Chez nous, on confine.
On arrive même à se méfier du voisin, qu’on est prié
de dénoncer s’il déroge, on le fuit s’il se met à tousser et tout le monde
devient le suspect de tout le monde.
On se badigeonne les mains de gel qui les dessèche,
que je finis par en avoir des gersures.
Chez mes « cousins » en exil à Montréal, s’ils
n’en sont pas encore là, ils confinent aussi mais ils peuvent encore se
promener dans les rues sans « autorisation auto-délivrée ».
En Angleterre, ils filochent avec des drones aériens,
à Paris avec des gardes-républicains montés sur leurs chevaux (histoire de leur
faire prendre l’air), mais le préfet n’a pas encore demandé aux chasseurs-parigots
de patrouiller dans les rues à la recherche de gibier à descendre.
Alors qu’à Marseille, Nice et compagnie, sur tous les littoraux
y compris en « Corsica-Bella-Tchi-Tchi », les plages sont toutes interdites
d’accès.
Même qu’on « chapeaute » sur le sujet pour
cet été : Déjà qu’ils avaient démonté toutes leurs paillottes, ça va être
des vacances drôlement sympas !
On se souviendra probablement longtemps du millésime
2020…
Pour me rassurer, j’ai donc fait un petit tour le
week-end dernier (de Pâques) de mes connaissances « exilées ».
Pour vous dire qu’en Suède, mes « petits-kamarades »
les plus surprenants pensent que c’est nous qui marchons sur la tête : « Pas
de confinement, s’il te plaît, nous sommes en Suède ! C’est une question
de liberté, pas d’épidémiologie ».
La belle leçon que voilà !
Sont-ils donc tous devenus fous ?
Non pas du tout : Pour eux, c’est nous qui sommes
fous…
Et mon « pote » (celui qui a épousé une
suédoise) m’explique.
Eux sont « normaux », ils peuvent encore aller
boire une bière et se pinter la tronche comme tous les vendredis soir.
« Nous sommes devenus, dans notre normalité,
un lieu « exotique ». D’autres pays ferment leurs villes, leurs
écoles et leurs économies, mais la vie dans notre coin du monde est étonnamment
ordinaire. Jeudi dernier, je suis allé dans ma salle de sport, j’y ai retrouvé
des amis et je me suis assis sous le soleil de printemps dans des cafés en
plein air. »
Ah que ?
Simple : Ils n’arrivent pas à comprendre qu’il y
ait encore des gens qui, comme si la réaction naturelle aux pandémies était
d’embrasser tous les totalitarismes et dictatures possibles (« une
vraie épidémie, celle-là ! »), préfèrent tourner le dos à « la
normalité » et acceptent d’abdiquer leurs libertés quotidiennes sur simple
demande.
Comment diable la Suède a-t-elle pu devenir ainsi le
dernier bastion de la liberté ?
Comment ce pays de doux conformistes « démocrate-soces »
a-t-il fini par se rebeller contre la culture de l’enfermement me suis-je
demandé ?
Rappelons que dans le passé, la plupart des Suédois se
sentaient très à l’aise avec « l’État-nounou » qui leur donnait des
ordres, en disant, par exemple, combien de tranches de pain ils devaient manger
par jour et pas plus.
« Nous fermons toujours les bars à 15 heures
le samedi. Il faut comprendre que l’idée générale est que si l’on donnait aux
gens la liberté et la responsabilité de résoudre leurs problèmes par eux-mêmes,
l’anarchie pourrait s’ensuivre. »
En réalité, ils s’inquiètent beaucoup du « Conard-virus »
eux aussi.
Et beaucoup de gens semblent travailler à la maison.
Mais les restaurants sont ouverts, pas très fréquentés
mais ouverts.
La distance de deux mètres aux arrêts de bus est une
chose que les Suédois faisaient déjà bien avant la crise : « Nous
n’avons pas besoin de beaucoup d’encouragement maintenant. Nous sommes
prudents. Mais notre approche de la lutte contre la pandémie part de quelque
chose de plus fondamental : dans une démocratie libérale, il faut convaincre
les gens et non les pousser à réagir sous la contrainte et de force. »
Si on perd ce principe, on perd son âme.
Stefan Löfven, le Premier ministre local de centre-gôche,
a rejeté les appels à la fermeture, disant que « nous ne pouvons pas
légiférer et tout interdire ».
Et pourtant ce n’est pas un prédicateur-libertaire et il
pourrait encore introduire des mesures plus sévères au fil du temps.
