Notre « Capitaine Haddock » serait ravi.
Je veux parler de feu Jean-Charles
Duboc, féru d’astronomie, d’ufologie et accessoirement pilote de
lignes commerciales dans le civil.
Toute la question est de savoir comment la vie peut se
développer sur un « caillou » perdu dans l’immense cosmos.
Pour l’heure, on ne connaît qu’un seul « modèle » :
Le nôtre !
Mais sommes-nous certains que la vie ne peut vraiment
se développer que dans une atmosphère dominée par l’azote et l’oxygène comme c’est
le cas sur la Terre ?
En effet, des expériences en laboratoire prouvent que,
même sur des exoplanètes avec des atmosphères dominées par l’hydrogène
moléculaire, des micro-organismes terrestres peuvent prospérer sans problème.
D’ailleurs, on découvre sur notre belle planète bleue
que des organismes pluricellulaires peuvent vivre (bouffer, caguer, se
reproduire) sans avoir besoin d’oxygène comme source d’énergie « oxydante »
(celle de nos moteurs thermiques et de notre biologie).
Effectivement, on reproche souvent parfois aux
exobiologistes d’être exclusivement « autocentrés » sur nous-mêmes. Or,
dans la recherche de la vie ailleurs, cette idée nous aveuglerait et nous
conduirait à penser que seules des formes de vie ressemblant beaucoup à celles
qui nous sont familières sur Terre, et dans des environnements très répandus, seraient
possibles.
Par certains côtés, ce qui nous intéresse vraiment, c’est
de savoir à quel point des formes de vie similaires à celles qui sont connues se
sont répandues dans le monde des exoplanètes : On ne sait jamais, on
pourrait s’y retrouver confrontés ou inversement, on pourrait s’y exiler !
D’un autre côté, on envisage tout de même des formes
de vie extrêmophiles et on spécule même sur des formes jamais vues, par
exemple, basées peut-être sur le concept d’azotosome (Vésicule microscopique composée
de molécules formées d’azote et d’une extrémité plus hydrophobe qu’on recherche
notamment sur Titan).
Cela n’a pas empêché des biochimistes, à l’instar
d'Isaac Asimov de spéculer sur des formes de vie qui ne seraient pas basées sur
l’eau liquide, notamment comme dans l’essai qu’il a écrit en 1962, « Not
as we know it » (Pas comme nous le savons).
On le sait tous, l’atmosphère de la Terre est dominée
depuis un peu plus de deux milliards d’années par l’azote et l’oxygène mais il
y a plus de 4 milliards d’années, on trouvait plutôt un mélange de vapeur
d'eau, de dioxyde de carbone à haute densité (ce soi-disant gaz à « effet
de serre » tant redouté par les climatologues nourris aux subventions de l’ONU
via le GIEC) et d’azote.
Plus tôt au début de l’Hadéen, les choses sont moins
claires mais si l’on pense aux atmosphères des géantes gazeuses formées
directement à partir du gaz du disque protoplanétaire, on peut penser que d’importantes
quantités d’hydrogène et d’hélium étaient présentes avant de rapidement quitter
notre Planète, son champ de gravité étant trop faible pour garder ces gaz trop légers.
Toutefois, il existe des superterres avec des champs
de gravitation plus intenses et on connait aussi plusieurs scénarios astrochimiques
qui pourraient conduire à l’existence d’atmosphère contenant d’importantes
quantités d’hydrogène moléculaire H2, comme l’explique un récent article
dans Nature Astronomy.
Ainsi, beaucoup de dihydrogène pourrait avoir été
produit par des réactions entre de l’eau (qui reste une « cendre »
chimique) et d’importantes quantités de fer apportées par un bombardement
météoritique de matériaux primitifs riches en fer (par exemple, comme les
météorites chondritiques EH).
Enfin, on sait que le rayonnement ultraviolet des
étoiles peut photodissocier des molécules d’eau en donnant des molécules H2
et O2.
Si le champ de gravité d’une superterre est
suffisamment important et si elle possède un bouclier magnétique capable de la
protéger, dans une certaine mesure, de l’érosion de son atmosphère par l’activité
de son étoile hôte, alors il est possible d’avoir là aussi une atmosphère
contenant beaucoup d’hydrogène.
