Que gagne la Russie dans la guerre entre le Hamas et
Israël ?
Et reste étonné : Quel est l’objectif de Moscou en ne condamnant pas l’assaut du Hamas ?
La tragédie qui frappe Israël permettrait-il au Kremlin de fourbir son argumentaire anticolonialiste à destination du Sud global et le laisser espérer conforter ses positions en Ukraine ?
La diplomatie russe ne doit-elle cependant pas gérer le grand écart entre le refus de toute condamnation claire du Hamas, la légitimation de la guerre en Ukraine par l’objectif de « dénazification » et les relations avec Israël et la communauté juive ?
Le Kremlin escompte-t-il de l’ouverture d’un « second front » au Proche-Orient, des bénéfices politiques, militaires et économiques, et sa la neutralité de façade affichée après l’attaque terroriste du Hamas pourrait-elle dégrader ses relations avec Israël et la communauté juive, mises à l’épreuve depuis le début de l’invasion de l’Ukraine ?
Or, depuis le même ministère des Affaires étrangères s’abstient de toute condamnation de ces atrocités et renvoie dos-à-dos Israël et le Hamas…
Une mue sensationnelle, n’est-ce pas ?
Pour en justifier, Moscou avance qu’il s’agirait des « conséquences d’une brusque aggravation de la tension dans le conflit israélo-palestinien, le nombre de victimes des deux côtés dépasse déjà 1.400 morts, en particulier dans la population civile, des milliers d’Israéliens et de Palestiniens ont été blessés.
Quant au leader tchétchène « Kady-rof » (celui qui a envoyé ses gamins personnels se battre dans le Donbass), il invite les dirigeants des pays musulmans à « mettre en place une coalition » afin d’« empêcher les bombardements de civils sous prétexte d’élimination des combattants » et il apporte son « soutien à la Palestine ».
Lui, il est à la masse : Je reviendrai sur ce sujet dans un autre post, mais depuis la guerre du Koweït, il faut bien se rendre compte que la Palestine n’est plus en odeur de sainteté dans les pétromonarchies…
Loin de là et c’est même l’une des raisons du triste sort des palestiniens de Gaza qui n’ont plus d’autres solutions que de se soumettre à aux diktats iraniens via le Hamas.
On peut donc s’attendre à ce que la propagande du Kremlin instrumentalise les victimes civiles collatérales d’une intervention militaire israélienne à Gaza pour relativiser les crimes de guerre perpétrés par l’armée russe en Ukraine…
Elle va d’ailleurs plus loin en risquant une comparaison avec les accords de Minsk, qui promettaient un statut spécial au Donbass, resté lettre morte, tout comme les résolutions de l’ONU sur la Palestine, et en accusant directement Washington.
La petite voix de Moscou…
Dans cette hypothèse, on peut en conclure que la priorité de « Poux-tine » est de détourner l’attention et des ressources occidentales de l’Ukraine et cette stratégie s’inscrit dans la résurgence des tensions dans de nombreuses régions, Afrique, Azerbaïdjan/Arménie, Serbie/Kosovo, Israël/Hamas, voir dans le canal de Formose.
Au constat des média occidentaux sur une lassitude des opinions à l’égard du conflit ukrainien s’ajoute le calcul de certains milieux politiques, qui souhaiteraient que l’attention se déplace vers un nouveau foyer de crise. Or, en Ukraine comme en Israël, le contexte intérieur est favorable à un conflit prolongé.
Le facteur temps semble devenir décisif, si les affrontements se prolongent, le flux d’armements en direction de Kiev risque de se tarir et l’armée ukrainienne sera contrainte d’adopter une posture défensive pour conserver ses gains territoriaux.
Bref, si l’Otan veut épuiser la « Russie éternelle », « Poux-tine » n’a d’autre ressource que d’épuiser l’Otan…
Si en plus, les USA s’impliquent en Israël, ça affaiblira d’autant ses capacités jusqu’en Mer de Chine.
On rappelle d’ailleurs à ce sujet que 4 navires militaires chinois croisent actuellement en observateurs au large de la Palestine…
Et à plus long terme, la capacité de résilience des USA semble inépuisable depuis toujours.
