Saut de
puce à Barcelone…
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Comme convenu avec Birgit, Paul fait un atterrissage
sur la piste en service ce jour-là, la piste 25 L, longue de 2.660 m (8.727
ft), asphaltée, posée le long de la mer, sur l’aéroport international de «
Barcelone-El Prat », code BCN.
Il est presque 9 h 00 et le soleil a pris de la
hauteur depuis son départ, il y a moins de
deux heures de ça. Il aurait alors même pu se poser au large de la berge
et finir à pied depuis la plage, mais ça aurait fait désordre.
Et puis même si son hydravion doit avoir assez de carburant
pour faire le chemin inverse sans refaire les niveaux, par précaution, il fera
remettre un petit-quart de capacité en plus dans les réservoirs pour le retour
vers Aubenas, sa prochaine étape avant de retourner sur Paris demain.
Même si soulever autant de masse, ça coûte en terme de
consommation.
C’est que depuis ses appontages dans l’océan Indien
sur la CDG à bord de son Super-Étendard, dans une autre vie, la peur du manque
de carburant en fin de vol taraude toujours les tripes de Paul.
En mer, malgré la précision des navigations, on ne
peut apercevoir le « timbre-poste » sur lequel se poser, que dans les 5
dernières minutes.
Alors quand les jauges flirtent avec le niveau zéro et
qu’il n’y a rien à l’horizon, c’est l’angoisse : Aura-t-on assez de carburant
pour ramener « son piège » en un seul morceau surtout si on rate sa première
approche ou le brin d’arrêt ?
Voire deux ? Ça arrive parfois…
D’où un emplacement parking proche des camions-pompes
et non pas en mer ou au port.
L'aéroport international de Barcelone-El Prat est
justement situé à environ 12 km au sud-est de Barcelone en pays Catalan, en
Espagne, trop loin pour accéder à du carburant « qualité aviation ».
Avec 35,5 millions de passagers en 2014, c’est le
deuxième aéroport en Espagne après celui de Madrid et le 31ème aéroport
le plus fréquenté au monde.
C’est la base principale et le hub la compagnie
aérienne locale « Vueling » et une base majeure pour Iberia, Ryanair et Air
Europa.
Le premier aérodrome de Barcelone était situé à El
Remolar et a commencé ses opérations en 1916.
Cependant, par manque d'une prévision d’une « bonne »
expansion possible du trafic, un nouvel aéroport est inauguré à El Prat en
1918.
Le premier avion à y atterrir est un Latécoère Salmson
300 qui arrive de Toulouse en escale technique, avec pour destination ultime
Casablanca, de l’autre côté de la mer.
L'aéroport est utilisé dès l’origine comme siège de
l'Aéro-club de Catalogne puis comme base de la flotte Zeppelin de la Marine
espagnole.
Le trafic commercial régulier ne commence qu’en 1927
avec un vol d'Iberia vers l'aéroport de Madrid-Cuatro Vientos.
Celle-ci fut la première route de la compagnie
aérienne espagnole…
En 1948, une piste est construite en dur, aujourd'hui
la 07-25, et cette même année, le premier service transocéanique est assuré par
Pan American World Airways vers New-York, avec un Lockheed Constellation.
Entre 1948 et 1952, une deuxième piste est construite
(piste 16-34), sécante à la précédente, mais aussi des voies de circulation et
un terminal pour accueillir les passagers.
En 1963, l'aéroport atteint le premier million de
passagers par an.
Une nouvelle tour de contrôle est construite en 1965,
le terminal est réaménagé en 1968 (aujourd'hui la zone la plus ancienne du terminal
2B) et une seconde piste 07-25 « gros porteurs » est ouverte.
Le 3 août 1970, Pan American World Airways inaugure le
service régulier entre Barcelone, Lisbonne et New York avec un Boeing 747.
Le 4 novembre de la même année, Iberia commence le
service de navette entre Barcelone et Madrid-Barajas. Quelques années plus
tard, en 1976, un terminal est construit spécifiquement pour la navette
d'Iberia et un autre exclusivement pour le trafic cargo et un service de
courrier annexe.
En 1977, plus de 5 millions de passagers annuels
circulent déjà dans l'aéroport.
