Réforme des retraites.
On arrive enfin au bout du conflit qui met la pagaille
en « l’Île-de-Gauloisie » et encore un peu plus loin. Disons que c’était
une grève à « double-vitesse » : La province seulement impactée
par les perturbations sur le réseau de la « Société Nationale de Fauche et
de Casse » (SNCF) et une autre, bien plus éprouvante, des métros-bus de « Reste
Assis, T’es pas Payé » (RATP).
Quelques manifs’ sont encore prévues dans les
prochains jours, mais l’essentiel est déjà clos.
Car, pour instaurer son régime universel de retraite,
l’exécutif l’aura déjà aménagé en profondeur et ce dès la semaine dernière !
Les grévistes de la RATP et de la SNCF n’ont pas encore
obtenu le maintien de leur régime spécial (d’où leur rage et dépit), mais des
délais supplémentaires avant l’intégration au régime universel. Ainsi, les
premières générations touchées ne seront pas celles nées à partir de 1975, mais
de 1980 (pour les sédentaires) et 1985 (pour les roulants). Par ailleurs, le
relèvement de l’âge de départ sera très progressif, en lien avec l’ancienneté
dans l’entreprise.
Les générations concernées par la réforme vont pouvoir
liquider leurs droits acquis jusqu’en 2025 avec une règle du jeu plus favorable
que prévu. Cela se fera sur la base des six derniers mois de salaire en fin de
carrière (donc à partir de 2037), et non sur la base des six derniers mois de
2024.
Et des discussions ont également été ouvertes sur les
comptes d’épargne-temps et sur les plans d’épargne-retraite complémentaire,
afin d’en relever le plafond.
Le régime spécial des industries gazière et électrique
a travaillé avec le gouvernement depuis plus d’un an pour obtenir des
transitions douces. Ainsi, l’intégration à 100 % des primes dans l’assiette de
cotisation va s’étaler sur 15 ans. EDF et Engie ont négocié la possibilité de
mieux cibler les bénéficiaires de plans d’épargne-retraite.
Le compte épargne jours-retraite qui permet de partir
deux ans plus tôt en préretraite devrait également être recentré sur les
personnes les plus exposées à la pénibilité.
Tous les policiers conserveront leurs départs
anticipés à 52 ans, y compris ceux qui n’auront pas occupé des fonctions
dangereuses pendant une période minimale que le gouvernement souhaitait
initialement fixer à 27 ans. Le projet prévoyait que les agents les moins
exposés basculent dans le régime de pénibilité de droit commun, qui ne permet
pas de partir à la retraite aussi tôt.
Par ailleurs, il est prévu d’instaurer une sur-cotisation
de l’employeur pour que ces départs anticipés ne se traduisent pas par une
perte de pension.
Les enseignants ont obtenu la garantie de leur niveau
de pension actuel après la réforme, ce qui implique de revaloriser leur
rémunération. Une loi de programmation va être votée afin d’étaler sur 15 ou 20
ans les revalorisations, qui débuteront en 2021. Il s’agira principalement de
primes ciblées sur les débuts de carrière et les professeurs des écoles, mais
le salaire augmentera lui aussi. Les revalorisations seront fonction de l’activité
et de l’âge de l'enseignant. Elles coûteraient 10 milliards d’euros dans l’enseignement
et 5 milliards dans la recherche.
Les « petits-rats » de l’Opéra de Paris pourront
encore partir à la retraite à 42 ans pendant quelques décennies. Le
gouvernement leur a accordé la « clause du grand-père », ce qui signifie que la
première génération concernée par l’entrée dans le régime universel est celle
qui sera embauchée en 2022. Il en ira de même pour les choristes et les
techniciens subissant des fatigues exceptionnelles (57 ans), ainsi que les
musiciens d’orchestre (60 ans) appartenant à la vénérable maison. Il est prévu
de créer un dispositif interne de cessation de fonctions reposant
éventuellement sur l’aptitude et d’organiser les reconversions
professionnelles.
