Ma prof’ de philo, Clara,
M’avait fait caguer en terminale à préparer un exposé
sur le « futile et le nécessaire ».
Que je me fusse tamponné quantité de bouquins (à l’époque,
un autre millénaire, internet n’existait pas) pour avoir un aperçu, un aperçu
seulement, de ce qu’en dissertaient les grands philosophes d’époques parfois
reculées…
En fait, dans mon esprit, ce qui était important, c’était
d’avoir enfin une note au-dessus de la moyenne.
Parce que quand elle ne savait pas comment noter, elle
mettait 8 sur 20. J’en ai eu une collection.
Et je peux vous dire que si elle mettait souvent des deux,
des trois ou des cinq, elle ne mettait jamais une note au-dessus de la moyenne :
À vous écœurer de la matière !
Il aura fallu que j’attende l’épreuve du bac pour
avoir un 17, deuxième meilleure note de mon millésime, bien « sportif »…
Elle n’aura pas connu la crise du « Conard-Virus ».
Dommage pour elle, parce que finalement, c’est instructif : On y découvre même
la notion d’OIV (Organisation d’importance vitale) !
Il aurait fallu qu’elle batte le record de longévité
de Jeanne Calment pour ça et … tomber dans la catégorie des « personnes à
risque ».
Il n’empêche, maintenant que vous êtes confinés, posez-vous
la question de ce qui reste utile et de ce qui ne l’est de toute façon pas.
On va faire dans le « pipi-kaka » pour commencer :
C’est la pyramide des besoins qui nous l’impose, théorie énoncée par Maslow.
Recherchant ce qui se cache derrière les motivations
de tout le monde qui vous poussent à vous lever tôt pour aller accomplir des
tâches parfois ingrates, le bonhomme met au jour cinq (groupes de) besoins
fondamentaux : Les besoins physiologiques (le kaka-pipi, boire, manger,
respirer, sexer, dormir, etc…).
Puis les besoins de sécurité (avoir un toit, une
situation stable, sans anxiété ni stress, sans crises, se soigner, etc.).
Les besoins d’appartenance et d’amour (autrement dit
être apprécié voire aimé, et le rendre ou en restituer l’équivalent autour de
soi).
Puis les besoins d’estime (confiance et respect de soi,
recueillir la reconnaissance d’autrui) et enfin le besoin d’accomplissement de
soi.
Inutile de vous dire qu’une bonne partie de l’humanité
peine déjà à satisfaire les besoins physiologiques, quant au reste, c’est plus
ou moins galère !
Globalement, c’est chacun pour soi et finalement,
selon ses moyens et non pas comme le rêvaient les Marxistes-primaires où chacun
trouverait selon ses besoins.
Ou comment nos sociétés post-modernes (mais également
les plus archaïques) mettaient au boulot les prolétaires de toutes les époques
au service des nantis, à récurer des yachts avec des lave-ponts sous le soleil
ardent pour le confort visuel de quelques « poupées » habillées de
n°5 et de breloques sans prix qui font caprices sur caprices.
Le « Conard-Virus » ne tuera pas que les
malades, souffreteux et gémissants, il ne tuera pas non plus cette société hiérarchisée
à l’extrême parce que fragmentée, mais en revanche, il vous fera peut-être
réfléchir sur ce qui vous est nécessaire (vos « OIV »), et ce dont
vous pouvez vous passer sans grandes contrariétés.
Soyons clairs, qui que vous soyez, vous aurez de toute
façon forcément besoin d’un dispositif de production et de distribution agroalimentaire,
de la grande distribution, d’énergie, d’eau, du traitement de vos déchets, de
transports et probablement de soins idoines.
Or, tout d’un coup, vos « sachants » ont
pointé le risque d’arrêt de « la plupart des secteurs d’activité, dont
ceux dont l’activité n’a pas été suspendue par les récentes mesures »
de confinement. Et les dirigeants d’entreprise en appelaient à « bétonner »
la protection sanitaire de leurs employés face aux critiques des syndicats qui d’ailleurs
font grève générale depuis le début du mois d’avril.
Mais on est en « Gauloisie-illuminée », la
grève générale n’a aucun impact sur l’engagement des militants Cégété…
On notait seulement qu’il « commence à y
avoir une tension dans un certain nombre de supermarchés, de commerces, en
matière de salariés », a reconnu le « sinistre de l’Économie
et des Finances », tout en rassurant sur l’absence immédiate de problème d’approvisionnement
de la grande distribution.
Bé oui, même si les riches peuvent se passer des
dernières productions de leur joailliers habituels, de se montrer au théâtre, d’aller
au concert ou de parcourir le monde sur leurs jets privés à congresser
inutilement sur les plages d’Acapulco, bouffer, ça reste incontournable, même
pour les gueux.
Or, la « machine » se grippe pour une ânerie
de manque de moyens de protection, parce qu'il y a « des insuffisances
en termes de masques, de gants jusque dans les commerces alimentaires, dans les
services de nettoyage des hôpitaux », aura expliqué le secrétaire général
de la CFDT qui a qualifié la protection sanitaire des salariés de « gros
point noir » des mesures prises pour lutter contre la propagation du « Conard-Virus ».