Le terminal 2 est gigantesque. Il s’agit d’une immense
voûte ajourée, aux lignes arrondies sur toute sa longueur.
Un tapis-mécanique coupe ce vaste espace en deux dans
le sens de la longueur sur une première partie et le sol, cristallisé est
tellement magnifique qu’on pourrait y manger par terre…
Des boutiques parsèment l’avant salle d’embarquement,
puis derrière les équipements de sécurité que franchissent pour contrôle les
voyageurs, il y a de nouveau des boutiques « free-tax », bars, salons, sièges
d’attente devant chaque embarcadère.
Paul n’a pas le temps de remonter du tarmac pour
investir cet immense hall afin d’y faire quelques achats de souvenirs au fond
du terminal, que Birgit le rattrape de ses assiduités.
Toujours aussi particulière, la brune.
Et Paul s’en méfie depuis leur dernière rencontre,
ayant encore le souvenir cuisant de sa force herculéenne dans ses propres
fibres musculaires.
Même si maintenant, il sait de quelle pharmacopée elle
était issue.
« Vous savez que
je ne sais toujours pas où vous joindre, jeune-fille ! »
Pour rappel, le jour où elle l’avait abordé, il y a
six mois de ça, une éternité, sur les trottoirs du quai de Seine, et dans des
circonstances si particulières, elle s’était présentée comme l’assistante d’un
chercheur suisse travaillant en Helvétie dans un laboratoire de l’école
polytechnique de Lausanne.
Bien sûr, Paul avait fait vérifier : si l’un était
connu, elle, elle ne l’était pas.
« Pourquoi me
joindre ? Vous auriez eu des démangeaisons impérieuses à l’entre-jambe à
satisfaire ? Je croyais que vous aviez récupéré l’usage de votre femme pour
vous soulager… »
Curieux comme réflexion en pensera Paul plus tard,
quand il en aura assez appris à l’occasion de leur troisième rencontre à venir.
Sur l’heure, c’est plutôt « Salope, oui »
qui lui vient à l’esprit : elle l’avait violé pour finir par lui fournir les
renseignements qui lui manquaient pour récupérer Florence, justement…
Et puis il s’était passé tellement de choses depuis, que
Paul s’était fait une raison : cette femme-là, c’était au minimum une fée, qui
apparaît et disparaît sans laisser de trace, à sa seule convenance.
Alors évidemment, quand il avait reconnu sa voix un
peu gutturale et son débit si particulier, un peu haché, dimanche dernier sur
son portable qui annonçait un numéro masqué, il a répondu sans hésiter à son
rendez-vous ce mardi matin à Barcelone, écourtant son séjour à Aubenas.
Barcelone, une ville fantastique, mais où il avait
gardé un assez mauvais souvenir de l’agression dont il avait été victime du
côté de las Ramblas, il y a de ça plus de deux ans, quand tout le monde
pourchassait « Ahmed-le-Diabolique » et sa bombe atomique à destination de
Londres pour le soir de l’ouverture des jeux Olympiques de 2012 (cf. « Parcours
olympiques » aux éditions « I-Cube »).
« Vous étiez
sûre que j’allais venir… »
À la minute près… « J’ai vu votre hydravion arriver. »
Bon et alors, maintenant ils font quoi ? Un petit-don
de sperme dans les toilettes ?
« Ne soyez donc
pas si trivial, s’il vous plaît, mon colonel. Chaque chose en son temps. »
Et elle enchaîne.
« La dernière
fois, c’est moi qui vous étais utile. Depuis, vous vous en êtes bien sorti en
Algérie, puis en Corée et maintenant en Chine. Je tiens absolument en retour à
ce que vous fassiez le vol extra-atmosphérique prévu sur la Nivelle 002, et ne
me demandez pas pourquoi.
En
revanche, je vous sais anxieux quant à sa réussite, puisqu’il vous semble
tellement périlleux… »
Comment savait-elle pour la Corée ? Bien des gens se
doutaient de quelle que chose, mais aucune information n’avait filtré hors des
palais gouvernementaux et quelques chancelleries.
Il faut dire que le jeune dictateur avait été
particulièrement… chahuté dans ses convictions profondes et personnelles, qu’il
doit en garder un assez mauvais souvenir pour n’en rien dire !
