Pas certain…
Mais l’année dernière, le 22 novembre, une nouvelle précision
aura été faite par la chambre sociale, en formation mixte, de la Cour de
Cassation.
Comme chacun le sait, il résulte de l’article L.
2132-3 du Code du travail (et du labeur) que si un syndicat peut agir en
justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur
au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au
regard du principe d’égalité de traitement et demander, outre l’allocation de
dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif
de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité
constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge
qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés
concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque
salarié de conduire la défense de ses intérêts.
Dès lors, doit être approuvée la Cour d'appel qui
déclare irrecevable l’action d’un syndicat tendant à ce qu’il soit ordonné à l’employeur
de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l’avenir
que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n’en
bénéficiant pas, cette action collective du syndicat tendant à la modification
de la situation individuelle des salariés concernés.
En revanche, encourt la cassation la Cour d’appel qui déclare irrecevable l’action d’un syndicat tendant à dire que l’absence de versement d’une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d’une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d’une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu’à condamner l'employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés.
Une décision byzantine à souhait, comme il faut savoir
les apprécier…
Et justice ainsi bien administrée !
Pourvoi n° 22-14.807
Chambre sociale – Formation mixte
22 novembre 2023
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février
2022), la société Tui France (la société) a, le 1er juin 2017,
absorbé la société Transat et tous les contrats de travail des salariés de
cette dernière ont été transférés, en application de l'article L. 1224-1 du
code du travail, à la société qui avait déjà, le 1er janvier 2012, à
la suite de plusieurs opérations de fusion-absorption, repris les contrats de
travail des salariés des sociétés Marmara et Nouvelles Frontières distribution.
2. La fédération des services CFDT (la fédération) a
fait assigner la société devant le tribunal judiciaire en lui demandant de dire
que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de
la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés
bénéficiant d'une telle prime, de dire que cette inégalité de traitement porte
atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération,
d'ordonner en conséquence à la société, sous astreinte, de mettre fin à cette
inégalité de traitement en versant, à l'avenir, une prime de treizième mois aux
salariés n'en bénéficiant pas et en régularisant la situation pour le passé
dans la limite de la prescription triennale applicable et de condamner la
société à verser à la fédération une somme à titre de dommages-intérêts en
réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.
Moyens
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable
Énoncé du moyen
3. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Motivation
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
5. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.
6. La cour d'appel, qui a constaté que l'action de la fédération CFDT tendait à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action collective dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Moyens
Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession
Énoncé du moyen
8. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :
9. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
10. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.
11. Pour déclarer irrecevable l'action de la fédération tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que la fédération, qui ignore la distinction à faire entre gratification et salaire annuel payable sur treize mois, ne revendique pas l'exécution par l'employeur de dispositions conventionnelles mais l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle de salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente et qui ne peut donc faire l'objet d'une appréciation collective, de sorte que l'action intentée consiste en la revendication d'un droit lié à la personne du salarié, appartenant donc à ce seul salarié, et ne poursuit pas la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.
12. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'action de la fédération, en ce qu'elle ne tendait pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la fédération des services CFDT tendant à dire que l'absence de versement par la société Tui France d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société Tui France au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
Tout de même pas banal qu’un voyagiste ne se rappelle
même plus que les primes des salariés servent, au moins partiellement, à
financer des congés dans des lieux inédits partout sur la planète, et pas
seulement à faire les fins de mois tous les mois…
Ainsi, on aura appris qu’un salarié ne doit pas
compter sur un syndicat pour porter en justice sa réclamation personnelle et il
n’a pas, de son côté, le droit de confier cette mission à un syndicat.
Mais il peut lui demander conseil, le nom d’un bon avocat référencé par son syndicat, le même qui représentera d’ailleurs le « saint-dit-Kas » devant les tribunaux pour ses actions collectives ou la défense des syndicalistes brutalisés par les forces de l’ordre à l’occasion de leur légitime défense des intérêts des travailleurs et autres laborieux, voyons donc !
Bref, la Cour rappelle qu’un syndicat ne peut agir que
dans son propre intérêt ou dans un intérêt collectif.
Un rappel de bon sens effectué par la Cour de cassation.
Car lui permettre d’agir au nom de salariés
individuels pour qu’ils obtiennent un avantage serait contraire au principe de
liberté individuelle qui réserve au justiciable la liberté personnelle d’agir
ou non en justice.
Rappelons que le problème s’était déjà posé lorsqu’un syndicat, saisi par plusieurs salariés, avait réclamé le versement à tous d’une prime qui n’était versée qu’à quelques-uns pour des raisons liées à l’histoire de l'entreprise.
