De la protection des lanceurs d’alerte
Vous avez connaissance d’un risque « grave »
dans votre entreprise et vous voulez savoir ce que vous risquez à le dénoncer. Eh
bien, une décision de la Cour de cassation vient de préciser les conditions d’application
de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 qui consacre le principe.
Le lanceur d’alerte est dans tous les cas protégé d’un
licenciement !
Et je ne vous raconte pas ensuite l’ambiance autour du
gusse dans les couloirs de celui qui brise la « loi du silence »…
Mais, précision inscrite dans la loi, cette protection
n’est valable que si les faits dénoncés sont de nature à caractériser une
infraction pénale (un crime ou un délit, les contraventions, vous repasserez !).
Autant dire qu’il faut donc connaître son code pénal
sur le bout des ongles avant de s’y essayer.
Le mek qui en dénonce un autre qui ne porte pas son
masque (ou qui fume une clope dans les locaux), il repassera…
Dans l’espèce ci-dessous, un salarié, engagé en
qualité de consultant senior, a procédé à l’enregistrement sonore d’un
entretien informel qu’il a eu avec son « boss » dans lequel celui-ci
évoquait les relations de l’entreprise-cliente avec ses syndicats.
Informel : On peut y raconter n’importe quoi, ses
opinions, ses soupçons, ses délires, du moment que ça ne sort pas du cadre d’une
conversation privée/professionnelle couverte par la « Liberté d’expression »
(et d’opinion) chère à nos « Journaleux », c’est-à-dire qui n’est pas
rendue publique, pas de problème.
Parce que dans le cas contraire, on change de registre
pour entrer de plain-pied dans l’injure, l’insulte, la diffamation publique,
etc.…
Or, quelques jours plus tard, le salarié diffusait konnement
l’enregistrement sur une plateforme de partage de vidéo et en informait les
salariés par courriel.
Son employeur l’a licencié illico presto pour
faute grave, invoquant un manquement aux obligations de loyauté.
Bien vu…
Il n’avait pas demandé l’autorisation préalable de
diffusion.
Devant les tribunaux, le salarié demande la
reconnaissance de sa qualité de lanceur d’alerte et, de fait, la nullité de son
licenciement.
La Cour d’Appel lui reconnaît cette qualité et
prononce donc ladite nullité du licenciement.
Il faut dire qu’ils siègent à Versailles, et que
là-bas, on y reste très prudent avec les syndicats-ouvriers : C’est « sensible ».
Et du coup la Cour de cassation de devoir refaire un cours
de droit-appliqué à tous ces poltrons en rappelant que la protection du lanceur
d’alerte ne vaut que pour la dénonciation de faits constitutifs de crimes ou
de délits.
C’est comme ça qu’est écrite et a été votée ladite loi
protectrice et pas autrement.
Alors on l’applique à la lettre :
Cour de cassation, Chambre sociale, 4 novembre
2020.
