Ils sont parfois magnifiques !
Le Tribunal constitutionnel de la République fédérale d’Allemagne a rendu
le 5 mai dernier un arrêt jugeant que les décisions de la Banque Centrale
Européenne (BCE) sur la mise en œuvre de son programme d’achat de titres
publics aurait excédé les compétences de l’Union européenne.
Et ça aura été l’occasion pour certain de remettre en cause, en vrac, la
monnaie unique, le rôle de la banque centrale, la construction européenne (toujours
en cours), ses institutions (qui manqueraient de « démocratie »), faisant
le lit des nationalismes outrés, frileux et sectaires, le bonheur des places anglo-saxonnes (qui
parient depuis toujours sur l’explosion de l’Euro), voire de rendre heureux « Poux-tine »
qui espère bien nouer de juteux contrats en désordre avec les uns et les
autres, jusqu’aux « Brexiteurs » qui patinent devant « Barre-Niée »
et Bruxelles, etc. etc. la liste est longue !
Est-ce grave, Docteur ?
Oui et non. Et finalement, pas du tout !
Il faut d’abord considérer que le BVerfG, dont le Président a pris sa
retraite le lendemain de l’arrêt, a tenu à se justifier longuement pour être
revenu sur un arrêt de la CJE. Drôle de réflexe que de paraître faire « cavalier-seul »
pour mieux s’abriter sous le parapluie de la juridiction supranationale…
Le BVerfG se justifie en déclarant que la CJE a jugé au-delà de ses
compétences, ultra vires en langage juridique, pour ne pas avoir donné
de justifications suffisantes à la proportionnalité de l’action de la BCE.
Un argument toutefois spécieux qui relève du débat d’économistes plutôt
que de juristes, la CJE ayant considéré à ce sujet que la BCE s’était déjà suffisamment
justifiée.
D’ailleurs comme le BVerfG n’en sait rien, il demande à la Banque centrale
d’en justifier à son tour sous trois mois.
En conséquence, on peut considérer que le BVerfG a tenu à rappeler que le
cadre institutionnel de l’Union européenne, qui est un équilibre subtil entre
le supranational et dont la BCE fournit l’exemple le plus achevé même s’il ne
concerne que 19 pays sur 27, et le national.
C’est en tout cas probablement comment ça qu’il faut interpréter la
démarche, parce qu’il n’y pas d’autre explication.
Ça c’est le point positif.
Toutefois, jusque-là, les traités et règlements s’imposent aux
juridictions nationales des 27 (avec plus ou moins de célérité). Et quand la constitution
des « nationaux » n’autorisaient pas à soumettre la loi nationale à
l’UE, sa commission et son Parlement, on modifiait ladite constitution.
En « Gauloisie-éternelle » on l’a fait à plusieurs reprises,
soit par voie de référendum, soit en réunissant le Congrès et depuis plusieurs
décennies.
On a même eu un projet de constitution européenne, rejeté par référendum, mais
qu’on a retrouvé mot pour mot, à la virgule près, dans le traité de Lisbonne
qui lui a été validé par le Congrès…
Vive le pouvoir du peuple (définition de la démocratie…) !
Pourtant, ce regain de « nationalisme-teuton » est clairement un
indice contrariant : Après tout, les britanniques ont voté leur
« Brexit » pour ces mêmes raisons-là, malgré leur régime « hors
normes » (avec de nombreuses exceptions) aux normes européennes acceptées
par tous les autres.
Danger d’explosion, donc…
D’un autre côté, donner de la voix nationale sur un sujet aussi technique
que la politique monétaire pourrait augmenter la pression sur les États-membres
pour avancer vers une politique budgétaire mieux coordonnée, de façon à
soulager la BCE (dont ce n’est pas le rôle et « Cri-Cri-la-Garde-meurt-mais-ne-se-rend-pas »
a déjà hurlé qu’il fallait un relai « budgétaire » à la politique monétaire,
marcher sur deux jambes) pour lui redonner ainsi des marges de manœuvre vers
une politique strictement monétaire.
