les conséquences économiques de la Révolution qui
commencent à se faire sentir : Pénurie des produits alimentaires, chômage,
augmentation des prix (toujours la conséquence des assignats, masse monétaire
dévalorisée).
Alors que la majorité du peuple attend toujours le contenu social de la réforme et le fait bruyamment et violemment savoir, certains hommes politiques décident de prendre appui sur cette masse en essayant d’accéder à leurs revendications.
En 1792, sous la pression populaire, le prix du blé, trop important, est fixé par les autorités des départements et la Convention recommande aux Assemblées locales de faire souscrire aux riches des emprunts forcés : Les riches sont « désignés » par les membres des municipalités, de façon arbitraire, faute d’éléments sérieux d’appréciation.
À la base, dans quelques départements, le programme social qu’on appellera plus tard le « Programme des enragés » s’étend à tout le territoire.
Le 2 brumaire an II, Fouché prend un arrêté visant à supprimer l’indigence : Les infirmes, vieillards et orphelins seront désormais logés et nourris grâce à la taxe révolutionnaire payée par les riches en fonction de leur fortune et de leur incivisme, notions naturellement très floues, correspondant encore à des prélèvements arbitraires sur des fortunes présumées.
Pourtant, les épisodes de ce genre sont nombreux sous la Convention jacobine (21 sept. 1792 – 26 oct. 1795).
Il y a en fait une volonté commune aussi bien de la masse populaire que des dirigeants montagnards de réduire les inégalités et, pour atteindre cet objectif, le moyen qui apparaît à tous comme le plus juste est l’impôt.
Malgré ces idées très radicales, rares sont les hommes politiques ou même intellectuels français voulant porter atteinte au principe de propriété privée, même si beaucoup la remettent en cause Outre-manche : Les héritiers de la pensée « Lockéenne » affirment, tout au long des XVIIIème et XIXème siècles, le droit de la communauté à reprendre la terre indûment appropriée par des personnes privées, physiques ou morales.
La France, quant à elle, est encore sensible aux idées physiocratiques, même si ces théories d’Outre-manche séduisent quelques Français, ils sont vite traités d’anarchistes.
Finalement, sous l’impulsion de quelques-uns, hommes politiques et
intellectuels s’étant rendus compte que les choses étaient allées trop loin,
les esprits se calment et les idées totalitaires s’apaisent.
Les emprunts forcés sont jugés comme contraire à l’industrie du citoyen et surtout injustes.
On veut revenir à des lois sages et modérées, laissant aux hommes « la jouissance du fruit de leurs travaux » (Ramel).
En fait, on reste dans le flou, impôts progressifs et emprunts forcés
continuent de cohabiter alors que l’on s'aperçoit que la structure économique
en l’état ne permet pas un mode d’égalisation par l’impôt.
Il faut aller plus loin…
[1] Le « timbre » disparaîtra au début du IIIème millénaire
pour ne garder que sa forme de « timbre-amende », et encore un temps seulement.
1 – Contribution personnelle équivalente à 3 jours de travail ;
2 – Contribution mobilière répartie proportionnellement à la valeur du loyer d’habitation ;
3 – Taxes somptuaires sur les domestiques et chevaux (disparues en 1806) ;
4 – Retenue sur les traitements des fonctionnaires (seul type de revenu connu avec exactitude, disparu après l’an IX car considéré comme injuste) ;
5 – La patente.
Par souci de ne pas donner à l’impôt foncier un poids trop écrasant, l’Assemblée réintroduit la « patente » alors que les « droits de jurandes et maîtrises » ont été supprimés pendant la Révolution.
On décide d’une patente générale pour la plupart des négoces, accompagnée de patentes particulières à taux variables selon la nature du commerce et la population de la commune où le contribuable était installé (droits fixes avec système de classes et de tranches).
