Qui précise en tant que loi que :
« Tout propriétaire peut clore son héritage,
sauf l’exception portée en l’article 682 » au moins depuis le 10 février
1804, version inchangée depuis lors.
Soutenons que ledit article 682 précise depuis le 12
janvier 1968 que : « Le propriétaire dont les fonds sont
enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue
insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de
sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de
lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage
suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une
indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. »
Mais le fonds enclavé est une exception…
Précisons également que l’article 663 du même Code
civil, indique, dans sa version originelle numérotée 1804-01-31, que : « Chacun
peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux
constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons,
cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs : la hauteur de la clôture
sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et
reconnus et, à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre
voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins
trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de
cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres. »
Voilà qui est dit…
Et autrement dit… pour clôturer son terrain, il faut
respecter les règles locales d’urbanisme ou se plier à des hauteurs de 3,20 m ou
2,60 m de haut, selon la taille de la ville.
C’est ce qu’a précisé la Cour de cassation dans sa
décision du 22 octobre 2019.
Cour de cassation – Chambre criminelle
Audience publique du mardi 22 octobre 2019
N° de pourvoi : 18-86775
M. Soulard (président), président
SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt
suivant :
Statuant sur les pourvois formés par
– Mme U… P…,
– Mme O… E…,
contre l’arrêt de la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème
chambre, en date du 24 septembre 2018 qui, pour infractions au code de l’urbanisme,
les a condamnées à 1.000 euros d’amende chacune et a ordonné la remise en état
des lieux sous astreinte ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique
du 10 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Fossier,
conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller Fossier, les
observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en
la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les
observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces
de procédure, que le 12 février 2015, un agent des services techniques de la
commune de (…) s’est présenté sur le terrain de caravaning de Mme U… L… et a
constaté que la parcelle, à vocation agricole et située en zone d’emprise
ferroviaire et en zone inondable, a été divisée en trois, avec nivellement par
apport de terre végétale et de ballast, sur une surface totale de 4.504 m² ; qu’en
outre, des gaines électriques ont été implantées sur chacun des trois terrains,
une clôture a été édifiée à une hauteur de 2 mètres à 2,10 m et des clôtures
intérieures séparent les divisions ; que par arrêté en date du 8 juin 2015, le
maire de la localité a mis vainement la propriétaire en demeure de cesser ses travaux
et le 23 juillet 2015, les policiers en fonction à (…) ont constaté que neuf
caravanes avaient été installées sur le terrain litigieux et réparties sur les
trois sous-parcelles ; que, poursuivies, les propriétaire et occupantes ont été
condamnées à une amende de mille euros chacune et la remise en état des lieux a
été ordonnée, dans un délai de six mois et sous astreinte de 100 euros par jour
de retard ; qu’elles ont relevé appel, de même que le ministère public ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la
violation des articles L. 123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 123-4, L. 123-5, L.
123-19, L. 160-1, L. 421-4, L. 424-1, L. 480-4, R. 421-9, R. 421-12, R. 421-17,
R. 420-17-7 du code de l’urbanisme, 647 du code civil, 111-5 du code pénal, 485,
512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la cour d’appel a déclaré Mmes O… E…
et U… P… coupables d’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme
(PLU) ou du plan d’occupation des sols (POS), d’édification irrégulière de clôture
soumise à déclaration préalable et d’exécution irrégulière de travaux soumis à
déclaration préalable ;
« alors que tout propriétaire peut clore son
héritage, sauf l’exception portée en l’article 682 du code civil ; qu’en
l'espèce, en se fondant sur la circonstance, inopérante, selon laquelle cette
règle n’est pas d’ordre public pour considérer, à tort, qu’elle n’était d’aucune
pertinence pour le débat qui lui était soumis, la cour d’appel, qui s’est,
ainsi, abstenue de rechercher, comme il était attendu d’elle, si les règles
administratives dont, au cas présent, la méconnaissance fondait les poursuites
contre Mmes E… et P…, en raison des clôtures par elles édifiées, ne portaient
pas atteinte à leur droit de se clore, n’étaient, dès lors, pas illégales et,
partant, n'entachaient pas d'illégalité lesdites poursuites, a méconnu son
office et n’a pas légalement justifié sa décision ».