De même, des calculs laissent penser qu’une exoplanète
de quelques masses terrestres situées au-delà d’environ 2 UA de son soleil et
de son rayonnement destructeur X et ultraviolet peut maintenir une atmosphère H2-He
primordiale héritée de son disque protoplanétaire sous une pression de 1 à 100
bars, mais à condition que la planète ait un champ magnétique protecteur.
On a donc voulu savoir si des formes de vie pouvaient
prospérer dans des atmosphères riches en dihydrogène et pour cela, on a tout
simplement fait des expériences avec des micro-organismes bien connus sur
Terre, la fameuse bactérie Escherichia coli, un simple procaryote, et la
levure, un eucaryote plus complexe, qui n’avaient pas été étudiées dans des
environnements dominés par l’hydrogène.
Ces organismes unicellulaires ont donc été placés dans
un bouillon nutritif surmonté dans des bouteilles par des équivalents de
différentes atmosphères d’exoplanètes avec, respectivement, de l’hydrogène pur,
de l’hélium pur, un mélange de 80 % d’azote et 20 % de dioxyde de carbone, et
un dernier jeu de bouteilles avec l’air de la Terre.
Régulièrement, les chercheurs ont retiré des
échantillons de certains de ces organismes avec une aiguille hypodermique pour
compter combien étaient vivants.
Et, miracle, ils ont constaté que tous se sont
répliqués dans toutes les atmosphères testées !
Bien sûr, c’est exactement ce à quoi les biologistes
pouvaient s’attendre car il est bien connu que E.coli et les levures peuvent se
développer sur Terre en l’absence d’oxygène mais, en l’occurrence, les
expériences montraient de façon claire, et donc plus susceptible d’aider à
changer un paradigme, que l’on pouvait ne pas se limiter à chercher des formes
de vie dans des atmosphères similaires à celle de la Terre actuelle.
Le but du jeu…
C’est d’autant plus vrai que des atmosphères dominées
par de l’hydrogène peuvent s’étendre beaucoup plus loin au-dessus de la surface
d’une exoplanète, ce qui rend sa détection et son analyse bien plus faciles
pour la prochaine génération d’instruments, en particulier le télescope spatial
James Webb.
Enfin, les chercheurs ont constaté qu’en se
développant les Escherichia coli ont produit de l’ammoniac, du méthanethiol et
de l’oxyde nitreux, ce qui reste « inspirant » pour définir des
biosignatures possibles de formes de vie.
Rappelons que la question des biosignatures n’est pas que
triviale : L'astrophysicien Franck Selsis, qui étudie les atmosphères
planétaires et l’exobiologie au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, nous
avait déjà expliqué comment il est possible de détecter la vie en étudiant la
composition d’une atmosphère : « Comme Carl Sagan, je pense que, à une
affirmation extraordinaire, il faut une preuve extraordinaire. Pour répondre,
il faudrait avoir une définition convaincante de ce que doit être une
biosignature – et j’écarte ici la question d’une technosignature qui est une
autre question.
Avec le télescope James Webb, ou à plus long terme
avec le futur télescope géant européen (l’E-ELT, European Extremely Large Telescope), nous
pourrons peut-être détecter des constituants de l’atmosphère d’exoplanètes
telluriques tempérées, dont certaines sont en lien avec le caractère habitable
de la Terre ou avec l’activité biologique (eau, oxygène, ozone, méthane,
dioxyde de carbone). »
On se pose alors la question de ce que devrait être
une bonne biosignature. Prenons l’exemple d’une planète qui serait aussi
massive que Vénus et initialement riche en eau. « Le rayonnement de son
étoile pourrait avoir dissocié les molécules d’H2O laissant partir
dans l’espace les molécules de H2 mais retenant dans l’atmosphère
les molécules d’O2, du fait de sa gravité.
On aurait donc une atmosphère riche en oxygène et pour
autant, son origine ne serait pas biologique – incidemment, l’oxygène de Vénus
semble, probablement, avoir migré dans son manteau. »
Plus généralement, qu’est-ce qui pourrait nous assurer
que des molécules généralement associées à la vie n’ont pas été produites par
des processus abiotiques (sans intervention du vivant) ?