Les travailleurs non-salariés ont de multiples régimes
de retraites, et souvent des taux de cotisation plus faibles que ceux du futur
régime universel. Pour éviter que le modèle économique de ces petites
entreprises ne s’écroule, le gouvernement a mis au point une réforme de l’assiette
des cotisations, qui sera plus large mais avec un abattement de 33 %.
Par ailleurs, le passage vers le nouveau taux de
cotisation, qui ne sera universel que jusqu’à 3.400 euros de revenu mensuel, se
fera en 15 à 20 ans et devrait être indolore. Les professions de santé
libérales sont les premières concernées, mais la mesure s'appliquera également
aux autres indépendants.
La CRPN, le régime des pilotes de ligne, hôtesses et
stewards, devrait poursuivre son existence en tant que régime complémentaire
légal obligatoire. C’est le compromis qui a été trouvé pour que le futur régime
universel n’ait pas à supporter une baisse brutale des cotisations tout en
devant assurer le paiement des droits déjà acquis. Du coup, cette population
continuera à surcotiser et les 3.000 pilotes qui gagnent très bien leur vie
profiteront toujours de la répartition. La possibilité de départ anticipé à 60
ans sera pérennisée.
Quant aux contrôleurs aériens, qui peuvent partir à 52
ans, ils bénéficieront comme prévu dans le rapport « De-la-Voix », et
ce au titre des missions régaliennes, d’un maintien de leur droit au départ
anticipé (on connaît leur capacité de nuisances, à ceux-là).
Il sera financé par une cotisation employeur et l’âge-pivot
pourrait être fixé à un peu plus de 56 ans pour cette population-là.
En bref, tous égaux dans le futur régime « universel »,
mais déjà, il y en a quantités qui seront « plus égaux que d’autres ».
Et ce sont « les autres » qui payeront par
la voie de l’impôt ou autre mécanisme à préciser dans le volet des négociations
à venir sur l’équilibre financier des régimes qui va suivre…
C’est bien la fin des « régimes spéciaux »
mais la naissance et la création des « régimes particuliers » en
lieu-et-place !
Belle réforme « jupitérienne », n’est-ce ?
De toute façon, dès cette année (2020) bien des mesures
qui ne sont pas dans le texte qui sera voté cet été sont déjà en œuvre.
C’est déjà la revalorisation de 0,3 % à 1 % des
pensions de base. Une hausse des retraites de base dépend cette année du
montant total des pensions de la personne, de base et complémentaires,
réversions comprises. Si elles ne dépassent pas, additionnées, 2.000 euros brut
mensuels, la revalorisation, calée sur l’inflation, est de 1 % (qui sera
probablement arrivé au niveau de 1,4 %).
Sinon, c’est 0,3 %.
L’indexation s’applique au 1er janvier mais
ces pensions étant en général versées « à terme échu », à l’issue du mois pour
lequel elles sont dues, il faudra souvent attendre fin janvier ou début février
pour voir, sur son compte, la couleur de l’augmentation.
Ça, c’est la règle générale.
En pratique, c’est (encore) plus compliqué car la
revalorisation sera appliquée en deux temps pour certains retraités, explique
l’assurance-retraite.
Première étape en ce début d’année : Si vous touchiez
fin 2019 plus de 1.874 euros net par mois, la hausse sera de 0,3 %, et de 1 %
si vous touchiez 1.874 euros ou moins.
Seconde étape, lors du règlement des pensions d’avril
: Si votre retraite totale est comprise entre 2.001 et 2.014 euros brut, on
vous appliquera, à des fins de lissage, une revalorisation comprise entre 0,4
et 0,8 %.
Un rattrapage sera alors opéré pour les mois
précédents.
Une seule exception à ce schéma concerne les avocats,
qui verront tous leurs pensions de base augmenter de 1 %.
Quant aux retraites Agirc-Arrco, les complémentaires
des salariés, elles doivent évoluer le 1er novembre 2020 au minimum
comme l’inflation, au maximum de 0,2 point de plus.
Pour la retraite additionnelle de la fonction publique
(RAFP), l’augmentation doit être décidée en février, pour une application
rétroactive au 1er janvier.