Attendu que, pour condamner les prévenues sur le
fondement combiné de l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme et des
dispositions du plan local d’urbanisme, la cour d’appel relève qu’il résulte
des dispositions susdites que l’édification d’une clôture d’une hauteur même
inférieure à 2 m doit être précédée d’une déclaration de travaux dans les
communes dotées d’un document d’urbanisme, ainsi que dans certains périmètres
sensibles et zones d’environnement protégé ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le droit
de propriété comme celui de se clore ne s’exerce, conformément à l’article 544
du code civil, que s’il l’on n’en fait pas un usage prohibé par les lois et
règlements, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation
des articles 8 de la Convention des droits de l’homme, L. 480-5 du code de l’urbanisme,
485, 512, 591et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la cour d'appel a ordonné à l’encontre
de Mmes E… et P… la remise en état des lieux dans un délai d’un an, sous
astreinte d’un montant de 75,00 euros par jour de retard passé ce délai ;
« alors que toute personne a droit au respect de
sa vie privée et familiale et au respect de son domicile ; que le juge doit, en
matière d’urbanisme, en fonction des impératifs d’intérêt général poursuivis
par cette législation, rechercher si une mesure de remise en état porterait une
atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale, en mettant,
concrètement, en balance la violation des règles d’urbanisme et la situation du
prévenu et de sa famille ; qu’en l'espèce, en se fondant sur les seules
circonstances, inopérantes, tirées de ce que, d’une part, Mme E…, souffrant
pourtant de graves problèmes de santé qui avaient nécessité une intervention
dont le sérieux n’était pas discutable, vivait à (…) et de ce que, d’autre
part, dans le certificat du médecin en date du 1er juin 2017, qu’elle
produisait, il n’était pas justifié de la nécessité d’un suivi régulier par ce
même praticien, pour en déduire l’absence d’atteinte disproportionnée aux
droits des prévenues engendrée par la mesure de démolition par elle ordonnée,
la cour d’appel a privé de base légale sa décision, faute d’avoir opéré le
contrôle de proportionnalité qui lui incombait ».
Attendu que, pour ordonner la remise en état des
lieux, la cour d’appel relève que la nécessité de préserver les zones agricoles
et l’impossibilité d'envisager toute régularisation commandent d’ordonner la
remise en état des lieux par la démolition des constructions et clôtures et l’enlèvement
des caravanes et engins ; que les prévenues se sont maintenues dans l’illégalité
en toute connaissance de cause, et ce depuis l’acquisition du terrain, alors
même que les dispositions de l’acte de vente étaient particulièrement
explicites quant à l’interdiction de s’y installer pour y vivre ; qu’en
réalité, elles ne vivent pas à (…), mais à (…) où elles ont été entendues ; que
si Mme E… fait état de la nécessité de soins et excipe d’une intervention, dont
la gravité objective n’est pas contestable, intervenue en 2015, il apparaît également
qu’elle fait actuellement l’objet d’un suivi assuré par un médecin de (…), le
praticien ayant eu à intervenir à Marseille ne faisant pas état, dans son
certificat en date du 1er juin 2017, de la nécessité d’un suivi
régulier par ses soins ; que la mesure de remise en état n’a donc pas d’incidence
sur le respect de la vie privée et familiale des prévenues ; que le fait que la
parcelle litigieuse, soit environnée d’autres terrains construits est sans
intérêt, dès lors que, par l’approbation d’un plan (POS, puis PLU), la commune
de (…) a entendu assurer un équilibre entre les zones naturelles, les zones
constructibles et celles qui sont destinées à favoriser et à maintenir la
vocation agricole des terres en question ;
Attendu qu’en statuant ainsi, l’arrêt, qui a, en
appréciant souverainement les circonstances de la cause, opéré la recherche
demandée de proportionnalité entre le droit fondamental invoqué et l’intérêt
général commandant la remise en état des lieux, n’encourt pas la censure ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux octobre deux mille dix-neuf
;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le
président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Dans cette affaire « obscure », une commune
a saisi le tribunal pour ordonner l’enlèvement d’une clôture et la remise en
état des lieux d’une parcelle qu’un particulier avait clos.
En effet, ce particulier avait exécuté les travaux
sans autorisation et ce, contrairement à ce que prévoit le Plan Local
d'Urbanisme (PLU) de la commune.
La Cour de cassation rappelle à cette occasion que de
nombreuses communes, par l’intermédiaire du PLU peuvent soumettre les clôtures
à déclaration préalable.
En l’absence de PLU, la Cour rappelle que la loi
prévoit une déclaration obligatoire dans de nombreux cas comme dans certains
périmètres sensibles et zones d’environnement protégé.
La Cour de cassation relève que la parcelle se
trouvait dans une zone où une autorisation d’urbanisme était nécessaire pour
édifier une clôture. Et en l’absence de cette autorisation, la pose desdites
clôtures est illégale.
Et dans notre affaire, peu importe que la propriétaire
soit malade ou non…
Force reste à la loi.
Ceci dit, personnellement, j’aurai fait une
déclaration préalable et on en parlait plus… Et au lieu de faire une clôture de
2 mètres seulement, j’aurai bétonné sur 2,60 m…
Là, aucun maire ni aucune juridiction n’aurait rien eu
à dire.
Mais bon, au moins on aura eu l’occasion de se faire
faire une petite « leçon de droit-appliqué » par la plus haute
juridiction saisie au pénal…
Précisons que l’article 544 invoqué par celle-ci
précise dans sa grande sagesse et depuis la Loi n° 1804-01-27 promulguée le 6
février 1804 que, en conformité avec la Constitution (nettement postérieure)
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les
lois ou par les règlements. »
C’était un rappel judicieux…
Bon week-end à toutes et à tous !
I-Cube
Bon week-end à toutes et à tous !
I-Cube
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