Vues par le Conseil d’État…
La 5ème chambre, dans un pourvoi n° 430112,
aura eu à trancher un litige étonnant entre un agent des services publics et
son ministère de tutelle.
Je vous laisse découvrir ce « difficile » problème :
Conseil d’État, 5ème chambre, n° 430112,
Inédit au recueil Lebon
Je vous laisse découvrir ce « difficile » problème :
Lecture du vendredi 12 février 2021
Rapporteur : M. François Charmont
Rapporteur public : M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de
Marseille d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juin 2016 par
laquelle le ministre de l’intérieur a refusé de lui accorder le bénéfice de l’allocation
temporaire d’invalidité en raison de l’accident dont il a été victime le 23
juin 2011. Par un jugement nos 1609994, 1702911 du 4 mars 2019, le
tribunal administratif a annulé la décision du ministre de l’intérieur, enjoint
au ministre de l’action et des comptes publics d’admettre M. A... au bénéfice
de cette allocation calculée selon un taux d’incapacité permanente de 15 %,
condamné l’État à payer à M. A... la somme de 33.000 euros et rejeté le surplus
des conclusions de sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 24 avril 2019 au
secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le ministre de l’intérieur
demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
Le ministre de l’intérieur soutient que le jugement
attaqué est entaché :
- d’insuffisance de motivation en ce qu’il omet de répondre au moyen tiré de ce qu’il était en situation de compétence liée ;
- d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’il juge que l’accident dont M. A... a été victime est imputable au service ;
- d’erreur de droit en ce qu’il juge que le refus d’octroi de l’allocation temporaire d’invalidité à M. A... est entaché d’erreur manifeste d’appréciation, alors qu’il était en situation de compétence liée en raison du refus déjà opposé par le ministre chargé du budget.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 avril
et 6 avril 2020, M. A... conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3.500
euros soit mise à la charge de l’État au titre de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative. Il soutient que les moyens du pourvoi ne sont pas
fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond que M. A..., major de la police nationale, a été victime d'un accident
le 23 juin 2011 alors qu’il partait vers son lieu de travail. Par une décision
du 30 juin 2016, le ministre de l’intérieur a rejeté sa demande tendant au
bénéfice d’une allocation temporaire d’invalidité. Par un jugement du 4 mars
2019, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. A..., annulé
cette décision et enjoint d’admettre M. A... au bénéfice d’une allocation temporaire
d’invalidité calculée selon un taux d’incapacité permanente de 15 %. Le
ministre de l’intérieur se pourvoit en cassation contre ce jugement.
2. Aux termes de l’article 65 de la loi du 10 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État
: "Le fonctionnaire qui a été atteint d’une invalidité résultant d’un
accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou
d’une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d’invalidité
cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du
traitement minimal de la grille mentionnée à l’article 15 du titre Ier
du statut général, correspondant au pourcentage d’invalidité (...)".
3. Est réputé constituer un accident de trajet et, par
suite, revêtir le caractère d’accident survenu dans l’exercice des fonctions de
l’agent public qui en est victime, tout accident qui se produit sur le parcours
habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la
durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute
autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service.
Toutefois, pour que soit reconnue l’existence d’un accident de trajet lors d’un
départ vers le lieu de travail, il faut que le trajet du domicile au lieu de
destination ait commencé. Tel n’est pas le cas lorsque l’intéressé se trouve
encore, lors de l’accident, à l’intérieur de son domicile ou de sa propriété.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond et n’est d’ailleurs pas contesté que l’accident du 23 juin 2011 dont M.
A... a été victime est survenu à l’intérieur de sa propriété. Par suite, alors
même que l’intéressé avait sorti son véhicule sur la voie publique en vue de
son départ et ne se trouvait à nouveau dans sa propriété que pour fermer la
porte de son garage, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en
jugeant que cet accident présentait le caractère d’un accident de service, le
tribunal administratif a inexactement qualifié les faits. Par suite, sans qu’il
soit besoin de se prononcer sur les autres moyens se son pourvoi, le ministre
de l’intérieur est fondé à demander l’annulation du jugement qu’il attaque.
5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État,
qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que
demande, à ce titre, M. A....
D E C I D E :
---------------
Article 1er : Le jugement du tribunal
administratif de Marseille du 4 mars 2019 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Vous avez compris ?
Un major de chez les flics part bosser depuis chez lui.
Il ouvre la porte de son garage personnel, sort sa bagnole, la pose sur la voie publique prête pour le décollage et a la bonne idée de sortir de sa chignole pour refermer la porte de son garage-personnel : On est du côté de Marseille, et clairement, parfois « ça craint ».
Manque de bol,il glisse sur une plaque de verglas,
et il s’esquinte jusqu’à être rendu invalide « à 15 % » dans la manœuvre…
Celui-là,
il est au moins né « Corsu » !