Et ce ne serait pas le moindre des paradoxes de cet arrêt, que beaucoup
d’analystes associent à la tendance eurosceptique qui animait d’ailleurs
certains des plaignants, que d’accélérer l’évolution de la zone euro vers une
forme de fédéralisme plus prononcé qu’aujourd’hui.
Et là, ça devient un point très positif !
Au fait, quel était l’objet de cet arrêt (parce que tout le monde s’en
contre-cogne le coquillard et les roubignoles dans le même élan) ?
Il porte sur la politique quantitative de la BCE, les fameux QE qui
inondent de par le monde les « marchés financiers » de monnaie sui
generis, venue de nulle part.
Le Tribunal constitutionnel allemand (Bundesverfassungsgericht, BVerfG)
avait été saisi par un groupe d’universitaires allemands dès la mise en place
du programme d’achats d’obligations publiques (PSPP) des pays de la zone euro
par la BCE en 2012, l’époque où « Mariole-Drague-hi » aura affirmé son
intention de faire « tout ce qui est nécessaire », retraduit par un « no
limit » à travers la planète-finance.
Le BVerfG avait, dans un premier temps, exprimé ses réserves, mais avait choisi
de déférer le cas à la Cour de justice européenne (CJE), dont il reconnaissait
dès lors que c’était de son ressort, plein et entier.
Sa compétence exclusive en quelle que sorte.
Le BVerfG est ensuite revenu sur le sujet pour reprocher au gouvernement
fédéral « Teuton » et au Bundestag de ne pas avoir posé de questions
à la BCE lors de l’exécution du programme.
Grave manquement aux yeux du juge constitutionnel…
Mais un peu contradictoire… à la marge.
Il en a profité pour exprimer son insatisfaction à propos de la « proportionnalité »
des actions de la BCE, dont il estime la justification incomplète. C’est donc une
question qui est mise en sursis.
Enfin et surtout, la décision rejette la thèse des plaignants selon
laquelle la BCE procèderait au financement des budgets des États, opération
interdite par les Traités.
Là, c’est clair.
Globalement, le premier point est une affaire interne à la « Teutonnie »
et ressemble à un « Holzweg », ces sentiers que les forestiers
traçaient pour arriver au lieu de coupe mais ne menaient nulle part : On
ne voit pas bien comment le Bundestag pourrait interpeller la BCE sur le
bien-fondé de ses décisions sans enfreindre le principe fondamental
d’indépendance de la Banque centrale…
On voit également mal comment une institution supranationale pourrait se
soumettre à un parlement national.
Tout au plus pourrait-on y voir une incitation à la Présidente de la BCE
d’être entendue et questionnée par les parlements nationaux, plutôt que
seulement par le Parlement européen.
Avec 19 parlements nationaux, la tâche reste apparaître comme une « mission
impossible ».
D’autant que ce sont des questions « techniques » et non pas « politiques ».
Or, un Parlement, c’est d’abord une représentation « politique » qui
se juge, parfois à tort, compétent en matière « technique ».
Passons…
Le second point, lié au premier, est assorti d’une sorte d’ultimatum : Les
autorités monétaires de la zone euro doivent fournir au Bundestag un
argumentaire convaincant prouvant que l’ampleur, mais pas le principe, des
acquisitions est justifié par la nécessité économique dans les trois mois,
faute de quoi la Bundesbank serait en infraction avec la loi fondamentale « Teutonne »
si elle continuait à participer au programme, ce qui pourrait aller jusqu’à la
forcer à vendre les obligations qu’elle détient.
Là, on rigole à en éternuer (quitte à contaminer au « Conard-virus »
à des kilomètres à la ronde !).
Car comme il s’agit principalement d’obligations fédérales, cela pourrait
relever le coût de financement de la « Teutonnie » au moment où ses
besoins de financement explosent : Suicidaire !
D’autant que la critique du BVerfG sur le manque de documentation de la « proportionnalité »
n’est pas très sérieuse.
Déjà, le Conseil de la BCE a eu des débats nourris sur la taille du PSPP
et ses conséquences, comme le compte rendu des débats du 21 janvier 2015 le
montre amplement.