La hausse, au 1er janvier également, est
sinon de 1 % pour les agents non-titulaires de la fonction publique (Ircantec)
ainsi que pour les commerçants et artisans.
C’est 0,3 % chez les avocats.
Pour les autres « libéraux », les taux
varient selon les sections d’affiliation. Tous n’ont pas encore été
communiqués.
Exemples : 1,01 % à la Cavamac, caisse des agents
d’assurance, 1,50 % à la Cavec, pour les experts-comptables et commissaires aux
comptes, 2 % à la CAVP, chez les pharmaciens (pour la partie par répartition),
1 % à la Carmf, pour les médecins (hors pensions ASV qui, elles, n’évoluent
pas), 0 % à la Cipav (caisse des architectes, des géomètres, des ostéopathes,
etc.).
Autrement dit, on arrondit les angles pour les déjà
pensionnés en garnissant de façon homéopathique quelques « rattrapages »
de pouvoir d’achat : Normal, on est en période préélectorale…
Ce 1er janvier marque d’ailleurs la dernière
étape de la suppression du fameux régime social des indépendants (RSI) et de
l’intégration progressive de ses affiliés au régime général de Sécurité
sociale.
Tous les anciens artisans et commerçants ont désormais
pour interlocutrice, pour les pensions, la Caisse de l’assurance-retraite de
leur lieu de résidence.
Le revenu brut requis pour valider un trimestre pour
la retraite s’élève en 2020 à 1.522,50 euros (150 fois le montant du smic
horaire), contre 1.504,50 euros l’an dernier. Autrement dit, un salarié, un
indépendant ou un libéral devra avoir cotisé cette année sur la base d’un
revenu de 6.090 euros pour obtenir ses quatre trimestres, peu importe le nombre
de mois travaillés.
Par ailleurs, après une augmentation de 0,27 point
l’an dernier, le taux des cotisations retraite des fonctionnaires passe de
10,83 % à 11,10 %. C’est la dernière des augmentations prévues par la réforme
de 2010 pour aligner le niveau du prélèvement sur celui des salariés.
Le taux grimpe aussi dans certains régimes spéciaux,
par exemple de 9,06 % à 9,33 % à la SNCF et on n’a vu personne bloquer les
trains pour cette raison…
Dans de nombreux régimes de base, la réversion,
fraction de pension accordée au conjoint survivant, est versée sous condition
de ressources. Montant annuel à ne pas dépasser en 2020 pour y avoir droit : 21.112
euros par an pour une personne seule, contre 20.862,40 euros en 2019. Ce plafond
concerne le régime général (régime de base des salariés, commerçants et
artisans), la Mutualité sociale agricole et la CNAVPL (régime des libéraux,
hors avocats). Ces montants évoluent chaque année comme le smic.
Dans les régimes de base des fonctionnaires et des
avocats, il n’y a pas de conditions de ressources.
Autre nouveauté : La possibilité de demander sa
réversion en ligne et en une seule fois, alors qu’il faut aujourd’hui adresser
une requête à chacun des régimes de son conjoint décédé. Ce service doit être
lancé mi-2020, selon l’Union Retraite.
Enfin, la pension de base des salariés bénéficiant du
taux plein ne peut être inférieure à un certain montant, appelé « minimum
contributif ». Pour les départs à la retraite de 2020, il s’élève au
maximum à 702,55 euros par mois, contre 695,59 euros en 2019.
Vous toucherez ce montant complet si vous avez validé
tous vos trimestres tous régimes confondus, et que vous avez cotisé au moins
120 trimestres au régime général.
Attention toutefois, le « minimum contributif »
ne peut amener vos pensions totales, de base et complémentaires, à dépasser 1.191,57
euros (contre 1.177,44 euros en 2019). Si c’est le cas, il est réduit jusqu’à
atteindre ce plafond.
L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA),
« l’ex-minimum vieillesse », a atteint, ce 1er janvier,
903,20 euros par mois pour une personne seule (+ 35 euros) et 1.402,22 euros (+
54,34 euros) pour un couple.