N° de pourvoi : 18-15.669
Audience publique du mercredi 04 novembre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles, du 27
février 2018
Président : M. Cathala
Avocat(s) Me Bouthors, SCP Lyon-Caen et Thiriez
RÉPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt
suivant :
La société Eurodécision, société anonyme, dont le
siège est (…) , a formé le pourvoi n° D 18-15.669 contre l’arrêt rendu le 27
février 2018 par la cour d’appel de Versailles (6ème chambre), dans
le litige l’opposant :
1°/ à M. C… W…, domicilié (…) ,
2°/ au syndicat CGT Renault Guyancourt Aubevoye, pris
en la personne de M. B… U…,
3°/ au syndicat Sud Renault Guyancourt Aubevoye, pris
en la personne de M. Q… J…,
ayant tous deux leur siège (…) ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les
deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les
observations de Me Bouthors, avocat de la société Eurodécision, de la SCP
Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. W… et des syndicats CGT Renault Guyancourt
Aubevoye et Sud Renault Guyancourt Aubevoye, et l’avis de Mme Laulom, avocat
général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient
présents M. Cathala, président, Mme Richard, conseiller rapporteur, Mme
Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, conseillers, Mme
Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme
Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée,
en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué statuant en référé
(Versailles, 27 février 2018), M. W…, engagé en qualité de consultant senior
par la société Eurodécision, spécialisée dans le développement de solutions
logicielles et d’expertises dans le domaine de l’optimisation et des solutions
d’aide à la décision, s’est vu confier une mission auprès d’un technocentre
Renault. Lors d’un entretien du 16 mars 2016, l’employeur a évoqué avec le
salarié avoir été averti de l’envoi par l’intéressé d’un courriel politique à
des salariés de la société Renault. Le 18 mars 2016, il lui a notifié une mise
à pied conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable prévu le 25 mars
suivant en vue d’un éventuel licenciement. Le 31 mars 2016, le salarié a fait l’objet
d'un avertissement pour violation du guide d’information de la société Renault
et notamment de sa lettre de mission au technocentre. Il a été licencié le 21
avril 2016 pour faute grave, l’employeur lui reprochant un manquement à ses
obligations de loyauté et de bonne foi, pour avoir procédé à l’enregistrement
sonore de l’entretien informel du 16 mars 2016 à son insu et pour avoir
communiqué cet enregistrement à des tiers afin d’assurer sa diffusion le 21
mars 2016 dans le cadre d’une vidéo postée sur le site internet Youtube. L’enregistrement
diffusé révélait qu’au cours de l'entretien du 16 mars 2016 l’employeur avait
déclaré : « donc ils surveillent, ils surveillent les mails, et à ton
avis les mails de qui ils surveillent en priorité ... Bah les mails des
syndicalistes bien évidemment... t’es pas censé, en tant qu’intervenant chez
Renault, (de) discuter avec les syndicats Renault. Les syndicats de
Renault, ils sont là pour les salariés de Renault... »
2. Le salarié, faisant valoir que son licenciement
était intervenu en violation de la protection des lanceurs d’alerte, a
sollicité devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement
illicite résultant de la nullité de son licenciement et l’octroi de provisions
à valoir sur la réparation de son préjudice. Les syndicats se sont joints à ces
demandes.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Énoncé du moyen
3. L’employeur fait grief à l’arrêt statuant en
référé, de prononcer la nullité du licenciement du salarié pour atteinte à la
liberté d’expression et de le condamner au paiement de diverses sommes au
bénéfice du salarié et des syndicats, alors « que la nullité du licenciement
fondé sur la dénonciation par le salarié de conduites ou d’actes illicites
constatés par lui sur son lieu de travail ne peut être prononcée pour violation
de sa liberté d'expression que si les faits ainsi relatés sont de nature à
caractériser des infractions pénales reprochables à son employeur ; qu’en
prêtant au salarié la qualité de « lanceur d’alerte » en l’absence de la
moindre caractérisation d’une faute pénale de l’employeur, la cour a derechef
violé les dispositions de l’article L. 1132-3-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa
rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre
2013 :
4. Selon ce texte, aucun salarié ne peut être
sanctionné, licencié ou faire l’objet d'une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un
délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses
fonctions.
5. Pour prononcer la nullité du licenciement et
condamner l’employeur au paiement de diverses sommes au salarié et aux
syndicats, l’arrêt retient que la révélation des faits d’atteinte à la liberté
d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat est intervenue par la
voie de médias par internet lors de la diffusion de l’enregistrement litigieux
le 21 mars 2016 puis de l’entretien entre le salarié et un journaliste le 22
mars 2016, alors que M. W… avait personnellement et préalablement constaté que
son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les
syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la
société Eurodécision lors de l’entretien informel du 16 mars 2016 et de la
procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars
2016 et suivie d’un avertissement puis de son licenciement pour faute grave. L’arrêt
en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte
et en conclut qu’en application des articles L. 1132-3-3 et L. 1132-3-4 du code
du travail, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement.