En second lieu, les économistes et chercheurs de la BCE ont beaucoup
publié sur le sujet.
Enfin, une analyse complète de la proportionnalité devrait évaluer l’écart
entre les performances économiques attribuables à la politique quantitative et
ce qui se serait passé sans une telle politique.
Or, par définition, aucune donnée observable ne permet de savoir ce qui se
serait passé sans les interventions de la BCE, puisque ça n’existe pas !
Les réponses que pourraient fournir les modèles macro-économétriques sont par
ailleurs fortement sujettes à caution, puisque les modèles ont été estimés dans
des circonstances macro-économiques différentes…
Et puis comme je le dis toujours, on peut faire dire n’importe quoi et son
contraire à une même série de chiffres.
Coup d’épée dans l’eau.
Le troisième point est en revanche très important, car, en suivant
l’analyse de la CJE, elle-même en ligne avec celle de la BCE, la Cour « teutonne »
reconnaît que les politiques quantitatives sont parfaitement légales et
relèvent exclusivement de la politique monétaire et non pas du financement
monétaire des États-membres.
Et c’est certainement une lourde déception pour les plaignants, qui n’ont
cessé d’agiter le spectre de la planche à billet, dont on sait qu’il résonne
toujours de façon amère auprès du public d’outre-Rhin.
Probablement à raison d’ailleurs.
Reconnaissons tout de même que le mandat de la BCE est de soutenir l’économie
de la zone euro tout en maîtrisant son inflation en deçà de 2 %.
Et elle fait tellement bien son boulot, qu’on reste à avoir du mal à
atteindre ce seuil de 2 %.
Il faut avouer que c’est l’époque qui veut ça : Tout le monde
dégueule des QE en-veux-tu en-voilà et à tour de rôle (BoJ, BCE, BoE, FED) et
aucun gap de compétitivité ne se dégage. Même la Bank of China (BoC) s’y met et
rien ne se passe au niveau de l’inflation (ce qui énerve au plus au point le
Nippon qui ne sait plus à quel saint-Confucius s’adresser pour faire redémarrer
l’économie de l’archipel du soleil-Levant) : Les théories keynésiennes sont
mortes au pied du mur des réalités monétaires depuis belle lurette, et personne
ne s’en rend vraiment compte.
En effet : On peut dire qu’il y a plusieurs raisons à cette situation.
Depuis la crise des « Subprimes » (puis de « la dette »),
on sait désormais que pour éviter l’arrêt cardiaque brutal, il faut absolument inonder
les zones géographiques de leurs propres devises en liquidités abondantes quitte à les retrouver sur les marchés-actions (qui battaient des records il y a encore peu).
C’est la banque d’Angleterre qui a inventé « le truc ». Et tout
le monde s’y est mis.
La dette ? Aucun problème : Le Japon cumule plus de 230 % son
PIB en endettement public (plus les ménages, plus les entreprises). Personne ne
remboursera jamais (on fera du revolving-éternel) puisque la raison de la « stagflation »
nippone tient dans sa démographie flageolante et déprimée, accessoirement dans
les gains de productivité dus aux progrès technologiques et principalement
parce que ce sont les futurs retraités nippons qui détiennent la dette du pays.
Pas « les marchés »…
Par conséquent, « auto-détenir » de la dette, ce que fait la BCE
(et tous les autres), sur sa propre devise support, ça ne représente aucun
danger tant que c’est coordonné d’une devise à une autre.
D’ailleurs, après la publication de la décision du BVerfG, il ne s’est
rien passé sur « les marchés » : Le rendement à 10 ans des BTP (les
obligations du Trésor « Rital ») est passé d’une moyenne de 1,8 % la
semaine précédente à 1,95 % le 6 mai, une augmentation de 15 points de base,
tandis que le rendement des obligations « teutonnes » augmentait de
10 points de base.
Car les intervenants de marché ont bien noté que le BVerfG avait rejeté
l’accusation de financement monétaire et en ont déduit que le reste n’était que
détails politiques.