On peut penser que, là encore, cette évolution était due à la seule pensée économique de l’époque qui considérait que les impôts indirects procuraient sous l’Ancien Régime la moitié de ses ressources financières à l’État et qu’il convenait d’alléger les prélèvements obligatoires.
Une réglementation trop rigide, provoquera de vifs mécontentements populaires et leur rétablissement impossible pour encore quelques temps.
Le trésor public se trouve donc essentiellement alimenté par les impôts directs indiciaires.
Psychologiquement, cela mécontente le peuple d’autant plus qu’il est très mal réparti entre les départements.
Pour Tocqueville se fut d’ailleurs une des causes de la révolution : « On ne savait plus à qui obéir, ni à qui s’adresser. »
Le pouvoir central ne doit donc agir que par volontés générales, ne déterminant plus que le montant global à répartir, le soin de l’impôt étant confié aux contribuables et à leurs représentants.
De plus, la communication, entre pouvoir central et Assemblées locales, passe souvent très mal.
Comment alors peut-on confier le soin du calcul de l’assiette et de la répartition entre les contribuables dans la commune à des Conseils municipaux, incompétents en matière fiscale ?
Pour toute réponse l’Assemblée crée une « Agence des contributions directes » comptant 5.000 commissaires chargés de surveiller les travaux des municipalités…
Mais le système de l’époque fonctionne mal, son organisation est trop précipitée, pas assez réfléchie et reprend sur de nombreux points le système de l’Ancien Régime, probablement dans un souci de continuité, pour ne pas imposer un changement trop brusque.
Toutefois, les nouveaux principes et les structures archaïques s’accordent généralement mal…
Après les révoltes populaires de 1789, la situation du pays est peu brillante. En plus de la guerre étrangère, on assiste à une véritable guerre civile entre masse populaire et bourgeoisie.
Alors que la majorité du peuple attend toujours le contenu social de la réforme et le fait bruyamment et violemment savoir, certains hommes politiques décident de prendre appui sur cette masse en essayant d’accéder à leurs revendications.
En 1792, sous la pression populaire, le prix du blé, trop important, est fixé par les autorités des départements et la Convention recommande aux Assemblées locales de faire souscrire aux riches des emprunts forcés : Les riches sont « désignés » par les membres des municipalités, de façon arbitraire, faute d’éléments sérieux d’appréciation.
À la base, dans quelques départements, le programme social qu’on appellera plus tard le « Programme des enragés » s’étend à tout le territoire.
Le 2 brumaire an II, Fouché prend un arrêté visant à supprimer l’indigence : Les infirmes, vieillards et orphelins seront désormais logés et nourris grâce à la taxe révolutionnaire payée par les riches en fonction de leur fortune et de leur incivisme, notions naturellement très floues, correspondant encore à des prélèvements arbitraires sur des fortunes présumées.
Pourtant, les épisodes de ce genre sont nombreux sous la Convention jacobine (21 sept. 1792 – 26 oct. 1795).
Il y a en fait une volonté commune aussi bien de la masse populaire que des dirigeants montagnards de réduire les inégalités et, pour atteindre cet objectif, le moyen qui apparaît à tous comme le plus juste est l’impôt.
Malgré ces idées très radicales, rares sont les hommes politiques ou même intellectuels français voulant porter atteinte au principe de propriété privée, même si beaucoup la remettent en cause Outre-manche : Les héritiers de la pensée « Lockéenne » affirment, tout au long des XVIIIème et XIXème siècles, le droit de la communauté à reprendre la terre indûment appropriée par des personnes privées, physiques ou morales.
La France, quant à elle, est encore sensible aux idées physiocratiques, même si ces théories d’Outre-manche séduisent quelques Français, ils sont vite traités d’anarchistes.
Les emprunts forcés sont jugés comme contraire à l’industrie du citoyen et surtout injustes.
On veut revenir à des lois sages et modérées, laissant aux hommes « la jouissance du fruit de leurs travaux » (Ramel).
Il faut aller plus loin…
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