Et oui, si on s’arrête, même l’essentiel disparaît.
Quant au superflu, il attendra des jours meilleurs :
Suspendus les séjours sur la croisette ou à Saint-Tropez.
Lui plaide pour sa boutique : « Il faut
équiper de manière rapide ces travailleurs qui sont indispensables »,
a-t-il réclamé.
Et les « dispensables » (non-indispensables),
on en fait quoi ?
Réponse : On les confine ou ils crèvent (si on en
croit un certain préfet de police)…
C’est qui les uns et les autres au juste ?
Changement de façon de voir la vie, n’est-ce pas…
Les entreprises de l’eau ont d’ailleurs formellement
demandé au gouvernement, via leur fédération professionnelle (la FP2E), à ce
que leurs agents en stations d’épuration soient équipés de masques.
Les agents EDF, même pas : Ils télétravaillent
tous et les centrales tournent toute seule, télépilotées.
« Toutes les commandes de masques, dont nos
salariés ont besoin pour assurer les services essentiels des Français et
respecter les mesures de prévention des risques, ont été réquisitionnées »,
a en effet expliqué Veolia à l’AFP.
« Le décret du 13 mars indique que les
professionnels de santé et les patients sont prioritaires pour la distribution
des masques », précise le directeur santé-sécurité du groupe.
« Or nous devrions, en tant que professions
OIV (Organisation d’importance vitale), bénéficier d’équipements afin d’assurer
la continuité de nos services et la protection de nos salariés »,
ajoute-t-il.
Oui, les lois sur le travail, d’une façon générale,
sont tellement bien foutues que c’est le directeur du site (et sa hiérarchie)
qui reste pénalement responsable de la santé de ses « esclaves-salariés ».
Magnifique, non : Ce sont les patrons qui iront
en taule en cas de décès…
D’ailleurs, au moins chez Veolia, le droit de retrait
a déjà été « exercé par certains salariés en raison de la pénurie de
masques ».
Et l’inquiétude monte aussi dans le secteur des déchets.
En Seine-Saint-Denis, chez Otus, une filiale de
Veolia, le nombre insuffisant de flacons de gel a déjà poussé 18 éboueurs (sur
130 salariés) à exercer leur droit de retrait, rapporte le représentant du
personnel Cégétiste de la boutique.
Quant à la logistique, mercredi, le président de l’association
des industries alimentaires (Ania) confiait à l’AFP qu’« il y a des
droits de retrait qui s’effectuent dans certaines sociétés de transport ».
Étron ! Si les OIV (Organisation d’importance
vitale) n’ont plus de personnel corvéable et taillable à merci, où va-t-on ?
Une insuffisance des moyens de protection alimentant d’ailleurs
un sentiment d’injustice et de déclassement face aux cadres, qui peuvent, eux,
télé-travailler. Et la crainte d’un exercice de plus en plus du droit de
retrait est d’autant plus sensible qu’un certain absentéisme doit déjà être
absorbé par les services essentiels, depuis la fermeture des ékoles et la
réduction des transports.
Terrible dilemme : Où est la frontière entre « indispensable
& superflu » si même l’ékole n’est jamais qu’à ranger au rang des
futilités inutiles ?
C’est ma prof de philo qui doit faire des loopings dans
son cercueil !
Et c’est sans compter d’autres difficultés, comme la
fermeture des frontières, qui inquiète les producteurs de fruits et de légumes,
préoccupés de manquer de main-d’œuvre pour leurs récoltes qui vont pourrir sur
pied.
Ou la multiplication des contrôles sur les routes,
voire la méfiance de la part des entreprises partenaires, subies par les
transporteurs de marchandises qui se promènent comme des pestiférés sur les
routes.
Le gouvernement décide alors de multiplier les
interventions pour motiver les troupes. « Pruneaux-le-Mère » et « Dédé-Guimauve »
ont diffusé ensemble un message « d’encouragement et de reconnaissance »
aux salariés de l’agroalimentaire. Ils auront peut-être une médaille…
Fini les applaudissements vespéraux du 20 heures pour
les « héros hospitaliers » ? Et le premier de nous raconter :
« J’invite tous les salariés des entreprises qui sont encore ouvertes,
des activités qui sont indispensables au fonctionnement du pays, à se rendre
sur leurs lieux de travail (…) dans des conditions de sécurité sanitaire
maximales ».
Lesquelles ?
« Il faut que, de l’agriculteur jusqu’à la
grande distribution, aux commerces de détail et aux marchés, les marchandises
alimentaires puissent circuler », a-t-il expliqué.
Bref, il n’y a plus que la bouffe et la flotte qui
restent une « priorité majeure » !
Fabuleux comme la « futilité » des marchands
de canons et de capotes (de bagnoles, d’aéronefs, de navires, de béton et de
bois de charpente) passent désormais dans les oubliettes !
Le cordonnier, le coiffeur, le barbier, le marchand de
tapis, le gargotier, disparu des écrans radar comme par magie !
