Isabelle Nivelle
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une
fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de
l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Par la suite, Paul en fera un rapport à Harrison junior n° 4. Ce dernier
est accompagné d’un procureur fédéral qui enquête sur de supposées
malversations des autorités en matière de « fonds secrets » fédéraux : plus de
40 milliards ont disparu du Koweït à ce moment-là, en comptant la restitution
par l’Irak des 8 milliards de lingots interceptés.
Chaque lingot est numéroté et on sait tout de chacun d’entre eux depuis le
moment où ils sont fabriqués jusqu’au moment où ils apparaissent à la vente sur
les marchés.
Même en les refondant avec une nouvelle identité, ils sont invendables,
puisque sans histoire antérieure, ça les rend « suspects ».
Un billet, il y en a tellement, même s’il a un numéro unique, il est plus
difficile de reconstituer sa vie, puisqu’il n’existe pas de registre de toutes
les transactions auxquelles il aura participé.
Or, comme River est mentionné par Paul, ce procureur part enquêter jusqu’à
Hong-Kong où il a le siège de ses intérêts dans la culture des perles, alors
qu’il habite Hawaï, là où il a commencé à bâtir sa fortune, et où il vient de
faire un aller et retour.
Le procureur meurt dans la baignoire de son hôtel de ce qui semble être un
arrêt cardiaque.
Un peu avant, l’hôtel-restaurant « Chez Charles » en Normandie, est
victime d’une équipe de saboteurs qui se retrouve confrontée à un premier tueur
à gages lancé aux trousses de Paul, qui se fait tuer à l’occasion d’un
repérage, Paul n’étant attendu que dans la nuit.
Junior n° 4 est victime à son tour et à Londres d’un second tueur.
« Un truc assez bien fait. Un complice qui sera identifiée plus tard
comme la sœur jumelle du tueur, tire un missile sur les bureaux des Harrison
depuis la rive opposée de la Tamise. J’ai nettement vu la trace des gaz
d’échappement. L’objectif et de faire évacuer le building.
Et sur le trottoir au pied de l’immeuble, attend le
véritable assassin.
Qui abat sa cible et que je course dans le métro londonien,
où il se fera finalement « démonter » par la police à la station Westminster.
Plus tard, je retrouve sa sœur jumelle au pied de mon bunker
qui vient déjà de lâcher plusieurs salves sur ma carcasse. Et le lien entre ces
quatre attentats, ça reste River qui a embauché tout ce joli monde depuis HK
pour nous liquider : il était lié de près ou de loin aux triades et la pègre
locale. »
Et puis, il y a eu l’attentat sur l’A13.
« Franchement, au lieu de se planquer, il a cherché à effacer de toutes
les mémoires les témoins directs et indirects de ses exactions criminelles.
Désolé, Alex, mais votre géniteur a basculé dans le crime
quand il a volé 40 milliards de dollar aux Koweïtiens et gardé les pierres précieuses
pour lui… »
Avec lesquelles il a bâti sa fortune dans le pacifique.
« Géniteur », c’est ça le terme. Pas papa, ni père, géniteur !
De toute façon, j’ai vécu toute ma vie sans la présence de mes parents :
ni mère, ni père.
La première décédée de façon prématurée, le second n’ayant jamais existé.
C’est peut-être pour ça que je reste un peu une asociale, ayant toujours
redouté la présence d’un homme à demeure dans ma vie sentimentale.
Peut-être…
« On fait quoi, maintenant ? »
Paul me rappelle ma mission.
« Premièrement, vous faites l’analyse ADN avec les échantillons que
vous avez, et vous vous démerdez pour la dépouille de River. Je vous préviens,
ça demande du temps, mais au bout du compte, ça va vous permettre de récupérer
ses sites de cultures perlières actuellement cogérées par une de ses épouses
sur place au nom des enfants de William, ceux qu’elle lui a fait, vos
demi-frères et sœurs, mais vous aussi qu’elle n’a pas faite. Ça devrait vous
motiver.
Deuxièmement, vous me proposez un manuscrit de ce que vous
avez vécu jusque-là en ma compagnie, depuis le premier jour. Notez que I-cube
en a déjà préparé un bout qui va mettre en ligne au mois d’août prochain.
Troisièmement, vous rencontrez le « gardien » de I-Cube et
vous vous arrangez avec lui pour publier rapidement un résumé acceptable de
l’ensemble.