C’est la dernière des trois revalorisations
exceptionnelles annoncées en début de quinquennat.
Depuis avril 2018, ce minimum social, qui concerne en
règle générale les 65 ans ou plus ayant peu ou pas cotisé, a grimpé de 100 euros.
Sachez que les taux de prélèvements sociaux appliqués
aux pensions de retraite dépendent du revenu fiscal de référence du foyer
(RFR). Or, les seuils de RFR sont revalorisés chaque année en fonction de
l’inflation.
Pour les prestations versées en 2020, le revenu à ne
pas dépasser pour bénéficier de l’exonération totale de contribution sociale
généralisée (CSG) est par exemple, en métropole, 11.306 euros pour une part
fiscale, et 17.344 euros pour deux parts.
Autre conséquence, la réforme récente de l’épargne
retraite : Les anciens produits ne pourront plus être ouverts à partir
d’octobre 2020.
Sont notamment concernés le PERP (plan d’épargne
retraite populaire), le Perco (plan d’épargne retraite collectif) et les
contrats Madelin (pour les indépendants).
Ils sont remplacés par les nouveaux « PER individuel »
et « PER d’entreprise collectif », commercialisés depuis fin 2019.
Les produits souscrits avant octobre 2020 peuvent être
conservés.
À compter du 1er juillet, les bénéficiaires
de l’allocation adulte handicapé (AAH) seront automatiquement à la retraite à
62 ans. Sauf s’ils s’y opposent ou exercent une activité professionnelle. Une
simplification administrative bienvenue : actuellement, les allocataires de
l’AAH omettant de demander leur retraite à cet âge se retrouvent à la fois sans
allocation ni pension de retraite.
Rappelons qu’il est possible dans certains cas de
continuer à percevoir l’AAH après ses 62 ans, à condition, entre autres,
d’avoir un taux d’incapacité d’au moins 80 %.
On rappelle que cette année sera également
marquée par la fin de la possibilité d’étaler sur quatre ans, dans ses
déclarations d’impôt, les indemnités de départ à la retraite (pour leur partie
imposable).
La mesure s’applique à partir des revenus touchés en
2020. Toutefois « les options exercées au titre d’une année antérieure
continuent de produire leurs effets pour la durée restant à courir »,
précise la dernière loi de finances.
Autrement dit, la réforme « va passer » !
D’abord parce qu’elle a été morcelée : Futur texte,
mais « Loi Pacte » en ce qui concerne l’épargne-retraite… celle qui
intéresse les banquiers et assureurs « privés ».
De plus ses effets sont étalés dans le temps…
Ensuite parce que pour mieux faire passer la pilule,
les « sachants » ont donné du grain à moudre aux pensionnés :
Eux ne sont pas concernés par la réforme, mais on augmente leurs pensions et
simplifie leurs démarches.
Enfin, parce qu’on « divise » les grévistes
à travers la création d’une multitude de « régimes particuliers » :
Foin d’un régime universel dont il ne restera plus que « le point » !
Il faut dire aussi que ce sont les mêmes syndicats
ouvriers qui l’ont imposé pour l’Agirc-Arrco… il n’y a pas de hasard.
Gageons que d’autres, pas encore traités, sauront
défendre leurs cagnottes. Pour les pharmaciens, c’est déjà fait, pour les avocats,
c’est en cours.
Tout dépend de leur capacité de nuisance.
En revanche, c’est une bouffée d’oxygène inespérée
pour les régimes spéciaux structurellement déficitaires (les géomètres, les
mineurs de fonds, les marins-pêcheurs, les huissiers, et j’en passe tellement…).
« Jupiter » pourra savourer sa victoire d’avoir
réformé l’irréformable et d’avoir tenu cette promesse-là de campagne.
À condition qu’il ait l’intelligence de laisser croire
aux syndicats que c’est une victoire pour eux-mêmes et leurs adhérents.
En fait, ceux-là n’auront plus que l’illusion de
pouvoir faire « fléchir par la rue » les pouvoirs publics…
Et on passera enfin à autre chose.
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