On s’inquiète quand même un peu des
électriciens-gaziers. La « sinistre de la Transition écolologique et
solidaire » (« Babeth-Borgne »), s’est fendue d’une « lettre
ouverte aux agents et salariés de l'énergie, des transports, de l'eau et des
déchets », reconnaissant leur « rôle fondamental pour la vie
de la Nation », en insistant sur leur « sens des
responsabilités » et leur « professionnalisme ».
Ils auront peut-être aussi droit à une médaille de la
Nation reconnaissante…
Les gendarmes, militaires en mission au Sahel, qu’ils aillent
se faire voir au BMC local…
« Depuis le début de la crise, chaque jour, je
suis en lien avec vos employeurs et leurs fédérations pour vous permettre de
travailler dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire. Ma
préoccupation première et constante, c’est que l’organisation de votre travail
permette le respect des gestes barrières et des distances qui vous protègent »,
assure-t-elle.
On est assez loin des préoccupations sur la « souveraineté »
de la téléphonie 5G et spatiale, le réchauffement-globale et je ne sais quelle autre « urgence
climatique », n’est-ce pas…
Qu’on ne te parle même pas de l’indépendance
pharmaceutique et des grainetiers (qui fournissent les agriculteurs), juste
pour une histoire de masques-manquants dans les stocks « stratégiques » !
Au-delà de ces exhortations, le gouvernement mise d’abord
sur l’état d’urgence sanitaire. Par décret, il peut en effet prendre, grâce aux
ordonnances autorisées par le Parlement, des mesures visant à maintenir l’activité dans les entreprises des
secteurs essentiels à coup de réquisition.
Pour l’instant, il s’est limité à promettre la mise en
œuvre « dans les délais les plus brefs » de mesures pour « améliorer
la fluidité des réapprovisionnements des commerces par la chaîne logistique » :
Il s’agit « de permettre aux collaborateurs de se rendre sur le lieu de
travail ou de production, de maintenir ouverts de façon dérogatoire les
commerces ou services indispensables à la chaîne logistique (stations-service y
compris les points alimentaires, les centres routiers, les garages pour les
poids-lourds, les équipements sanitaires des aires de service, etc.) »
Vous savez quoi, la liste va probablement s’élargir.
Mais en attendant, la porte-parole du gouvernement, « Si-Bête-la-Diarrhée »
qui ne sait pas enfiler un masque inutile, tout en saluant les salariés qui
vont travailler « avec la boule au ventre », aura quand même
rappelé jeudi les limites du droit de retrait, qui ne s’applique pas dès lors
que l’employeur assure « la sécurité sanitaire qui leur est due ».
Et quand ils ne peuvent, il s’applique donc ?
Ou il faut mettre son slip sur le nez ?
Le secrétaire général de l’union départementale Cégété
de l’Allier, cite ainsi une entreprise de recyclage de la région demandant à
ses 260 salariés « de poursuivre leur activité dans des espaces
confinés et sans masque, comme si de rien n’était ». « Des
employeurs forcent les salariés, faisant planer le licenciement »,
les salauds, assure également Force Ouvrière.
Notez qu’Eurodisney n’a pas hésité à fermer (il n’y a
plus de client pour ses divertissements « indispensables ») en
licenciant quelques intermittents dont il n’arrivait pas à se débarrasser
autrement.
Le secrétaire général de la CFDT, a d’ailleurs directement
accusé « certains magasins Leclerc, qui mettent la pression sur les
salariés pour qu’ils ne se mettent pas en arrêt pour s’occuper de leurs enfants ».
Ah flûte alors : Les enfants, ce n’est pas une « priorité »,
une OIV (Organisation d’importance vitale).
Donc, c’est bien ce que je disais : L’ékole c’est
du superficiel !
Et privé de Disney, on a plus qu’à les laisser se
déconfiner tout seul dans les rues désertées.
Ou ne pas les faire…
Mais bon, on ne peut pas les avorter une fois nés,
paraît-il.
Ça ne rentre pas dans les critères d’une OIV
(Organisation d’importance vitale)…
Alors, maintenant réfléchissez à ce qui reste
important pour vous (et les quelques autres qui vous entourent et qui vous sont
chers).
Quelles sont vos « OIV (Organisation d’importance
vitale) » à vous ?
Si vous n’en avez pas, vous n’êtes plus rien, d’aucune
utilité sociale.
Et si vous restez les bras-ballants à regarder les
nuages passer à travers votre fenêtre, il vous restera la solution du STO
(Service du Travail Obligatoire, d’essence nazie) pour aller servir les OIV
(Organisation d’importance vitale) et ramasser les récoltes qui vont pourrir
sur pied : Mao, et la « bande des quatre », l’avait fait !
Les intellos, même diplômés, aux champs !
Ils ne servent à rien d’autres finalement puisqu’ils
ne sont même pas capables d’anticiper un mauvais sketch autour des masques-manquants…
Naturellement, c’est à Clara, ma prof’ de philo, à qui
je dédie ce billet : Elle m’aura permis d’avoir eu le bac avec mention
(rare à mon époque) ce qui me dispensait des oraux de rattrapage que j’aurai de
toute façon ratés !
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