Attention, je censure tout ce qui est hors sujet pour être
trop personnel.
N’en faites pas trop, s’il vous plait Alexis.
Et nous aurons chacun remplit notre part du contrat. »
Une collaboration qui s’arrête là, ensuite ?
« Non pas du tout… Vous allez avoir du travail pour la suite,
figurez-vous. »
De quoi veut-il parler ?
« Vos histoires personnelles, votre travail de recherche sur archives.
I-Cube, et je crois que le seul à l’avoir vu jusque-là, c’est Gustave.
Vous, vous verrez aussi son « gardien » et il sera d’accord,
à trois, pour que vous publiez les « volumes manquants » dans la collection. »
C’est quoi les « manquants » de la collection ?
« Toutes les références « à paraître » que vous fera rajouter I-Cube.
Pour cela, votre travail d’enquête est loin d’être terminé ! »
S’il le dit… c’est qu’il l’a déjà lu !
Il faut s’y faire.
Je poursuis donc mes « vagabondages » jusqu’avenue Foch, là où
demeure Isabelle Nivelle, une des femmes qui aura compté dans la carrière de
Paul de Bréveuil.
Une très belle dame, beaucoup de classe, dotée d’un long cou et jolies
mains effilées, qui porte bien sur elle la cinquantaine dépassée, une voix
posée et fluette qui vit entre un grand appartement avec terrasse sur la
célèbre avenue qui descend de la Place Charles-de-Gaulle vers le bois de
Boulogne, ses contre-allées et sa vaste chaussée principale. Et jusqu’à « son
usine » située en Ardèche, en périphérie d’Aubenas, petite ville de
province, nichée dans la vallée de l’Ardèche.
En fait, on dit « Aubenas », mais l’usine est située sur une des
communes voisines, encastrée sur des terrains inondables et vides de toute
habitation ou presque.
Il se trouve que j’y suis allée parce que Madame Nivelle n’est pas souvent
présente à Paris à ce moment-là.
C’est six heures et demi de route (par l’autoroute du sud), quand ça
roule, c’est entre quatre heures et demi et cinq heures par le train avec
une ou deux correspondances seulement selon l’heure : pas très commode, mais ça
vaut le déplacement.
Non pas pour visiter une plaine envahie par les mauvaises herbes depuis
que les bâtiments ont été quasiment abandonnés, vide d’activité autre que la
fabrication et l’expédition des « enduits-spéciaux » de la maison
Nivelle, mais parce que la « maison de maître » est une grande
bâtisse accrochée sur le relief, entourée d’arbres centenaires du meilleur
effet et joliment aménagée.
J’y découvre Isabelle et sa mère, alitée et hospitalisée « à
domicile ». Elle souffre d’un cancer du pancréas qui l’empêche de vivre
normalement.
Elle est affreusement maigre pour ne rien pouvoir avaler. Quand elle boit
pour prendre ses médicaments, elle vomit. Pire encore avec la nourriture ou les
nutriments vendus en petits bidons (et divers parfums) : à la seconde gorgée,
elle fait des efforts intenses pour garder ce qui lui sert d’aliment.
Et puis souvent, elle a tellement mal au ventre qu’elle se précipite pour évacuer
des selles liquides et noires, quelques goûtes seulement.
On lui a fait un drainage du foie qui s’est dérèglé sous les chimios
successives et parfois elle a le teint jaunâtre.
Elle a le ventre gonflé et les jambes dans un sale état, prises dans un
œdème flagrant.
Et on la voit parfois assise dans son fauteuil, le visage se crisper sous
la douleur, devenir blême. Parfois ça passe en quelques minutes, parfois elle
va s’allonger armée de couvertures chauffantes.
Et les infirmières et aides-soignantes se succèdent à son chevet, pour les
soins, pour la toilette quand les ambulanciers ne l’emmènent pas sur une
civière jusqu’à l’hôpital le plus proche pour une séance de chimio ou une
intervention d’urgence, parce qu’elle fait aussi des accès de fièvre : pas
vraiment en bon état, la dame.
Les kinésithérapeutes passent une fois par jour pour la masser, les
jambes, le dos, le ventre et une pédicure lui fait des soins une fois par
semaine : le seul moment où elle sourit de plaisir !