« Pour tenter d’éviter ce problème, j’ai
proposé de chercher à détecter tout à la fois des molécules d’ozone, de gaz
carbonique et d’eau.
Mais, d’une part, c’est une signature terrestre très
spécifique et le vivant pourrait générer d’autres compositions.
Et, d’autre part, ce n’est pas parce que je ne suis
pas parvenu à obtenir par simulation des atmosphères d’exoplanètes avec cette
signature par des processus non biologiques que ce n’est pas possible.
Rien ne dit que mon exploration des phénomènes
possibles est exhaustive. »
Il pense donc qu’il faudra attendre d’avoir analysé et
bien compris les atmosphères d’un très grand nombre d’exoplanètes avant de
pouvoir raisonnablement se dire capable de reconnaître de façon indiscutable
une atmosphère transformée par la vie.
Oui mais alors, le choix de faire des expériences avec
des atmosphères d’hydrogène, quel intérêt ?
« La première raison est que, dans ce type d’atmosphères,
il y a des réactions chimiques conduisant à une chimie du carbone très riche et
pouvant produire des molécules servant de briques au vivant.
Outre les nombreuses observations astronomiques qui le
démontrent, la fameuse expérience de Miller-Urey au début des années 50 a
illustré ce phénomène en produisant des bases azotées et des acides aminés dans
un mélange gazeux de méthane (CH4), ammoniac (NH3),
hydrogène H2 et eau H2O, soumis à des décharges
électriques.
Urey et Miller postulaient alors que ce devait être la
composition de l’atmosphère primitive terrestre.
Si l’on a très peu de contraintes sur la composition
primordiale de notre atmosphère, ce scénario ne semble plus pertinent bien que
l’hydrogène ait pu être un constituant, minoritaire mais important, de cette
atmosphère. »
La deuxième raison poussant à considérer des
atmosphères dominées par H2 vient du fait qu'avec une molécule aussi
légère, ces atmosphères sont épaisses et s’étendent loin de la surface des
exoplanètes.
« Cela facilite grandement l’analyse de la
composition de l’atmosphère d’exoplanètes lors de transits. Aujourd’hui, les
seules atmosphères d’exoplanètes que nous pouvons analyser sont dominées par l’hydrogène
moléculaire, surtout pour des planètes géantes et chaudes mais, avec le
télescope James Webb, nous pourrons tenter l’analyse d'atmosphères de planètes
plus terrestres, en particulier celles de l’étoile TRAPPIST-1 ».
Enfin, on sait aussi que des atmosphères d’hydrogène
avec des pressions comprises entre 10 et 100 bars, soit entre 10 et 100 fois
celles de l’atmosphère terrestre mesurée au sol, permettent l’existence d'eau
liquide sur une exoplanète pourvu que l’insolation de la planète soit assez
faible.
« L’hydrogène moléculaire étant un gaz à effet
de serre très efficace à haute pression, il permet même de considérer le cas d’exoplanètes
habitables loin de leurs étoiles hôtes. »
Aparté : Si en plus du CO2 qui, plus dense
que l’atmosphère plonge dans les forêts et les océans, il faut aller rechercher
du H2, le gaz le moins dense pour éviter le réchauffement climatique
par effet de serre, on n’a pas fini… de ce que j’en pense !
Mais sommes-nous certains que la vie ne peut vraiment
se développer que dans une atmosphère dominée par l’azote et l’oxygène ? « Nous
sommes certains du contraire puisque la vie prédate l’accumulation d’oxygène
dans l’atmosphère.
La Terre s’est formée en environ 100 millions d’années.
Le disque protoplanétaire ne persiste pas au-delà de 10 millions d’années.
Donc, la Terre n’a pas pu accréter du gaz de la
nébuleuse.
Les planètes géantes, elles, se forment très vite, d’une
façon encore mal comprise.
Pour qu’une superterre possède une atmosphère épaisse
d’hydrogène capturée à la nébuleuse, il faut qu’elle se forme également très
vite !
Ce qui est possible : Elles pourraient se former comme
une géante mais son grossissement est avorté pour une raison ou une autre. Par
exemple, la dissipation du disque. »
Alors, du nouveau dans l’article de Nature astronomy ?