Notez qu’après l’attaque du Hamas, les chaînes Telegram proches du Kremlin n’ont cessé de diffuser les images de chars Merkava détruits par des drones et les observateurs de souligner que les Israéliens n’avaient pas analysé les revers initiaux de l’armée russe en Ukraine en se reposant sur leurs lauriers passés.
L’offensive menée par le Hamas en recourant à de petits groupes dotés de moyens peu sophistiqués, comme les drones armés, montre qu’il a pour sa part tiré les leçons de la crise ukrainienne.
« Tout cela me rappelle douloureusement la phase initiale de notre opération spéciale en Ukraine », écrit l’un d’eux.
Le succès de l’opération du Hamas porte un coup, non seulement à l’image de l'armée et des services israéliens, mais aussi à son puissant secteur de la défense, le char Merkava Mk4 était jusque-là considéré comme invulnérable.
« Poux-tine », qui longtemps ne pouvait être suspecté d’antisémitisme, est désormais prisonnier de son narratif sur la « dénazification », justification officielle de l’invasion de l'Ukraine, qui contraint son régime à des contorsions idéologiques de plus en plus problématiques.
« Peut-être ai-je tort, mais Hitler avait aussi du sang juif », affirmait « Lave-rof » en mai 2022. Le fait que le Président Zelensky soit juif « ne veut absolument rien dire », se défendait-il. En effet « les plus ardents antisémites sont d’habitude des Juifs », propos qui conduisaient le Président russe à présenter des excuses au premier ministre israélien de l’époque.
Se référant à ses « nombreux amis juifs », le Président russe qualifie de V. Zelensky de « honte pour le peuple juif ».
D’après « Poux-tine », les « parrains occidentaux » du gouvernement ukrainien ont délibérément choisi un Président juif afin de « camoufler l’essence inhumaine du régime de Kiev ».
Avouez que question enfumage, il parvient à faire croire qu’il croit lui-même à ses propres « théories du complot »…
Car l’instrumentalisation de la « grande guerre patriotique », devenue le mythe fondateur du régime le conduit à promouvoir un discours sur la victimisation du peuple russe et à une concurrence mémorielle avec la Shoah.
Un monument dédié à ce « génocide » doit d’ailleurs être inauguré à Saint Pétersbourg le 27 janvier prochain, jour anniversaire de la levée du siège de Leningrad.
Le « génocide » dont auraient été victimes les populations du Donbass figure en bonne place dans l’argumentaire de Moscou pour justifier l’agression de l’Ukraine. « Jadis c’étaient les chambres à gaz, aujourd’hui c'est la Maison des syndicats à Odessa », une référence à la cinquantaine de personnes qui avaient péri en 2014 lors de l’incendie de cet immeuble.
« Des patriotes apeurés », c’est ainsi qu’on qualifie les Russes qui ont choisi de quitter leur pays pour s’établir en Israël depuis le 24 février 2022.
De fait, des personnalités très connues ont rejoint l’importante communauté russophone d’Israël.
Le porte-parole du Kremlin ne s’est pas dissocié des récents propos du Président de la Douma qui conseille à ceux qui « souhaitent la victoire du régime nazi de Kiev » de ne pas revenir en Russie en menaçant de les déporter à Magadan (un port de transit notoire vers le goulag à l’époque de Staline) : « Nous n’avons rien de commun avec eux », renchérit « Dmitri-Pète-skof » (le porte-la-parole du Kremlin), qui antérieurement avait déclaré que ces personnes seraient les bienvenues si elles voulaient rentrer en Russie.
Dans le mensonge, on n’est jamais à court de pirouettes ni de « 180 ».
« Réjouissons-nous de cet exode des pacifistes russes », a même réagi l’une des propagandistes attitrées du Kremlin.
En déplacement à Bichkek, « Poux-tine » a rappelé, le 13 octobre lors d’une conférence de presse, que « beaucoup de nos compatriotes, citoyens de l’ex-URSS et de Russie, vivent en Israël » mais que, « d’un autre côté, nous entretenons, depuis des années et des décennies, d’excellentes relations avec le monde arabe et, en premier lieu bien sûr, avec la Palestine ».