Même Pékin ne savait pas vraiment tout, sauf à
chercher les causes d’un « refroidissement » des relations avec Kim-Jong-Un et
son rapprochement avec Moscou…
Comment sait-elle pour ses « angoisses » relatives à
ses calculs quant à la résistance putative de ses céramiques affrontant le mur
de la chaleur depuis les altitudes orbitales ?
« Je sais
beaucoup de choses. D’ailleurs, vous devriez tester cette formule de
céramique-là pour une surcouche de votre prototype. Je suis persuadée que vous
améliorerez encore le procédé. Ce n’est pas indispensable, mais ça vous évitera
d’avoir à refaire votre bouclier thermique après chaque vol, sur les parties
endommagées par les effets ionisant des hautes couches de l’atmosphère… »
Et elle lui glisse un petit rouleau de papier que Paul
déroule pour y découvrir quelques formules chimiques d’une sorte de résine, un
croquis de frittage par cuisson avec des temps, des pressions et des
températures et quelques schémas.
Entendu, il étudiera ça. « Je peux repartir, maintenant ? On m’attend à Aubenas et j’ai un avion à
prendre demain soir pour la Chine. »
La dernière fois, elle lui avait remis des
photos-satellites datées de quelques jours plus tard.
Sur place, « on » lui avait remis des ampoules de ce
qui se révélera être des amphétamines de guerre particulièrement « dopées »,
qui lui avait permis de se tirer d’affaire sans dégâts à Pyongyang.
Des rencontres utiles, finalement…
Non, elle veut lui faire une démonstration de … ses
connaissances !
« Au point où
nous en sommes, il est temps de vous préparer à passer, que vous le vouliez ou
non, à une autre étape.
Je sais
que vous étiez incrédule pour votre raid en Algérie. Et pourtant, vous aviez eu
raison de me faire confiance.
Là, il
s’agit encore de vérifier une… « prémonition ». »
De quoi que quoi ?
« Un avion va
avoir du retard, parce qu’un message que je vais envoyer dans quelques
secondes, va alerter les autorités que le vol 9525 n’arrivera pas à
destination.
Ce qui va
déclencher un contrôle des embarquements plus strict et des bagages en soute…
d’où le retard ! »
Elle ne va quand même pas envoyer une fausse alerte
avec son portable à numéro masqué ?
Vraiment cinglée cette fille-là ! C’est un délit
grave, une fausse alerte.
Encore plus grave si c’est une vraie tentative
d’attentat !
Ce qu’elle fait sur-le-champ sans laisser le temps à
Paul de l’en empêcher…
« Voilà, on a le
temps d’aller prendre un verre là-bas ! »
Décidément n’importe quoi ! D’une débilité profonde, à
moins que…
« J’aurai pu
vous laisser envoyer ce texto, et vous auriez fini par le faire pour ne prendre
aucun risque, mais ce n’était pas comme ça que c’est écrit. »
Quoi, écrit ?
« Vous avez un
excellent biographe. Qui nous livre des détails hallucinants sur votre vie ! »
Encore ce « I-Cube » qui publie en douce sur son blog
tous ses « petits-secrets » et parfois de bien plus importants encore…
L’année dernière, il avait fait très fort et annonçait
son exil, en passant justement par cette ville si proche d’où ils sont en ce
moment.
Paul se fait servir un grand café quand elle sirote un
chocolat brûlant et épais avec précaution.
« Comment
pouvez-vous boire ça ?
Puisque
je suis là, quel est votre plan pour cette fin de matinée ? »
Ils vont assister au décollage de l’A 320 allemand,
elle va partir et lui va rentrer.
« Et quelle est
notre prochaine rencontre ? Quand ? »
Elle n’a pas à lui le dire.
Une tombe…
« Tant que vous
n’aurez pas franchi diverses étapes de votre formation, vous n’en saurez pas
plus, de façon à ce que vous naviguiez entre doute et certitude. »
Quelle formation ?
« Il y a des
degrés. Pour l’heure, on boit et on attend. »
Pénible la gonzesse : « Je peux aller faire mes achats de souvenirs ? »
Il a 22 minutes. « On
se retrouve devant cette baie vitrée là-bas. Soyez précis. »
Paul mâte l’endroit en maugréant et déclenche son
chronomètre en se levant pour aller vers les boutiques.
