Les
éclopés
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci
n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Effectivement, il y a au moins une raison pour laquelle Paul doit être
plâtré : ce n’est pas lui qui va à la rencontre de Paul Allen, son
« contact » des projets spatiaux, le cofondateur de Microsoft,
normalement prévu pour apparaître en Normandie à l’occasion des commémorations
du « D-Day », mais l’inverse.
Il passera même la nuit dans la maison de Florence et de Paul.
« Une vraie bande d’éclopés ! »,
en dira-t-il en les mirant tous les deux avec leurs cannes.
« Vous passez vos nuits à jouer
au Mikado, tous les deux ? »
Drôle…
« Je ne peux même plus marcher
normalement, pas conduire, pas piloter, même pas faire du vélo ni courir !
Je m’empâte à ne pas pouvoir faire mon footing matinal ni même piquer une tête
en mer. Un vrai handicapé de la vie ! Je vais même devoir renoncer à aller au Bourget cette année ! »
Paul Allen n'ira pas, lui non plus...
Et c’est arrivé comment ?
Et c’est arrivé comment ?
« Si je te disais la vérité, tu
ne me croirai pas ! »
Et c’est quoi, la vérité ?
« – Eh bien, c’est le soir de
la naissance de Louis. Je suis descendu à la cave chercher quelques bouteilles,
pour fêter ça dignement, et j’ai glissé. Je suis tombé en me tordant la
cheville…
– Et tu as cassé une bouteille, au
moins !
– Même pas …
– Alors je te crois ! »
Paul casser un flacon, ce n’est pas possible, même pas envisageable tant
qu’il n’est pas vidé !
Comment parler sérieusement avec un tel pistolet ?
Paul se ravise à lui raconter son vécu de ce soir-là…
Ce n’est peut-être pas plus mal.
Après avoir fait le tour du propriétaire, ils causent des malheurs de l’un
et de son prototype crashé en tuant un de ses pilotes à l’automne dernier.
« Je t’avais dit que ta machine
me paraissait un peu trop fragile, trop légère, trop … « limite »… »
Il ne se souvient plus de l’avertissement.
Et l’autre de la réussite de son vol extra-atmosphérique.
Ça dure presqu’une heure sans grand intérêt…
« – Je résume : tu m’avais
dit que tu y allais pour « apprendre ». Et à part ta fameuse
protection « Birgit », que tu leur as laissée à eux et pas à nous,
qu’est-ce que tu as appris ?
Et d’ailleurs pourquoi ce nom ?
– Si je te le disais, tu ne croirai
pas !
– Dis toujours.
– C’est le prénom de ma correspondante
du futur.
– Oui là, je ne te crois pas ! Tu
m’aurais dit que c’était une martienne, je t’aurai cru, mais là, tu sais bien
que le futur ne peux pas dialoguer avec le présent. C’est impossible !
– Ce n’était pas une martienne puisque
tu sais bien que ça n’existe pas. Non, je maintiens.
– Pas la peine de poursuivre. Tu
devrais dire ça à Harry n° 4 (faisant allusion à l’archi-grand-maître des francs-maçons
étatsuniens : Cf. « Mains
invisibles » paru aux éditions « I-Cube » l’année dernière),
si ça ne le fait pas rire, ça va
alimenter ses tables et autres ateliers de cogitations diverses autour de ce
thème pendant un bon moment.
Si tu veux, je lui en parle : il
est prévu qu’il vienne à Paris dans quelques jours dans mon sillage.
Mais avec moi, ça ne marche pas ! »
Bon, alors n’en parlons plus.
« En revanche, j’ai fait
quelques visites intéressantes dans plusieurs centrales et laboratoires
nucléaires chinois. »
Ah, là, il le croit…
« Et alors ? »
Alors rien de plus que ce que l’on sait déjà faire.
