Malgré le confinement,
Je reçois toujours – avec un immense retard – des nouvelles
de la Cour de Cassation.
Je vais vous dire, j’attends avec impatience la trace
des arrêts rendus en mars et avril pour avoir une idée des contentieux traités.
Bon, là, on retourne au mercredi 23 octobre 2019… une
autre époque du « monde d’avant », juste pour vous dire combien il
est important, au moins en droit du travail (eh oui, ça existait encore à cette
époque-là !), de tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de causer…
Cour de cassation – Chambre sociale
Audience publique du mercredi 23 octobre 2019
N° de pourvoi : 17-28800
Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de
président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Waquet, Farge
et Hazan, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt
suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 octobre
2017), que M. I..., engagé le 15 février 1971 par la société Elmo, aux droits
de laquelle est venue la société Cegelec Elmo, a été convoqué le 24 décembre
2008 à un entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 5 janvier 2009
et s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 8 janvier 2009 ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de juger
que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse et de le
condamner au versement de diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que ne constitue pas un licenciement verbal la
prétendue annonce par l’employeur, qui a convoqué le salarié à un entretien
préalable, de ce que sa décision était « irrévocable », faute d’avoir porté
atteinte au contrat de travail ou interrompu celui-ci avant la notification du
licenciement ; que la cour d’appel en retenant en l’espèce un licenciement
verbal inexistant, a violé les dispositions des articles L. 1232-2 et suivants
du code du travail ;
2°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les
documents de la cause ; qu’en l’espèce, il résulte du compte rendu de réunion
du 5 janvier 2009, dont la cour d’appel a relevé expressément les termes, que l’employeur,
acculé par les représentants du personnel informés de la procédure de
licenciement en cours, s’est borné à affirmer que sa « démarche » était
irrévocable, confirmant ainsi sa décision de poursuivre la procédure de
licenciement engagée, sans présager toutefois de sa décision ultime à la suite
de l’entretien préalable ; en affirmant au contraire que la décision de
licencier M. I... résultait du compte rendu de réunion du 5 janvier 2009, la
cour d’appel a dénaturé les termes de celui-ci, violant le principe susvisé
ainsi que les dispositions de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c’est par une interprétation
nécessaire, exclusive de dénaturation, du compte-rendu de la réunion du
personnel, que la cour d’appel a retenu que l’employeur avait annoncé
publiquement, avant la tenue de l’entretien préalable, sa décision irrévocable
de licencier le salarié ; qu’elle en a exactement déduit l’existence d'un licenciement
verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cegelec Elmo aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne
la société Cegelec Elmo à payer à M. I... la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre
deux mille dix-neuf.
La question de droit est de savoir si un licenciement,
annoncé oralement et publiquement comme « irrévocable » avant la fin
de la procédure de licenciement, est ou non abusif ?
La réponse est claire pour tout l’appareil judiciaire
(bien obligé d’appliquer la loi) : Le licenciement est abusif, si l’employeur
annonce verbalement au cours d’une réunion des représentants du personnel sa
décision « irrévocable » de licencier un collaborateur avant même la
fin de la procédure engagée.
Je dois vous avouer qu’à mon sens, elle était déjà « irrévocable »
au moment de lancer la procédure de licenciement.
Sans ça, elle n’aurait jamais été lancée !
Logique…
Sauf que la loi n’est pas faite comme ça… dans « l’immense
sagesse du législateur », il est prévu de l’interrompre.
Le sieur L… est embauché en février 1971 comme
directeur, puis, quelques années plus tard (38 ans de bons et loyaux services
tout de même…), il est convoqué le 24 décembre 2008 (Joyeux Noël !) pour le
5 janvier 2009 afin d’avoir son entretien préalable à son licenciement prévu par le Loi.
Et ça se sait dans les couloirs de la « boutique »
(Radio Lavabo, multifréquence).
Il a probablement fait un konnerie « lourde »
dont on ne saura rien (puisque ce n’est pas l’objet du litige porté devant la
chambre sociale).
Car, avant ou juste après cet entretien préalable, se
tient une réunion, le même jour du 5, avec les représentants du personnel et le
kon de directeur-général, poussé dans ses retranchements face à la vindicte de ses
« élus » du personnel, annonce que le licenciement pour faute grave
de Monsieur L… est déjà « irrévocable ».
Catastrophe, ce gars-là ne connaît pas son code du travail… !
Car l’annonce orale du licenciement est rapportée dans
le procès-verbal de la réunion ! Il devient public…
L’entretien préalable se tient et, 3 jours plus tard et
à son issue, le licenciement pour faute grave est notifié, le 8 janvier 2009.
La Cour d’appel est saisie dix ans plus tard (avec la
célérité d’un train de sénateurs…) et retient que le licenciement, même annoncé
verbalement avant le début de la fin de la procédure, est illégitime, transformant
par conséquent la faute grave en licenciement « sans motifs réels et
sérieux ».
C’est la loi.
Le sieur L… aurait pu taper dans la caisse ou culbuter
la Pédégère sans son
autorisation préalable, en matière de protection du salarié, la
forme participe au premier chef à sa défense !
Comme en droit pénal…
Et même si le déroulement postérieur de la procédure
de licenciement (entretien préalable, délais et notification), respecte les
formes.
Ce qui est confirmé par la Haute juridiction : Une
annonce orale et publique avant le début de la fin de la procédure n’a pas de
caractère légal.
Le rejet est donc logique : Le licenciement est dès
lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Autrement dit, méfiez-vous de ce que vous dites quand
vous représentez les instances dirigeantes de votre « boutique ».
Même si vous n’êtes pas son dirigeant, d’ailleurs…
Il faut avoir le cœur solide pour affronter des « déjantés »
qui veulent vous faire cracher ce que vous ne voulez pas (ou ne pouvez pas)
dire : Je sais, j’ai déjà donné !
De toute façon, laissez-les dire : S’ils ne
savent pas, ils l’inventent !
Ça s’appelle « la rumeur ».
Le mieux, c’est d’avoir un pavé sur la langue et de se
montrer surpris à l’annonce de n’importe quelle ânerie : « Ah,
Monsieur L… est convoqué ? Il faut que je me renseigne… »
« Ah, c’est moi qui aie signé sa convocation ?
Il faut que je demande à ma secrétaire… »
« Ah, je l’ai reçu ? Oui peut-être, je ne
sais déjà plus. Je vais voir ça ! »
Bref, botter en touche en jouant l’imbécile, c’est
plus facile que de se montrer intelligent : Tout le monde y parvient sans
effort !
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
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