Manifestement un délice de se faire limer les ongles des pieds…
Un enfer qui lui gâche ses derniers jours qu’elle sait proches, et met en
émoi sa fille unique.
Isabelle qui ne l’intègre pas encore.
Madame Mère est née Tolignac, une famille de la région. Elle a épousé un
Nivelle, Georges, une autre famille de la région. Mais contrairement à ce que
je croyais – et que tout le monde croit encore – ce Nivelle-là n’a rien à voir
avec la famille du général chargé de la défense de Verdun avant d’avoir été
relevé de ses fonctions pour être remplacé par Philippe Pétain à ce poste.
Les Nivelle s’appelaient « Nivellac ». L’arrière-grand père a
fait fortune en fournissant « des quarts, des gamelles et des bidons »
et quelques « roulottes » à tambouille pour la troupe de Napoléon
III.
Avant, c’était une famille qui faisait dans la culture du mûrier à soie.
Et c’est justement à l’occasion de la « grande-guerre » que le
grand-père, blessé au front, s’est reconverti dans la fabrication de munitions
de tous calibres pour l’armée française. Pour avoir quelques marchés, il a
« transformé » son nom en Nivelle. Et c’est resté.
La mère d’Isabelle, quand elle ne dort pas, elle souffre, mais elle est
extrêmement bavarde… se remémorant ses souvenirs de jeunesse et ceux de sa
famille, des fonctionnaires de province.
Je l’aurai accompagnée, un peu, pour formaliser tout ça : pour
résumé, elle a eu trois vies. Celle de son enfance, angoissée par les annonces
du front. Son mariage avec Georges et sa fille unique, son grand-bonheur. Puis
son long veuvage à épauler sa fille unique dans la gestion des affaires de
famille.
Et désormais son lit de souffrances, la quatrième vie inattendue qui se
terminera sous l’effet de la morphine ou des antalgiques associés, codéine et Tramadol,
de puissants antalgiques qui détruisent son organisme, affaiblissent les
fonctions cardiaques, rénales et hépatiques, la rendent amorphe et provoquent des
cauchemars où « d’horribles monstres » l’assaillent durant ses nuits.
Des épisodes où d’épouvantables Gorgones hideuses l’assaillent sans répit.
Une dernière fois, elle sera hospitalisée en « maison
palliative », où elle finira inconsciente en une poignée de jours, sous
l’effet d’une dose de Pentobarbital, ce qu’elle souhaitait, convaincue qu’elle
en avait assez expié, assez souffert comme ça, sans espoir de rémission durable.
C’est un barbiturique, il peut être utilisé dans l’anesthésie ou comme
somnifère.
En principe, le protocole demande à recueillir « le
consentement » du patient : on administre par voie orale ou
intraveineuse un barbiturique quelconque, qui va permettre d’anesthésier le
patient, du Pentobarbitural de sodium ou du Thiopental sodique, par exemple.
Cette étape va permettre au patient en fin de vie de basculer dans
l’inconscience.
Il déprime le système nerveux central (mise en veille du cerveau) entraîne
une hypotonie musculaire (ralentissement des mouvements) et provoque une
dépression respiratoire (ralentissement des mouvements respiratoires).
Cette injection, peut elle-même, conduire à la mort du patient.
Néanmoins, si tel n’est pas le cas on procède à l’administration (par
injection en général) d’un paralysant neuro-musculaire tel que le bromure de
pancuronium. Il est destiné à paralyser les muscles.
Enfin, la troisième et dernière injection possible (mais elle est toutefois
proscrite), est une technique bien connue utilisée pour la mise à mort des
condamnés aux États-Unis, qui consiste à injecter du chlorure de potassium,
provoquant ainsi un arrêt cardiaque.
Toutefois, c’est une technique proscrite pour les euthanasies actives,
puisque douloureuse.
Elle n’aura pas été jusque-là et est partie en pleine nuit, désormais
apaisée… pour l’éternité.
Après tout, c’est ce qu’elle souhaitait, n’en pouvant plus supporter d’être
torturée par son crabe inopérable.
Isabelle également a eu trois vies. Jusque-là.
Une enfance insouciante entourée de nurses et gouvernantes à Paris, des
vacances passées auprès de son père beaucoup plus âgé en Ardèche, « mort
prématurément d’un rhume à l’âge avancé d’un nonagénaire »… mais à Paris.