« Tu sais que je suis toujours
à la recherche d’une source d’énergie primaire suffisamment puissante et fiable
pour fabriquer et éjecter du plasma dans les tuyères du « 003 ».
8 Km/s de vitesse d’éjection, c’est
plus deux fois plus rapide que l’hydrogène/oxygène et bien plus que notre
kérosène.
Or, la poussée d’un moteur, c’est le
facteur de la vitesse d’éjection par la masse des gaz éjectés à la seconde.
Et plus tu as une impulsion spécifique
élevée, moins tu emportes de carburant : bon pour nos petits appareils,
là ! »
Oui, il sait tout cela.
« Quel carburant tu vois ? »
Mais de l’eau de mer, tout simplement !
« C’est un fluide qui existe en
telle abondance qu’il n’y a qu’à puiser ! »
Et la puissance primaire, pour faire du plasma ?
« Un petit mégawatt devrait
suffire. Mais on peut doubler par précaution, voire pousser à 3 ou 5 mégawatts
pour être vraiment confortable. C’est juste une question de masse au décollage. »
Et Paul voit ça comment ?
« En Chine, j’ai vu tourner des
centrales à sels fondus. Mais des grosses machines au sodium. 800° C le fluide
caloporteur. Ça me paraît « limite » aussi, mais faisable et surtout,
ils n’ont aucune difficulté à les faire tourner depuis des années. Juste des
problèmes de corrosion à prévoir au bout d’une décennie de fonctionnement, au
pire. »
Des centrales à neutrons rapides, c’est ça ?
« – Exactement !
– Tu sais que c’est le prochain grand
projet de mon co-fondateur ?
Il y en a qui cherche à mettre en place
des réseaux internet orbitaux, qui cherchent à résoudre les problèmes de
prévention des maladies de leurs futurs clients en traçant ainsi tout le monde
en temps réel. Mais Bill, lui, il veut de l’électricité, de l’énergie pas chère
et en abondance, pour tout le monde !
Et il pense depuis des années à ces
technologies à neutrons rapides ! »
Effectivement, moins d’un mois plus tard, l’homme le plus riche du monde,
s’en prendra aux énergies dites « vertes » ou renouvelables. Et il n’y ira pas
par quatre chemins : il annoncera investir 1 milliard de dollars prélevés directement
sur son plan d’épargne-titre personnel, pour la recherche & développement
dans une firme créée récemment, TerraPower.
Et pourquoi Bill Gates s’intéresse-t-il à l’énergie nucléaire ?
Tout simplement parce que, dira-t-il, « il n’existe à l’heure actuelle aucune technologie de stockage avec des
batteries permettant de fournir toute l’énergie électrique dont on a besoin
exclusivement à partir des renouvelables car il est impératif de tenir compte
des alternances jour-nuit et des longues périodes, inévitables également, de
ciel couvert et d’absence de vent ».
Gates considère que les sommes colossales d’argent investies dans les
énergies renouvelables telles qu’on les conçoit aujourd’hui, éolien et
photovoltaïque, sont perdues d’avance car elles n’atteindront jamais leur but
qui est de remplacer le pétrole et le charbon dans la production d’électricité,
non seulement pour l’industrie, les services et les ménages, mais également
pour les transports à moins d’une diminution brutale de la population mondiale
de l’ordre de plusieurs milliards d’habitants !
Gates insistera sur le fait que c’est exactement ce que veulent les «
verts » car ils savent, du moins ceux qui ne mentent pas, que le 100 %
renouvelable est impossible à atteindre.
Ce système mis en place ne peut perdurer qu’avec des subventions provenant
de taxes que paient les utilisateurs finaux et il ne profite qu’à une petite
poignée d’industriels.
Pour lui, le tournant politique pris ces dernières années pour développer
les énergies renouvelables est une utopie vouée à une impasse. Cette impasse
doit donc, toujours selon lui, cesser et il importe de réorienter une part
des investissements vers la R&D dans les technologies nucléaires de
quatrième génération.