Mais jusqu’à présent, il a déclaré que « nous
devons tous, en tant qu’individus, prendre nos responsabilités » et ne pas
attendre que le gouvernement nous enferme.
Au centre de ce débat local se trouvent Anders
Tegnell, « l’épidémiologiste de l’État », et Johan Giesecke, également
épidémiologiste (et l’un des prédécesseurs de Tegnell) qui a attiré l’attention
du pays par son attitude négative : Tous deux conseillent la prudence et
le bon sens.
Comme en Grande-Bretagne, de nombreux scientifiques
ont demandé au gouvernement de fermer des écoles et d’imposer des couvre-feux.
Mais, contrairement à la Grande-Bretagne, les
autorités ont répondu calmement en expliquant que cela n’aiderait pas vraiment.
Elles publient leurs propres modèles de propagation du
virus et ils montrent combien de personnes auront besoin de soins hospitaliers
: « Le système peut y faire face. (…) Ils ne pensent pas que
l’Imperial College ait fait un meilleur choix. »
Pas certain : Nous avons failli être débordé en « Gauloisie-maladive ».
Les « Ritaliens » et les « Hispaniques »
tout autant.
Peut-être que Tegnell et son équipe se tromperont.
Mais ce qu’ils veulent dire, c’est que les gens méritent des politiques qui
fonctionnent pendant plus d’un mois.
Et un confinement strict, ça ne peut pas durer
plusieurs mois.
La gestion du virus est un jeu de longue haleine, et
bien que l’immunité collective ne soit pas la stratégie suédoise comme chez les
« Bataves », il se pourrait bien qu’ils en arrivent à décider de « confiner ».
Personne ne sait…
Pour eux, la théorie du confinement est une théorie de
sectaires profondément illibérale – et, jusqu’à présent, non testée.
« Ce n’est pas la Suède qui mène une
expérience de masse. Ce sont tous les autres pays ».
Pas totalement faux : Je ne dis pas autre chose,
mais pour d’autres raisons.
Il s’agit d’un test de résistance à l’oppression, ni
plus ni moins, mais à grande échelle.
Le principal conseil de Tegnell est répété comme un
mantra dix fois par jour : Soyez raisonnable.
Restez à la maison si vous vous sentez malade.
Lavez-vous les mains souvent.
« On fait confiance aux individus, aux entreprises,
aux écoles et aux autres pour déterminer eux-mêmes les précautions à prendre. »
Cette « exception » suédoise est donc bien une
question de principe et non d’épidémiologie !
Il est vrai qu’ils sont peut-être moins à risque en
raison de leur taux élevé de ménages composés d’une seule personne et de leur faible
nombre de fumeurs.
La fermeture des écoles aurait également un impact
plus important dans un pays où presque toutes les mères travaillent.
Mais franchement, toutes ces explications passent à
côté de l’essentiel : « Oui, elles nous rendent différents de l’Italie
et de l’Espagne, mais pas du Danemark, de la Finlande et de la Norvège.
La Suède a simplement lancé un appel à prendre des
mesures qui ne détruisent pas la société libre ».
Et pour l’heure, c’est suffisant…
Dès lors, la vraie question qui leur vient à l’esprit,
n’est-elle pas de savoir pourquoi les autres pays ne font pas de même ?
Viktor Orban vient de prendre le pouvoir au Parlement
hongrois et peut diriger le pays par simple décret, indéfiniment : Les
protestations contre cette décision sont vaines, car « BoJo », « Jupiter »
et « En-Gèle-là-Mère-Quelle » ont suspendu les libertés et les droits
fondamentaux dans leur propre pays !
« Oui, je sais qu’ils sont différents d’Orban,
mais il demandera : en quoi sont-ils différents ? Les Anglais n’ont-ils pas
maintenant des drones de police qui poursuivent ceux qui vont se promener ? »
En fait, pour toute la génération actuelle, celle qui
n’a pas connu la guerre, c’est la première fois dans une vie d’adulte qu’il est
possible d’imaginer le totalitarisme à l’Ouest.
À l’Est, ils ont eu le communisme : Ils savent
encore.
Tout aussi effrayante est la force de la « vision
totalitaire », que suscite la panique.
L’intolérance à l’égard de la dissidence s’accroît et les
gens s’autocensurent en raison de « la proposition dangereuse… selon
laquelle l’honnêteté intellectuelle est une forme d’égoïsme antisocial ».
On note ainsi que de nombreux experts en épidémiologie
et en virologie sont très critiques à l’égard de la stratégie de confinement. Mais
peu d’entre eux sont prêts à s’exprimer publiquement.