6. En statuant ainsi, sans constater que le salarié
avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit
ou d’un crime, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer
sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles
;
Remet l’affaire et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles
autrement composée ;
Condamne M. W… et les syndicats CGT Renault Guyancourt
Aubevoye et Sud Renault Guyancourt Aubevoye aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure
civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge
ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre
novembre deux mille vingt.
C’est que
Bruno (le Président de la chambre sociale), il ne plaisante pas avec la loi et
tant mieux : C’est sa raison de vivre.
Ceci
dit, de vous à moâ, j’aurai eu un « collaborateur » qui cafterait mes
dires désobligeants sur un tel ou une telle (j’ai eu à plusieurs occasions,
mais je n’ai jamais su qui…) ne t’en fais pas que je l’aurai viré aussi sec,
loi de protection ou pas.
D’ailleurs,
j’ai eu une fois une salariée « protégée » dans mes effectifs (une
déléguée syndicale) qui déformait tous mes dires à un moment donné de ma longue
carrière de « redresseurs d’activité » (et d’entreprises) et en
faisait la publicité avant même que ma secrétaire ait pu en taper un
compte-rendu (lisible : Celle-là, elle faisait des « fautes de
frappes » plus graves que les miennes…).
Elle a
fini avec une promotion dans un placard sur un autre site.
Et
quand sa suppléante a osé demander qu’est-ce qui justifiait cette promotion, j’ai
fait circuler le bruit qu’elle suçait vraiment très bien : « Je
peux vous dire, de source sûre, qu’elle a la langue bien pendue ! »
Objectif
et radical…
Mais je
ne suis pas là pour raconter mes souvenirs (même s’ils sont prescrits). Que
tirer de cette décision ?
En
premier rideau que « les Versaillais » ne cherchent même pas à vérifier
les prétentions qui leur sont rapportées.
Tu
organises une soirée arrosée post-confinement et tu fais dire n’importe quoi à
tes convives. Le lendemain, tu racontes partout qu’Untel prépare un attentat
contre « Jupiter », de « source sûre », sera-ce suffisant
pour que celui-ci soit enfermé au secret durant de longues années ?
Bien
évidemment que non, tiens : J’ose espérer qu’on vérifiera avant le « dire ».
(Mais
bon, comme je ne suis toujours pas
censuré après mon post de cette semaine, il se pourrait que la
police soit finalement assez mal faite)
Bref :
Des amateurs…
En
deuxième rideau, il faut noter que les « Sein-dit-Ka » CGT était
partie à l’affaire.
Pas n’importe
lesquels : Ceux de la « CGT-tétée » de chez Renault.
Bien
sûr qu’ils sont « espionnés ».
Quoique,
souvent il suffit d’attendre la sortie du prochain tract, et on sait
immédiatement de quoi il retourne.
Globalement,
ils ne sont pas très discrets, bien au contraire : Ils ont même ça dans leurs
gènes.
Moâ, ce
que je vois, c’est que ce n’est même plus constitutif d’un délit susceptible seulement
d’une information judiciaire…
En voilà
une bonne nouvelle, non ?
Ce qui
me rappelle la fois où j’ai installé un combiné téléphonique sur mon bureau
directorial, un vieux avec un cadran, que j’avais peint en rouge vermillon. Et
quand mes « syndicaleux » venaient me faire la présentation de leurs
revendications les plus aberrantes et farfelues, je le décrochais sans qu’il ne
sonne… et sans rien dire. Au moins 10 secondes…
« Qu’est-ce
que vous faites ? »
Et très
sérieusement (sans rire, quoi) je leur répondais : « Chut, c’est
la ligne directe avec Moscou. J’attends des instructions… »
Les
tronches, je ne vous raconte pas…
Bonne
fin de week-end à toutes et tous !
Rappelez-vous,
vous êtes confinés… « souplement » : Pas de folies avec vos corps !
I3
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