Et il sera intéressant de noter que John Gilleland, le CEO de TerraPower
était, avant d’occuper ce poste, Managing Director pour les USA du projet ITER.
Gilleland n’utilise pas non plus de périphrases à propos du projet ITER :
« C’est un truc (ITER) sur lequel je ne peux même pas espérer pour
mes petits-enfants. À TerraPower nous nous sommes focalisés sur la fission
plutôt que sur la fusion parce qu’il faudra (pour la fusion) encore énormément de temps et
d’investissements. »
La direction prise par la R&D de TerraPower cible le TWR, pour
Travelling Wave Reactor, une technologie imaginée dans les années 1950 par
Saveli Feinberg et qui ne nécessite aucun rechargement de combustible, donc
aucun arrêt, pendant plus de 50 ans en « brûlant
» de l’uranium 238 non-radioactif avec des neutrons rapides provenant d’uranium
235 enrichi à environ seulement 4 %.
Le plafond d’enrichissement qui sera permis aux iraniens après l’accord
avec le groupe « 5 + 1 ».
Les supercalculateurs du MIT ont entre-temps validé l’idée de Feinberg.
Ce réacteur de IVème génération sera aussi refroidi avec du
sodium liquide et un prototype de 500 MW prévus tournera aux alentours de 2020.
Dans moins de 5 ans !
« La technologie existe, le
design du réacteur et son fonctionnement en continu permettront d’utiliser de
manière optimale les neutrons afin d’atteindre des rendements améliorés »
défend Paul Allen.
Ces améliorations permettront de « brûler » également les actinides à
haute radioactivité et c’est la raison pour laquelle le réacteur prototype, qui
coûtera 1,5 milliard de dollars – on est très loin des coûts monstrueux de
l’EPR – est appelé le WAMSR, acronyme de Waste Annihilating Molten Salt
Reactor.
Ce réacteur « brûlera » en effet non seulement de l’uranium appauvri mais
aussi le combustible usagé des réacteurs à neutrons lents…
Cette technologie permettra enfin de fournir de l’électricité pendant des
centaines d’années à l’humanité avec des coûts très faibles.
TerraPower a donc repris la technologie du MSR (Molten Salt Reactor) d’Oak
Ridge qui fonctionna en continu et sans aucun indicent de 1965 à 1969, mais n’a
pas encore déposé de brevets malgré le fourmillement d’idées nouvelles émanant
de la collaboration du staff de la société avec les laboratoires du MIT.
« C’est marrant, moi je vois
plutôt d’utiliser du thorium 232. Et de l’ensemencer avec un accélérateur de
particules tout con. Tu lui balances quelques protons dans les naseaux, et il
s’allume en uranium 235, qui percute et rayonne ses voisins en U238 et
éventuellement en plutonium 239 qui se dégrade ensuite plus ou moins vite en
plomb et libère de la chaleur récupérée par un fluide à haute température,
comme le sodium par exemple qui ira chauffer un circuit secondaire. Qui
lui-même fait tourner une turbine électrique qui va servir, notamment à
entretenir l’accélérateur de particules et alimenter la torche à plasma confiné
dans un fort champ magnétique dans la tuyère de mes moteurs.
Si le truc s’emballe, tu coupes
l’accélérateur de particules et la chaudière nucléaire se refroidit toute
seule : aucun danger pour l’environnement ! »
Peut-être. Mais de toute façon il faudra en passer par des centrales au
sodium.
« Oui, mais juste pour la
technologie des hautes températures. Tu as raison. Mais c’est déjà au point
puisque je l’ai vue en Chine. »
Fabuleux avenir : « Je
peux en parler à Bill ? »
Bien sûr !
Plus on est de fous, plus on rigole.