En fait, pas vraiment. « Cela fait longtemps
que l’on a fait des expériences similaires avec des micro-organismes sous des
atmosphères différentes. On a constaté d’ailleurs que ces micro-organismes
pouvaient s’adapter en changeant de métabolisme à partir du moment où ils
disposaient d’eau et de sources de nourriture.
On ne sait pas vraiment s’il s’agit d’une mémoire de l’histoire
primitive de l’apparition de la vie, une hypothèse tout de même peu probable
car on ne voit pas bien, étant donné la façon dont fonctionne l’évolution,
comment ces capacités auraient pu perdurer pendant des milliards d’années alors
que les conditions d’apparitions de la vie sur la Terre primitive ont disparu.
Cette capacité de changer de métabolisme pourrait donc
être héritée des divers environnements possibles sur la Terre actuelle. »
Notons que dans les expériences qui ont été faites,
les micro-organismes sont mis en culture donc avec de l’eau, ce qui veut dire
qu’on ne doit pas en fait considérer des atmosphères purement d’hydrogène
moléculaire : Il doit aussi y avoir de la vapeur d’eau.
Autre problème : « Pour avoir une atmosphère
d’hydrogène suffisamment épaisse pour que l’on puisse espérer l’analyser avec
les instruments bientôt disponibles, il faut qu’elle soit suffisamment chaude,
au point que de l’eau liquide ne puisse plus exister et donc la vie telle que
nous la connaissons.
Enfin, que des micro-organismes sous une atmosphère d’hydrogène
puissent produire des petites molécules organiques simples n’implique pas du
tout que l’on puisse vraiment se servir de ces molécules comme des
biosignatures fiables. Comme je l’avais expliqué, de telles biosignatures n’ont
rien d’évident. »
Pour résumer, soit on détermine la composition d’une
atmosphère en ses composants simples principaux et on démontre que cette
composition n’est pas explicable par de seuls processus planétaires abiotiques
(irradiation par les UV stellaires, dégazage volcanique), soit on détecte une
biomolécule complexe, disons une molécule de chlorophylle, qui elle-même ne
peut être le résultat que d’une synthèse biologique car on ne verrait vraiment
pas comment elle pourrait avoir été synthétisée par des processus abiotiques,
ce qui n’est pas le cas du méthane par exemple.
D’autant que la science sait déjà qu’on peut avoir de
l’eau liquide sous une atmosphère d’hydrogène à haute pression pour une planète
très peu irradiée, voire chauffée par en-dessous par son seul flux de chaleur
interne !
« Et ça c’est un article de l’immense Dave
Stevenson qui l’explique dès 1999 donc bien avant l’article de Sara Seager (celle
de l’article repéré pour vous) qui n’est donc pas la première à envisager
que la vie pourrait exister sur une exoplanète avec une atmosphère d’hydrogène.
Et il ne faut pas oublier non plus des centaines de
biologistes pour ce qui est du recensement des métabolismes existant chez les
bactéries et archées. »
Autrement dit, rien de nouveau et on n’en saura pas
plus tant que les nouveaux outils ne sont pas mis en orbite.
Personnellement, je rassure « la science »
et ses chercheurs : Les formes de vie, même développée telle que celles qu’on
connaît sur notre planète, il en existe des dizaines de millions différentes
sur autant de « cailloux » différents, non seulement à travers la
galaxie, mais dans toutes les galaxies de l’univers.
J’en veux pour preuve les « Krabitz » qui
sont apparus assez mystérieusement sur mon ancien blog en 2008 : Des « touffes
d’herbe ».
Même que j’ai trouvé assez sublime de rajouter trois
chapitres à ce laïus à l’occasion de l’épisode « Ultime
récit » des « Enquêtes de Charlotte ».
Étais-je « guidé » ou non, ce volume
sera-t-il repris par Alexis Dubois, la « biographe officielle » de « Charlotte » ?
Pour l’heure, je n’en sais rien…
Bon dimanche de déconfinement à toutes et tous !
Ne faites pas de folies, « ils » vous
menacent déjà de reconfinement…
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