Certains experts en santé publique soutiennent que les
méthodes de répression tueront plus de gens que le virus. Mais ils ont du mal à
s’exprimer clairement, surtout par peur de la foule des médias sociaux.
Beaucoup d’économistes pensent qu’il est totalement fou
de fermer toute les productions nationales. Mais ils diffusent leur message sur
la pointe des pieds, car de telles opinions menacent l’état d’esprit de la
cohésion nationale.
C’est ça la « dictature de la pensée unique » !
Nous y sommes…
Combien de temps la Suède tiendra-t-elle le coup ?
Ce n’est pas très clair.
On peut s’attendre à ce que le nombre de décès dus à
la « grippette » augmente plus vite que celui de leurs voisins –
toujours dans les limites d’une mauvaise grippe hivernale – mais ces graphiques
peuvent effrayer les gens.
Pour l’heure, seulement un cinquième de la population
souhaite devenir comme le reste de l’Europe, avec un confinement total.
Mais la grande majorité, pour l’instant, souhaite que
la Suède garde son sang-froid.
« Nous ne voulons pas nous souvenir de 2020
comme de l’année où nous avons causé un tort irréparable à nos libertés – où
nous les avons complètement perdues. »
Peut-être ne seront-ils plus là pour se souvenir de
rien…
Un peu plus loin, mon autre « pote » (un de
mes potes, celui qui a épousé une Islandaise), de culture Danoise au langage de
l’ancien Norvégien, rapporte que les autorités ont testé la proportion la plus
élevée de citoyens au monde. Le résultat, 1 % d’infectés seulement. Et la
moitié des personnes touchées ne présente aucun symptôme…
Ils ne sont pas vraiment confinés : Seuls les
rassemblements sont juste plafonnés à cent personnes.
100, chez eux, c’est déjà une émeute… ou une messe en
leur cathédrale !
C’est le seul pays au monde qui a jugé utile de mener
une enquête générale pour évaluer la prévalence au « Conard-virus »
sur la base du volontariat.
Mi-mars, elles n’étaient que 5.571, mais ça aura
quintuplé depuis. Et ils ont tout de même trouvé 48 cas positifs (0,86 %) alors
que l’île est loin de tout.
La firme en charge de l’étude compte analyser au total
les échantillons cellulaires prélevés sur 3 % de la population islandaise,
forte de 365.000 personnes.
La direction islandaise de la Santé s’est réjouie de
constater que cette prévalence de 0,86 % du « Conard-virus » était
relativement faible et ne progressait pas très rapidement à ce moment-là.
Un commentaire un brin optimiste, puisque le premier
cas en Islande n’a été enregistré que le 1er mars et qu’avec cette
dynamique toute la population de l’île pourrait être infectée en mai.
On regarde d’ailleurs aussi vers l’Ouest, les USA… où
la situation n’est pas fameuse et où les délires politiques s’enchevêtrent avec
vigueur.
D’autant que les seules mesures prises jusqu’ici en
Islande ont été l’interdiction des rassemblements (de plus de cent personnes)
et la fermeture des lycées et universités pour cause… de vacances…
Mais ça va peut-être changer : L’Islande compte désormais
quatre morts du « Conard-virus » et 1.364 cas avérés…
Troublant à plus d’un titre, la moitié des contaminés
assurent n’avoir ressenti aucun symptôme. Ou seulement des troubles bénins, « comme
un léger rhume », relate le dirigeant de la société DeCode Genetics, le spécialiste
du génome humain chargé de mener l’essentiel des tests.
Pour la Direction de la Santé, cela prouve qu’il est
primordial, pour les bien-portants, de « prendre toutes les mesures pour
éviter de contaminer les autres ». À commencer par porter un masque.
« On s’y met, mais avoue que ce n’est pas
commode quand il gèle. »
Rappelons que l’Islande n’est accessible que par un
seul aéroport international et est isolée dans l’Atlantique nord :
Logiquement, le pays devrait être moins touché que le reste du monde.
Et eux ne se saoulent pas, même les vendredis soir,
sauf pour leur fête de la bière, le 1er Mars (date anniversaire
où, 1989 a été l’année du retour de la bière ! En effet, la bière a été bannie
sur l'île durant 75 ans entre 1915 et 1989. Ce sont des Luthériens…).
Bon, la bière chez eux, c’est 0,5 % d’alcool…
Les problèmes de « liberté » et de civisme collectif
des Suédois, c’est loin très loin de l’aquavit qui coule à flot à Stockholm, finalement…
À chacun ses priorités finalement : Aux nôtres,
les nôtres, à eux les leurs !
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