Dans quelle galère il se retrouve ? Tout cela est bien
intrigant.
Une fois arrivé, après avoir marché tout droit, il se
retourne : Birgit a disparu en ayant laissé un billet de 10 euros à leur table…
Vingt minutes plus tard, il est à l’endroit prévu,
mais pas elle.
Elle arrive par surprise, par le côté : Paul ne l’a
pas vue venir.
« Voilà, c’est
celui-là. Il a 40 minutes de retard pour cause de fouille, ce qui a rendu très
mécontents certains de ses passagers.
Il y a
150 personnes à bord. »
L’avion passe devant eux en accélération, un peu
cabré, mais les roues du train principal encore au sol, en direction du bout de
la piste 25 L.
« Il va virer
par le sud pour aller en direction de la vallée du Rhône après un petit détour
en direction de Milan pendant sa phase de montée.
Avant
d’arriver au-dessus de Marseille, dans 20 minutes environ, il aura atteint son
altitude de croisière. 35.000 pieds en dit-on. »
Bon et alors ?
« Une fois tous
les paramètres du vol seront stables, le commandant de bord va sortir du
cockpit pour soulager sa vessie. Et il va se retrouver « enfermé dehors ». Dans
40 minutes environ, après 8 minutes de descente, le co-pilote va planter sa
machine sur un contrefort des alpes, tuant tout le monde à bord ! »
Et elle va laisser faire ça ?
« J’ai envoyé un
texto d’avertissement, vous en avez même été témoin ! »
Mais ce n’était pas suffisant : il fallait enfermer et
appréhender le co-pilote coûte que coûte !
« Et vous croyez
qu’ils m’auraient laissé faire ? Mais vous rêver mon colonel ! »
L’absurdité de la situation…
Que faire maintenant pour éviter la catastrophe ?
« Mais rien. Il
n’y a rien à faire. Vous préféreriez que ce co-pilote-là précipite son avion
sur la centrale de Fessenheim qui est sur sa route ? En revanche, après ça,
tout le monde reverra les mesures de
sécurité à bord des appareils, ce qui évitera bien des drames ! »
Comment sait-elle tout ça ?
N’est-ce pas du roman, complétement délirant ?
Mais déjà, elle a disparu mystérieusement à l’occasion
d’un léger moment d’inattention quand Paul a tourné son regard à droite vers le
petit point au-dessus de l’horizon qu’était devenu l’avion dans sa manœuvre de
prise de cap et d’altitude : Paul a de si bons yeux !
Deux hommes à la démarche légèrement mal-assurée s’approchent
de lui alors qu’il cherche Birgit du regard aux alentours.
Habillés de noir, taille moyenne, lunettes noires,
chaussures noires, teint pâle, le même débit de parole haché, le ton monocorde,
l’air menaçant : « Maintenant, mon
colonel, vous devriez repartir. Et ne parlez à personne de cet … incident ! Au
mieux, on vous prendrait pour un fou… Il n’a jamais existé. Vous m’avez compris
? »
Que faire ?
Et si tout cela n’était qu’une pitrerie sans queue ni
tête ?
Là encore, le temps d’un détour du regard et les deux
hommes qui étaient là, en face de lui, à moins d’un mètre, avaient disparu de
son horizon visuel !
Une histoire de fou, de timbré ultime, effectivement…
Et il a consenti à faire un détour de trois heures
pour entendre de pareilles sornettes hallucinantes.
Il enrage de s’être laissé piéger de la sorte aussi
facilement.
Même si le petit rouleau de papier froissé au fond de
sa poche témoigne qu’il n’a pas rêvé…
Ce n’est qu’en fin de matinée, quand il apprend comme
tout le monde que le vol de l’A320 de la Germanwings est allé se planter tout
droit dans la montagne avec ses passagers et tout son équipage, qu’il réalise
qu’il a vécu un moment exceptionnel de sa vie.
Une fois de plus.
Et ce n’était ni le premier et sans doute pas le
dernier.
Ce qui le plonge dans un état d’hébétude mentale
insondable jusqu’au-delà de son retour à Pékin…
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