Tout en admettant le droit d’Israël à assurer sa sécurité, le Président russe s’est donc inquiété des préparatifs militaires israéliens en cours à Gaza et de mesures qui lui rappellent le « siège de Leningrad » (qu’il a bien connu) et qu’il a jugées « inadmissibles ».
Bref, une danse du ventre permanente…
Ce qui m’interroge.
À la différence d’Israël, « vassal des États-Unis », explique-t-il, « l’Iran est notre ami, notre allié et notre frère qui a aidé la Russie à un moment difficile ».
Pour ce théoricien de l’eurasisme, « la géopolitique est beaucoup plus importante que les sympathies et antipathies ethniques et religieuses ».
Pourtant, la plupart de leurs experts plaident cependant pour une attitude d’équidistance. Les membres du « club Valdaï » (un think-tank russe), jugent que quand les intérêts vitaux russes ne sont pas concernés, il n’y a pas lieu de « gaspiller un précieux capital diplomatique ou de défense ».
Toutes choses qui rendent improbables une médiation russe comme en Arménie.
Moscou utilise le contrôle de l’espace aérien syrien pour autoriser aussi bien des frappes israéliennes sur des cibles iraniennes que des vols iraniens vers le Liban, la tactique russe au Proche-Orient est donc identique à celle mise en œuvre dans le Sud du Caucase : Se positionner au centre et se rendre indispensable aux différents protagonistes.
Cette réserve n’est certainement pas la preuve que Poutine s’est rallié à un quasi-consensus au sein de l’état-major général, des siloviki de plusieurs agences de renseignement et de son ministère de la défense : Ils considèrent qu’Israël pourrait être un ennemi de facto de la Fédération de Russie, allié à l’Ukraine, aux États-Unis et à l’OTAN.
Néanmoins l’évolution des relations de Moscou avec les États arabes, en particulier avec l’Arabie saoudite, partenaire de l’OPEP+, qui a contribué à contrecarrer les efforts occidentaux pour contrôler les prix du pétrole, est bien plus importante qu’Israël sur l’échiquier géopolitique.
Le partenariat stratégique avec l’Iran, qui a porté ses fruits en Syrie et dans le Caucase et qui contribue à contenir l’expansionnisme américain, joue également un rôle essentiel dans l’élaboration de la politique régionale de la Russie.
Enfin, le va-et-vient complexe et à plusieurs niveaux de Moscou avec Ankara est crucial pour les ambitions économiques et géopolitiques de la Russie en Eurasie.
Tel était l’objectif du projet de résolution russe présenté cette semaine au Conseil de sécurité des Nations-Unies (New-York, côte Est), qui appelait à un cessez-le-feu à Gaza et qui, comme on pouvait s’y attendre, a été rejeté.
Trois membres permanents du Conseil de sécurité – les États-Unis, le Royaume-Uni et la « Gauloisie », ainsi que le Japon – ont voté contre : Il y avait probablement de bonnes raisons…
Pour le reste du monde, cela ressemblait exactement à ce que c’était : Une russophobie occidentale irrationnelle et des États marionnettes des États-Unis validant le bombardement génocidaire d’Israël sur la population civile de Gaza.
Opération de propagande réussie…
Ce point de vue s’est renforcé depuis septembre 2018, lorsque l’armée de l’air israélienne a utilisé un avion de reconnaissance électronique Iliouchine-20M comme couverture contre les missiles syriens, ce qui a entraîné son abattage et la mort des 15 Russes qui se trouvaient à bord.
Ce silence dans les couloirs du pouvoir se reflète dans le silence de la sphère publique : Il n’y a pas eu de débat à la Douma sur la position russe concernant Israël et la Palestine.
Et aucun débat n’a eu lieu au Conseil de sécurité depuis le début du mois d’octobre.
Ce qui en dit long de la perte d’influence de la Russie depuis au moins son intervention en Syrie (et je ne parle même pas de l’opposition soviétique, alliée aux USA pour l’occasion, à l’opération Kadesh déclenchée à la suite de la nationalisation du canal de Suez en 1956…)
C’était une autre époque.
Une affaire à suivre (une fois de plus…)
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