À court terme, la réaction des marchés est saine et raisonnable.
Et puis, dans l’urgence de la « crise du Conard-virus »,
justement la « Gauloisie » et la « Teutonnie » viennent de
faire une réponse « politique » assez extraordinaire.
Le programme d’urgence mis en place pour aider les économies frappées par
la crise sanitaire, le « PEPP », qui est plus « libre » que
le PSPP, puisqu’il ne comporte pas de limite précise sur la part d’obligations
d’une souche donnée (donc d’un émetteur donné) comme c’était le cas du PSPP (un
point sur lequel le tribunal de Karsruhe s’est appuyé pour rejeter l’accusation
de financement monétaire) sera créé (si tout le monde en est d’accord) et remis entre
les mains de la Commission, pas du banquier central !
Exit la BCE.
Donc exit les plaignants mécontents du PSPP !
Une belle façon de leur dire m… (étron) !
Comme dit l’autre, « on est encore chez nous, on fait ce que l’on
veut ! »
Et là, tout d’un coup, on change de dimension : On n’est plus dans le
cadre du MES, ni du fond de solidarité mis en place dans l’urgence pour aider
les Grecs (et les PIGS), on sort du cadre de la BCE qui n’aura plus qu’à s’occuper
que de l’Euro, mais on rentre dans le « politique », la Commission,
supposée être contrôlée par le Parlement de Strasbourg.
La manœuvre est sublime.
Elle est même Napoléonienne !
On parlait de « coronabund », ce n’est surtout pas ça.
Napoléon, pour financer la Révolution disposait de la « Banque de
Gauloisie » (l’émetteur de monnaie et le « dernier recours » de …
refinancement). Mais il aura inventé la « Caisse des Dépôts et
Consignations » comme d’une cagnotte dans laquelle il a puisé largement
(pour payer ses fonctionnaires).
« Jupiter » et « Mère-Quelle » proposent le même
schéma, ni plus ni moins : Deux jambes pour mieux marcher !
La CDC aura évolué. Elle fait toujours des consignations et des dépôts,
finance des investissements dans les HLM et l’industrie, mais avec le retour
des fonds détournés par « Mythe-errant » (la
« Teutonnie » a fini par rembourser et ça a fait quelques 56,3
milliards d’euro) qui ont été recyclés en trois PIA (le Grand Emprunt de « Bling-Bling »,
la deuxième couche de « Tagada-à-la-fraise-des-bois », puis le
troisième volet dès que « Jupiter » aura été élu) gérés par la BPI
après que deux « ex-premier-sinistres » aient rendu leur tablier
quand ils ont compris qu’on leur faisait blanchir du pognon sale (« Juppette »
et « Roro-Card »), ça tourne sans que notre Parlement national n’ait
à y mettre son nez !
Là, ils ont décidé de faire un « copier/coller ».
On a une question juridique. On s’attendait à une réponse juridique de la
part de la BCE. Peut-être même enrobée de pas mal de diplomatie par Bruxelles.
On pouvait craindre la création d’une zone « Euro-Mark » à côté d’une
zone « Euro-Club-Med ».
Ça arrivera peut-être un jour ou l’autre, et ça permettrait à l’Europe des
PIGGS (le second « G » c’est pour la « Gauloisie-jupitérienne »)
de rattraper les écarts avec les fourmis du nord. Je l’évoquais
encore récemment.
Ce qui pourrait être redoutable pour l’économie « Teutonne » :
Elle perdrait alors ses « meilleurs clients »… du Sud.
Eh bien pas du tout : La réponse est politique !
Les « Europhiles-teutons » auront fait l’effort de solidarité
nécessaire pour sauver l’essentiel, même s’il ne leur est pas question de payer
à la place d’autrui : Ça donne juste un « bouffée d’air » bienvenue
et délivre un message de fraternité.
Je trouve cela formidable !
L’Europe, cahin-caha, repart de l’avant et c’est vraiment tant mieux.
N’en déplaise à tous les grincheux de la planète…
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