Dans ce réacteur dit ADS, aussi appelé « réacteur hybride », car
couplant un accélérateur de particule et un réacteur nucléaire sous-critique,
une partie des neutrons sont produits par spallation d'un noyau lourd (le
plomb, l'eutectique Plomb-Bismuth ou le tungstène par exemple) par un faisceau
de protons issus d'un accélérateur de particules. Ces neutrons issus des
réactions de spallation vont alors provoquer des fissions dans le massif
sous-critique entourant la cible de spallation. L'énergie de fission peut alors
être récupérée de manière classique via un échangeur de chaleur et une turbine.
Paul Allen sait cela et Paul de Bréveuil vient de le lui confirmer.
L'ADS à caloporteur gaz (hélium par exemple) ou métal fondu (plomb par
exemple) appartient à la famille des réacteurs à neutrons rapides (RNR) et peut
être conçu pour une utilisation selon deux modes : comme producteur d'énergie,
en brulant du plutonium, du thorium ou de l'uranium selon un cycle direct ou de
surgénération pour développer un cycle du thorium. Ce mode a été largement
promu sous l'appellation d'amplificateur d'énergie de « Rubbia », du nom du premier découvreur.
Ou comme incinérateur (avec ou sans production d'énergie) où l'on « brûle »
les actinides mineurs voire certains produits de fission issus du traitement du
combustible nucléaire irradié.
Dans les deux modes, l'ensemble réacteur est sous-critique (généralement
avec un niveau choisi par conception entre 0,95 à 0,98) et l'accélérateur amène
et règle le flux neutronique à la criticité de 1 (comme incinérateur en
revanche, l'accélérateur fait l'intégralité du travail de production de
neutrons, d'où la modeste contribution énergétique). Ceci implique que toute
réaction s'arrête dès la coupure du flux de l'accélérateur, d'où le nom de
« pilotage par accélérateur ».
L'intensité du faisceau de protons va également compenser les variations
de réactivité en fonctionnement.
Le système ADS sont généralement présentés comme plus fiables que les
réacteurs nucléaires critiques pour la raison simple que la coupure du faisceau
de protons, même accidentelle, entraine l'arrêt des réactions de fission en
chaîne.
Cela étant, il faut aussi noter l’impossibilité de faire des bombes
nucléaires avec les résultats de la réaction ; la valeur du « k
effectif » est très proche de 1 (keff = 0,98 donc 2.000 pcm seulement
d'anti-réactivité) ; pour une même énergie produite la puissance
résiduelle est la même. Or, cette puissance résiduelle est, en bonne partie, à
l'origine du risque de fusion du cœur en cas de défaut de refroidissement accidentelle
ou terroriste après l'arrêt du réacteur.
Les systèmes ADS demeurent donc intrinsèquement plus sûrs que les
réacteurs sans accélérateur, car le cœur sous-critique induit un arrêt de la
réaction en chaîne dès la coupure du faisceau de protons, et limite les risques
d'une divergence incontrôlée lors des états d'arrêt pour intervention ou
rechargement.
Tout le monde sait que l'intérêt d'un ADS réside dans sa faculté à
produire des neutrons dans une large gamme d'énergie en fonction de celui du
flux de protons issu de l'accélérateur. C'est cet accès à des sections
efficaces de fission à hautes énergies inaccessibles en réacteur nucléaire à
spectre thermique qui permet la transmutation par réaction de fission nucléaire
(incinération) des actinides mineurs ou par réaction de capture neutronique.
Reste à étudier la longévité et les matériaux des fenêtres d'interface
entre le vide de l'accélérateur et l'eutectique Plomb-Bismuth chaud sous
pression, ou à sodium ; dresser le bilan des produits de fissions
involontaires de la spallation du Bismuth et/ou du Plomb à différents niveaux
d'énergie du flux de l'accélérateur ; étudier les configurations
géométriques optimales de cœurs en générateur et en incinérateur de déchets
nucléaires.
Du pain sur la planche et des financements à trouver…
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