Question de droit : Est-on en face d’un accident
de service et plus exactement un accident « de trajet » – auquel cas
il a droit au soutien financier de la Nation reconnaissante – ou d’un accident
domestique ?
Auquel cas, il lui reste ses yeux pour pleurer…
Il convient de rappeler que pour être caractérisé
comme un accident survenu dans l’exercice des fonctions d’un agent public la
loi est précise et pleine de bon sens : L’accident doit répondre impérativement
à certains critères !
Premièrement, l’accident doit se produire sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence.
Deuxièmement, il doit se produire pendant la durée normale pour l’effectuer.
Or, Monsieur B… A… se préparait seulement à partir
vers son lieu de travail lorsqu’il a été victime de son accident.
Lourd l’accident puisqu’il aura entraîné une incapacité permanente de 15 % : On lui aura arraché au moins une main, sinon un bras…
Le pôve major avait en effet sorti son véhicule dans la rue puis était revenu à l’intérieur de sa propriété pour fermer la porte de son garage : Il n’était donc pas « en route ».
Il aurait dû laisser sa moitié le faire à sa place.
Par conséquent, son accident est survenu alors qu’il se trouvait à nouveau à l’intérieur des limites de sa propriété.
Fort logiquement, le Conseil d’État ne peut donc pas retenir le caractère d’accident de service, considérant que le trajet de son domicile vers son lieu de travail n’avait pas encore débuté.
Ainsi, il faut que le trajet du domicile vers son lieu
de travail ait débuté pour que soit reconnue l’existence d’un accident de
service ou « du trajet ».
La prochaine fois,vu
qu’il est pathologiquement maladroit, il commandera un taxi, un Uber voire
une estafette de son service ; après tout, il est « major »…
Et personnellement, j’attends déjà la déclinaison
devant la Cour de Cassation.
Parce que bon, tu sors de chez toi pour aller prendre ton bus en vue de bosser, si tu es encore dans ton jardin quand une comète te tombe sur le crâne, c’est un accident « domestique ». Si tu es déjà dans la rue, c’est un accident du trajet…
Conclusion de la séquence : Aller bosser, ça reste dangereux.
« Dumè » (mon « cousin » Corsu) le sait bien : « La preuve, ils ont bien inventé la médecine du travail ».
Bref, ça se soigne, le travail, comme n’importe quelle autre maladie…
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
Rapporteur public : M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
- d’insuffisance de motivation en ce qu’il omet de répondre au moyen tiré de ce qu’il était en situation de compétence liée ;
- d’inexacte qualification juridique des faits en ce qu’il juge que l’accident dont M. A... a été victime est imputable au service ;
- d’erreur de droit en ce qu’il juge que le refus d’octroi de l’allocation temporaire d’invalidité à M. A... est entaché d’erreur manifeste d’appréciation, alors qu’il était en situation de compétence liée en raison du refus déjà opposé par le ministre chargé du budget.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... A... ;
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Article 2 : L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Un major de chez les flics part bosser depuis chez lui.
Il ouvre la porte de son garage personnel, sort sa bagnole, la pose sur la voie publique prête pour le décollage et a la bonne idée de sortir de sa chignole pour refermer la porte de son garage-personnel : On est du côté de Marseille, et clairement, parfois « ça craint ».
Manque de bol,
Auquel cas, il lui reste ses yeux pour pleurer…
Premièrement, l’accident doit se produire sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence.
Deuxièmement, il doit se produire pendant la durée normale pour l’effectuer.
Lourd l’accident puisqu’il aura entraîné une incapacité permanente de 15 % : On lui aura arraché au moins une main, sinon un bras…
Le pôve major avait en effet sorti son véhicule dans la rue puis était revenu à l’intérieur de sa propriété pour fermer la porte de son garage : Il n’était donc pas « en route ».
Il aurait dû laisser sa moitié le faire à sa place.
Par conséquent, son accident est survenu alors qu’il se trouvait à nouveau à l’intérieur des limites de sa propriété.
Fort logiquement, le Conseil d’État ne peut donc pas retenir le caractère d’accident de service, considérant que le trajet de son domicile vers son lieu de travail n’avait pas encore débuté.
La prochaine fois,
Parce que bon, tu sors de chez toi pour aller prendre ton bus en vue de bosser, si tu es encore dans ton jardin quand une comète te tombe sur le crâne, c’est un accident « domestique ». Si tu es déjà dans la rue, c’est un accident du trajet…
Conclusion de la séquence : Aller bosser, ça reste dangereux.
« Dumè » (mon « cousin » Corsu) le sait bien : « La preuve, ils ont bien inventé la médecine du travail ».
Bref, ça se soigne, le travail, comme n’importe quelle autre maladie…
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