Le syndicat, invoquant une irrégularité liée au principe d’égalité, réclamait que les salariés désavantagés soient indemnisés, chacun en fonction de sa situation dans l’entreprise ou de son ancienneté[1].
Impossible, avaient répondu les juges.
Le syndicat peut faire reconnaître l’irrégularité
commise au regard de la loi, d’un règlement ou d’une convention, ou encore au
regard du principe d’égalité en l’espèce, et il peut même demander des
dommages-intérêts pour l’atteinte portée à l’intérêt collectif des « travailleurs »
de la profession ou encore qu’il soit mis fin à l’irrégularité, mais rien de
plus.
Il ne peut pas réclamer au juge de condamner l’entreprise à régulariser la situation de chacun.
Ce n’est jamais qu’en application du principe
juridique veut que « nul ne plaide par procureur », ce qui signifie
qu’une personne ne peut pas présenter en son nom une demande en justice dans l’intérêt
d’une autre.
Principe qui est cantonné dans ses effets par l’action oblique et l’action Paulienne qui restent exceptionnelles et largement circonscrites…
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
Pour mémoire (n’en déplaise à « Poux-tine ») : « LE
PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN
LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE », REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN
AGENT « NON RUSSE » !
[1] Je crois me souvenir qu’il s’agissait d’une « prime bicyclette » qui servait à acquitter la « vignette bicyclette » pour les travailleurs des champs qui allaient aussi à l’usine…
Parce que oui, on vous recommande de prendre votre vélo pour faire « mobilité douce », mais ne vous en faites pas, ça ressuscitera la vignette éponyme tôt ou tard….
Le fisc est parfois ravageur d’inventivité !
En revanche, encourt la cassation la Cour d’appel qui déclare irrecevable l’action d’un syndicat tendant à dire que l’absence de versement d’une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d’une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d’une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu’à condamner l'employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés.
Et justice ainsi bien administrée !
COUR DE
CASSATION
Chambre sociale – Formation mixte
22 novembre 2023
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable
3. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
5. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.
6. La cour d'appel, qui a constaté que l'action de la fédération CFDT tendait à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action collective dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés.
7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.
Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession
8. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :
9. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
10. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.
11. Pour déclarer irrecevable l'action de la fédération tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que la fédération, qui ignore la distinction à faire entre gratification et salaire annuel payable sur treize mois, ne revendique pas l'exécution par l'employeur de dispositions conventionnelles mais l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle de salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente et qui ne peut donc faire l'objet d'une appréciation collective, de sorte que l'action intentée consiste en la revendication d'un droit lié à la personne du salarié, appartenant donc à ce seul salarié, et ne poursuit pas la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.
12. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'action de la fédération, en ce qu'elle ne tendait pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la fédération des services CFDT tendant à dire que l'absence de versement par la société Tui France d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société Tui France au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
Mais il peut lui demander conseil, le nom d’un bon avocat référencé par son syndicat, le même qui représentera d’ailleurs le « saint-dit-Kas » devant les tribunaux pour ses actions collectives ou la défense des syndicalistes brutalisés par les forces de l’ordre à l’occasion de leur légitime défense des intérêts des travailleurs et autres laborieux, voyons donc !
Un rappel de bon sens effectué par la Cour de cassation.
Rappelons que le problème s’était déjà posé lorsqu’un syndicat, saisi par plusieurs salariés, avait réclamé le versement à tous d’une prime qui n’était versée qu’à quelques-uns pour des raisons liées à l’histoire de l'entreprise.
Le syndicat, invoquant une irrégularité liée au principe d’égalité, réclamait que les salariés désavantagés soient indemnisés, chacun en fonction de sa situation dans l’entreprise ou de son ancienneté[1].
Impossible, avaient répondu les juges.
Il ne peut pas réclamer au juge de condamner l’entreprise à régulariser la situation de chacun.
Principe qui est cantonné dans ses effets par l’action oblique et l’action Paulienne qui restent exceptionnelles et largement circonscrites…
[1] Je crois me souvenir qu’il s’agissait d’une « prime bicyclette » qui servait à acquitter la « vignette bicyclette » pour les travailleurs des champs qui allaient aussi à l’usine…
Parce que oui, on vous recommande de prendre votre vélo pour faire « mobilité douce », mais ne vous en faites pas, ça ressuscitera la vignette éponyme tôt ou tard….
Le fisc est parfois ravageur d’inventivité !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire