Arrêt du mercredi 29 janvier 2020, n° de pourvoi : 19-11386
Vous allez comprendre :
Cour de cassation, première chambre civile
Audience publique du mercredi 29 janvier 2020
N° de pourvoi : 19-11386
Mme Batut (président), président
SCP Marc Lévis, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Mme V... S..., domiciliée EHPAD
F... D..., (...), a formé le pourvoi n° U 19-11.386 contre l’arrêt rendu le
13 mars 2018 par la cour d’appel de Riom (chambre de la famille), dans le
litige l’opposant à Mme Q... L..., domiciliée (...) ,
défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les
deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller
référendaire, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de Mme S..., après
débats en l’audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présentes Mme
Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme
Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation,
composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré
conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 11 octobre 2019), le
juge des tutelles a placé Mme S... sous tutelle pour une durée de cent vingt
mois et désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité
de tuteur aux biens et à la personne.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code
de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.
Mais sur le second moyen
Énoncé du moyen
3. Mme S... fait grief à l’arrêt de la placer sous
tutelle pour une durée de dix ans et d’ordonner la suppression de son droit de
vote alors « que le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision
spécialement motivée et sur avis conforme d’un médecin inscrit sur la liste
mentionnée à l'article 431 du code civil constatant que l’altération des
facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas susceptible
de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer
une durée supérieure à cinq ans, n’excédant pas dix ans ; que, pour fixer la durée
de la mesure de tutelle de Mme S... à 120 mois, l’arrêt se borne à énoncer que
le procureur de la République avait joint à la requête un certificat du docteur
B... mentionnant des troubles cognitifs comportant un syndrome dyséxécutif
responsable de troubles du raisonnement ainsi que de troubles de la mémoire, du
jugement et du comportement, avec refus de soins, le médecin ayant conclu à la
nécessité d’une mesure de tutelle, et en ajoutant que le docteur X... avait
également délivré, le 3 mars 2017, un certificat indiquant que Mme S... était
atteinte d’une sclérose en plaque et n’avait pratiquement plus aucune
autonomie, sans constater elle-même l’existence d’un avis conforme du médecin,
inscrit sur la liste mentionnée à l’article 431 du code civil, se prononçant
sur l’altération des facultés personnelles de Mme S..., qui n’apparaissait
manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données
acquises de la science, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 441 alinéa 2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 441, alinéa 2, du code civil :
4. Selon ce texte, le juge qui prononce une mesure de
tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d’un
médecin inscrit sur la liste mentionnée à l’article 431, constatant que l’altération
des facultés personnelles de l’intéressé n’apparaît manifestement pas
susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la
science, fixer une durée supérieure à cinq ans, n’excédant pas dix ans.
5. Pour fixer la durée de la mesure de tutelle à cent
vingt mois, l’arrêt se borne à retenir qu’en vertu des pièces du dossier, l’état
de Mme S... n’est manifestement pas susceptible de connaître une amélioration
selon les données acquises de la science.
6. En statuant ainsi, sans constater l’existence d’un
avis conforme du médecin inscrit se prononçant sur ce point, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe la
durée de la mesure de tutelle à cent vingt mois, l’arrêt rendu le 13 mars 2018,
entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, en conséquence, sur ce point, l’affaire et les
parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie
devant la cour d’appel de Riom autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres
dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure
civile, rejette la demande formée par Mme S... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt-neuf janvier deux mille vingt.
On ne badine pas avec le droit de vote des sclérosés
en plaque à la Cour de cassation !
Ce n’est effectivement pas aux juges du fond de
statuer sur la durée d’une mise sous tutelle, mais au toubib inscrit sur une
liste établie par le procureur de la République de motiver cette demande après
examen du patient.
Au juge du fond de s’y conformer ou non.
Le toubib reste seul habilité à constater l’altération
des facultés d’une personne dans un certificat médical circonstancié, à
condition d’être « habilité » par le Proc’ local.
Dans cette affaire, le juge des tutelles place une
personne sous tutelle pour une durée de 10 ans.
Madame S… est atteinte d’une maladie incurable,
présente des troubles cognitifs altérant son raisonnement et en plus refuse de
se soigner.
Pas si folle que ça, la guêpe… puisque c’est « incurable » !
Alors, atteinte jusque dans ses facultés, elle
conteste son placement sous tutelle.
Or, selon le Code civil, le juge des tutelles peut
exceptionnellement placer une personne sous tutelle pour une durée supérieure à
5 ans mais seulement en le motivant spécialement et sur avis du médecin
spécialisé.
Et pour la Cour d’appel, l’état de santé de la
personne n’est pourtant pas susceptible de connaître une amélioration selon les
données acquises de la science.
Elle confirme sa décision en s’appuyant sur l'avis de
deux médecins mais non-inscrits sur la liste du procureur de la République…
La cassation est dès lors prononcée.
Pour la Haute juridiction (de l’ordre judiciaire), le
juge des tutelles doit disposer de l’avis conforme d’un médecin inscrit sur la
liste du procureur de la République pour placer une personne majeure sous
tutelle d’une durée n’excédant pas 10 ans et pas du premier quidam venu…
Rien de plus logique : C’est la loi votée !
Toutefois, personne ne nous dit les « qualités »
de Mme Q… L…,
domiciliée (…), la défenderesse à la cassation.
C’est qui cette dame-là ?
Une sœur, une fille, une cousine ou simplement un
voisine « bien intentionnée » ?
Quel intérêt à agir devant les tribunaux ?
À moins que, mais ce serait vraiment pire que tout, sera-ce
la directrice de l’EHPAD F… D… dans lequel Mme S… vivote : Ce qui
signifierait qu’on ne peut décidément plus se fier à ce genre d’institution.
Déjà qu’ils n’ont pas bien su protéger leurs
pensionnaires contre le « Conard-virus », je m’interroge sur le sort
de dame S… depuis lors.
Enfin bref, Dame S… est repartie pour un tour d’expertise
entre les mains d’un « toubib habilité » pour conserver ou perdre
pour dix ans son droit de vote.
On s’amuse comme on peut avec « nos seniors »
dans ce pays qui est le mien (que j’aime tant…) : Une histoire de fou…
Bonne fin de week-end de confinement à toutes et
tous !
I3
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