Adolescente, elle hérite de l’usine de poudre : un bon parti pour la
région, d’autant qu’elle voyait vraiment comme ça son avenir. Mais elle a fait
face bien entourée par les équipes de son père et conseillée par sa mère et se
marie une première fois avec un « fils à papa » de la capitale
rencontrée dans un « bal de promotion » à Versailles.
Ils mettent au monde Sophie, leur fille, avant de divorcer « à
l’amiable » pour « incompatibilité (durable) d’humeur ».
C’est sur le tard qu’elle s’est remariée avec un bel ingénieur chimiste,
célibataire, embauché quelques mois seulement auparavant à l’usine.
« J’ai succombé. Il avait un culot monstre… Je me suis laissée
faire ! »
Hélas, celui-ci préférait également la vie parisienne des dandys argentés
de province à celle qui s’ouvrait à lui sur les bords de l’Ardèche…
« Paul m’a été présenté par un de nos actionnaires minoritaires.
Présenté… pas vraiment ! Imposé, plutôt. Il faut dire qu’à ce moment-là,
l’usine ne fonctionnait pas très bien faute d’un patron à poigne et j’ai été
obligée de mettre en place plusieurs plans sociaux que je souhaitais être les
plus légers possibles, usant des mises en pré-retraite au lieu de faire des
licenciements secs. De toute façon, à l’époque, au-delà de 10 d’un coup, on se
prenait les inspecteurs du travail sur le dos… »
Or, l’usine a connu plusieurs accidents : rien n’était vraiment aux
normes. Une inspection des services aurait été une catastrophe…
« Paul y a remis bon ordre avec des financements surprises de la
part de nos minoritaires et a lancé l’activité « missile ». Ça
consistait en des mélanges de poudres « non explosives ». Un vrai bol
d’air qu’avait toujours refusé de faire mon père.
D’ailleurs, la vraie mission de Paul, c’était de démasquer
une taupe dans nos murs.
J’étais en première ligne et étais soupçonnée sans que je ne
m’en doute : les dossiers techniques des appels d’offre du ministère des
armées « fuitaient » jusqu’en Israël. Une filière d’espionnage qui
passait par la Suisse. »
Ou l’Espagne elle ne se souvient plus très bien : les pages noires de
son histoire.
En réalité, c’était son nouveau mari qui vendait des copies de ces
dossiers pour se faire un peu de menue-monnaie à vivre avenue Foch et financer
ainsi ses « extras » campant dans les contre-allées et sa dope[1].
Charmant…
« Le jour où il devait se faire arrêter par les gendarmes, il y a
eu une course-poursuite, il a perdu le contrôle de sa voiture et a plongé dans
les gorges de l’Ardèche. J’ai repris mon nom de jeune-fille et j’ai fait des
pieds et des mains pour garder Paul.
C’était un choix judicieux… »
Paul en dira qu’en réalité, il s’est fait embaucher par une filiale du
groupe EADS alors en constitution pour booster l’usine et démultiplier les
productions : « on cherchait à doper les fournisseurs dans les
états-majors de la grande boutique. »
À l’époque, il venait de créer « CAP Investigations » avec
Charlotte et Aurélie et ils cherchaient des missions.
« On s’est fait remarquer avec quelques enquêtes difficiles sur
lesquelles pataugeaient un peu la police judiciaire. »
Et puis c’était un officier de la marine, habilité-défense.
J’en avais entendu parler lors de mes entretiens avec Scorff.
« Là, c’était l’alibi rêvé : le contre-espionnage cherchait la
source des fuites sur des dossiers confidentiels. Il y avait plusieurs pistes
possibles et j’ai été « détaché » sur le site perdu au fond de
l’Ardèche, là où personne ne voulait aller.
Je n’ai pas été long à comprendre que ça ne pouvait pas
venir d’Isabelle ni des quelques ingénieurs de son équipe. Le seul qui vivait nettement
au-dessus de ses moyens officiels, c’était bien son mari. Il a suffi de le
piéger… »
Je n’ai su comment que par la suite, mais j’en ferai un petit volume
« d’inédit », parmi les « manquants[2] ».
[1] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ardéchoise, cœur
fidèle », à paraître aux éditions I3
[2] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ardéchoise, cœur
fidèle », à paraître aux éditions I3
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